EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est aujourd'hui saisi, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi relatif à la nationalité, adopté par l'Assemblée nationale le 28 novembre 1997.

Moins de cinq ans après le vote de la loi du 22 juillet 1993 réformant le droit de la nationalité, le projet de loi présenté par le Gouvernement tend à remettre en cause le fondement de cette réforme, à savoir l'exigence d'une manifestation de volonté, entre 16 et 21 ans, pour l'acquisition de la nationalité française par les jeunes nés en France de parents étrangers.

En effet, il nous est proposé de revenir au principe d'une acquisition automatique de la nationalité française par ces jeunes à l'âge de leur majorité, qui prévalait avant la réforme de 1993, les conditions de résidence en France traditionnellement exigées étant par ailleurs assouplies.

L'acquisition de la nationalité française pourrait en outre être anticipée par une démarche volontaire de l'intéressé lui-même à partir de l'âge de 16 ans, ou de ses parents en son nom et avec son consentement personnel, dès l'âge de 13 ans, ainsi que l'a souhaité l'Assemblée nationale.

Tel est le coeur du dispositif du projet de loi, auquel l'Assemblée nationale a ajouté un certain nombre de dispositions diverses et qui comprend en outre quelques aménagements techniques tendant notamment à faciliter la preuve de la nationalité française.

A la lumière des riches informations recueillies au cours d'une journée d'auditions publiques 1( * ) , votre commission des Lois s'est interrogée tant sur la nécessité que sur l'opportunité d'une nouvelle réforme du droit de la nationalité.

I. CE PROJET DE LOI EST-IL NÉCESSAIRE, QUI PLUS EST EN URGENCE ?

A l'appui d'une nouvelle réforme, le Gouvernement invoque, d'une part, un prétendu retour à la tradition républicaine du droit du sol et, d'autre part, les difficultés d'application de la loi du 22 juillet 1993.

Ces arguments ont-ils quelque fondement ?

A. LE DROIT DU SOL ISSU DE LA TRADITION RÉPUBLICAINE N'A AUCUNEMENT ÉTÉ REMIS EN CAUSE EN 1993

Contrairement à ce qui est trop fréquemment affirmé, le droit du sol n'a pas été modifié, dans son principe, par la réforme de 1993 qui s'était inspirée des propositions largement consensuelles de la Commission de la nationalité réunie en 1987 sous la présidence de M. Marceau Long.

1. Le droit du sol n'a pas été modifié dans son principe

En dépit des interprétations confuses qui ont pu en être faites, la loi du 22 juillet 1993 n'a pas mis en cause le droit des jeunes nés en France de parents étrangers à acquérir la nationalité française.

En effet, ainsi que le reconnaît lui-même M. Patrick Weil 2( * ) dans un rapport intitulé " Des conditions d'application du principe du droit du sol pour l'attribution de la nationalité française ", réalisé à la demande du Gouvernement et dont les propositions ont servi de base à l'élaboration du présent projet de loi : " La tradition républicaine du droit du sol est, depuis 1889, fondée sur un principe : l'enfant né en France d'un parent lui-même né en France est Français à la naissance, car deux générations nées sur le sol de France ont permis une totale assimilation ; en outre, l'enfant né en France de parents étrangers non nés en France est Français à sa majorité c'est-à-dire au moment où, grâce notamment à l'école, l'influence de la société est censée l'emporter sur celle éventuellement contraire de la famille. Or, ce principe n'a pas été mis en cause par la nouvelle loi puisque cet enfant a toujours le droit de devenir Français ".

Saisi d'un recours contre la loi votée par le Parlement en 1993, le Conseil constitutionnel a d'ailleurs reconnu que cette loi n'avait pas contrevenu à un principe fondamental reconnu par les lois de la République, dans une décision n° 93-321 DC du 21 juillet 1993 aux termes de laquelle : " Considérant que la loi déférée dispose que l'acquisition de la nationalité française doit faire l'objet d'une manifestation de volonté de la part de l'intéressé ; que s'agissant d'une telle condition mise à l'acquisition de la nationalité française par l'effet de la naissance sur le territoire français, il était loisible au législateur de l'édicter sans porter atteinte à un principe de valeur constitutionnelle ".

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