B. LES MESURES PROPOSÉES PAR LE GOUVERNEMENT

1. Les mesures correctives sur l'équilibre tendanciel ont un impact très limité

a) Régime général

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, et M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé, ont annoncé, lors de la Commission des comptes de la sécurité sociale, un certain nombre de mesures, respectant le solde tendanciel : 4,8 milliards de francs de dépenses supplémentaires sont financés par 4,8 milliards de francs de recettes affectés au régime général.

Ces mesures sont principalement liées à la prise en compte des orientations de la Conférence de la famille du 12 juin 1998 (dégradation de l'excédent famille) et à un transfert comptable du FSV vers la CNAVTS.

Préalable méthodologique

Les comptes sont, dans le cadre des annexes du projet de loi de financement, parfois présentés en emplois et en ressources, parfois en recettes et dépenses, d'où des différences ( cf première partie ). Il est à noter que la page 28 de l'annexe C du projet de loi , qui indique l'impact des mesures du projet de loi sur les branches du régime général, ne donne qu'un résultat d'une variation des soldes. Votre rapporteur s'est attaché, comme l'an dernier, à retracer les recettes et les dépenses de chaque branche du régime général à partir des comptes tendanciels fournis en Commission des comptes. De très légers écarts peuvent apparaître avec les tableaux fournis à la page 96 de l'annexe C, consacrée aux comptes résumés du régime général 1997 - 2001, sans conséquences sur les soldes.

La " nouveauté " de la page 28 de l'annexe C du projet de loi concerne la ligne " Variation produits/frais financiers et ajustements cotisations prises en charge ". Il s'agit des conséquences financières des mesures du projet de loi : de moindres frais financiers pour la branche vieillesse, en raison d'un déficit moins important, de moindres produits financiers pour la branche famille, en raison d'un excédent moins important. Les " cotisations prises en charge " seraient celles des rapatriés.

Les comptes des branches du régime général s'établissent en recettes et en dépenses de la manière suivante :


CNAMTS
maladie

1998

Tendanciel 1999

Mesures

Effet mesures sur frais financiers

PLFSS
1999

Recettes

584.393

602.061

+ 870

 

602.931

Dépenses

592.909

601.736

+ 1.190

+ 10

602.936

Solde

- 8.516

325

- 320

- 10

- 5

Les recettes supplémentaires sont liées à l'attribution à la CNAM d'un excédent de CSG (750 millions de francs), à la rationalisation sur l'exonération de cotisations sociales du premier salarié (60 millions de francs) et à des mesures permettant un meilleur recouvrement des contributions sociales (60 millions de francs).

Les dépenses supplémentaires de la branche recouvrent un certain nombre de mesures disparates (prise en charge des CHAA, création du fonds d'aide à la qualité des soins, revalorisation des pensions, etc.) 59( * ) .


CNAMTS accidents du travail

1998

Tendanciel 1999

Mesures

Effet mesures sur produits financiers

PLFSS
1999

Recettes

46.083

46.962

+ 10

- 10

46.962

Dépenses

44.330

45.008

+ 650

 

45.658

Solde

1.754

1.953

- 650

- 10

1.304

Les dépenses supplémentaires de la branche accidents du travail sont liées à l'indemnisation des pneumoconioses et lombalgies (+ 200 millions de francs), à la modification de la prescription biennale (+ 150 millions de francs), à la mensualisation des rentes accidents du travail (+ 150 millions de francs) et à la revalorisation des pensions d'invalidité (+ 1,2 % au lieu de + 0,7 %).

La revalorisation des pensions de retraite accentue l'augmentation des dépenses de la branche vieillesse (+ 1,81 milliard de francs).

Un transfert du FSV permet de dégager 3,8 milliards de francs de recettes supplémentaires 60( * ) .


CNAVTS

1998

Tendanciel 1999

Mesures 1999

Effet mesures sur frais financiers

PLFSS
1999

Recettes

380.811

393.092

+ 3.860

 

396.952

Dépenses

386.405

399.069

+ 1.810

- 60

400.819

Solde

- 5.593

- 5.977

+ 2.150

 

- 3.867

Pour la CNAF, le solde de 1,2 milliard de dépenses nettes supplémentaires résume des opérations complexes, résultant de la prise en charge par le budget général de l'allocation parent isolé en échange du retour à l'universalité des allocations familiales, ainsi que d'un certain nombre d'améliorations de prestations, partiellement gagées par des économies 61( * ) .


CNAF

1998

Tendanciel 1999

Mesures 1999

Effet mesures sur produits financiers

PLFSS
1999

Recettes

254.141

257.570

+ 40

- 20

257.590

Dépenses

255.088

253.518

+ 1.200

 

254.718

Solde

- 947

4.052

- 1.150

 

2.872

L'examen des comptes du régime général, après correction, apparaît selon le tableau suivant :

Le régime général - comptes en recettes/dépenses

en millions de francs

LFSS 1998

LFSS 1998 (estimations)

Tendanciel 1999

Mesures

Variations financières

PLFSS 1999

Recettes

1.253.591

1.265.429

1.299.684

4.780

- 30

1.304.434

Dépenses

1.265.479

1.278.731

1.299.332

4.850

- 50

1.304.132

Solde

- 11.888

- 13.303

+ 352

- 70

+ 20

+ 302

Le cadre comptable emplois/ressources utilisé par l'annexe C du projet de loi de financement 62( * ) s'établit de la manière suivante :

Le régime général en emplois ressources

en millions de francs

1998

1999

Ressources

1.255.669

1.298.869

Emplois

1.265.696

1.295.657

Solde des opérations courantes

- 10.027

3.212

Solde des opérations en capital

- 3.276

- 2.914

Variation fonds de roulement

- 13.303

298

Source : annexe C du projet de loi, p. 27

L'équilibre global repose sur une forte progression des recettes.

Par rapport aux " mesures votées " en 1998, le régime général bénéficiera de 51 milliards de francs de recettes supplémentaires : 46 milliards de francs d'évolution spontanée et 4,8 milliards de francs de recettes supplémentaires (mesures correctives).

Cette " marge de manoeuvre ", produit conjugué d'une prévision de croissance forte et des hausses d'impôts décidées dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, est affectée à hauteur de :

- 12,2 milliards de francs (24 %) pour réduire le déficit,

- 38,6 milliards de francs (77 %) pour couvrir la progression des dépenses.

Evolutions des recettes et des dépenses 1998-1999

 

(1)

LFSS 1998

(2)

1998 Estimations

(3)

PLFSS 1999

(3)/(1)

Variation apparente

(3)/(2)

Variation réelle

Recettes

1.253.591

1.259.129

1.304.434

4,06 %

3,60 %

Dépenses

1.265.479

1.272.431

1.304.132

3,05 %

2,49 %

N.B. - Hors majoration de l'allocation de rentrée scolaire pour l'estimation 1998 (6,3 milliards de francs).

La variation " réelle " montre une augmentation de 3,60 % des recettes et de 2,49 % des dépenses.

Le contenu de l'équilibre repose sur les excédents des branches famille et accidents du travail. L'équilibre " corrigé " n'est donc pas fondamentalement différent de l'équilibre " tendanciel ".

Contenu de l'équilibre du régime général en 1999
après mesures de correction


CNAM - Maladie

- 5

CNAM - Accidents du travail

+ 1.304

CNAV

- 3.867

CNAF

+ 2.872

Solde global

+ 304

b) Prévisions de recettes et objectifs de dépenses

Les prévisions de recettes par catégorie sont supérieures de 76 milliards de francs à celles votées en 1998.

Prévisions de recettes par catégorie en 1999

 

LFSS 1998
(1)

Prévisions 1998
(2)

PLFSS 1999
(3)

Evolution
(3)/(1)

Evolution réelle
(3)/(2)

Cotisations effectives

1.034,1

1.045,7

1.062,9

2,79 %

1,64 %

Cotisations fictives

186,9

186,8

194,8

4,23 %

4,28 %

Contributions publiques

62,0

67,3

63,8

2,90 %

-5,20 %

Impôts et taxes affectés

403,0

399,6

438,6

8,83 %

9,76 %

Transferts reçus

4,6

4,8

4,9

6,52 %

2,08 %

Revenus des capitaux

1,3

1,4

1,4

7,69 %

0,00 %

Autres ressources

31,1

32,2

32,7

5,14 %

1,55 %

Total recettes

1.723,0

1.737,8

1.799,1

4,42 %

3,53 %

L'évolution de certaines catégories de recettes retient particulièrement l'attention.

Les cotisations fictives ont un rythme d'augmentation nettement supérieur aux cotisations effectives , alors qu'elles devraient suivre normalement une évolution similaire. Cette ligne montre, en fait, la forte participation de l'Etat au financement des régimes spéciaux.

Les impôts et taxes affectés augmentent de 8,83 % par rapport à la prévision de 1998. Cette évolution importante résulte de la prévision de croissance. Elle montre l'effet mécanique des dispositions prises en 1997 et en 1998 (substitution CSG/cotisations maladie). L'assiette CSG est beaucoup plus réactive à la croissance que l'assiette cotisations.

Les contributions publiques comportent, sur la prévision 1998, la majoration de l'allocation rentrée scolaire, non inscrite en loi de financement initiale, d'où la baisse " réelle " observée en 1999.

Ce poste est, par ailleurs, fortement affecté par le financement par l'Etat, à partir du 1 er janvier 1999, de l'allocation de parent isolé (API), pour 4,2 milliards de francs 63( * ) .

La prévision tendancielle de recettes pour 1999 64( * ) montrait une baisse par rapport au montant inscrit en loi de financement pour 1998 (de 62,0 milliards de francs à 59,6 milliards de francs), en raison, principalement, de la diminution de la subvention d'équilibre au BAPSA (de 7,8 milliards de francs à 4,9 milliards de francs).

Les recettes de la sécurité sociale pour 1999 augmentent de 3,53 %, alors que les dépenses augmentent de 2,43 %. Ce rythme d'augmentation reste inférieur à celui du PIB (3,8 en valeur en 1999, selon les hypothèses retenues par le Gouvernement).

 

PIB en valeur

Prévisions de recettes

Objectifs de dépenses

1998

4,40

4,40

2,83

1999

3,80

3,53

2,43

Hors majoration de l'allocation de rentrée scolaire, les recettes progressent pour 1999 à un rythme de 3,90 %, tandis que les dépenses progressent de 2,86 %.

L'effet des mesures correctives sur les comptes de l'ensemble de la sécurité sociale -obtenues en comparant les objectifs de dépenses du projet de loi aux objectifs tendanciels - est d'un surcroît de 9,5 milliards de francs de dépenses, se répartissant comme suit :

- 1,3 milliard de francs pour la branche maladie ;

- 0,7 milliard de francs pour la branche accidents du travail ;

- 2,1 milliards de francs pour la branche vieillesse (revalorisation des pensions à 1,2 % au lieu des 0,7 % envisagés en tendanciel) ;

- 5,5 milliards de francs pour la branche famille (retour à l'universalité des allocations familiales et autres mesures " positives " annoncées lors de la Conférence de la famille du 12 juin 1998).

Objectifs de dépenses par branche en 1999

 

LFSS 1998 (1)

Prévision 1998 (2)

Tendanciel 1999

PLFSS 1999 (3)

Evolution 1999/1998 (3) / (1)

Evolution 1999/1998 (3)/(2)

Maladie

678,5

686,0

696,4

697,7

2,83 %

1,58 %

Accidents du travail

50,8

51,1

52,3

53,0

4,33 %

3,68 %

Vieillesse

755,0

755,2

779,0

781,1

3,46 %

3,32 %

Famille

246,9

246,7

251,5

257,0

4,09 %

4,17 %

Total dépenses

1.731,2

1.739,0

1.779,3

1.788,8

3,33 %

2,86 %

N.B. La prévision 1998 est hors majoration de l'allocation rentrée scolaire.

Les dépenses de la branche vieillesse augmentent nettement plus rapidement que les dépenses de la branche maladie. Elles représentent désormais 43,6 % du total, contre 39 % pour la branche maladie-maternité-invalidité-décès et 14,7 % pour la branche famille.

En 1995, les dépenses vieillesse représentaient 40,8 % du total des dépenses, contre 39,7 % pour la branche maladie-maternité-invalidité-décès et 16,4 % pour la branche famille.

Le processus de l'augmentation des dépenses vieillesse -avant même l'arrivée à la retraite des générations du " baby boom "- est déjà largement engagé.

Les autres régimes de sécurité sociale se retrouvent à peu près tous à l'équilibre en 1999.

Cette notion d'équilibre n'a pas exactement le même sens que dans le régime général.

•  Des régimes sont équilibrés par la subvention de l'Etat : exploitants agricoles, fonds spécial des ouvriers de l'Etat, Mines, SNCF, Marins ;

•  Des régimes spéciaux bénéficient des " cotisations fictives " : fonctionnaires civils et militaires, EDF-GDF, des employeurs publics, SNCF, RATP, Banque de France ;

•  Des régimes peuvent bénéficier de l'affectation de taxes. En cas de croissance économique, ils reviennent naturellement à l'équilibre : CANAM (avec les excédents de CSG et des droits sur les alcools), ORGANIC et CANCAVA (avec la C3S).

Il convient d'ajouter que ces régimes de base, pour la plupart, gèrent principalement ou uniquement l'assurance vieillesse 65( * ) .

A ce titre, soit ils bénéficient d'un rapport démographique favorable et contribuent à la compensation (CNRACL, CNAVPL), soit ils n'en bénéficient pas et reçoivent des transferts importants dus à la compensation (Régime des cultes, SNCF, Marins).

La croissance explique le retour à l'équilibre, comme en témoigne le tableau rapprochant les recettes par catégorie des objectifs de dépenses par branche.

Tableau de l'équilibre global de la sécurité sociale

 

Réalisations 1997

Estimations 1998

PLFSS
1999 (1)

Recettes par catégorie

1.664,5

1.737,8

1.799,2

Dépenses régimes
+ 20.000 cotisants

1.695,2

1.745,3

1.788,8

Estimation des dépenses régimes
- 20.000 cotisants

2,6

2,5

2,5

Sous total dépenses

1.697,8

1.747,8

1.791,3

Solde

- 33,3

- 10,0

+ 7,9

(1) Texte initial

2. La politique gouvernementale laisse planer une incertitude de plus sur l'équilibre des comptes

La politique menée par le Gouvernement, riche d'ambiguïtés, laisse planer des incertitudes sur l'équilibre des comptes sociaux. Deux exemples principaux :

- les trente-cinq heures ;

- les emplois-jeunes.

a) La loi d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail

L'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale affirme solennellement : " toute mesure d'exonération, totale ou partielle, de cotisations de sécurité sociale, instituée à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, donne lieu à compensation intégrale aux régimes concernés par le budget de l'Etat pendant toute la durée de son application ".

Pourtant, le Gouvernement avait tenu à annoncer, dès l'exposé des motifs du projet de loi sur la réduction du temps de travail et l'étude d'impact jointe au projet, que cette règle ne serait pas respectée :

" Afin de tenir compte des rentrées de cotisations que l'aide à la réduction du temps de travail induira pour les régimes de sécurité sociale, cette aide donnera lieu, à compter du 1 er janvier 1999, à un remboursement partiel de la part de l'Etat aux régimes concernés. Cette disposition figurera dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, après concertation avec les partenaires sociaux sur le taux de cette compensation " 66( * )

" A l'horizon 1999, et pour le futur système d'abattement structurel des cotisations, les retours financiers qu'enregistrent les régimes de sécurité sociale, et l'UNEDIC justifient d'examiner avec les partenaires sociaux l'affectation de ces " retours ". Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 prévoira à cet égard un remboursement partiel de l'aide par l'Etat aux régimes concernés, selon des modalités et un taux qui seront établis de façon concertée ". 67( * )

Cette démarche n'a toutefois pas convaincu les caisses de sécurité sociale qui ont en conséquence émis un avis négatif sur le projet de loi le 2 décembre 1997 pour la CNAF et le 3 décembre 1997 pour la CNAMTS.

Comme l'expliquait votre rapporteur du projet de loi d'orientation et d'incitation à la réduction du temps de travail, notre excellent collègue M. Louis Souvet 68( * ) , la démarche du Gouvernement n'est pas convaincante pour trois raisons :

" Elle remet en cause tout d'abord un principe nécessaire à une gestion saine et responsable de la sécurité sociale dans la perspective nécessaire d'un retour à l'équilibre de ses comptes. Dès lors que toute exonération de cotisations décidée par l'Etat -du moins faut-il l'espérer- a un objectif d'intérêt général, le principe de " solidarité " évoqué par le Gouvernement pourra toujours justifier la non-application du principe de la compensation intégrale.

En second lieu, la comptabilité " administrative " des emplois créés ne prendra en compte ni les effets d'aubaine, ni les emplois détruits. Elle ne prendra pas davantage en compte l'effet sur les ressources de la sécurité sociale d'une moindre progression de la masse salariale imputable à la " modération " des rémunérations qui, selon les experts, est l'une des conditions des créations d'emplois. Seules seront prises en compte ces créations d'emplois et non l'effort demandé aux salariés en place qui se traduira pourtant par un tassement des cotisations.

La clarification des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale, que votre commission appelait de ses voeux lors de l'examen de la loi de financement pour 1998, n'en sortira pas à l'évidence renforcée.

Comment, dans ces conditions, exiger des gestionnaires des caisses, de leurs personnels, des assurés et des professionnels, l'effort de rigueur indispensable au redressement financier de la sécurité sociale ?
"

Ce principe inédit depuis la loi de 1994 d'une neutralité scrupuleuse de la compensation, grâce à un calcul méticuleux des " retours " attendus par la sécurité sociale, gagnerait en crédibilité s'il s'appliquait à l'ensemble des exonérations de charges, et donc aux dispositifs antérieurs à la loi de 1994, qui restent non compensés et dont le coût est évalué à 17 milliards de francs.

Le Gouvernement a fixé, dans le projet de loi de finances pour 1999, à 3,5 milliards de francs l'enveloppe nécessaire au financement des allégements de charges. A cette somme, s'ajouterait un " reliquat " de l'exercice 1998, évalué entre 1,5 et 2 milliards de crédits non consommés dans la loi de finances pour 1998.

Les chiffres du ministère de l'emploi et de la solidarité, datant de la fin du mois d'août 1998, faisaient état de 150 accords signés, 127 dans le cadre d'une version " offensive " de la loi, permettant la création de 1.750 emplois, 23 dans le cadre d'une version " défensive ", permettant de sauvegarder 428 emplois. La volonté du Gouvernement de créer 35.000 emplois d'ici à fin 1998 apparaît d'ores et déjà contredite par les faits.

Par ailleurs, 2 à 3 milliards de francs devaient reposer sur les régimes sociaux, pour arriver à une enveloppe de 7,5 milliards de francs.

Selon les estimations du ministère de l'emploi, cette somme permettrait le passage aux 35 heures de 1,5 million de salariés. Pour le Gouvernement, ce chiffre n'est qu'une estimation et non un objectif. Les aides à la réduction du temps de travail étant conditionnées à une augmentation des effectifs de 6 %, il est possible de déduire que ces 7,5 milliards de francs pourraient créer -ou sauvegarder- 90.000 emplois.

Les estimations du Gouvernement portant sur les années 1998-1999 sont donc de 125.000 emplois créés ou sauvegardés.

Mme Martine Aubry a fait état d'une estimation de " retours " pour la sécurité sociale de l'ordre de 32 %. Cette estimation aurait été effectuée à l'occasion des " études sur les exonérations accordées aux entreprises qui réalisent les 35 heures " 69( * ) . Elle a réaffirmé le principe selon lequel l'Etat était fondé à ne rembourser que deux tiers des exonérations de charges.

La Commission des comptes de la sécurité sociale a retenu pour principe que l'incidence de la réduction du temps de travail était considérée comme neutre sur les encaissements : " La compensation par l'Etat au Régime général des pertes de cotisations liées aux abattements de cotisations patronales n'a pas non plus été intégrée dans le poste cotisations prises en charge. Il a été fait l'hypothèse pour ce compte que les suppléments de recettes générés en 1999 par les emplois créés neutraliseraient les pertes de cotisations nettes des compensations prévues par l'Etat " 70( * ) .

Si la ministre de l'emploi et de la solidarité n'a pas renoncé à une compensation qui ne serait que partielle des exonérations de charges, elle ne l'a pas pour autant inscrit dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, comme le laissait prévoir tant l'exposé des motifs que l'étude d'impact du projet de loi d'orientation et d'incitation à la réduction du temps de travail. Ainsi, Mme Martine Aubry a pu déclarer à l'Assemblée nationale : " En ce qui concerne la durée du travail (...), pour l'instant, nous nous en tenons à la compensation liée à la loi de 1994. Nous dresserons un bilan de l'application de la loi à mi-année avec les partenaires patronaux et syndicaux et nous verrons alors si nous devons changer les règles " 71( * ) .

En l'absence de tout dispositif législatif modifiant " les règles ", votre commission considère que la compensation intégrale, dans le cadre des 35 heures, continue à s'appliquer en 1999. Elle s'en félicite.

L'article 12 portant prévisions des objectifs de recettes doit être, en conséquence modifié. La ligne " cotisations effectives ", sur laquelle s'imputent les exonérations de charges compensées, doit être majorée d'un montant de 2,5 milliards de francs.

Votre commission appelle ainsi l'attention du Gouvernement sur le fait qu'une remise en cause de ce principe en cours d'année justifierait une loi de financement rectificative.

b) Les emplois-jeunes

La prévision d'un succès des emplois-jeunes a des conséquences non négligeables vis-à-vis de la prévision de croissance de masse salariale. Les hypothèses du Gouvernement tablent en effet sur une réussite du plan emplois-jeunes 72( * ) .

Un bilan daté de fin juin 1998 faisait état du recrutement de 66.000 jeunes, dont 33.000 par les établissements scolaires, 5.000 par la police nationale et 28.000 dans les collectivités locales, les associations et les entreprises. Un bilan du 30 septembre 1998 établissait le nombre d'embauchés à 88.855 et le nombre d'emplois créés à 138.250, la différence s'expliquant officiellement par les délais longs entre la date de création de l'emploi et son recrutement. Le taux de démission dans l'éducation nationale est de l'ordre de 10 %. Des premières grèves ont eu lieu à Paris.

Si le ministère de l'emploi espère passer le cap des 150.000 emplois créés d'ici la fin de l'année 1998, il est clair que les emplois-jeunes ne font pas recette en entreprise, et vont représenter une sous-fonction publique, bombe à retardement pour les gouvernements de l'après 2002.

3. L'absence de réformes structurelles

a) La réforme des cotisations patronales est enlisée par l'accumulation de " diagnostics "

Le présent projet de loi se caractérise par une grande absence : la réforme des cotisations patronales. Le dernier paragraphe de l'introduction du rapport annexé à l'article premier du projet de loi est une déclaration de principe : " Enfin, la politique du Gouvernement en matière de sécurité sociale doit s'inscrire dans la politique générale qu'il conduit en faveur de l'emploi. Après la réforme des cotisations salariés entreprise dès 1998 73( * ) , le Gouvernement souhaite engager une réforme des cotisations patronales favorable à l'emploi. "

Un débat ancien

La longue liste de rapports sur la réforme des cotisations patronales 74( * ) pourrait inviter à un certain pessimisme. Ces rapports ont néanmoins permis de poser un double constat sur le financement de la sécurité sociale :

1- un décrochage sur les quinze dernières années entre l'évolution de la masse salariale et celle de la richesse nationale

Entre 1981 et 1996, la masse salariale a évolué en moyenne annuelle de 0,7 point en dessous du PIB. Sur les sept dernières années (1991-1997), la masse salariale a évolué en moyenne annuelle de 0,4 point en dessous du PIB.

Evolution en valeur de la masse salariale et du PIB 1991 - 1997

en %

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

Masse salariale

4,0

3,4

0,4

2,1

4,0

3,1

3,2

PIB

4,1

3,3

1,1

4,4

3,7

2,7

3,4



Cette situation a trois explications :

- la politique de modération salariale ;

- la hausse du chômage ;

- la hausse des taux d'intérêt.

La masse salariale subit de manière très importante les dépressions conjoncturelles (1993). En revanche, elle réagit avec retard à l'augmentation de production (1994).

2- un renchérissement du coût relatif du travail par rapport au facteur capital

L'assise des cotisations sur la masse salariale incite le chef d'entreprise à remplacer les hommes par les machines. Elle pénalise les industries à bas salaire (industries de main d'oeuvre).

A la suite d'une demande du Parlement fin 1973 de rechercher " un aménagement de l'assiette des charges sociales assumées par les entreprises pour tenir compte de l'ensemble des éléments d'exploitation ", différents rapports vont examiner la possibilité d'une taxation de la valeur ajoutée. Le rapport du comité des revenus et des transferts indiquait dès 1976 qu'une assiette élargie présente " plus d'inconvénients que d'avantages ". Les conclusions du rapport Malinvaud (1998) ne constituent pas, de ce point de vue, une nouveauté.

La réforme des cotisations patronales : une longue série de rapports

1974 Rapport de Léon Boutbien, (Conseil économique et social)

1975 Rapport de la commission Granger (ministère du travail)

1976 Rapport du comité des revenus et des transferts du VIIème Plan

1978 Rapport Ripert (Commissariat Général du Plan)

1981 Rapport Maillet (Direction de la Sécurité sociale)

1982 Rapport de Castries (Inspection générale des finances)

1982 Rapport Peskine (ministère de la solidarité nationale)

1983 Rapport Bazy-Malaury et Buisson de Courson

1994 Rapport Foucault (Commissariat général du Plan)

1996 Rapport du groupe de travail sur la réforme des

prélèvements obligatoires (rapport La Martinière)

1997 Rapport de M. Jean-François Chadelat

1998 Rapport de M. Edmond Malinvaud



Les rapports des années soixante-dix sont les premiers à poser la question du financement au travers des charges pesant sur les entreprises de main d'oeuvre : le déplafonnement des cotisations en a été une conséquence directe.

Les rapports les plus récents ont permis de déterminer qu'il n'existe pas de réforme parfaite du financement de la sécurité sociale et d'insister sur la nécessité d'une approche globale des prélèvements sur les ménages et les entreprises.

Le rapport de M. Jean-Baptiste de Foucault (1994) affirme " qu'il n'existe pas d'assiette miracle qui à elle seule permettrait de garantir l'équilibre financier du système de protection sociale (...) Il serait donc vain d'espérer pérenniser le système, si le rythme de croissance des dépenses sociales devait évoluer durablement et sensiblement plus vite que le PIB "

Le rapport de M. Dominique de la Martinière (1996) montre la nécessité de disposer d'une vue globale, par le recours au concept de prélèvements obligatoires.

La France, les prélèvements obligatoires et les prélèvements sociaux

Dans la structure des prélèvements, l'originalité française n'est plus, comme on l'a longtemps dit, dans les impôts indirects, mais dans le poids respectif de l'impôt sur le revenu et des charges de sécurité sociale. La France a compensé la faiblesse de l'impôt sur le revenu par les cotisations de sécurité sociale.

Selon les données statistiques de l'OCDE sur les recettes fiscales publiques en 1997 75( * ) , le taux des prélèvements obligatoires (impôts + cotisations sociales) a atteint 46,1 % du PIB en France, contre 37,7 % pour la moyenne des pays membres de l'OCDE et 42,4 % par rapport à la moyenne des membres de l'Union européenne.

Si l'on considère les seuls prélèvements sociaux, la France se place en tête avec 19,7 % du PIB. Sur ce plan, les écarts entre les résultats français et ceux des principaux pays développés sont très significatifs : les cotisations sociales représentent 15,5 % du PIB allemand, 14,8 % du PIB italien, 6,2 % du PIB anglais. La moyenne des pays membres de l'Union européenne se situe à 12,2 %. Il est néanmoins nécessaire de nuancer cette première place : la comparaison est difficile. L'OCDE est d'ailleurs en train de mettre au point des indicateurs de dépenses sociales nettes 76( * ) .

En effet, des dépenses fiscales ont un caractère social, alors qu'elles sont classées dans les dépenses de l'Etat : allégements fiscaux à caractère social (cotisations patronales d'assurance maladie, régimes de retraite privés), dépenses privées obligatoires, imposition directe des transferts sociaux, taxation indirecte de la consommation issue des prestations.

Le Premier ministre s'est déclaré résolu à aller plus loin dans la baisse des prélèvements obligatoires, lors d'une intervention devant l'assemblée plénière du Conseil économique et social : " Grâce au retour de la croissance, le taux de prélèvement obligatoire va baisser en 1998 ".

Le rapport Chadelat a montré les possibilités et les limites d'une taxation de la valeur ajoutée

En 1996, lorsque le gouvernement de M. Alain Juppé confie à M. Jean-François Chadelat une mission sur cette question, c'est pour tenir compte à la fois du basculement d'une partie des cotisations salariales maladie sur une CSG élargie et de la perspective de l'assurance maladie universelle. M. Jean-François Chadelat a rédigé une note sur l'état des réflexions et travaux antérieurs -intitulée " note de problématique "- et a rencontré courant mars 1997 tous les partenaires sociaux.

Le rapport a écarté tout d'abord la piste d'une cotisation assise sur le chiffre d'affaires, dans la mesure où elle conduirait à une taxation en cascade des intermédiaires (par exemple, pénalisation du petit commerce de détail par rapport aux distributeurs). Autre solution écartée, celle d'un élargissement aux immobilisations brutes, dans la mesure où il risquerait d'avoir un effet négatif sur l'investissement, et donc sur l'emploi, tout en conduisant à une taxation sans lien avec les résultats de l'entreprise. La solution de la taxation de la valeur ajoutée a été ainsi préférée. Mais le rapport a rappelé sans détours les inconvénients et l'ensemble des problèmes posés par cette nouvelle assiette.

Avantages, inconvénients et difficultés d'une cotisation assise sur la valeur ajoutée

Avantages

- progression identique au PIB marchand, par définition

(PIB marchand = somme des valeurs ajoutées)

- ralentissement de la substitution du capital au travail

Inconvénients

- défavorable à l'investissement

- défavorable à l'esprit d'entreprise

- risques de délocalisation (rapport La Martinière, p.46-47)

Difficultés

- définition de la valeur ajoutée

- organisme de recouvrement (URSSAF ou administration fiscale)

- déclarations particulières

- possibilités de manipulation avantageuse des déclarations

- inadaptation de la nouvelle assiette aux administrations publiques, aux associations,

aux emplois familiaux, aux entreprises agricoles et aux entreprises ayant une valeur

ajoutée inférieure à 3 millions de francs



Il est à noter que le rapport Chadelat a apporté un certain nombre de réponses aux difficultés signalées. Ainsi, en ce qui concerne la définition de la valeur ajoutée, il a proposé le choix de la définition fiscale, prévue à l'article 1647 B sexies du code général des impôts, telle qu'elle est utilisée pour le plafonnement de la taxe professionnelle. En ce qui concerne les services chargés du recouvrement de cette cotisation, il a plaidé pour la compétence des services fiscaux.

Le rapport a proposé également une alternative : soit une nouvelle assiette valeur ajoutée, soit une modulation des cotisations par des paramètres valeur ajoutée. La modulation permettrait de limiter les transferts intersectoriels. Mais cette modulation serait source de complexité.

Le rapport a été contesté. La Chambre de commerce et d'industrie de Paris a notamment considéré que " si elles devaient conduire à une opération de redistribution à somme nulle, ces modifications d'assiette ou de taux constitueraient un pari très risqué pour l'emploi " . Elle s'est prononcée pour une baisse nette des cotisations.

Dans cet ordre d'idées, l'économiste Patrick Artus s'est prononcé pour le transfert des charges sociales des entreprises sur l'impôt direct, que ce soit l'impôt sur le revenu ou l'impôt sur les sociétés.

Alors que le rapport Chadelat, commandé par M. Alain Juppé, était remis en juin à M. Lionel Jospin, le Gouvernement issu des élections législatives de 1997 n'a pas souhaité amorcer la réforme des cotisations patronales lors de la discussion de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998.

" Nous modifierons progressivement l'assiette d'une partie des cotisations patronales, en les faisant reposer sur l'ensemble de la richesse produite par les entreprises et non sur le seul travail " ; la brochure " Changeons d'avenir, changeons de majorité " , diffusée à plusieurs centaines de milliers d'exemplaires par le Parti socialiste avant les élections législatives avait pourtant l'avantage de la clarté. La réforme des cotisations patronales fait partie des thèmes du programme économique du PS depuis 1996.

Un rapport complémentaire a été demandé à M. Jean-François Chadelat. Mais ce nouveau report, comme ce nouveau rapport, ne signifiaient pas pour autant abandon. Un amendement, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de M. Augustin Bonrepaux, alors rapporteur pour avis au nom de la commission des Finances, a permis d'inscrire dans la loi de financement (article 6) qu'un rapport serait déposé sur le bureau des Assemblées par le Gouvernement avant le 1 er août 1998, " précisant les effets, notamment sur l'emploi, d'une extension de l'assiette des cotisations patronales à la valeur ajoutée " . Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, affirmait devant le Sénat le 13 novembre 1997 : " Nous souhaitons en effet -je l'ai dit à plusieurs reprises- modifier l'assiette des cotisations patronales, en espérant pouvoir, dès l'année prochaine, en faire une première étape. Il conviendra de travailler sur la notion de valeur ajoutée. "

Dans l'esprit des rédacteurs de cet amendement, il ne s'agissait pas de renoncer à la réforme de l'assiette des cotisations patronales, mais -bien au contraire- d'annoncer que cette réforme aurait lieu, grâce à une date impérative, celle de la remise d'un rapport.

Le rapport Malinvaud privilégie la baisse des charges sur les bas salaires

Le 6 avril 1998, une lettre de mission signée par M. Lionel Jospin, Premier ministre, a confié à M. Edmond Malinvaud, dans le cadre du Conseil d'analyse économique, un nouveau rapport. Ce rapport a été rendu public le 3 août 1998 et transmis au Parlement à la même date, sous couvert de l'article 6 précité de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998.

Du rapport Chadelat au rapport Malinvaud : le glissement

La lettre de mission du Premier ministre à M. Edmond Malinvaud, datée du 6 avril 1998, change la problématique puisqu'elle met l'accent, dès son premier paragraphe, sur les " salaires les plus bas " et sur " le développement de l'emploi ".

Elle ne fait pas mention explicite du rapport Chadelat. Elle souligne que " parmi les options possibles ", une attention particulière sera accordée " aux avantages et aux inconvénients d'un élargissement de l'assiette des cotisations à la valeur ajoutée ".

Le glissement sur le fond (de la réforme du financement de la sécurité sociale à la politique de l'emploi) est accompagné d'un glissement sur la forme : la lettre de mission ne fait pas mention de l'obligation découlant de l'article 6 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998.

M. Edmond Malinvaud a précisé, lors de son audition par votre commission, le mardi 13 octobre 1998, que son rapport ne devait pas être considéré comme celui prévu à l'article 6 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998.

Votre commission s'étonne, en conséquence, de ce " détournement de rapport " et du non-respect par le Gouvernement de l'article 6 de la loi du 19 décembre 1997.

Le Conseil d'analyse économique, créé par M. le Premier ministre, est un organisme qui s'est déjà exprimé en faveur d'une baisse des charges. Il s'agit d'une idée du rapport de MM. Blanchard et Fitoussi intitulé " Croissance et chômage " 77( * ) .

Le rapport Malinvaud repose sur trois " diagnostics 78( * ) ".

Le premier " diagnostic " porte sur la masse salariale. M. Malinvaud estime qu'elle " augmentera à l'avenir au moins aussi vite que la valeur ajoutée - et de façon moins cyclique ", contrairement à " certains promoteurs de la réforme de l'assiette, qui s'appuient sur des années exceptionnelles " 79( * ) . Pour M. Malinvaud, les trois facteurs expliquant les années " exceptionnelles " sont susceptibles de s'inverser sur le moyen terme : politique de modération de la masse salariale, hausse du chômage et hausse des taux d'intérêt.

Ce premier diagnostic est contestable pour deux raisons. Premièrement, les effets de la loi d'orientation sur les trente-cinq heures -qui ne se traduisent pas forcément par des embauches supplémentaires- montrent que les chefs d'entreprise sont fortement tentés de négocier la réduction du temps de travail contre un accord pluriannuel de modération salariale. Deuxièmement, le développement de rémunérations non assujetties aux cotisations sociales, et donc une réduction de l'assiette cotisations sociales, va dans le sens d'une masse salariale évoluant moins favorablement que le PIB.

Eléments de rémunération exonérés de cotisations sociales

- sommes versées au titre de la participation, de l'intéressement, de l'abondement sur

les PEE ou PER

- déductions supplémentaires pour frais professionnels accordés à certaines professions

- contributions patronales de retraite et de prévoyance complémentaire (sous plafond)

- prestations des comités d'entreprise

- une partie des sommes versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail

- contribution des employeurs aux tickets-restaurant

- remboursements de frais de transport

- stock options au-delà de cinq ans

L'ensemble de ces avantages représenterait 200 milliards de francs d'assiette supplémentaire.

Le second " diagnostic " porte sur le taux de chômage. Pour M. Malinvaud, " il est exagérément pessimiste de raisonner comme si le taux de chômage devait dans les dix prochaines années osciller autour de son niveau actuel, plus probable que ce taux diminuera significativement " . Le rapport cite des exemples pris dans l'histoire économique (Pays-Bas, Royaume-Uni).

Le troisième diagnostic porte sur le grave handicap des moins qualifiés, qui n'a pas de raison d'être moindre dans les prochaines années.

Pour M. Malinvaud, l'introduction assiette valeur ajoutée aurait pour effet une baisse du coût réel du travail et une hausse du coût réel de l'utilisation du capital. L'effet positif sur l'emploi à travers les substitutions se révélerait limité. Une modification de l'assiette des cotisations patronales serait un pari risqué.

En revanche, M. Malinvaud indique sa préférence pour une baisse permanente, stable et durable des charges sur les bas salaires.

Deux rapports, rendus à moins d'un an d'écart, sont ainsi contradictoires.

Pour la majorité de votre commission, les conclusions du rapport Malinvaud sur la nécessité de réduire les charges sur les bas salaires ne constituent pas une révélation. A peine un mois avant la remise au Premier ministre du rapport Malinvaud, le Sénat avait consacré son attention à cette question, en adoptant le 29 juin 1998 une proposition de loi, tendant à alléger les charges sur les bas salaires, déposée par les présidents des commissions des Affaires sociales et des Finances et les présidents des groupes RPR, UC et RI.

Cette proposition de loi reprenait les termes de la proposition n° 628, présentée le 14 janvier 1998 à l'Assemblée nationale par MM. François Bayrou, Jean-Louis Debré, Jacques Barrot, Franck Borotra, Robert Galley, Yves Nicolin et les membres des groupes de l'union pour la démocratie française et du centre (UDF) et du groupe du rassemblement pour la République (RPR), mais qui n'avait pas franchi, le 30 janvier 1998, le stade de la discussion générale.

L'excellent rapport de M. Alain Gournac 80( * ) montre que la majorité du Sénat est d'une parfaite clarté sur la question de l'allégement des charges sur les bas salaires. Il n'en reste pas moins que, pertinent sur la question d'une politique dynamique pour l'emploi, le rapport Malinvaud n'aborde qu'accessoirement le problème du financement de la protection sociale.

Le projet de Mme Martine Aubry : une réforme avortée

Le 8 septembre 1998, le Premier ministre a chargé Mme Martine Aubry d'engager au plus vite des concertations bilatérales avec le patronat et les syndicats " dans la perspective d'une réforme des cotisations patronales ".

Le système proposé de manière tout à fait informelle aux partenaires sociaux 81( * ) semble avoir été le suivant :

- allégement des charges sur les salaires (jusqu'à 16.000 francs) ;

- surcotisation sur les salaires supérieurs à 20.000 francs.

Cette surcotisation n'étant pas suffisante pour financer la réduction des charges, il était proposé la création d'une cotisation sur la valeur ajoutée à un taux de 0,5 %.

Ces concertations n'ont pas abouti. De plus, le Ministre de l'économie et des finances a " doublé " son collègue de l'emploi et de la solidarité dans sa volonté d'alléger les charges sur les entreprises, puisqu'une des mesures du projet de loi de finances pour 1999 concerne la réforme de la taxe professionnelle.

Sans réforme des cotisations patronales, il fallait absolument trouver une mesure pour donner au projet de loi de financement de la sécurité sociale une apparence de réformisme. Ce fut l'acte fondateur du fonds de réserve, dont les partenaires sociaux apprirent l'existence par les journaux, deux jours avant la réunion de la Commission des comptes de la sécurité sociale, alors même qu'ils venaient d'être entendus par Mme la Ministre sur son projet.

b) Le financement du déficit structurel de la branche vieillesse n'est pas assuré

La création du " fonds de réserve " est présentée comme la mesure la plus novatrice du projet de loi de financement pour 1999. En fait, il s'agit de mettre de côté un certain nombre d'excédents, tandis que d'un autre côté le déficit de la branche vieillesse continue d'être important, avant même l'échéance de 2005/2010.

Le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale indique que l'excédent de CSG et l'excédent de contribution sociale de solidarité sur les sociétés (C3S) ont pour conséquence " un accroissement de l'interdépendance financière de régimes théoriquement indépendants ", d'où un risque d'arbitraire et d'opacité 82( * ) .

Le Gouvernement propose d'affecter l'excédent structurel de C3S au fonds de solidarité vieillesse, afin d'alimenter un fonds de réserve des retraites.

La contribution sociale de solidarité sur les sociétés (C3S)

La C3S, contribution sur le chiffre d'affaires des sociétés, a été instituée par la loi du 3 janvier 1970. Son objet est d'équilibrer les risques vieillesse et maladie des non-salariés. Elle est recouvrée par l'ORGANIC.

Il s'agit d'une contribution dont le principal mérite est la simplicité.

Elle a fait l'objet en 1995 d'une réforme destinée à augmenter son rendement (loi du 4 août 1995 portant loi de finances rectificative pour 1995) :

- taux porté de 0,1 % à 0,13 % du chiffre d'affaires ;

- champ d'application élargi à des formes de sociétés jusqu'alors exonérées  à compter du 1er janvier 1996 83( * ) ;

- seuil d'exonération de la contribution pour les petites entreprises porté de 3 à 5 millions de francs de chiffre d'affaires.

La loi du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier a explicité les modalités de répartition de la C3S :

1ère étape : CANAM, ORGANIC (y compris le régime complémentaire des bâtiments travaux publics) et CANCAVA au prorata et dans la limite de leurs déficits comptables ;

2ème étape : CNAVPL, BAPSA, CAMAVIC et CNBF au prorata des sommes reçues au titre de la compensation généralisée et dans la limite de leur déficit comptable.

Dans la pratique, le BAPSA et les autres régimes de la " seconde étape " n'ont profité ni en 1996, ni en 1997 de cette source de financement (à la différence des années 1992 et 1993). L'excédent de C3S en 1996 a été reporté sur 1997 (loi de financement du 27 décembre 1996) et l'excédent de C3S en 1997 a été reporté sur 1998 (loi de financement du 19 décembre 1997).

Le rendement de la C3S attendu en 1998 est de 16,1 milliards de francs (soit une augmentation de 3,8 % par rapport à 1997).

L'excédent structurel de C3S s'explique en raison d'un moindre besoin de financement de la part de la CANAM, qui s'explique lui-même par le moindre besoin de la CNAM en matière de CSG/droits alcools. En effet, la CANAM bénéficie -après la CNAM- de la seconde répartition. Le produit de la répartition CSG/droits sur les alcools -du fait de l'équilibre de la CNAM- serait en forte augmentation : la CANAM bénéficierait de 16,3 milliards de francs de CSG en 1999 (au lieu de 11,1 milliards de francs en 1998).

Son " besoin " en C3S serait de 1 milliard de francs en 1999 au lieu de 5,2 milliards de francs en 1998.

Les organismes bénéficiaires de la C3S

En millions de francs

1996

1997

1998

1999

CANAM

1.722

5.766

4.843

1.038

ORGANIC

5.797

5.886

6.646

5.867

CANCAVA

3.856

4.111

4.526

4.013

Rég. compl. du bâtiment

301

300

330

330

Total dépenses

11.676

16.063

16.345

11.248

Recettes C3S

15.305

15.622

16.233

16.950

Un solde important de C3S demeure, alors même que le compte présente des excédents cumulés depuis 1996.

Le compte de la contribution sociale de solidarité 1996 - 1999

En millions de francs

1996

1997

1998

1999

Ressources

15.305

15.622

16.233

16.950

Emplois

11.676

16.063

16.345

12.248

Solde

636

1.856

- 354

5.634

Réserves

958

2.814

2.460

8.094

L'application des dispositions en vigueur reviendrait à affecter l'excédent de C3S au BAPSA et à diminuer la subvention de l'Etat.

Le Gouvernement propose pour 1999 d'affecter 1 milliard de francs au BAPSA et d'affecter le reste au FSV, dont 2 milliards de francs prévus pour le " fonds de réserve des retraites ".

Affectation des excédents cumulés de C3S
proposée par le Gouvernement en 1999

BAPSA

1.000

FSV

7.094

Total des excédents cumulés

8.094

L'excédent de C3S pour 1999, venant alimenter le solde cumulé, repose ainsi sur deux hypothèses :

- L'hypothèse de croissance du PIB de 2,7 %, la C3S étant par nature très sensible à l'activité économique ;

- L'hypothèse d'une croissance modérée des dépenses d'assurance maladie.

Le FSV est soumis, de son côté, à des dépenses supplémentaires :

Conséquences du PLFSS pour 1999 sur l'équilibre du FSV

 

Recettes

Dépenses

Solde tendanciel (1)

2.404

 

Attribution au FSV des excédents cumulés de C3S

7.094

 

Attribution à la CNAM d'excédents de CSG

 

810

Indexation des pensions

 

340

Accroissement des transferts à la CNAVTS

 

3.800

Attribution fonds de réserve

 

2.000

Total mesures

7.094

6.950

Solde des mesures (2)

144

 

Solde après mesures (1) + (2)

2.548

 

Réserves FSV (1998)

2.425

 

Solde cumulé fin 1999

4.973

 

L'attribution de 2 milliards de francs au fonds de réserve apparaît ainsi relever d'une " usine à gaz ". Elle est prudente, en raison d'un équilibre du FSV en 1998 et d'un excédent important en 1999.

Le dispositif proposé fait que, même en l'absence d'excédent important de C3S, le fonds de réserve sera alimenté, puisque le FSV se retrouve en excédent en 1999 et que ce fonds de réserve est alimenté à la fois par les excédents de C3S, mais également par tout ou partie de l'excédent de la première section, retraçant les opérations de solidarité.

Mais ce financement d'un fonds de réserve est, d'une part, contradictoire avec les déficits prévus de la CNAVTS à court terme, et d'autre part, représente un montant dérisoire du financement comparé aux besoins de financement de la branche vieillesse dans les prochaines années. La mission confiée au commissariat général au Plan -un rapport de plus- n'apparaissait pas véritablement nécessaire. Il suffisait d'actualiser les conclusions du rapport Briet (1995).

Le Gouvernement accumule là aussi les " diagnostics ", en retardant l'échéance de la prise de décision, du fait des contradictions de sa " majorité plurielle " sur le recours à la capitalisation, qui est apparu depuis longtemps à votre commission comme un complément indispensable -et non une substitution- aux régimes de retraite par répartition 84( * ) .

c) Le financement de la couverture maladie universelle n'est pas défini

Le Gouvernement fait référence, dans le rapport annexé au projet de loi, à la couverture maladie universelle. Après l'annonce, au printemps dernier, d'un dépôt simultané des deux projets de loi (projet de loi de financement de la sécurité sociale et projet de loi instaurant la couverture maladie universelle), le rapport annexé au projet de loi déposé par le Gouvernement à l'Assemblée nationale précise que " le Gouvernement déposera un projet de loi au cours de l'automne 1998 ".

Ce calendrier n'apparaît pas compatible avec les exigences fixées par l'adoption, au cours du même automne, des deux projets de finances publiques que sont le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Le Parlement ne se prononcera pas sur la question avant le mois d'avril 1999, le temps que la concertation avec l'ensemble des parties prenantes puisse avoir lieu. Les dispositions de ce projet de loi auront des conséquences sur l'équilibre financier de la sécurité sociale.

Faudra-t-il prévoir une loi de financement rectificative ?

Mme Martine Aubry semble indiquer que le projet de loi n'aurait des effets que sur l'exercice de la loi de financement 2000.

Votre commission regrette qu'une priorité plus importante n'ait pas été donnée à ce projet, qui rassemble pourtant autour de lui un consensus large.

d) Le " dispositif permanent de financement des services d'aide aux personnes " n'est pas présent dans le projet de loi initial

Les mesures conjointes de la loi de finances (proratisation de la réduction des charges sur les bas salaires et diminution de la réduction d'impôt pour l'emploi d'une personne à domicile) et de la loi de financement pour 1998 (diminution de l'AGED) ont eu des conséquences fâcheuses sur les emplois à domicile. Le Gouvernement a confié à l'Inspection générale des finances et à l'Inspection générale des affaires sociales une mission conjointe 85( * ) , qui devait envisager une mise à plat des aides à domicile.

A l'occasion de la discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au Budget, annonçait que figurerait dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 un " dispositif permanent de financement des services d'aide aux personnes " 86( * ) .

Il est à noter que :

- aucun dispositif permanent de financement des services d'aide aux personnes n'était présent dans le projet de loi déposé à l'Assemblée nationale ;

- le rapport Hespel-Thierry, sous forme d'une synthèse, n'a été rendu public et communiqué à votre commission que le 16 octobre 1998, alors que le Gouvernement en disposait depuis probablement plusieurs mois ;

- il n'a fait pour l'instant l'objet d'aucune concertation.

e) La question de l'affectation des excédents du régime général est esquissée dans des termes inquiétants

L'affectation des excédents des régimes de sécurité sociale au fonds de réserve est une question soulevée par Mme Martine Aubry, en se fondant sur des estimations portant sur les années 2000 et 2001. Ces estimations ont été effectuées avec une prévision de masse salariale de 4,3 % sur les années considérées, ce qui est bien évidemment très optimiste.

Il convient par ailleurs de distinguer clairement ce qui relève des excédents de trésorerie, et ce qui relève des excédents comptables.

Les excédents de trésorerie

La gestion commune de trésorerie est effectuée par l'ACOSS, au moyen du compte unique de disponibilités courantes (CUDC) ouvert à la Caisse des dépôts. Ce système a pour effet de prendre en charge l'éventuel déficit structurel de trésorerie d'une ou de plusieurs branches par les excédents des autres.

Néanmoins, chaque caisse dispose d'une individualisation de sa trésorerie , par un suivi permanent en prévision et en réalisation comptable (art. L. 225-1 du code de la sécurité sociale). La séparation comptable exacte des encaissements entre les branches isole les intérêts créditeurs et débiteurs résultant de la gestion de trésorerie (art. L. 255-1).

De manière générale, un excédent de trésorerie peut apparaître régulièrement, sans qu'il y ait excédent comptable. L'évolution du solde journalier du compte ACOSS pour 1998 montre ainsi un excédent jusqu'au mois de juin. Le compte se redresse de fin juillet à fin août, avant de connaître une dégradation importante qui connaît son apogée vers le 12 octobre 1998.

L'ACOSS va placer cet argent, afin de procurer des produits financiers qui compenseront les charges financières résultant des déficits de trésorerie intervenant à partir de fin août.

Les Caisses nationales ont deux possibilités :

- laisser à l'ACOSS la gestion de leur compte (article R. 255-6 du code de la sécurité sociale), dans le cadre du " pot commun " ;

-
donner à l'ACOSS le mandat de placer les " excédents durables de trésorerie " (troisième alinéa de l'article L. 225-1 et article R. 255-3 du code de la sécurité sociale). Ces excédents durables de trésorerie sont ainsi définis : " le montant des excédents durables est celui du petit solde prévisionnel de trésorerie constaté dans le cadre de l'exercice annuel, à condition que ce solde soit positif " (art. R. 255-2). Le montant des sommes placées ne peut être inférieur à 300 millions de francs.

La Caisse nationale doit se prononcer avant le 31 décembre, au vu de la prévision de trésorerie fournie par l'ACOSS.

Cette deuxième possibilité ne s'est jamais vérifiée. Une seule branche remplit en 1998 la condition de l'article R. 255-3 : la branche des accidents du travail.

La Cour des comptes, dans son rapport 1998 87( * ) , s'est montrée défavorable à la séparation de la gestion des excédents de trésorerie durables des branches. Elle constate que " la séparation comptable de la trésorerie des branches permet en fait aux branches excédentaires de faire des placements auprès des branches déficitaires aux conditions fixées par la convention CDC/ACOSS, sans augmentation de la charge finale des emprunts opérés pour les branches déficitaires. "

Les excédents comptables

La notion d'excédents comptables est différente. Au bout d'un exercice donné, la branche dégage un " excédent " ou un " déficit ".

Sur l'année 1998, seule la branche accidents du travail devrait dégager un excédent.

Sur l'année 1999, la branche famille et la branche accidents du travail seraient excédentaires.

Cet excédent va alimenter le fonds de roulement , permettant de disposer sur l'année suivante d'un meilleur profil de trésorerie.

Une succession d'excédents comptables aurait pour effet de dégager des excédents de trésorerie durables.

Aucune disposition n'est prévue pour l'affectation des excédents comptables.

Deux propositions ont récemment été faites :

1- La proposition de votre commission des Finances

L'article 2 de la proposition de loi relative à l'extinction de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) 88( * ) , déposée le 2 juillet 1998 par M. Jacques Oudin et M. Alain Lambert, prévoit une affectation des excédents au remboursement de la dette sociale. En raison du silence du code de la sécurité sociale sur l'affectation des excédents comptables, la proposition s'appuie sur la notion " d'excédents durables de trésorerie de chaque branche ".

Sur le fond, la proposition a le principal mérite de la vertu : désendettement et baisse à terme des prélèvements obligatoires ; elle semble néanmoins remettre en cause ce qu'elle souhaite défendre, à savoir la séparation comptable des branches. En effet, il n'est pas possible de déterminer dans le " stock " de dettes géré par la CADES la part incombant aux déficits de la branche maladie ou à ceux de la branche famille, etc. Affecter les excédents de la branche famille au désendettement reviendrait à faire supporter à la branche famille les dérapages de dépenses de santé des années antérieures.

2- La proposition de Mme Martine Aubry

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité a évoqué la possibilité d'une affectation au fonds de réserve des excédents dégagés dans l'avenir par les régimes de sécurité sociale 89( * ) .

Cette proposition remet en cause la séparation comptable des branches.

D'autres organismes de la sécurité sociale peuvent avoir des excédents. C'est le cas du Fonds de solidarité vieillesse (FSV).

En revanche, il est absurde de prévoir une affectation des " excédents " de la CADES 90( * ) . Il est dans la nature même de la CADES de faire des " excédents ", puisque ce sont ces deniers qui permettent de rembourser la dette sociale, jusqu'en 2009 pour les 110 milliards de francs de dette reprise à l'Etat, jusqu'en 2014 pour les 224 milliards de francs correspondant aux déficits 1994, 1995, 1996, 1997 et 1998.

L'existence d'excédents a une signification variable suivant les branches

La question de l'affectation des excédents comptables doit être distinguée de celle des excédents durables de trésorerie. La remarque de la Cour des comptes visant à interdire une gestion séparée des excédents de trésorerie d'une branche par rapport à une autre mérite examen dans le cadre des économies d'échelle résultant de la gestion unique de trésorerie du régime général. Sur la proposition conjointe de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales et de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, un amendement a été voté par l'Assemblée nationale supprimant cette possibilité des branches de placer leurs excédents de trésorerie. Toutefois, cette mesure est prématurée dans le contexte actuel et ne règle pas la question des excédents comptables.

A court terme, il est prématuré de prévoir l'affectation des excédents comptables de telle ou telle branche. Les excédents éventuellement réalisés en 1999 -une moindre croissance pouvant transformer l'excédent de la branche famille en simple équilibre- permettront d'améliorer le fonds de roulement de ces branches, et de diminuer les charges de trésorerie sur l'année 2000. Il est également nécessaire d'absorber le déficit supplémentaire de 1998 (1,3 milliard de francs).

Il reste à déterminer la signification d'excédents pour les branches du régime général à moyen et long terme .

Pour la branche famille, comme pour la branche maladie et pour la branche accidents du travail, ces excédents n'ont aucun sens. Ils résultent d'une progression plus favorable des recettes par rapport à celle des dépenses. Leur but ne peut pas être de constituer des " réserves pour l'avenir ". Il n'est pas non plus souhaitable d'aligner la progression des dépenses sur celle des recettes : c'est le meilleur moyen de créer, en cas de retournement brutal de conjoncture, des déficits nouveaux. La seule solution est celle d'une diminution des recettes. Le Gouvernement a choisi timidement cette voie pour la branche accidents du travail en 1999 (diminution du taux de cotisation).

Pour la branche vieillesse, la constitution de réserves a un véritable sens, dans le cadre de la répartition provisionnée. Malheureusement, la branche vieillesse est en déficit structurel sur les années 1999-2000-2001.

La seule solution respectant la séparation comptable des branches serait à moyen terme de réaffecter le financement , à taux de prélèvements obligatoires inchangés.

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