EXAMEN DES ARTICLES

Article premier
(art. 435-1 à 435-4 nouveaux du code pénal)
Incrimination de la corruption d'agents publics étrangers,
de fonctionnaires communautaires ou appartenant
aux autres Etats membres de l'Union européenne

Le livre IV du code pénal est consacré aux " crimes et délits contre la Nation, l'Etat et la paix publique ". Le titre III de ce livre IV concerne les " Atteintes à l'autorité de l'Etat " et comporte actuellement quatre chapitres respectivement relatifs aux atteintes à la paix publique, aux atteintes à l'administration publique commises par des personnes exerçant une fonction publique, aux atteintes à l'administration publique commises par des particuliers, enfin aux atteintes à l'action de justice.

L'article premier du projet de loi a pour objet d'insérer dans le titre III du livre IV du code pénal un chapitre V consacré aux " Atteintes à l'administration publique des Communautés européennes, des Etats membres de l'Union européenne, des autres Etats étrangers et des organisations internationales publiques ".

Ce chapitre comporterait trois sections respectivement relatives à la corruption passive , à la corruption active , enfin aux peines complémentaires et à la responsabilité des personnes morales . Cet article premier du projet de loi doit permettre la transposition en droit français de la Convention signée dans le cadre de l'O.C.D.E relative à la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales, ainsi que des conventions signées dans le cadre de l'Union européenne relatives à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes (Convention du 26 juillet 1995) et à la lutte contre la corruption (Convention du 26 mai 1997).

L'une des questions qui se posent est celle de savoir si le code pénal, dans sa rédaction actuelle, ne punit pas d'ores et déjà la corruption d'agent public étranger ou d'agent public appartenant à une organisation internationale. L'exposé des motifs du projet de loi donne clairement une réponse négative à cette question. Actuellement, la corruption active ou passive figure parmi les infractions mentionnées dans le livre du code pénal consacré aux " crimes et délits contre la Nation, l'Etat et la paix publique ", ce qui semble exclure les atteintes à des administrations étrangères ou internationales. Les rares décisions jurisprudentielles intervenues sous l'empire de l'ancien code pénal semblent confirmer que le délit de corruption active ou passive, tel qu'il figure dans le code pénal ne concerne pas les agents étrangers.

La circulaire du 14 mai 1993 commentant les dispositions de la partie législative du nouveau code pénal précise que l'expression " personne dépositaire de l'autorité publique " employée dans les articles du code relatifs à la corruption " paraît pouvoir s'appliquer aux fonctionnaires internationaux, dès lors qu'il leur est reconnu, en application de conventions internationales des pouvoirs d'autorité ou une mission de service public sur le territoire français ". Les agents publics d'Etats étrangers ne sont donc en tout état de cause pas concernés.

Le Gouvernement a choisi de présenter les dispositions nécessaires pour la transposition dans l'Union européenne et de la convention de l'O.C.D.E dans une section spécifique. Il aurait été envisageable de compléter les dispositions existantes du code pénal sur la corruption active et la corruption passive. Le Gouvernement a écarté ce choix, d'une part à cause de la diversité du champ d'application des diverses conventions en présence, d'autre part pour tenir compte de la spécificité de certaines notions propres à chacun des traités.

Il convient enfin de signaler que chacune des nouvelles incriminations renvoie explicitement à la convention à laquelle elle se rapporte, ce qui constitue une novation dans notre droit pénal destinée à délimiter de manière précise le champ de l'infraction.

SECTION 1
De la corruption passive

Le texte proposé pour le chapitre V du titre III du livre IV du code pénal comporterait une section I consacrée à la corruption passive et composée d'un unique article.

Article 435-1 du code pénal
Corruption passive de fonctionnaire communautaire
ou de fonctionnaire d'un autre Etat membre de l'Union européenne

Le texte proposé pour l'article 435-1 nouveau du code pénal tend à punir de dix ans d'emprisonnement et de 1.000.000 F d'amende " le fait par un fonctionnaire communautaire ou un fonctionnaire national d'un autre Etat membre de l'Union européenne ou par un membre de la Commission des Communautés européennes, du Parlement européen, de la Cour de justice et de la Cour des comptes des Communautés européennes de solliciter ou d'agréer, sans droit, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat . "

Plusieurs remarques peuvent être formulées sur la définition de cette nouvelle infraction.

Le texte proposé fait explicitement référence à la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de l'Union européenne faite à Bruxelles le 26 mai 1997. Un souci de " dissiper toute confusion " a guidé ce choix du Gouvernement.

L'expression " fonctionnaire communautaire " doit être entendue dans un sens très large. En effet, le rapport explicatif concernant la convention du 26 mai 1997 8( * ) précise que cette expression vise " non seulement les fonctionnaires titulaires des Communautés européennes stricto sensu, auxquels s'applique le statut des fonctionnaires des Communautés européennes, mais aussi les différentes catégories d'agents engagés par contrat au sens du régime applicable aux autres agents des Communautés européennes. Ce concept englobe les experts nationaux mis à la disposition des Communautés européennes pour y exercer des fonctions équivalentes à celles qu'exercent les fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes ".

Toutes les personnes travaillant dans des organisations de droit communautaire sont considérées comme des fonctionnaires communautaires au sens de la Convention. Il en va ainsi du personnel de la Banque européenne d'investissement, de l'Agence européenne pour l'environnement, de la Banque centrale européenne...

En ce qui concerne la notion de " fonctionnaire national d'un autre Etat membre ", le rapport explicatif concernant la convention du 26 mai 1997 indique que l'acception du droit pénal du pays d'origine du fonctionnaire national est privilégiée.

Les éléments constitutifs de l'infraction ont été calqués sur les éléments d'ores et déjà prévus par l'article 432-11 du code pénal relatif à la corruption passive. Ces éléments prennent pleinement en considération l'ensemble des exigences posées par la convention du 26 mai 1997, laquelle définit la corruption passive comme " le fait intentionnel, pour un fonctionnaire, directement ou par interposition de tiers, de solliciter ou de recevoir des avantages de quelque nature que ce soit, pour lui même ou pour un tiers, ou d'en accepter la promesse, pour accomplir ou ne pas accomplir, de façon certaine à ses devoirs officiels, un acte de sa fonction ou un acte dans l'exercice de sa fonction ".

Seul l'élément intentionnel n'est pas repris dans la définition proposée par le projet de loi, mais il résulte de l'article 121-3 du code pénal qu'il n'est pas de délit sans intention de le commettre.

Les pénalités sont les mêmes que celles prévues par l'article 432-11 du code pénal relatif à la corruption passive et au trafic d'influence commis par des personnes dépositaires de l'autorité publique ou exerçant une mission de service public. Rappelons à cet égard que, dans un arrêt de 1989 9( * ) , la Cour de justice des Communautés européennes à considéré que les Etats membres " doivent notamment veiller à ce que les violations du droit communautaire soient sanctionnées dans des conditions, de fond et de procédure, qui soient analogues à celles applicables aux violations du droit national d'une nature et d'une importance similaires et qui, en tout état de cause, confèrent à la sanction un caractère effectif, proportionné et dissuasif ".

Le rapport explicatif de la convention précise que les Etats membres disposent d'une certaine marge d'appréciation, mais le Gouvernement a choisi de prévoir des peines rigoureusement identiques pour la corruption d'agents nationaux et la corruption des fonctionnaires communautaires ou de fonctionnaires d'autres Etats membres de l'Union européenne.

Le second alinéa du texte proposé pour l'article 435-1 du code pénal prévoit que les dispositions de cet article entreront en vigueur le jour de l'entrée en vigueur de la convention du 26 mai 1997 sur la corruption signée dans le cadre de l'Union européenne. Le Parlement a autorisé la ratification de cette convention au printemps 1999, mais le Gouvernement n'a pas déposé les instruments de ratification de la Convention dans l'attente de l'adoption du présent projet de loi.

Ce choix paraît judicieux, dans la mesure où il est préférable que la convention et la loi de transposition n'entrent pas en vigueur de manière décalée dans le temps. Votre commission estime cependant qu'il est inutile de prévoir au sein du code pénal lui-même une disposition transitoire telle que celle qui est proposée. Votre commission vous soumet donc un amendement de suppression du second alinéa du texte proposé pour l'article 435-1 du code pénal et proposer le rétablissement de cette disposition transitoire à l'article 2 du projet de loi, lequel n'a pas vocation à être codifié.

SECTION 2
De la corruption active

Le texte proposé pour le chapitre V nouveau du titre III du livre IV du code pénal comporte une section 2 relative à la corruption active et composée de trois articles numérotés 435-2 à 435-4.

Article 435-2 du code pénal
Corruption active de fonctionnaire communautaire
ou de fonctionnaire d'un autre Etat membre de l'Union européenne

Le texte proposé pour cet article est le pendant du texte proposé pour l'article 435-1, puisqu'il tend à punir la corruption active de fonctionnaire communautaire ou de fonctionnaire d'un Etat membre de l'Union européenne autre que la France.

Le nouvel article 435-2 vise le corrupteur alors que le texte proposé pour l'article 435-1 visait la personne corrompue.

Serait puni de dix ans d'emprisonnement et de 1.000.000 F d'amende " le fait de proposer sans droit, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour obtenir d'un fonctionnaire communautaire ou d'un fonctionnaire national d'un autre Etat membre de l'Union européenne ou d'un membre de la Commission des Communautés européennes, du Parlement européen, de la Cour de justice et de la Cour des comptes des Communautés européennes qu'il accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat ".

Le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 435-2 du code pénal tend à punir des mêmes peines " le fait de céder à une des personnes précédemment mentionnées qui sollicite des promesses, dons, présents ou avantages pour accomplir ou ne pas accomplir un acte de sa fonction ".

Ainsi, comme pour la corruption passive, la définition de la corruption active de fonctionnaire communautaire ou de fonctionnaire d'un autre Etat membre de l'Union européenne que la France est exactement la même que la définition de la corruption active d'une personne dépositaire de l'autorité publique (article 433-1 du code pénal).

Cette définition paraît respecter pleinement celle de la convention du 26 mai 1997, au sens de laquelle la corruption active est " le fait intentionnel, pour quiconque, de promettre ou de donner, directement ou par interposition de tiers, un avantage de quelque nature que ce soit, à un fonctionnaire, pour lui-même ou pour un tiers, pour qu'il accomplisse ou s'abstienne d'accomplir, de façon certaine à ses devoirs officiels, un acte de sa fonction ou un acte dans l'exercice de sa fonction ".

Le troisième alinéa du texte proposé pour l'article 435-2 prévoit que ses dispositions entreront en vigueur le jour de l'entrée en vigueur de la convention du 26 mai 1998 relative à la corruption. Conformément à la décision prise à propos de l'article 435-1, votre commission vous soumet un amendement de suppression de cet alinéa pour le transférer dans l'article 2.

Article 435-3
Corruption active d'agents publics étrangers
ou appartenant à des organisations internationales autres que les Communautés européennes

Le texte proposé pour l'article 435-3 du code pénal tend à transposer la convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales signée dans le cadre de l'O.C.D.E le 17 décembre 1997. Comme pour la convention signée dans le cadre de l'Union européenne, le texte proposé fait directement référence à la convention qu'il tend à transposer.

Le texte proposé tend à punir de dix ans d'emprisonnement et de 1.000.000 F d'amende le fait de proposer sans droit, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour obtenir " d'une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public, ou investie d'un mandat électif public dans un Etat étranger ou au sein d'une organisation internationale publique, qu'elle accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat, en vue d'obtenir ou de conserver un marché ou un autre avantage inclus dans le commerce international ".

A nouveau, l'incrimination proposée est très proche de celle d'ores et déjà prévue pour la corruption de fonctionnaires nationaux. Ainsi, la référence aux personnes dépositaires de l'autorité publique, chargées d'une mission de service public ou investies d'un mandat électif public est directement reprise de l'article 433-1 du code pénal, qui incrimine la corruption active.

La convention de l'O.C.D.E fait pour sa part référence à la notion d'" agent public étranger " qui désigne " toute personne qui détient un mandat législatif, administratif ou judiciaire dans un pays étranger, qu'elle ait été nommée ou élue, toute personne exerçant une fonction publique pour un pays étranger, y compris pour une entreprise ou un organisme public, et tout fonctionnaire ou agent d'une organisation internationale publique " .

Le texte proposé pour l'article 435-3 tend à transposer de manière complète le texte de la convention. Ainsi, la notion de personne dépositaire de l'autorité publique désigne " les personnes qui exercent une fonction d'autorité, que cette autorité soit de nature administrative, juridictionnelle ou militaire " (circulaire du 14 mai 1993 commentant la partie législative du nouveau code pénal).

Le droit français comportant une infraction spécifique de corruption de magistrat, de juré et d'autres personnes ayant une fonction judiciaire, le Gouvernement a cependant choisi de faire un sort particulier à cette catégorie d'agents publics étrangers qui font l'objet du texte proposé pour l'article 435-4 du code pénal.

En ce qui concerne les éléments constitutifs de l'infraction, le texte proposé est identique à l'article 433-1 du code pénal. Le texte proposé incrimine en effet " le fait de proposer sans droit, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons ou des avantages quelconques ". Cette expression paraît réaliser une transposition très complète de la convention du 17 décembre 1997 qui invite chaque Etat partie à punir " le fait intentionnel, pour toute personne, d'offrir, de promettre ou d'octroyer un avantage indu pécuniaire ou autre, directement ou par des intermédiaires ".

Le but de l'infraction est défini de manière presque identique dans le texte proposé pour l'article 435-3 du code pénal et dans le texte de la convention. Le texte proposé précise que la proposition est faite à la personne concernée pour obtenir " qu'elle accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat " . La convention évoque le fait que l'agent étranger " agisse ou s'abstienne d'agir dans l'exécution de fonctions officielles ".

Enfin, il convient de noter que la nouvelle infraction comporte un élément spécifique par rapport à la définition actuelle de la corruption active dans le code pénal. Le texte proposé ne concerne en effet que la corruption d'un agent public étranger " en vue d'obtenir ou de conserver un marché ou un autre avantage indu dans le commerce international " . Cette expression est directement reprise de l'article premier de la convention du 17 décembre 1997.

Les commentaires de la Convention apportent des éclairages intéressants et importants sur ce dernier élément constitutif de l'infraction.

Ainsi, par " autre avantage indu ", il faut entendre " un avantage qu'une entreprise n'aurait clairement pas dû recevoir, par exemple l'autorisation d'exercer une activité pour une usine ne remplissant pas les conditions réglementaires ".

Les commentaires de la convention précisent en outre qu'il y a infraction indépendamment " de la valeur de l'avantage ou de son résultat, de l'idée qu'on peut se faire des usages locaux, de la tolérance de ces paiements par les autorités légales " .

En revanche, l'infraction n'est pas constituée " lorsque l'avantage est permis ou requis par la loi ou la réglementation écrites du pays de l'agent public étranger, y compris la jurisprudence ".

Surtout, les commentaires de la convention précisent que " les petits paiements dits de " facilitation " ne constituent pas des paiements " en vue d'obtenir ou de conserver un marché ou un autre avantage indu (...) et, en conséquence, ils ne constituent pas une infraction (...) ". Il est possible de se demander si cette dernière précision ne devrait pas être explicitement inscrite dans l'article du code pénal créant l'infraction de corruption d'agent public étranger. On peut toutefois estimer que les magistrats appelés à appliquer la nouvelle infraction seront nécessairement conduits à se reporter à la convention, à laquelle le texte proposé pour l'article 435-3 du code pénal fait explicitement référence.

Votre commission estime cependant souhaitable que des orientations générales de politique pénale du garde des Sceaux rappellent que ces paiements " de facilitation " sont exclus du champ d'application de la nouvelle incrimination.

En ce qui concerne les peines prévues, votre commission vous soumet un amendement les réduisant à cinq ans d'emprisonnement et à 1.000.000 F d'amende. La convention de l'O.C.D.E prévoit certes que l'éventail des sanctions applicables à la corruption d'agent public étranger doit être comparable aux sanctions applicables à la corruption d'agents nationaux, mais elle a également pour objectif d'assurer l'équivalence fonctionnelle entre les mesures prises par les Etats parties. Or, d'après les informations recueillies par votre rapporteur, les peines prévues par les pays ayant déjà transposé la convention ne dépassent pas cinq ans d'emprisonnement. Il serait donc paradoxal que la France et elle seule punisse la corruption d'agent public étranger de peines deux fois supérieur à celles prévues par ses partenaires.

Le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 435-3 tend à punir des mêmes peines le fait de céder à l'une des personnes précédemment énumérées qui sollicite des offres, promesses, dons, présents ou avantages pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte de sa fonction ou un acte facilité par sa fonction.

Le troisième alinéa prévoit que les dispositions de l'article 435-3 entreront en vigueur le jour de l'entrée en vigueur de la convention du 17 décembre 1997. Conformément aux décisions prises à propos des article 435-1 et 435-2, votre commission vous soumet un amendement de suppression de cette disposition qu'elle vous propose de faire figurer à l'article 2.

Enfin, le dernier alinéa du texte proposé prévoit que la poursuite des délits visés dans l'article ne peut être exercée qu'à la requête du ministère public.

Ainsi, le projet de loi tend à exclure la constitution de partie civile en matière de corruption d'agent public étranger. Il convient de rappeler qu'en tout état de cause, l'article 113-8 du code pénal prévoit que la poursuite des délits commis par un Français hors du territoire de la République ne peut être exercée qu'à la requête du ministère public.

Par ailleurs, l'exposé des motifs du projet de loi précise que " lorsqu'une partie au moins de ces faits a eu lieu sur le territoire national, la mise en mouvement de l'action publique par une entreprise concurrente, par exemple, n'aurait, en tout état de cause, pas été possible. En effet, comme l'indique l'intitulé du chapitre V, l'incrimination a pour but de protéger les atteintes portées à l'administration publique d'Etats étrangers ou d'organisations internationales publiques. La commission de l'infraction ne cause donc directement aucun préjudice personnel à une entreprise concurrente ".

Le Gouvernement propose donc d'inscrire dans la loi le principe selon lequel la poursuite est réservée au ministère public dans un souci de sécurité juridique.

L'insertion de cette disposition dans le projet de loi mérite d'être approuvée. Même en l'absence de condamnation, une plainte avec constitution de partie civile déposée par un concurrent évincé d'un marché peut être profondément déstabilisante pour une entreprise et l'on ne peut exclure a priori que certaines de ces plaintes ne soient jugées recevables en l'absence d'une disposition explicite.

Il paraît au demeurant justifié de réserver au ministère public le monopole de l'engagement des poursuites. Rappelons que peu de pays connaissent le système de la constitution de partie civile tel qu'il existe en France.

Il convient toutefois de noter que cette disposition n'est prévue que pour les infractions destinées à permettre l'application de la convention du 17 octobre 1997 signée dans le cadre de l'O.C.D.E et non pour les infractions destinées à permettre l'application des conventions signées dans le cadre de l'Union européenne. Une telle différence peut toutefois être justifiée par le fait que les conventions signées dans le cadre de l'Union européenne prévoient un principe d' " assimilation " entre le traitement réservé aux nationaux et celui réservé aux fonctionnaires de la Communauté.

Article 435-4 du code pénal
Corruption de magistrat dans un Etat étranger
ou une organisation internationale publique

La convention du 17 décembre 1997 sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales invite notamment les Etats à punir la corruption de personnes détenant un mandat judiciaire. Or, cette notion ne paraît pas couverte par le texte proposé pour l'article 435-3, qui fait référence, conformément aux dispositions sur la corruption déjà inscrites à l'article 433-1 du code pénal aux personnes dépositaires de l'autorité publique, chargées d'une mission de service public ou titulaires d'un mandat électif public.

En effet, l'article 434-9 du code pénal incrimine spécifiquement la corruption, au niveau interne, de magistrats ou d'autres personnes exerçant une fonction judiciaire.

Le texte proposé pour l'article 435-4 du code pénal a donc pour objet d'incriminer la corruption active de personnes détenant un mandat judiciaire au sens de la convention. Le Gouvernement a choisi de reprendre les éléments constitutifs de l'infraction de corruption active de magistrat prévue à l'article 434-9 du code pénal. Les personnes visées seraient donc " un magistrat, un juré ou toute autre personne siégeant dans une formation juridictionnelle, un arbitre ou un expert nommé soit par une juridiction, soit par les parties, ou une personne chargée par l'autorité judiciaire d'une mission de conciliation ou de médiation ".

Comme pour les infractions précédentes, serait puni le fait de proposer des offres, promesses ou dons afin d'obtenir d'une des personnes énumérées qu'elle accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction, mais aussi le fait de céder aux sollicitations d'une de ces personnes.

Comme pour la corruption de personne dépositaire de l'autorité publique prévue dans le texte proposé pour l'article 435-3, le but de l'infraction serait " d'obtenir ou conserver un marché ou un autre avantage indu dans le commerce international ", expression directement reprise de la convention signée dans le cadre de l'O.C.D.E.

Votre commission, par coordination avec les décisions prises aux articles précédents vous propose, par un amendement , de ramener les peines prévues à cinq ans d'emprisonnement et à 1.000.000 F d'amende et de remanier la rédaction de cet article, afin qu'il soit en harmonie avec celle proposée pour les articles 435-2 et 435-3 nouveaux du code pénal.

Le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 435-4 du code pénal prévoit que l'incrimination prévue par cet article entrera en vigueur le jour de l'entrée en vigueur de la convention à laquelle il fait référence. Par coordination avec les décisions prises à propos des articles précédents, votre commission vous propose de supprimer cet alinéa qui sera repris à l'article 2.

Enfin, le dernier alinéa du texte proposé prévoit que la poursuite des délits visés dans l'article ne peut être exercée qu'à la requête du ministère public. Pour les raisons exposées à propos du texte proposé pour l'article 435-3 du code pénal, cette disposition mérite d'être approuvée.

SECTION 3
Peines complémentaires et responsabilité des personnes morales

Article 435-5 du code pénal
Peines complémentaires encourues par les personnes physiques

Le texte proposé pour l'article 435-5 énumère les peines complémentaires encourues par les personnes coupables d'une des infractions que tendent à créer les articles 435-1 à 435-4 nouveaux du code pénal.

Les peines prévues sont les suivantes :

- l'interdiction des droits civiques, civils et de famille ;

- l'interdiction pour une durée de cinq ans ou plus, d'exercer une fonction publique ou d'exercer une activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise ;

- l'affichage ou la diffusion de la décision prononcée ;

- la confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit, à l'exception des objets susceptibles de restitution. Il convient de noter que la confiscation du produit de l'infraction n'est actuellement pas prévue pour l'application de l'article 433-1 du code pénal relatif à la corruption active de fonctionnaire national . Cependant, la convention du 17 décembre 1997 signée dans le cadre de l'O.C.D.E prévoit explicitement dans son article 3 que " chaque partie prend les mesures nécessaires pour assurer que l'instrument et les produits de la corruption d'un agent public étranger ou des avoirs d'une valeur équivalente à celle de ces produits puissent faire l'objet d'une saisie et d'une confiscation ou que des sanctions pécuniaires d'un effet comparable soient prévues ". Le projet de loi prévoit donc la confiscation de la chose qui a servi à commettre l'infraction comme peine complémentaire applicable aux personnes physiques.

Enfin, le texte proposé par l'article 435-5 prévoit que l'interdiction du territoire français peut être prononcée dans les conditions prévues par l'article 131-30 du code pénal, soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans au plus à l'encontre de tout étranger coupable d'une des infractions que tend à créer le projet de loi.

Article 435-6 du code pénal
Responsabilité pénale des personnes morales

L'article 2 de la convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales prévoit que " chaque partie prend les mesures nécessaires, conformément à ses principes juridiques, pour établir la responsabilité des personnes morales en cas de corruption d'un agent public étranger ".

Dans la mesure où la législation française prévoit, depuis l'entrée en vigueur du nouveau code pénal, la responsabilité pénale des personnes morales, il est normal que celle-ci soit prévue pour les nouvelles infractions que tend à créer le projet de loi.

Le texte proposé pour l'article 435-6 du code pénal comporte une liste des peines applicables aux personnes morales exactement identique à celle qui prévaut en matière de corruption d'un fonctionnaire national . Les personnes morales encourraient donc :

- l'amende (le montant maximal possible étant de 5 millions de francs) ;

- la confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ;

- l'affichage ou la diffusion de la décision prononcée. Surtout, les personnes morales pourraient se voir infliger, pour une durée de cinq ans ou plus ;

- l'interdiction d'exercer l'activité professionnelle dans laquelle ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise ;

- le placement sous surveillance judiciaire ;

- la fermeture des établissements ou de l'un des établissements ayant servi à commettre les faits incriminés ;

- l'exclusion des marchés publics ;

- l'interdiction de faire appel public à l'épargne ;

- l'interdiction d'émettre des chèques.

L'énumération de ces dernières peines suscite quelques interrogations. Il est possible de se demander si elles ne sont pas disproportionnées par rapport à l'infraction commise et si elles ne poseraient pas certaines difficultés juridiques. Des tribunaux français pourraient-ils imposer la fermeture d'établissements situés hors du territoire de la République ?

Par ailleurs, il est indispensable de rappeler que certains pays signataires de la convention de l'O.C.D.E ne connaissent pas la responsabilité pénale des personnes morales. A cet égard, la convention prévoit que si dans le système juridique d'une partie, la responsabilité pénale n'est pas applicable aux personnes morales, cette Partie fait en sorte que les personnes morales soient passibles de sanctions non pénales efficaces, proportionnées et dissuasives. La convention a notamment pour objet d' " assurer l'équivalence entre les mesures que doivent prendre les parties ". Afin de préserver cette équivalence nécessaire, votre commission vous soumet un amendement tendant à limiter les peines encourues par les personnes morales à l'amende, la confiscation, l'affichage de la décision et au placement sous surveillance judiciaire.

Votre commission vous propose d'adopter l'article premier ainsi modifié .

Article 2
Non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère

L'article 2 du projet de loi prévoit que les quatre infractions nouvelles que tend à créer le projet de loi ne s'appliquent pas aux faits commis à l'occasion des contrats signés antérieurement à l'entrée en vigueur de la convention visée par ces articles.

Cet article a donc pour objet de permettre l'application aux nouvelles infractions du principe de non rétroactivité de la loi pénale plus sévère. Rappelons que l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen prévoit que " nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit ".

De même, l'article 7§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme dispose que " nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou international. De même, il n'est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise ".

Le principe de non rétroactivité de la loi pénale plus sévère est de valeur constitutionnelle, comme l'a affirmé à plusieurs reprises le Conseil constitutionnel. Ainsi, dans sa décision du 3 septembre 1986, il a censuré par une réserve d'interprétation, certaines des dispositions de la loi du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre la criminalité, afin que la période de sûreté de trente ans créée par cette loi ne puisse être appliquée à des infractions commises avant son entrée en vigueur.

Il est possible de se demander si l'article 2 du projet de loi est indispensable, dans la mesure où l'article 112-1 du code pénal prévoit déjà de manière générale que " sont seuls punissables les faits constitutifs d'une infraction à la date à laquelle ils ont été commis. Peuvent seules être prononcées les peines légalement applicables à la même date ".

Toutefois, il convient de noter que, naturellement, pour savoir si une infraction tombe sous le corps de la nouvelle loi plus sévère, il est nécessaire de déterminer le moment de sa réalisation. Or, si cette détermination est aisée dans le cas d'infractions " instantanées " , elle est beaucoup plus difficile pour les infractions dont la réalisation s'étend sur une certaine durée.

Dans ce cas, il convient de savoir si tout acte constitutif de l'infraction commis après l'entrée en vigueur de la nouvelle loi suffit à écarter le principe de non rétroactivité de la loi pénale plus sévère.

Dans le cas des contrats passés dans le cadre du commerce international, certaines commissions peuvent être versées longtemps après la signature du contrat tout en n'étant que la conséquence de celui-ci. Il est donc justifié de prévoir que les nouvelles incriminations ne s'appliquent pas aux actes accomplis pour l'exécution de contrats signés antérieurement à l'entrée en vigueur des conventions. Il résulterait de l'absence d'une telle clause dans le projet de loi une grande insécurité juridique pour les entreprises ayant souscrit des contrats avant l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions pénales.

Dans un souci de clarté, votre commission vous soumet un amendement tendant à préciser que la date d'entrée en vigueur des conventions évoquée dans cet article est celle de l'entrée en vigueur sur le territoire de la République. En effet, la convention du 17 décembre 1997 signée dans le cadre de l'O.C.D.E est entrée en vigueur pour un certain nombre de pays l'ayant ratifiée le 15 février dernier. Il convient donc d'éviter toute ambiguïté entre la date de l'entrée en vigueur et celle de l'entrée en vigueur sur le territoire de la République, qui ne pourra intervenir que lorsque la France aura déposé ses instruments de ratification.

Par ailleurs, votre commission vous soumet un amendement complétant cet article pour prévoir que les nouvelles incriminations ainsi que l'article du code de procédure pénale établissent la compétence des juridictions françaises entreront en vigueur le jour de l'entrée en vigueur des conventions auxquelles ils font référence. Le projet de loi prévoit en effet d'insérer une clause de ce type dans chacun des nouveaux articles du code pénal et du code de procédure pénale. Votre commission considère qu'il n'est pas de bonne technique législative de codifier des dispositions par nature transitoires qu'elle vous a proposé en conséquence de supprimer à l'article premier et qu'elle vous propose de rétablir au présent article.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 2 ainsi modifié .

Article 3
(article 689-8 nouveau du code de procédure pénale)
Compétence universelle des juridictions françaises

L'article 113-2 du code pénal prévoit que " la loi pénale française est applicable à toutes les infractions commises sur le territoire de la République " .

En principe, les infractions commises hors du territoire de la République échappent aux juridictions françaises. Toutefois, l'article 113-6 du code pénal prévoit que la loi française est applicable pour les crimes et les délits commis à l'étranger par un Français. En ce qui concerne les délits, la loi pénale française ne s'applique que " si les faits sont punis par la législation du pays où ils ont été commis ". Par ailleurs, selon l'article 113-7 du code pénal " la loi pénale française est applicable à tout crime, ainsi qu'à tout délit puni d'emprisonnement, commis par un Français ou par un étranger hors du territoire de la République lorsque la victime est de nationalité française au moment de l'infraction ".

En outre, certaines infractions portant atteinte à des intérêts supérieurs sont également soumises à la loi pénale française, même lorsqu'elles sont commises à l'étranger (article 113-10 du code pénal).

Enfin, dans certains cas, les juridictions françaises bénéficient d'une compétence universelle par l'effet de conventions internationales. Le système de la compétence universelle " donne vocation à juger une infraction aux tribunaux de l'Etat sur le territoire duquel le délinquant a été arrêté ou se trouve même passagèrement, quel que soit le lieu de commission de l'infraction et quelles que soient les nationalités de l'auteur et de la victime " 10( * ) . Les articles 689-2 à 689-7 du code de procédure pénale prévoient déjà des cas de compétence universelle des juridictions françaises, par exemple pour l'application de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

L'article 3 du projet de loi tend à introduire un nouveau cas de compétence universelle pour l'application du protocole du 27 septembre 1996 à la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés et de la convention du 26 mai 1997 relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de l'Union européenne.

Ces deux engagements internationaux imposent aux Etats parties d'établir leur compétence dans certains cas où l'application des principes généraux du droit pénal français ne permet pas d'être sûr de la compétence des juridictions françaises .

Ainsi, l'article 6 du protocole du 27 septembre 1996 et l'article 7 de la convention du 26 mai 1997 imposent aux Etats d'établir leur compétence dans les cas où :

- l'auteur de l'infraction est un de leurs ressortissants ou un de leurs fonctionnaires ;

- l'infraction est commise à l'encontre d'un de leurs ressortissants, fonctionnaire européen ou national, ou membre d'une institution ou organisation communautaire ;

- l'auteur de l'infraction est un fonctionnaire communautaire au service d'une institution des Communautés européennes ou d'un organisme créé conformément aux traités instituant les Communautés européennes et ayant son siège dans l'Etat membre concerné.

Pour permettre l'application de ces stipulations, l'article 3 du projet de loi tend à insérer un article 689-8 dans le code de procédure pénale afin de prévoir la compétence des juridictions françaises à l'égard de :

- tout fonctionnaire communautaire au service d'une institution des Communautés européennes ou d'un organisme créé conformément aux traités instituant les Communautés européennes et ayant son siège en France , coupable du nouveau délit de corruption passive (article 435-1 du code pénal) ou d'une infraction portant atteinte aux intérêts financiers des Communautés européennes. L'hypothèse ici visée selon l'exposé des motifs du projet de loi est celle d'une infraction commise hors du territoire de l'Union par un fonctionnaire européen ou ressortissant d'un Etat membre ;

- tout Français ou toute personne appartenant à la fonction publique française coupable d'un des nouveaux délits de corruption passive (article 435-1 du code pénal) ou active (article 435-2 du code pénal) ou d'une infraction portant atteinte aux intérêts financiers des Communautés européennes ;

- enfin, toute personne coupable du nouveau délit de corruption active (article 435-2 du code pénal) ou d'une infraction portant atteinte aux intérêts financiers des Communautés européennes lorsque ces infractions sont commises à l'encontre d'un ressortissant français.

Cet article permet donc d'établir la compétence des juridictions françaises en dehors de toute condition de réciprocité et ne concernera donc que des infractions commises entièrement hors du territoire de l'Union européenne . En effet, le protocole et la convention visés dans le texte proposé pour l'article 689-8 du code de procédure pénale n'entreront en vigueur que lorsque tous les Etats membres les auront ratifiés, de sorte qu'à l'intérieur de l'Union, la condition de réciprocité sera toujours satisfaite.

Conformément aux décisions prises à l'article premier et à l'article 2, votre commission vous soumet un amendement supprimant le dernier alinéa de cet article qui tend à prévoir son entrée en vigueur le jour de l'entrée en vigueur des conventions auxquelles il fait référence.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 3 ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 3
Compétence du procureur et des juridictions de Paris
pour la corruption active d'agents publics étrangers

La corruption dans le commerce international est souvent extrêmement difficile à déceler, compte tenu des mécanismes de plus en plus complexes qui sont utilisés. La création dans notre code pénal d'une incrimination de ces comportements ne pourra être réellement efficace que si des magistrats très spécialisés en matière financière sont chargés de ces dossiers.

Par ailleurs, dans une telle matière, il paraît souhaitable que l'action publique soit exercée de manière cohérente sur l'ensemble du territoire. Le projet de loi prévoit certes une compétence concurrente entre les juridictions territorialement compétentes et les juridictions spécialisées en matière économique et financière dans le ressort de chaque cour d'appel mais cette précaution est apparue insuffisante à votre commission. En effet, malgré le développement récent de quelques pôles économiques et financiers, peu de juridictions paraissent aujourd'hui dotées des moyens nécessaires pour lutter efficacement contre des infractions financières d'une grande complexité.

Dans ces conditions, votre commission vous propose, par un article additionnel, de prévoir une compétence concurrente de la juridiction parisienne et de la juridiction territorialement compétente . Un tel système, qui existe déjà dans notre procédure pénale pour la poursuite, l'instruction et le jugement des affaires de terrorisme, pourrait permettre que les affaires de corruption internationale soient traitées par la juridiction qui dispose aujourd'hui des moyens les plus importants pour faire face à ce type d'infractions. En outre, la cohérence de l'action publique dans une matière très sensible pourrait être plus sûrement assurée grâce à cette compétence de la juridiction parisienne.

Naturellement, il sera possible de reconsidérer cette compétence de la juridiction parisienne si les pôles économiques et financiers promus par Mme le garde des sceaux se développaient de manière telle qu'il existe une certitude que, sur tout le territoire de la République, les infractions souvent complexes de corruption dans les contrats internationaux soient confiées à des magistrats disposant d'une formation adéquate.

Il convient enfin de rappeler que d'ores et déjà, pour l'ensemble des infractions, l'article 693 du code de procédure pénale prévoit un certain nombre de critères pour la détermination de la juridiction compétente (le lieu de résidence du prévenu, le lieu où il est trouvé, le lieu de résidence de la victime...) et que lorsque ces critères ne peuvent recevoir application, la juridiction compétente est celle de Paris sauf décision contraire de la Cour de cassation.

Article 4
Compétence des tribunaux correctionnels
en matière économique et financière

L'article 704 du code de procédure pénale prévoit qu'un certain nombre de délits, en particulier la corruption et le trafic d'influence, qu'ils soient actifs ou passifs, ainsi que les délits prévus par la loi de 1966 sur les sociétés commerciales relèvent de la compétence des tribunaux correctionnels spécialisés en matière économique et financière.

La loi n° 94-89 du 1 er février 1994, qui a modifié le système antérieur établi par la loi du 6 août 1975, a prévu, pour toutes les infractions énumérées à l'article 704 du code de procédure pénale, une compétence territoriale concurrente entre la juridiction correctionnelle de droit commun et une juridiction correctionnelle spécialisée en matière économique et financière (dont l'existence est prévue par l'article 705 du code de procédure pénale). Ainsi, lorsque la complexité d'une affaire paraît l'exiger, le procureur territorialement compétent peut saisir la juridiction spécialisée plutôt que la juridiction de son ressort.

L'article 4 du projet de loi tend à inclure parmi les délits relevant de la compétence des juridictions correctionnelles spécialisées les nouvelles infractions prévues par le projet de loi , en particulier la corruption active d'agent public étranger.

De fait, les contrats passés dans le cadre du commerce international peuvent être d'une grande complexité et il paraît nécessaire que les magistrats appelés à connaître de plaintes sur ces dossiers aient une maîtrise réelle de ces questions. Une entreprise peut être gravement déstabilisée par une procédure lancée contre ses dirigeants et l'intervention plusieurs années plus tard d'une relaxe ou d'un non-lieu ne peut réparer les effets d'une mise en examen susceptible de ruiner la crédibilité de l'entreprise.

La question qui se pose est celle de savoir si la précaution prévue à cet article est suffisante pour que les affaires de corruption dans le commerce international soient traitées par des magistrats au fait de mécanismes financiers très complexes. En ce qui concerne la corruption active d'agents publics étrangers, votre commission a préféré prévoir la compétence de la juridiction parisienne, de manière à faire en sorte que la cohérence de l'action publique soit préservée et que cette infraction soit poursuivie et jugée par la juridiction aujourd'hui la mieux armée en matière économique et financière.

Votre commission vous soumet un amendement tendant à exclure du champ d'application de cet article les articles 435-3 et 435-4 nouveaux du code pénal, relatifs à la corruption d'agents publics étrangers, conformément à sa proposition de soumettre ces infractions à la juridiction parisienne. En revanche, elle accepte naturellement que les infractions de corruption passive ou active de fonctionnaire communautaire ou de fonctionnaire d'un Etat membre de l'Union européenne relèvent de la compétence des juridictions spécialisées en matière économique et financière.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 4 ainsi modifié.

Article 5
Applicabilité en Nouvelle-Calédonie,
dans les territoires d'outre-mer et à Mayotte

Cet article prévoit l'applicabilité de la loi en Nouvelle-Calédonie, dans les territoires d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte. Pour tenir compte du fait que la Polynésie française ne sera bientôt plus un territoire d'outre-mer, votre commission vous soumet, comme elle l'a déjà fait pour plusieurs autres projets de loi, un amendement tendant à remplacer la référence aux territoires d'outre-mer par une référence à la Polynésie française et aux îles Wallis-et-Futuna.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 5 ainsi modifié .

*

Sous réserve de ces observations et des amendements qu'elle vous soumet, votre commission des Lois vous propose d'adopter le présent projet de loi.

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