EXAMEN DES ARTICLES

Article premier
Schéma départemental d'accueil des gens du voyage

Cet article a pour objet, d'une part, de fixer le principe général de la participation des communes à l'accueil des gens du voyage, d'autre part, de préciser le contenu du schéma départemental et la procédure d'élaboration de ce dernier.

1. Un principe général : la participation des communes à l'accueil des gens du voyage

Le I
de l'article 1 er fixe le principe de portée générale de la participation des communes à l'accueil des gens du voyage et introduit la nouvelle notion juridique de " résidence mobile " qui doit permettre de définir la population concernée par cette politique d'accueil.

L'obligation pesant sur les communes pour l'accueil des gens du voyage a été établie par la jurisprudence administrative. Dans un arrêt Ville de Lille du 2 décembre 1983, le Conseil d'Etat avait ainsi considéré qu'un maire ne peut pas limiter " à 48 heures, sans possibilité de prolongation, autres que pour des raisons de santé exceptionnelles, le stationnement de ceux-ci sur le territoire de la commune " et interdire le stationnement " hors des emplacements fixés par les arrêtés contestés qui ne permettent l'accès que d'un très petit nombre de véhicules et sont dépourvus des aménagements indispensables, notamment sur le plan sanitaire ".

La jurisprudence a ainsi prohibé les mesures comportant une interdiction totale du stationnement et de séjour ou aboutissant à une impossibilité pour les gens du voyage de stationner pendant le temps minimum qui leur est nécessaire. Une limitation inférieure à 48 heures ne peut être prononcée par le maire sauf cas d'absolue nécessité résultant de troubles graves à l'ordre public.

Ces solutions de portée générale n'ont pas été remises en cause par la loi du 31 mai 1990 qui a imposé une obligation spécifique aux communes de plus de 5 000 habitants d'aménager des terrains pour le passage et le séjour des gens du voyage. En conséquence, elles continuent à s'imposer aux communes dont la population est inférieure à ce seuil démographique.

La jurisprudence antérieure à la loi du 31 mai 1990 autorisait, en revanche, les communes qui satisfaisaient à l'obligation d'accueil des gens du voyage par la mise à disposition d'un terrain aménagé à interdire le stationnement des nomades sur le reste du territoire communal.

La loi du 31 mai 1990 a confirmé cette faculté ainsi reconnue aux maires en l'étendant aux maires des communes qui participent, dans le cadre d'un programme intercommunal, à la réalisation d'aires d'accueil.

Cette faculté est formalisée, dans une nouvelle rédaction, à l'article 9 du projet de loi.

Le I de l'article premier propose par ailleurs d'introduire la notion juridique de " résidence mobile " qui permettrait de désigner l'" habitat traditionnel " des gens du voyage.

Le terme de " nomades ", introduit par la loi du 19 juillet 1912, a été supprimé de l'ordonnancement juridique en 1969. Depuis cette date, les termes de " gens du voyage " se sont imposés dans les circulaires administratives avant de recevoir une consécration législative à l'article 28 de la loi du 31 mai 1990. Cette loi n'a néanmoins pas donné de définition juridique de cette catégorie.

On pourrait donc, en bonne logique, tout aussi bien envisager que serait visée une situation de droit caractérisée par la détention de documents de circulation prévus par la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 qu'une situation de fait , solution que privilégie le projet de loi.

La référence à un habitat traditionnel constitué de résidences mobiles renvoie à un dénominateur commun permettant d'identifier les gens du voyage.

En retenant la notion d'" habitat traditionnel (...) constitué de résidences mobiles ", le présent article tente donc d'opérer un effort de clarification. Cependant, faute de précisions complémentaires, rien ne permet de distinguer de manière parfaitement claire cette nouvelle notion des autres formes d'habitat, en particulier de la caravane régie par les dispositions du code de l'urbanisme. En outre, l'" habitat traditionnel " ne reçoit pas de définition particulière et son contenu n'est pas éclairé par les travaux de l'Assemblée nationale.

Le projet de loi n'échappe pas à cette ambiguïté, son article 7 prévoyant la majoration de la population prise en compte pour le calcul des concours de l'Etat, à raison d'une place " par caravane " - et non " résidence mobile " - située sur une aire d'accueil.

Or cette notion de " résidence mobile " non seulement servira à définir le champ d'application de l'obligation pesant sur les communes mais également encadrera la mise en oeuvre des pouvoirs de police du maire, selon les dispositions de l'article 9 du projet de loi, qui, d'une part, permet l'interdiction du stationnement des seules " résidences mobiles mentionnées à l'article premier " sur le reste du territoire des communes ayant satisfait à leurs obligations et, d'autre part, prévoit une procédure d'évacuation forcée qui concerne spécifiquement ces " résidences mobiles " à l'exclusion de tout autre véhicule, notamment des caravanes.

En conséquence, une définition juridique précise de ce qu'il faut entendre par " résidence mobile " apparaît constituer un enjeu important afin de prévenir des contentieux sur la qualification juridique des véhicules utilisés par les gens du voyage.

Il est possible de considérer que la résidence mobile se distingue des autres formes d'habitat par son caractère mobile et de la caravane par le fait qu'elle recouvre, en dehors de la caravane, tout abri mobile qui a conservé les moyens de mobilité qui, tels que visés à l'article R. 443-2 du code de l'urbanisme, se comprennent comme devant permettre le déplacement de cette résidence par simple traction d'un lieu à un autre (mobil home...).

La résidence mobile doit être considérée comme un domicile à l'instar de la caravane avec les protections afférentes à cette qualité.

Par un amendement , votre commission des Lois vous propose de préciser qu'au sens du projet de loi, la résidence mobile est constituée des caravanes affectées à l'habitat permanent de leurs occupants ou de tout autre abri mobile ayant la même destination.

2. Le contenu du schéma départemental


Le II de l'article premier précise le contenu du schéma départemental.

L'article 28 de la loi du 31 mai 1990 a prévu que le schéma départemental devait définir " les conditions d'accueil spécifique des gens du voyage en ce qui concerne le passage et le séjour, en y incluant les conditions de la scolarisation des enfants et celles d'exercice d'activités économiques ".

• La rédaction proposée par le projet de loi prévoit que le schéma départemental devra tenir compte des " données existantes ", sans que ces données ne soient désignées, et des " besoins constatés ".

Ces notions renvoient au contenu des études préalables aux schémas départementaux. Les données minimales qui devront être recensées seront définies par la voie réglementaire. Ces données comprendront notamment les informations dont disposent les différentes administrations, les communes, les services sociaux ainsi que les associations, les études variées déjà réalisées et les enquêtes menées auprès des personnes qualifiées.

En pratique, les besoins seront recensés à partir d'une étude préalable à l'élaboration du schéma dans le cadre d'un partenariat entre les différents acteurs concernés qui pourra s'exprimer à travers la commission consultative départementale instituée par le IV du présent article.

Dans un souci de clarification, votre commission des Lois vous propose, par amendement , de viser expressément l'" évaluation préalable des besoins et de l'offre existante ".

Une liste non exhaustive de ces besoins est donnée : il s'agirait notamment de la fréquence et de la durée des séjours des gens du voyage. Pourraient ainsi figurer dans le schéma les aires réservées au simple passage ainsi que celles destinées à des séjours de plus longue durée.

Le schéma, au titre de ces besoins, devra également prendre en compte les aspects socio-éducatifs : possibilités de scolarisation des enfants, accès aux soins, exercice d'activités économiques. Il devra en outre, définir la nature des interventions sociales à mettre en oeuvre en direction des gens du voyage fréquentant les aires d'accueil.

• Par ailleurs, le schéma devra prévoir les " secteurs géographiques " d'implantation des " aires permanentes d'accueil " ainsi que les communes où ces aires doivent être réalisées.

La rédaction proposée ne permet néanmoins pas de définir ce qu'il faut entendre précisément par " secteurs géographiques ", notamment au regard des documents d'urbanisme.

Selon les précisions apportées à votre rapporteur, cette notion correspond simplement à une approche pragmatique des territoires pertinents en matière de passage et d'accueil. Elle ne correspond donc à aucun périmètre ou zonage définis dans le code de l'urbanisme. Les " secteurs géographiques " définis dans le schéma départemental ne devront donc pas être repris en tant que tels dans les documents d'urbanisme.

• Le schéma devra définir la destination de ces aires ainsi que leur capacité. Il s'agit par cette précision de veiller à une coordination au plan départemental des différentes réalisation communales ou intercommunales.

La destination des aires concernera le passage ou le séjour plus durable. La définition des aires de passage dans le schéma départemental leur permettra de bénéficier des aides définies aux articles 4 et 5 du projet de loi.

Restera néanmoins en vigueur l'obligation pour toute commune d'assurer sur son territoire la halte des gens du voyage pendant au moins 48 heures.

Par amendement, votre commission des Lois vous suggère de préciser que le schéma départemental devra en outre recenser les terrains familiaux, aménagés par des gens du voyage en vue de l'accueil de caravanes, pour lesquels l'article 8 du projet de loi prévoit une procédure d'autorisation de nature à simplifier le régime juridique auquel ils sont soumis.

En effet, même si le schéma a vocation à concerner les non sédentaires, l'existence de terrains familiaux aménagés - comme l'ont souligné plusieurs associations auditionnées par votre rapporteur - est de nature à réduire sensiblement les besoins sur les aires d'accueil.

En conséquence, leur recensement dans le schéma départemental facilitera l'évaluation des besoins en stationnement. Ce recensement ne concernera pas les terrains en tant que tels mais les autorisations d'aménagement qui pourront être délivrés sur le fondement de l'article L. 443-3 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de l'article 8 du projet de loi.

• Le schéma départemental devra déterminer la nature des " interventions sociales en direction des gens du voyage qui les fréquentent ".

Il s'agit par ces interventions de favoriser la scolarisation ou la pré-scolarisation des enfants, l'alphabétisation des adultes, l'accès aux soins et à la prévention. Elles doivent, en outre, permettre l'adaptation des gens du voyage à l'environnement économique et leur fournir une aide dans les démarches administratives.

Les intervenants seront les services de l'Etat, les collectivités locales, les caisses d'allocations familiales et les associations spécialisées.

L'article 6 du projet de loi prévoit la conclusion d'une convention passée entre les personnes morales intervenantes et les gestionnaires de l'aire d'accueil pour définir les modalités de ces interventions sociales.

Votre commission des Lois vous soumet un amendement de clarification rédactionnelle visant les " actions de caractère social " de préférence aux " interventions sociales ".

Enfin, le second alinéa du I de l'article premier traite du cas spécifique des grands rassemblements traditionnels pour lesquels la proposition de loi relative aux conditions de stationnement des gens du voyage a prévu l'élaboration d'un schéma national et une prise en charge par l'Etat.

Les auteurs du projet de loi ont au contraire choisi de faire prendre en compte ce type de rassemblements au niveau départemental. A cet effet, le schéma devra déterminer les emplacements susceptibles d'être utilisés temporairement pour ces rassemblements et déterminer les conditions dans lesquelles l'Etat intervient " pour assurer leur bon déroulement ".

La mission ainsi confiée à l'Etat ne ressort pas clairement de la rédaction proposée. On doit néanmoins considérer qu'elle ne se limite pas aux seuls pouvoirs de police du représentant de l'Etat. Elle impose à l'Etat des obligations plus lourdes notamment quant à la mise à disposition de terrains adaptés à l'accueil de rassemblements de cette importance.

Il reste à déterminer comment la responsabilité de l'Etat pourra se conjuguer avec une responsabilité communale qui paraît mal adaptée dès lors qu'à l'évidence l'ampleur de ces rassemblements, les difficultés qu'ils occasionnent pour l'ordre public impliquent leur prise en charge à un niveau supra communal et même supra départemental.

Ces rassemblements occasionnels se déroulent notamment dans le cadre de grands pèlerinages qui impliquent des déplacements d'une ampleur particulière, soulevant des difficultés spécifiques en matière de stationnement.

Le pèlerinage de Lourdes, entre le 31 août et le 3 septembre regroupe différentes ethnies (Manouches, Roms, Sinti, Gitans) de rite catholique, ce qui attire près de 500 caravanes et 3.000 Tsiganes stationnés sur des parkings.

Le pèlerinage des Saintes-Maries de la Mer , du 24 au 26 mai, rassemble près de 15.000 tziganes.

Les Tsiganes évangélistes , de confession protestante, pour leur part, se réunissent en conventions qui peuvent concerner jusqu'à 30.000 fidèles et 400 prédicateurs.

Notons que d'autres grands lieux de pèlerinages existent également en Europe : Rome, Séville, Saragosse, Fatima au Portugal, Altenberg près de Cologne. Ce qui souligne mieux encore que le bon niveau pour appréhender ces rassemblements est celui de l'Etat voire pour certains d'entre eux le niveau européen.

Votre commission des Lois vous soumet, en conséquence, un amendement qui, insérant un paragraphe additionnel après le I de l'article 1 er , prévoit l'élaboration d'un schéma national pour permettre qu'une coordination de ces grands rassemblements traditionnels soit assurée au niveau national et que leur prise en charge intègre les préoccupations d'aménagement du territoire.

Par coordination, un autre amendement tend à supprimer le second alinéa du II de l'article 1 er relatif à la prise en compte des rassemblements traditionnels et occasionnels dans le schéma départemental.

3. Procédure d'élaboration et révision du schéma départemental

Le III de l'article premier précise la procédure selon laquelle le schéma départemental est élaboré et prévoit sa révision périodique.

L'article 28 de la loi du 31 mai 1990 n'a pas prévu de procédure spécifique pour l'élaboration des schémas départementaux.

Cette procédure a été précisée par une circulaire du 16 mars 1992 qui a fixé certains principes généraux, notamment :

- une élaboration conjointe par l'Etat et le département ;

- la participation des communes et des établissements publics de coopération intercommunale ;

- la participation d'un représentant du conseil régional et d'associations ;

- la conclusion du schéma par un arrêté conjoint du préfet et du président du conseil général ;

- la publication du schéma au recueil des actes administratifs de la préfecture, et du département, puis sa transmission aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale.

Le III de l'article premier confirme la compétence conjointe du représentant de l'Etat et du président du conseil général pour l'élaboration du schéma départemental, ainsi que la consultation préalable des communes concernées.

Si cet avis est un avis simple, il est indispensable que les autorités en charge de l'élaboration du schéma lui accorde la plus grande attention et que les difficultés éventuelles soient débattues dans le cadre de la commission consultative départementale instituée par le IV du présent article.

L'Assemblée nationale a, par ailleurs, prévu, à juste titre, l'avis de la commission consultative instituée par le IV de l'article premier, alors que le projet de loi initial n'envisageait pour sa part que l'association de cette commission consultative à l'élaboration du schéma.

La durée d'élaboration du schéma est, en outre, limitée à une période de dix-huit mois à compter de l'entrée en vigueur de la loi - de la publication dans le texte adopté par l'Assemblée nationale.

En cas de désaccord entre les autorités chargées d'élaborer le schéma départemental, le représentant de l'Etat serait habilité à approuver seul le schéma sans l'accord du président du conseil général.

Une telle disposition contraignante ne saurait s'accorder avec le partenariat qui doit prévaloir entre l'Etat et les collectivités locales dans la définition et la mise en oeuvre des mesures destinées à permettre l'accueil des gens du voyage.

Elle n'est pas non plus conciliable avec la définition par le schéma d'actions conjointes, par exemple dans le domaine social, certaines de ces actions pouvant relever des compétences facultatives du département .

C'est pourquoi, par un amendement , votre commission des Lois vous propose de supprimer cette disposition.

Le schéma devra être publié dans le recueil des actes administratifs de la préfecture. Cette publication devrait logiquement être également faite dans le recueil des actes administratifs du département, dès lors qu'il y a adoption conjointe du schéma.

L'Assemblée nationale a, en outre, jugé nécessaire de préciser que le schéma serait opposable.

A l'examen, cette précision n'apparaît pas opportune. Certes, le schéma permettra de déterminer la nature et l'étendue des obligations que la loi met à la charge des communes. Pour autant, il ne revêt pas le caractère d'un document d'urbanisme. Comme votre rapporteur l'a indiqué ci-dessus, les secteurs géographiques qu'il déterminera pour l'implantation des aires ne devront pas être repris en tant que tels dans les documents d'urbanisme. Par conséquent, l'utilisation d'une notion bien connue en droit de l'urbanisme ne pourrait que prêter à confusion quant aux droits et obligations des communes et des tiers dans l'utilisation du sol.

C'est pourquoi, par un amendement , votre commission des Lois vous propose de supprimer cette précision.

Enfin, le second alinéa du III de l'article 1 er précise que le schéma départemental devra être révisé dans les mêmes conditions au moins tous les six ans à compter de sa publication. Cette procédure de révision devra permettre de prendre en compte les évolutions constatées afin d'adapter l'offre en aires d'accueil. Il s'agit néanmoins d'une durée maximale. En cas de nécessité, l'échéance des six ans pourra donc être réduite.

A cet alinéa, votre commission des Lois vous soumet un amendement de précision.

4. La création de commissions consultatives départementales


Reprenant une suggestion qui figurait dans la proposition de loi relative aux conditions de stationnement des gens du voyage, adoptée par le Sénat, le IV de l'article premier institue dans chaque département une commission consultative associant des représentants des communes et des gens du voyage, en vue de l'élaboration et de la mise en oeuvre du schéma départemental.

Actuellement, les instances représentatives des gens du voyage existent au seul niveau national. Le décret n° 99-733 du 27 août 1999 a ainsi créé une commission consultative nationale des gens du voyage, qui prend la suite d'une précédente commission qui avait été instituée par le décret n° 92-262 du 24 mars 1992.

Dans le but de promouvoir un cadre de concertation et de médiation au plan local, le Sénat avait prévu la mise en place de commissions départementales. Considérant que les conditions de stationnement des gens du voyage ne concernerait pas tous les départements, il avait néanmoins - contrairement à ce qu'envisage le projet de loi - conféré à cette création un caractère facultatif.

La commission départementale sera présidée conjointement par le représentant de l'Etat et par le président du conseil général, ou par leurs représentants.

Le projet de loi reste néanmoins elliptique quant à la composition de la commission puisqu'il se borne à mentionner la présence de représentants des communes et des gens du voyage, renvoyant pour le reste au pouvoir réglementaire.

Soucieuse que la composition de cette commission prenne en compte les différentes parties intéressées par l'accueil des gens du voyage, votre commission des Lois vous soumet un amendement qui prévoit, pour cette commission, une composition associant des représentants de la région, du département, des communes et de leurs groupements, des services de l'Etat, des gens du voyage ainsi que des personnalités qualifiées.

Sur la proposition de M. Patrice Martin Lalande, l'Assemblée nationale - avec l'accord du Gouvernement - a complété le dispositif en y faisant figurer des précisions adoptées par le Sénat dans la proposition de loi précitée, selon lesquelles la commission établit chaque année un bilan d'application du schéma et peut désigner un médiateur chargé d'examiner les difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre du schéma, le médiateur étant tenu de rendre compte de ses activités à la commission.

S'écartant de la solution retenue par le Sénat, l'Assemblée nationale - à la demande de sa commission des Lois - a jugé préférable que le médiateur soit une personnalité extérieure à la commission. Cette solution paraît acceptable.

5. Coordination régionale

Le V de l'article premier
prévoit une procédure de coordination régionale des travaux d'élaboration des schémas départementaux, dont sera chargée le représentant de l'Etat dans la région.

Celui-ci devra s'assurer de la cohérence du contenu des schémas départementaux et de leurs dates de publication.

Il réunira à cet effet une commission constituée de représentants de l'Etat dans les départements, du président du conseil régional et des présidents des conseils généraux ou de leurs représentants.

Le texte ne précise pas si cette commission pourra, le cas échéant , être réunie à la demande des exécutifs territoriaux.

Le rôle dévolu au représentant de l'Etat dans la région apparaît, en outre, assez ambigu dès lors que la rédaction proposée ne précise pas s'il pourra se traduire par une forme de contrainte.

Poursuivant l'objectif de promouvoir une véritable concertation entre l'Etat et les collectivités locales, votre commission des Lois vous propose par amendement de confier ce rôle de coordination directement à la commission qui pourra se réunir soit à l'initiative du représentant de l'Etat dans la région soit à la demande de ses membres ou des commissions consultatives départementales concernées.

En outre, les propositions formulées par cette commission régionale devront être soumises pour avis à ces commissions départementales, elles-mêmes compétentes, dans le projet de loi qui vous est soumis, pour donner un avis sur le projet de schéma.

Dans le projet de loi initial, cette disposition était spécifique à la région d'Ile-de-France.

Comme votre rapporteur l'avait souligné lors de l'examen par le Sénat de la proposition de loi précitée, la situation spécifique de la région d'Ile-de-France (caractère fortement urbanisé, faible superficie des départements contigus à Paris, fort transit des gens du voyage) au regard du stationnement des gens du voyage justifie la définition d'une coordination régionale.

Sur la suggestion de sa commission des Lois qui a considéré que dans d'autres régions urbanisées, des transits du même type peuvent être observés, l'Assemblée nationale a décidé d'étendre ces dispositions à l'ensemble des régions .

Cette extension ne paraît pas s'imposer, la situation de l'Ile-de-France étant vraiment spécifique. C'est pourquoi, le même amendement limite le dispositif à l'Ile-de-France. Pour les autres régions, il prévoit une coordination interdépartementale entre les départements limitrophes.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article premier ainsi modifié.

Article additionnel après l'article premier
Pouvoirs du représentant de l'Etat dans le département dans le cadre des grandes migrations traditionnelles des gens du voyage

Après l'article premier, votre commission des Lois vous propose, par amendement , d'insérer un article additionnel qui, conformément aux orientations retenues par le Sénat dans la proposition de loi relative aux conditions de stationnement des gens du voyage, tend à affirmer le rôle du représentant de l'Etat dans le département pour veiller au bon déroulement des grands rassemblements traditionnels.

Cet article additionnel insère, à cet effet, un article L 2215-1-1 dans le chapitre V " Pouvoirs du représentant de l'Etat dans le département " du titre premier " Police " du Livre deuxième " Administration et services communaux " du code général des collectivités territoriales.

Le représentant de l'Etat agira, en l'espèce, dans le cadre des pouvoirs de police qui lui sont dévolus par l'article L 2215-1 du code général des collectivités territoriales.

En application de ces dispositions , le représentant de l'Etat peut prendre, par toutes les communes du département ou plusieurs d'entre elles et dans tous les cas où il n'y aurait pas été pourvu par les autorités municipales, toutes mesures relatives au maintien de la sécurité , de la sûreté et de la tranquillité publiques. Ce droit ne peut être exercé par le représentant de l'Etat à l'égard d'une seule commune qu'après une mise en demeure au maire restée sans résultat.

En outre, lorsque le maintien de l'ordre est menacée dans deux ou plusieurs communes limitrophes, le représentant de l'Etat peut se substituer, par arrêté motivé, aux maires des communes pour leurs pouvoirs de police qui concernent la répression des atteintes à la tranquillité publique, le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d'hommes et la police des baignades et activités nautiques.

Enfin, et cette disposition est particulièrement importante en l'espèce, le représentant de l'Etat est seul compétent pour prendre les mesures relatives à l'ordre, à la sûreté , à la sécurité et à la salubrité publiques, dont le champ d'application excède le territoire d'une commune.

Précisant ces pouvoirs et affirmant le rôle de l'Etat en la matière, le présent article confie au représentant de l'Etat le soin de prendre les mesures nécessaires pour la mise en oeuvre des orientations fixées par le schéma national dont votre commission des Lois vous a proposé, à l'article 1 er du projet de loi, de prévoir l'élaboration.

Le représentant de l'Etat jouera donc un rôle essentiel pour veiller à éviter  des concentrations excessives qui soulèvent des difficultés importantes au regard des risques de pollution et de dégradation des sites ainsi que des conditions d'hygiène.

Votre commission vous propose d'adopter cet article additionnel dans la rédaction qu'elle vous soumet.

Article 2
Obligations des communes

Cet article tend à préciser les obligations pesant sur les communes pour la création et la gestion des aires d'accueil.

Le I institue une obligation spécifique aux communes de plus de 5 000 habitants de créer des aires d'accueil et définit le contenu de cette obligation.

L'article 28 de la loi du 31 mai 1990 a fait obligation à toute commune de plus de 5 000 habitants de prévoir les conditions de passage et de séjour des gens du voyage sur leur territoire par la réservation de terrains aménagés à cet effet.

Le I du présent article confirme cette obligation pour les communes atteignant ce seuil.

Le seuil de 5 000 habitants retenu pour la création obligatoire d'aires d'accueil ne correspond pas aux réalités locales . Il peut être plus logique, dans certains départements de créer des aires d'accueil dans des communes de taille inférieure.

Ce seuil crée, en outre, une confusion car l'intention des auteurs du projet de loi n'a pas été d'exempter les communes de moins de 5 000 habitants d'une obligation de mettre en oeuvre les prescriptions du schéma départemental.

Or, les obligations pesant sur les communes de moins de 5 000 habitants, en vertu du schéma départemental, ne pourraient se déduire que des dispositions de l'article 3 du projet de loi, qui prévoient un pouvoir de substitution du représentant de l'Etat, en cas de carence de la commune. Le projet de loi reste donc muet sur les conditions dans lesquelles ces communes pourront satisfaire aux prescriptions du schéma.

Cette obligation uniforme ne pourrait avoir de sens dans certains départements qui sont peu concernés par les déplacements des gens du voyage. Enfin, elle reviendrait à rendre obligatoire -dans des conditions qui ne sont pas définies- la participation financière de communes de plus de 5 000 habitants à la réalisation d'aires d'accueil, alors même qu'elles n'auraient pas été visées par le schéma départemental.

C'est pourquoi, tout en maintenant l'obligation faite aux communes par la loi du 31 mai 1990, la proposition de loi sénatoriale suggère de supprimer tout seuil de population. Elle définit une obligation pour les communes et leurs groupements de concourir à la mise en oeuvre du schéma départemental par la réservation de terrains aménagés en vue du passage et du séjour des gens du voyage, en fonction des orientations retenues par le schéma départemental.

Pour les motifs énoncés ci-dessus, votre commission des Lois vous propose par amendement de confirmer cette solution en modifiant en conséquence le I de l'article 2 du projet de loi.

Le présent article fixe, en outre, un délai de deux ans aux communes pour satisfaire à leurs obligations, ce délai commençant à courir à compter de l 'approbation du schéma - de sa publication , solution meilleure, dans le texte adopté par l'Assemblée nationale.

Pour accomplir leurs obligations de mettre en oeuvre le schéma départemental, les communes auront le choix entre trois solutions :

- mettre à la disposition des gens du voyage une ou plusieurs aires d'accueil, aménagées et entretenues ;

- transférer cette compétence à un établissement public de coopération intercommunale ;

- contribuer financièrement à l'aménagement et à l'entretien de ces aires d'accueil dans le cadre de conventions intercommunales.

Ces différentes modalités de satisfaire aux obligations fixées par le schéma départemental paraissent ouvrir aux communes des voies suffisamment variées.

Après le I de cet article, votre commission des Lois vous propose par amendement d'insérer un paragraphe additionnel qui permet au représentant de l'Etat, sur la demande de la commune concernée, de prolonger le délai de deux ans, lorsque cette commune devra faire face à des difficultés d'ordre technique ou procédural l'empêchant de satisfaire à ses obligations dans ce délai.

Il paraît, en effet, indispensable de ménager une certaine souplesse pour tous les cas ou des motifs objectifs et dûment constatés , qu'ils soient techniques ou liés à la mise en oeuvre de certaines procédures, entravent l'action de la commune.

Le II de l'article 2 fixe l'obligation pour les communes et les établissements publics de coopération intercommunale intéressés d'assurer la gestion des aires d'accueil.

Il leur permet néanmoins de déléguer cette mission par convention à une personne morale publique ou privée.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 2 ainsi modifié.

Article 3
Pouvoir de substitution du représentant de l'Etat

Cet article tend à reconnaître au représentant de l'Etat un pouvoir de substitution dans les cas où les communes n'auraient pas rempli les obligations mises à leur charge par le schéma départemental.

Le I prévoit, en effet, qu'à l'expiration d'un délai de deux ans suivant l'approbation - la publication dans le texte adopté par l'Assemblée nationale - du schéma départemental, le représentant de l'Etat pourra adresser une mise en demeure à la commune ou à l'établissement public de coopération intercommunale qui n'aura pas réalisé les prescriptions du schéma.

A l'issue d'un délai de trois mois suivant cette mise en demeure, il pourra se substituer à la commune ou à l'établissement en vue d'acquérir les terrains nécessaires, réaliser les travaux d'aménagement et gérer les aires ainsi créées.

Cette disposition semble s'inspirer de celles de l'article L. 2122-34 du code général des collectivités territoriales qui reconnaissent au représentant de l'Etat un pouvoir de substitution lorsque le maire, en tant qu'agent de l'Etat, refuserait ou négligerait de faire un des actes qui lui sont prescrits par la loi.

Les dépenses correspondantes constitueront des dépenses obligatoires pour les communes et établissements publics de coopération intercommunale intéressés.

Les communes deviendront de plein droit propriétaires des aires ainsi aménagées à la date d'achèvement de ces aménagements.

La rédaction proposée ne précise pas quelle sera la situation juridique de ces aires avant la date d'achèvement des aménagements. Or le premier alinéa du I de l'article 3 prévoit que dans l'exercice de son pouvoir de substitution, le représentant de l'Etat agit au nom et pour le compte de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale.

Dès lors que les terrains seront achetés en vue de la réalisation d'un équipement public et sous réserve que l'ensemble des critères jurisprudentiels attachés à cette notion soient remplis, ils seront soumis aux règles de la domanialité publique.

Ce pouvoir de substitution n'est pas compatible avec l'idée d'un partenariat qui doit présider à la mise en oeuvre du schéma.

La concertation avec les communes préalablement à l'approbation du schéma puis pour sa mise en oeuvre, notamment au sein de la commission consultative départementale devrait permettre de régler les éventuelles difficultés.

En outre, l'exercice d'un pouvoir de coercition - alors même que certaines difficultés objectives auraient pu ne pas avoir été surmontées - ne pourrait que susciter ou exacerber des tensions locales.

Enfin, le caractère obligatoire des dépenses relatives aux aires d'accueil - caractère qui leur est conféré par le II du présent article - permettra de remédier aux éventuels cas de carence manifeste à travers la procédure prévue par l'article L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales.

Pour ces motifs, votre commission des Lois vous propose par amendement de supprimer le I de l'article 3.

Le II de l'article 3 modifie l'article L. 2321-2 du code général des collectivités territoriales, afin d'inscrire ces dépenses dans la liste des dépenses obligatoires des communes (disposition qui par extension s'appliquera également aux établissements publics de coopération intercommunale).

Dépenses obligatoires, elles pourront, en conséquence, être inscrites d'office au budget de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale selon la procédure prévue par l'article L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales, qui fait intervenir la chambre régionale des comptes.

Au II de l'article 3, votre commission des Lois vous soumet un amendement de coordination.

Elle vous propose d'adopter l'article 3 ainsi modifié.

Article 4
Participation financière de l'Etat
à l'aménagement des aires d'accueil

Cet article a pour objet de définir le montant de l'engagement financier de l'Etat pour le financement de la réalisation d'aires d'accueil ou l'amélioration des aires existantes.

Le montant de cet engagement financier résulte actuellement de la circulaire du ministre de l'équipement en date du 16 septembre 1992, qui a prévu un financement des investissements par l'Etat à hauteur de 35%.

Lors de l'examen de la proposition de loi relative aux conditions de stationnement des gens du voyage, votre commission des lois avait souligné que ce taux était insuffisant.

Le présent article constitue dons un progrès incontestable puisqu'il prévoit de porter la prise en charge par l'Etat à 70% des dépenses.

Compte tenu des besoins qui sont évalués à 30 000 places (5 000 existantes + 25 000 à aménager), le coût maximum pour l'Etat est évalué à 435 millions de francs par an , sur quatre ans, par l'étude d'impact 1( * ) du projet de loi. Le financement sera effectué à parité par le ministère du logement et le ministère de l'emploi et de la solidarité.

Selon l'étude d'impact, les besoins se décomposent comme suit :

- 10 000 places existent actuellement dont :

• 5 000 sont des places d'accueil aménagées correspondant aux objectifs du projet de loi ;

• 5 000 sont des places très sommairement équipées qu'il faudra transformer en vraies places d'accueil ou laisser à disposition, en l'état, pour des passages de courte durée (sans qu'elles puissent être comptabilisées comme aires aménagées).

- En fonction de ces données, le nombre de places à créer ou à réhabiliter est estimé à 25 000, pour obtenir les 30 000 places qui sont nécessaires.

- Le coût de la réalisation d'une place est de l'ordre de 100 000 F. Avec une subvention de 70%, le coût maximum pour l'Etat s'établirait à : (100 000 F x 70%) x 25 000 places = 1 750 MF en quatre ans, soit 435 MF par an.

L'Assemblée nationale a, à juste titre, précisé que seraient concernés les investissements relatifs non seulement à l'aménagement mais aussi à la réhabilitation des aires d'accueil.

Les subventions de l'Etat concerneront les seuls travaux engagés dans le délai de réalisation des aires fixé à l'article 2 du projet de loi, soit deux ans suivant la publication du schéma départemental.

En pratique, la notion d'engagement visé par le premier alinéa de l'article 4 doit s'entendre au sens de l'engagement comptable.

Par un amendement , votre commission des Lois vous propose, en conséquence, de prendre en compte les " dépenses engagées ".

Le renvoi à l'article 2 peut créer une ambiguïté dans la mesure où - dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale - cet article vise spécifiquement les communes de plus de 5 000 habitants. Or, la subvention de l'Etat pourra bénéficier à l'ensemble des communes réalisant des aires d'accueil inscrites au schéma.

Par ailleurs, la participation financière de l'Etat sera versée dans la limite d'un plafond. Selon les indications fournies à votre rapporteur, ce plafond pourrait être de l'ordre de 100 000 F.

Ce financement pourra par ailleurs être complété par la région et le département concernés, ainsi que par les caisses d'allocations familiales, dans le cadre de leur mission d'action sociale.

Par un amendement , votre commission des Lois vous propose de compléter cet article afin de prendre en compte la situation des communes devant faire face à l'arrivée massive et inopinée de gens du voyage, sur des parties de leur territoire constituées de sites classés ou inscrits.

Les dégâts considérables occasionnés aux sites et les coûts très élevés que représentent pour la commune les actions de prévention et de réparation, justifie la mise en oeuvre d'une solidarité financière.

Celle-ci pourrait s'exprimer par le versement de subventions exceptionnelles. Cette disposition serait encadrée à un double égard : d'une part, le caractère exceptionnel de la situation créée ; d'autre part, le montant très élevé de la charge imposée à la commune concernée, sans rapport avec ses capacités financières.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 4 ainsi modifié.

Article 5
(Livre VIII et articles L. 851-1, L. 851-2
et L. 851-3 du code de la sécurité sociale)
Aide des organismes de sécurité sociale
aux personnes gestionnaires d'aires d'accueil

Cet article tend à compléter l'intitulé du livre VIII du code de la sécurité sociale et son titre V, afin d'instituer une aide spécifique destinée à couvrir les frais de fonctionnement occasionnés par l'existence des aires d'accueil.

Le livre VIII du code de la sécurité sociale concerne différentes allocations ou aides, notamment les aides qui sont versées aux organismes logeant à titre temporaire des personnes défavorisées (ALT), lesquelles font l'objet du titre V.

Codifiées à l'article L. 851-1 qui résulte de la loi n° 91-1406 du 31 décembre 1991 portant diverses dispositions d'ordre social, ces aides bénéficient aux associations à but non lucratif, dont l'un des objets est l'insertion ou le logement des personnes défavorisées, qui logent celles-ci pour des durées limitées et dans l'urgence ainsi qu'aux centres communaux ou intercommunaux d'action sociale, qui ont conclu une convention avec l'Etat.

Les personnes concernées appartiennent aux catégories de population prioritairement bénéficiaires du plan départemental. Lorsqu'elles sont étrangères, elles doivent justifier de la régularité de leur séjour. Enfin, il doit s'agir de personnes ne bénéficiant pas d'une aide personnelle au logement.

L'article L. 851-2 précise que l'aide est liquidée et versée par les caisses d'allocations familiales dans les conditions fixées par une convention nationale conclue entre l'Etat et la caisse nationale des allocations familiales.

Selon l'article L . 851-3 , le financement de l'aide et des dépenses de gestion y afférentes est assuré par le fonds national d'aide au logement et par les régimes de prestations familiales.

Le III du présent article complète l'article L. 851-1 précité, afin de prévoir le versement d'une aide forfaitaire aux communes, aux établissements publics de coopération intercommunale ainsi qu'aux personnes morales qui sont chargés de la gestion d'une aire d'accueil, selon les modalités définies par l'article 2 du projet de loi.

Par parallélisme avec le dispositif prévu par l'article L. 851-1 du code de la sécurité sociale, une convention passée avec l'Etat devra fixer le montant prévisionnel de l'aide versée annuellement aux gestionnaires des aires, compte tenu de la capacité effective de ces dernières.

Selon l'étude d'impact du projet de loi, il est prévu une aide comparable à l'ALT, d'un montant de 10 000 F par place et par an.

Le coût prévisionnel est donc évalué comme suit à partir d'un objectif à terme de 30 000 places (5 000 existantes + 25 000 supplémentaires) : 10 000F x 30 000 places = 300 MF/an.

5 000 places seront concernées dès l'entrée en vigueur de la loi, soit un coût de 50 MF/an.

Le financement de ces sommes ne sera cependant à la charge de l'Etat qu'à hauteur de la moitié (soit 150 MF/an à terme et 25 MF dès l'entrée en vigueur de la loi), l'autre moitié étant financé par la CNAF (48%) et la MSA (2%).

Ce montant n'apparaît pas suffisant au regard du coût de fonctionnement d'une aire d'accueil qui - compte tenu notamment des frais de gardiennage - peut s'élever de 30 à 50 000F par place, voire plus dans certains cas.

C'est pourquoi, par un amendement , votre commission des Lois vous propose de préciser que le montant de l'aide ne pourra pas être inférieur à 15 000F.

La convention passée avec l'Etat devra par ailleurs déterminer les modalités de calcul du droit d'usage perçu par les gestionnaires des aires d'accueil. Ce droit d'usage peut être assimilé à une redevance.

Par un amendement , votre commission des Lois vous suggère de le qualifier comme tel.

Enfin, la convention devra définir les conditions de gardiennage des aires d'accueil.

Le IV et le V du présent article aménagent la rédaction des articles L. 851-2 et 851-3 du code de la sécurité sociale, afin de tenir compte de la nouvelle aide instituée à l'article L. 851-1 .

Le I et le II opèrent les coordinations nécessaires dans les intitulés du livre V du code de la sécurité sociale et de son titre V.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 5 ainsi modifié.

Article 6
Organisation des interventions sociales
relatives aux gens du voyage

Cet article tend à renvoyer à une convention, d'une part, la définition des modalités des interventions sociales qui devront être prévues par le schéma départemental et, d'autre part, les conditions de la participation financière du département aux frais de fonctionnement.

Le I prend en compte les interventions sociales dont le financement incombe à l'Etat, au département et le cas échéant aux organismes sociaux concernés, dans le cadre de leurs compétences respectives.

Les interventions sociales en cause sont celles qui auront été prévues par le schéma départemental, conformément au II de l'article 1 er du projet de loi.

Les modalités des interventions sociales seront fixées par des conventions passées entre ces personnes morales et les gestionnaires des aires d'accueil prévues par le schéma départemental. La nature des interventions étant définies par le schéma, la convention devra préciser les modalités de leur mise en oeuvre.

Votre commission des Lois vous soumet un amendement de clarification dans ce sens, qui réalise en outre une coordination avec les modifications qu'elle vous a proposées à l'article 1 er du projet de loi, afin de viser les " modalités de mise en oeuvre des actions de caractère social ".

Le II de l'article 6 traite, pour sa part, des conditions de la participation financière du département aux frais de fonctionnement des aires d'accueil prévues au schéma départemental.

Il renvoie à cet effet à des conventions passées entre le département et le gestionnaire de l'aire d'accueil qui, en application du II de l'article 2 pourra être une commune, un établissement public de coopération intercommunale ou une personne morale publique ou privée ayant reçu délégation de la gestion de l'aire.

Cependant, la participation du département est plafonnée au quart des dépenses de fonctionnement de l'aire.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 6 ainsi modifié.

Article 7
(article L. 2334-2 du code général des collectivités territoriales)
Majoration de la population prise en compte
au titre du calcul de la DGF

Cet article tend à modifier le deuxième alinéa de l'article L. 2334-2 du code général des collectivités territoriales, afin de majorer la population prise en compte dans le calcul de la dotation globale de fonctionnement (DGF) d'un habitant par place de caravane située sur une aire d'accueil.

En vertu des dispositions du projet de loi, la gestion des aires d'accueil sera la règle, alors qu'actuellement moins d'un terrain sur deux est dans cette situation.

En contrepartie, le projet de loi prévoit plusieurs dispositifs destinés à permettre aux communes de faire face aux charges correspondantes :

- une aide à la gestion , comparable à l'ALT, financée par l'Etat, la CNAF et la MSA, qui représentera environ la moitié de la dépense (article 5) ;

- une participation du département , dont les conditions seront fixées par une convention passée avec les gestionnaires des aires d'accueil mais qui ne pourra excéder le quart des frais de fonctionnement (article 6) ;

- un droit d'usage , qui devra être versé par les gens du voyage fréquentant les aires d'accueil (article 5).

Le présent article prend pour sa part en compte la charge imposée aux communes par la gestion des aires d'accueil, dans la population retenue pour la calcul de la DGF.

Telle que définie par l'article L. 2334-2 du code général des collectivités territoriales, la population à prendre en compte pour le calcul de la DGF mais aussi de différents concours de l'Etat (dotation de développement rural, fonds national de péréquation, fonds de solidarité des communes d'Ile-de-France et dotation globale d'équipement), est celle qui résulte des recensements généraux ou complémentaires majorée chaque année des accroissements de population.

Cette population est la population totale - ce qui correspond à la population municipale et la population comptée à part - majorée d'un habitant par résidence secondaire. Cette population est donc une population fictive.

On rappellera que la loi n° 99-1126 du 28 décembre 1999 a prévu d'étaler sur une période de trois ans la prise en compte des résultats du recensement de 1999.

Le présent article propose de majorer cette population d'un habitant par place de caravane située sur une aire d'accueil des gens du voyage qui satisferont aux normes techniques en vigueur fixées par décret en Conseil d'Etat.

Cette disposition n'aurait vraisemblablement qu'un faible impact sur les attributions individuelles de la DGF versée aux communes concernées.

En revanche, son coût -qui peut être estimé de l'ordre de 20 à 30 MF sur la base de la répartition de la DGF en 1999- se répercuterait sur les équilibres internes à la DGF et, en définitive, serait supporté par les autres communes.

Elle pèserait, en effet, sur les sommes disponibles pour la dotation d'aménagement et, en son sein, pour la dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité rurale.

Dans ces conditions, il aurait été logique que l'effort demandé aux communes se traduise par un abondement supplémentaire de la DGF, dont le Gouvernement n'a pas pris l'initiative.

Vous ayant proposé, à l'article 5 d'accroître l'aide forfaitaire qui sera versée aux communes, votre commission des Lois vous soumet un amendement de suppression de l'article 7.

Article 8
(articles L. 111-1-2, L. 121-10 et L. 443-3 du code de l'urbanisme)
Dispositions modifiant le code de l'urbanisme

Cet article tend à modifier plusieurs dispositions du code de l'urbanisme, afin d'assurer la prise en compte des besoins en stationnement des gens du voyage dans les préoccupations d'urbanisme.

Dans sa rédaction actuelle, le code de l'urbanisme ne mentionne pas les gens du voyage. Toutefois, la nécessité de prendre en considération l'accueil des gens du voyage dans les documents d'urbanisme, plus particulièrement le plan d'occupation des sols, a été souligné dans différentes circulaires ministérielles, notamment les circulaires du 16 décembre 1986 et du 16 mars 1992.

En outre, le Conseil d'Etat a expressément spécifié qu'un emplacement réservé pouvait être prévu par le plan d'occupation des sols ( 25 mars 1988, Ville de Lille c/ comité de quartier rue de Bavai, rue de l'Est ).

Le I de l'article 8 du projet de loi vise le cas des communes n'ayant pas de plan d'occupation des sols ou de document en tenant lieu.

L'article L 111-1 du code de l'urbanisme précise que, dans un tel cas, les règles générales définies par décrets en Conseil d'Etat, sont d'application directe dans les communes concernées.

Pour les parties non urbanisées de ces communes, l'article L. 111-1-2 énonce qu'en l'absence de plans d'occupation des sols opposables aux tiers ou de tout autre document d'urbanisme en tenant lieu, seules certaines opérations sont autorisées. Il s'agit notamment des constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs ou à la réalisation d'opérations d'intérêt national.

Le I de l'article 8 propose d'autoriser, dans ces parties non urbanisées, les constructions et installations nécessaires à la réalisation d'aires d'accueil ou de terrains de passage des gens du voyage.

Le II de l'article 8 complète l'article L. 121-10 du code de l'urbanisme qui précise le contenu des documents d'urbanisme, qu'il s'agisse des schémas directeurs, des schémas de secteur ou des plans d'occupation des sols.

Parmi d'autres prescriptions obligatoires qu'ils doivent comporter, ces documents doivent notamment " prévoir suffisamment d'espaces constructibles pour les activités économiques d'intérêt général, ainsi que pour la satisfaction des besoins présents et futurs en matière d'habitat ".

Cette dernière obligation concernerait désormais également l'accueil des gens du voyage.

Le III de l'article 8 prend en compte le cas particulier des terrains familiaux , qui permettent une forme de sédentarisation des gens du voyage et - comme l'ont souligné plusieurs personnes auditionnées par votre rapporteur - peuvent être de nature à réduire les besoins en stationnement dans les aires d'accueil.

Le code de l'urbanisme réglemente le stationnement des caravanes pendant une période prolongée et reconnaît dans ce cadre un certain nombre de prérogatives au maire.

L' article R. 443-4 subordonne un stationnement pendant plus de trois mois par an, consécutif ou non, d'une caravane à l'obtention par le propriétaire du terrain sur lequel elle est installée d'une autorisation qui est délivrée par le maire ou le préfet, selon que la commune est ou non dotée d'un plan d'occupation des sols approuvé. Cette autorisation ne peut être délivrée pour une période supérieure à trois ans mais qui est renouvelable. Lorsque les caravanes constituent l'habitat permanent de leurs utilisateurs, l'autorisation n'est exigée que si le stationnement est continu.

L'autorisation peut elle-même être subordonnée à des prescriptions spéciales notamment si le mode d'occupation des sols est susceptible de porter atteinte à la salubrité, à la sécurité ou à la tranquillité publique ( article R. 443-10 ).

Dans le même esprit, lorsque plus de six caravanes stationnent de façon habituelle sur un terrain, le propriétaire de celui-ci ou la personne en ayant la jouissance doit avoir obtenu l'autorisation de l'aménager conformément aux dispositions du code de l'urbanisme ( article R. 443-7 ).

Ces dispositions de portée générale sont applicables tant aux gens du voyage qu'aux utilisateurs de caravanes de tourisme.

Le III de l'article 8 propose d'insérer un article L. 443-3 dans le chapitre III (" Camping et stationnement des caravanes ") du titre IV (" Dispositions relatives aux modes particuliers d'occupation des sols ") du livre IV (" Règles relatives à l'acte de construire et à dires modes d'occupation des sols ") du code de l'urbanisme, afin d'assouplir ce régime en alignant les règles d'autorisation avec celles définies par voie réglementaire pour les terrains de camping.

Une autorisation d'aménagement serait délivrée pour l'aménagement de terrains bâtis ou non bâtis en vue de l'installation de " caravanes " constituant " l'habitat permanent " de leurs utilisateurs.

On relèvera que la rédaction proposée fait référence aux caravanes et non aux résidences mobiles visées par l'article premier du projet de loi. Ces dispositions ne s'adresseront donc pas exclusivement aux gens du voyage.

Selon les précisions apportées à votre rapporteur, les terrains en cause devront être des terrains constructibles . En outre, la disposition proposée n'entend pas déroger aux règles de droit commun en matière de plan d'occupation des sols.

Force est néanmoins de constater que la rédaction proposée apparaît peu explicite sur ce point. Votre commission des Lois vous soumet, en conséquence un amendement apportant les précisions nécessaires.

Elle vous propose d'adopter l'article 8 ainsi modifié.

Article 9
Pouvoirs de police du maire - procédure d'expulsion

Cet article tend à préciser les pouvoirs de police du maire des communes ayant réalisé des aires d'accueil et à améliorer les procédures d'expulsion.

Dans le droit en vigueur, le maire dispose en premier lieu de ses pouvoirs de police municipale qui lui permettent de réglementer les conditions de stationnement et de séjour des gens du voyage sur le territoire communal ( articles L. 2212-2, 2° et 3°, L. 2213-2, 2° du code général des collectivités territoriales).

La jurisprudence a confirmé la faculté de réglementer ces conditions de stationnement afin d'éviter qu'elles ne créent un danger pour la salubrité , la sécurité ou la tranquillité publique.

En fonction des circonstances locales le maire a la faculté de limiter la durée du stationnement sur le territoire communal tant sur le territoire de passage que sur le reste du territoire communal si le stationnement y est toléré.

Il ne peut cependant prendre des mesures comportant une interdiction totale du stationnement et du séjour. Sont également illégales celles qui aboutissent en fait à une impossibilité pour les nomades de stationner pendant le temps minimum qui leur est nécessaire. La jurisprudence n'admet une limitation inférieure à 48 heures qu'en cas d'absolue nécessité résultant de troubles graves à l'ordre public.

La loi du 31 mai 1990 a confirmé la solution jurisprudentielle reconnaissant au maire d'une commune qui met à la disposition des gens du voyage un terrain aménagé la faculté d'interdire leur stationnement sur le reste du territoire communal. Elle a étendu la même faculté aux maires des communes qui se sont groupées pour réaliser un tel équipement.

Comme votre rapporteur l'a indiqué ci-dessus (cf. commentaire de l'article 8), le code de l'urbanisme réglemente par ailleurs le stationnement des caravanes et reconnaît dans ce cadre un certain nombre de prérogatives au maire.

Outre les dispositions déjà évoquées qui concernent les terrains privés, le code de l'urbanisme réglemente le stationnement sur des terrains appartenant aux collectivités publiques, en l'interdisant de manière générale dans certaines zones protégées ( article R. 443-9 ) ou en permettant au maire de le prohiber également en-dehors des terrains aménagés, après avis de la commission départementale d'action touristique et pour des motifs limitativement énumérés ( article R. 443-10 ).

Le non respect de cet ensemble de dispositions fait l'objet de sanctions . Mais ces sanctions ne sont pas toujours suffisamment dissuasives.

L'inobservation des arrêtés de police en matière de stationnement donne lieu à une contravention de première classe (amende de 30 à 250 francs) prévue par l' article R. 610-5 du code pénal.

Une sanction identique est encourue en cas de stationnement ininterrompu d'une caravane sur une dépendance du domaine public routier, pendant une durée excédant sept jours , en infraction avec les dispositions de l' article R 37 du code de la route.

L'occupation sans titre du domaine public routier constitue, par ailleurs, une contravention de voirie sanctionnable par le juge pénal.

Le stationnement abusif, gênant ou dangereux au sens des articles R. 37 et suivants du code de la route est lui-même passible des sanctions prévues par les articles R. 233-1 et suivants du même code.

L'article L. 480-4 du code de l'urbanisme sanctionne pour sa part pénalement la violation des règles d'urbanisme, en édictant une peine d'amende qui ne peut être inférieure à 8 000 francs et, en cas de récidive, une peine de six mois d'emprisonnement.

L'ensemble de ces sanctions ne suffit cependant pas toujours à mettre un terme au stationnement irrégulier. Le maire peut alors saisir les tribunaux aux fins de faire ordonner l'évacuation des contrevenants. Il s'agit du tribunal administratif dans le cas d'un occupant sans titre du domaine public, autre que le domaine public routier, et du juge judiciaire si le terrain appartient au domaine privé de la commune. En cas d'urgence, la procédure de référé peut être utilisée.

Ces procédures juridictionnelles sont néanmoins lourdes à mettre en oeuvre pour des élus locaux confrontés à des situations d'urgence. Les délais qui peuvent atteindre un mois ne permettent pas de répondre efficacement à ces situations. En outre, le maire se trouve relativement démuni pour faire cesser un stationnement irrégulier sur un terrain privé alors même que ce stationnement peut avoir des effets néfastes pour l'ordre public.

Le I de l'article 9 du projet de loi s'inspire des dispositions qui figurent actuellement à l'article 28 de la loi du 31 mai 1990.

Il précise, en effet, que dès qu'une commune a respecté les obligations que lui impose le schéma départemental, le maire pourra, par arrêté, interdire en dehors des aires d'accueil aménagées le stationnement sur le territoire de la commune des résidences mobiles de gens du voyage.

La même faculté est ouverte au préfet de police à Paris ainsi qu'aux communes qui soit, bien que non inscrites au schéma départemental sont dotées d'une aire d'accueil, soit ont décidé sans y être tenues de contribuer au financement d'une telle aire.

Cependant, la rédaction proposée souffre d'une certaine imprécision qui empêche de déterminer clairement quelles obligations les communes devront avoir remplies pour pouvoir interdire le stationnement des résidences mobiles sur le reste du territoire communal.

S'agit-il strictement de la réalisation de l'aire d'accueil ? D'autres obligations, telles que les interventions sociales prévues par le schéma, pourront-elles être prises en compte ?

On observera que, dans le droit en vigueur tel qu'il résulte de l'article 28 de la loi du 31 mai 1990, c'est la réalisation d'une aire d'accueil, à l'exclusion de tout autre obligation qui autorise le maire à interdire le stationnement sur le reste du territoire communal. Il s'agit donc d'un critère objectif qui doit être maintenu.

La subordination du pouvoir de police du maire à l'accomplissement d'autres obligations constituerait une régression par rapport au droit en vigueur, faisant en outre intervenir des critères beaucoup moins objectifs et de nature à susciter d'éventuels contentieux.

Par un amendement , votre commission des Lois vous soumet, en conséquence, une nouvelle rédaction du I de l'article 9 qui, d'une part, codifie les dispositions proposées dans la division du code général des collectivités territoriales relative aux pouvoirs de police du maire et, d'autre part, tout en établissant un lien entre l'exercice de ce pouvoir et les spécifications du schéma départemental, permet la mise en oeuvre du pouvoir du maire d'interdire le stationnement en dehors des aires aménagées dès la réalisation d'une aire d'accueil aménagée.

S'inspirant de la disposition adoptée par le Sénat dans le cadre de la proposition de loi relative aux conditions de stationnement des gens du voyage, le II de l'article 9 établit une procédure spécifique permettant au maire d'obtenir l'évacuation forcée de résidences mobiles.

On rappellera que l'article 6 de la proposition de loi sénatoriale relative aux conditions de stationnement des gens du voyage ouvre au maire la faculté de saisir le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés lorsque le stationnement irrégulier de caravanes sur un terrain privé ou sur le domaine privé communal est de nature à porter atteinte à la salubrité , à la sécurité ou à la tranquillité publique, afin d'obtenir l'évacuation ce ces caravanes.

Il reconnaît au maire un intérêt à agir devant le juge civil aux fins d'obtenir l'évacuation de caravanes d'un terrain privé à la double condition que le stationnement de ces caravanes soit irrégulier et que leur présence soit de nature à porter atteinte à la salubrité , à la sécurité ou à la tranquillité publique.

Le président du tribunal de grande instance statue en la forme des référés . Cette procédure est prévue dans un certain nombre de domaines par le droit actuel : lorsque le juge relève le défendeur de la forclusion ( article 540 du nouveau code de procédure civile) ; lorsqu'il statue sur des demandes d'institution d'une servitude d'utilité commune ( article R. 451-1 du code de l'urbanisme); pour la désignation d'un expert afin de procéder à une évaluation des droits sociaux ( article 1843-4 du code civil); pour la prescription de mesures d'urgence en matière d'indivision ( article 815-6 du code civil); lorsque le juge aux affaires familiales statue après le prononcé du divorce et de la séparation de corps; pour certains contentieux en matière de marchés publics (article 11-1 de la loi du 3 janvier 1991 modifiée).

Dans toutes ces hypothèses, le juge statue comme juge du fond. Son ordonnance est donc prise au principal et non pas au provisoire. Elle a donc autorité de la chose jugée . Elle peut bénéficier d'une exécution provisoire mais conformément à l'article 515 du nouveau code de procédure civile, soit à la demande des parties, soit d'office chaque fois que le juge l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, à condition qu'elle ne soit pas interdite par la loi.

En outre, l'assignation à peine d'irrecevabilité doit obligatoirement être notifiée au propriétaire du terrain, à l'usufruitier ou à tout autre titulaire du droit d'usage. Ainsi, celui-ci pourra contester le motif d'ordre public qui fonde la démarche du maire ou exciper de l'illégalité de l'arrêté du maire interdisant le stationnement sur ce terrain.

Le II de l'article 9 du projet de loi prévoit un dispositif assez comparable.

En cas de stationnement effectué en violation de l'arrêté du maire interdisant le stationnement en dehors des aires aménagées, le maire pourra, par voie d'assignation délivrée aux occupants ainsi qu'au propriétaire du terrain ou au titulaire d'un droit réel d'usage, saisir le président du tribunal de grande instance pour faire ordonner l'évacuation forcée des résidences mobiles.

Cependant, le maire ne pourra prendre cette initiative que si le stationnement est de nature à porte atteinte à la salubrité , la sécurité ou la tranquillité publiques, sauf si le terrain appartient à la commune.

Il n'est pas inutile de rappeler que le droit en vigueur prévoit d'ores et déjà une faculté d'intervention du maire ou du représentant de l'Etat, s'agissant de propriétés privées, pour des motifs d'ordre public.

Dans le cas des immeubles insalubres , l'article L. 30 du code de la Santé publique prévoit que le préfet est recevable à engager une action aux fins d'expulsion des occupants d'un tel immeuble, lorsque, à l'expiration du délai fixé pour le départ de ces occupants, les locaux n'ont pas été libérés et à défaut pour le propriétaire ou l'usufruitier d 'avoir engagé cette action. Le maire peut, pour sa part, saisir le juge des référés afin de faire autoriser l'exécution d'office de travaux aux frais du propriétaire.

En ce qui concerne les bâtiments menaçant ruine , les articles L. 511-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation reconnaissent au maire un certain nombre de prérogatives, notamment celle de provoquer la nomination d'un homme de l'art par le tribunal d'instance. Si le rapport de l'expert constate l'urgence ou le péril grave et imminent le maire peut ordonner l'évacuation de l'immeuble.

En matière de lutte contre le bruit , l'article 27 de la loi du 31 décembre 1992 permet, indépendamment des poursuites pénales, à l'autorité administrative compétente de demander au juge que l'objet ou le dispositif facteur de trouble soit rendu inutilisable ou détruit.

Le maire peut, par ailleurs, dans certains cas, être habilité à ordonner des mesures sur des propriétés privées. Ainsi, l'article 94 de la loi du 2 février 1995 a permis au maire, pour des motifs d' environnement , de notifier par arrêté au propriétaire qui n'entretient pas son terrain l'obligation d'exécuter à ses frais les travaux de remise en état du terrain après mise en demeure. Faute d'exécution de ces travaux dans les délais prescrits, le maire peut procéder d'office à ces travaux aux frais du propriétaire.

Le II de l'article 9 reconnaît par ailleurs au juge le pouvoir de prescrire aux occupants, le cas échéant sous astreinte, de rejoindre l'aire de stationnement aménagée à défaut de quitter le territoire communal.

Le juge pourra également ordonner l'expulsion de tout terrain qui serait occupé en violation de cette injonction.

Cette disposition présent un réel intérêt puisqu'elle évitera au maire de renouveler la procédure en cas de déplacement d'un groupe sur le territoire de la commune.

Le juge statue en la forme des référés , procédure dont votre rapporteur a souligné ci-dessus les caractéristiques. Sa décision sera exécutoire à titre provisoire.

En cas de nécessité, le juge pourra ordonner que l'exécution aura lieu au vu de la seule minute.

Cette procédure d'exécution au vu de la seule minute est prévue par l'article 489 du nouveau code de procédure civile.

Elle évite la notification de la décision à l'intéressé, la rendant ainsi applicable plus rapidement.

Si ces dispositions sont de nature à améliorer les procédures d'urgence pour permettre aux maires d'obtenir l'évacuation forcée de résidences mobiles, votre commission des Lois a néanmoins jugé nécessaire de les compléter, afin de réduire les délais souvent excessifs de mise en oeuvre de ces procédures.

Le III de l'article 9 tend à établir une procédure comparable devant le juge administratif, tenant compte des spécificités de la procédure devant cette juridiction, lorsque le stationnement illicite concerne le domaine public.

Sur la proposition de sa commission des Lois et contre l'avis du Gouvernement, l'Assemblée nationale a décidé de supprimer ce paragraphe, choisissant d'unifier ce contentieux entre les mains du juge judiciaire.

A l'appui de sa suggestion, Mme Raymonde Le Texier, rapporteur de la commission des Lois, a fait valoir dans son rapport écrit qu'" une telle extension des compétences satisferait en effet aux dispositions de l'article 66 de la Constitution, en même temps qu'elle serait de nature à simplifier les voies de recours pour les maires, alors même que la définition du domaine public, largement jurisprudentielle, est source de complexité ".

Elle s'appuie également sur la décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 relative au Conseil de la concurrence, par laquelle le Conseil constitutionnel a jugé que la mise en oeuvre du principe de séparation des pouvoirs ne s'opposait pas à ce que le législateur " dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, unifie les règles de compétence juridictionnelle au sein de l'ordre juridictionnel principalement intéressé, lorsque l'application d'une législation ou d'une réglementation spécifique pourrait engendrer des contestations contentieuses diverses qui se répartiraient, selon les règles habituelles de compétence, entre la juridiction administrative et judiciaire ".

Devant l'Assemblée nationale, le Gouvernement a en particulier mis en avant les risque d'inconstitutionnalité d'une telle mesure.

M. Louis Besson, Secrétaire d'Etat au logement a ainsi fait valoir que l'amendement de la commission des Lois " pourrait être générateur d'hésitations alors même que la domanialité publique est évidente, et c'est souvent le cas. En effet, pour se déclarer compétent, il faudrait que le juge civil apprécie si la personne visée appartient au monde du voyage. Il y a là une première marge d'hésitation qui peut avoir des conséquences importantes puisque si la réponse est négative et que la parcelle occupée relève du domaine public, le juge judiciaire devra se déclarer incompétent.

" Les maires recherchent, à juste titre, la rapidité (...) mais l'amendement n'est pas exempt d'un risque d'allongement des délais d'obtention d'une décision de justice (...).

" Par ailleurs, l'amendement aurait pour conséquence de faire dépendre la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction en matière domaniale d'un critère relativement subjectif : la qualité de la personne expulsée, selon qu'elle appartient ou non au monde du voyage. Ce serait la première fois que la compétence du juge serait variable selon la qualité de la personne qui fait l'objet de la procédure (...).

" Une telle orientation pourrait être jugée contraire au principe constitutionnel d'égalité devant la justice puisqu'il n'y a pas de différence objective de situation selon que la caravane, appartient à des gens du voyage ou à une personne ayant un domicile fixe ".


Tout en souscrivant à l'objectif de simplicité poursuivi par l'Assemblée nationale, votre commission des Lois n'a pas jugé opportun de modifier les règles générales de répartition des compétences entre les ordres de juridiction , à l'occasion de dispositions particulières intéressant les gens du voyage.

Certes, la dernière partie de l'argumentaire développé par le Gouvernement devant l'Assemblée nationale peut sembler paradoxale au regard des objectifs poursuivis par le projet de loi en général et par le présent article en particulier. C'est précisément la différence objective de situation des caravanes utilisées par les gens du voyage qui peut justifier l'adoption d'un dispositif particulier destiné à favoriser l'accueil des premiers et d'une procédure spécifique permettant l'évacuation forcée des résidences mobiles occupées par des gens du voyage. Si le présent article n'était pas fondé sur une différence objective de situation justifiant l'adoption parallèle de telles mesures, il en résulterait une rupture du principe constitutionnel d'égalité devant la justice.

En outre, que le contentieux soit ou non unifié entre les mains du juge judiciaire, le juge, qu'il soit administratif ou judiciaire, devra dans tous les cas se poser la question préalable de savoir si la demande d'évacuation forcée concerne des résidences mobiles , au sens de l'article premier du projet de loi, donc des gens du voyage . Si la réponse est négative, il ne pourra mettre en oeuvre la procédure instituée par le présent article.

Pour autant, le choix opéré par l'Assemblée nationale ne paraît pas de nature à simplifier les procédures et pourrait même - comme l'a fait valoir le Gouvernement - allonger les délais . En effet, si les règles générales de répartition des compétences étaient maintenues, en cas d'occupation illicite du domaine public - à l'exception du domaine public routier qui relève de la compétence du juge judiciaire en vertu des dispositions du code de la route - le maire devrait saisir le juge administratif qui resterait compétent quelle que soit l'appréciation qu'il porterait sur la nature des véhicules à l'origine du stationnement illicite. Dans le dispositif adopté par l'Assemblée nationale, le juge administratif devrait se déclarer incompétent dès lors que seraient en cause des gens du voyage, obligeant en conséquence le maire à engager une nouvelle procédure, cette fois ci devant le juge judiciaire.

A l'inverse, dans la rédaction retenue par l'Assemblée nationale, le juge judiciaire ne pourrait que se déclarer incompétent s'il apparaissait que les véhicules stationnant illicitement sur le domaine public ne pouvait être considérés comme des résidences mobiles au sens de l'article premier du projet de loi.

En conséquence, si les règles actuelles de répartition des compétences entre les autorités juridictionnelles peuvent s'avérer dans certains cas d'application délicate, le choix d'unifier le contentieux entre les mains du juge judiciaire ne semble pas susceptible de simplifier les procédures, compte tenu des critères retenus par le présent article.

Votre commission des Lois vous propose par amendement une nouvelle rédaction du II de l'article 9, qui, d'une part, codifie les dispositions proposées dans la division du code général des collectivités territoriales relative aux pouvoirs de police du maire et, d'autre part, rétablit la procédure applicable devant le juge administratif en cas d'occupation illicite du domaine public par des résidences mobiles.

Afin de réduire les délais souvent excessifs en matière de référé, le même amendement prévoit l'application devant le juge judiciaire - si la célérité le requiert - d'une procédure d'heure à heure actuellement permise par le code de procédure civile. Cette procédure est susceptible de permettre la délivrance d'une ordonnance de référé le jour même de la demande.

Enfin, il reprend les restrictions prévues par le IV de l'article 9.

Le IV de l'article 9 tend, en effet, à exclure l'application de la procédure instituée par le I et le II dans trois hypothèses :

- lorsque les personnes auxquelles appartiennent les résidences mobiles sont propriétaires du terrain sur lequel celles-ci stationnent.

Précisons cependant que, dans un tel cas, les dispositions du code de la santé publique relatives aux immeubles insalubres pourrait s'appliquer, le cas échéant, à des situations insalubres de sédentarisation.

- Lorsque les mêmes personnes sont titulaires d'une autorisation d'aménagement d'un terrain familial dans les conditions prévues par l'article 8 du projet de loi.

- Lorsqu'elles stationnent sur un terrain aménagé dans ces mêmes conditions.

Ces dispositions étant reprises dans le texte qu'elle vous propose pour le I et le II de cet article, votre commission des Lois vous soumet un amendement qui, par coordination, supprime le IV de l'article 9.

Elle vous propose d'adopter l'article 9 ainsi modifié.

Article 9 bis (nouveau)
(article 984 du code rural)
Hébergement des gens du voyage
dans le cadre d'emplois saisonniers

Cet article additionnel - adopté par l'Assemblée nationale sur la proposition conjointe de sa commission des Lois et de M. Gilbert Mitterrand - tend à compléter l'article 984 du code rural, afin de prendre en compte la situation des gens du voyage effectuant des travaux saisoniers.

L'article 984 du code rural précise que l'hébergement des travailleurs saisonniers et de leurs familles doit satisfaire à des conditions d'hygiène et de confort, fixées par décret, en tenant compte le cas échéant des situations locales.

Le présent article tend à imposer à l'employeur, lorsque ces travailleurs sont des gens du voyage, de mettre à leur disposition, en cas de manque de disponibilité dans l'aire d'accueil ou de passage ou à défaut de telles aires, les emplacements nécessaires au stationnement des résidences mobiles sur le domaine de l'exploitation ou sur tout autre terrain dont l'employeur a la jouissance.

Cette mise à disposition devra être opérée dans un périmètre compatible avec les obligations liées à l'exécution du contrat de travail.

Cette obligation spécifique s'accorde mal avec la démarche d'ensemble du projet de loi qui est d'anticiper les besoins dans le cadre d'un schéma départemental et de les satisfaire dans le cadre d'une obligation faite aux communes de réaliser les aires de stationnement prévues par le schéma.

Or, par définition, les besoins en stationnement des travailleurs saisonniers peuvent parfaitement être pris en compte lors de l'élaboration du schéma départemental qui devra les intégrer dans l'évaluation du nombre d'aires d'accueil et de leur capacité.

Pour ces motifs, votre commission des Lois vous soumet un amendement de suppression du présent article.

Article 10
Dispositions transitoires

Cet article prévoit les conditions d'entrée en vigueur de la loi, en particulier ses effets sur les schémas départementaux adoptés sur le fondement de l'article 28 de la loi du 31 mai 1990.

Le I de l'article 10 prévoit que ceux de ces schémas qui auront été publiés avant l'entrée en vigueur de la loi devront faire l'objet d'un nouvel examen dans les conditions de délais prévus à l'article premier, soit dix-huit mois à compter de la publication de la loi.

Plus de la moitié des départements sont concernés par cette obligation.

Le II de l'article 10 abroge les dispositions de l'article 28 de la loi du 31 mai 1990 dont l'objet sera satisfait par les dispositions du projet de loi.

Cependant, dans les départements ne disposant pas d'un schéma départemental approuvé dans les conditions prévues par l'article premier, resteront en vigueur les dispositions de l'article 28 de la loi du 31 mai 1990 faisant obligation aux communes de plus de 5 000 habitants de réaliser des aires d'accueil et permettant l'interdiction du stationnement sur le reste du territoire communal dans les communes ayant réalisé une aire.

En conséquence, l'abrogation de l'article 28 de la loi du 31 mai 1990 ne sera effective que lorsque l'ensemble des départements sera doté d'un schéma.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 10 sans modification.

Article 11
Décret d'application

Cet article renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de déterminer les conditions d'application de la loi.

Ce décret concernera les conditions d'élaboration des schémas départementaux, la composition et les modalités de désignation des membres des commissions consultatives départementales (article premier), les normes applicables à la réalisation des aires d'accueil (article 2), le pouvoir de substitution reconnu au représentant de l'Etat (article 3), le régime des aides au fonctionnement (article 5), ainsi que la prise en compte d'un habitant par place de caravane dans le calcul des concours de l'Etat aux communes (article 7).

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 11 sans modification.

Intitulé du projet de loi

Sur la proposition de sa commission des Lois, l'Assemblée nationale a modifié l'intitulé du projet de loi afin de viser, outre l'accueil, l'habitat des gens du voyage. Même si ce dernier aspect n'occupe qu'une place limitée dans l'ensemble du dispositif, cette modification peut néanmoins être acceptée.

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Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations et sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission des Lois vous propose d'adopter le présent projet de loi.

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