IV. LA PROPOSITION DE LOI (N° 78, 1998-1999) VISANT À RENFORCER LES MOYENS D'EXPULSION DU PRÉFET ET DU MAIRE, EN CAS D'OCCUPATION ILLÉGALE DE LOCAUX INDUSTRIELS, COMMERCIAUX OU PROFESSIONNELS PAR LES GENS DU VOYAGE
Cette
proposition de loi, déposée par notre collègue Nicolas
About, a pour objet de répondre aux difficultés
créées par le stationnement illicite de caravanes sur des sites
à caractère industriel et commercial.
Composée d'un article unique, la proposition de loi a pour objet de
reconnaître à l'autorité préfectorale le pouvoir
d'ordonner et de faire exécuter l'expulsion des occupants entrés
irrégulièrement dans une entreprise dans les heures qui suivent
l'infraction.
Cette mesure pourrait être mise en oeuvre lorsque cette présence
portera atteinte à la poursuite de l'activité économique.
En cas de carence du propriétaire, le maire pourrait solliciter
l'intervention du préfet, dès lors que la présence des
occupants serait de nature à porter atteinte à l'activité
économique normale de la zone environnante. Le préfet pourrait
d'office prononcer l'expulsion et en assurer l'exécution
forcée.
V. LES TRAVAUX DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : UN VERITABLE PARTENARIAT ENTRE L'ETAT ET LES COLLECTIVITES LOCALES ET UN JUSTE EQUILIBRE ENTRE LES OBLIGATIONS FAITES AUX COMMUNES ET LA SANCTION EFFECTIVE DU STATIONNEMENT ILLICITE
A titre
liminaire, il convient de réaffirmer que la solution des
difficultés posées à de trop nombreuses communes par le
stationnement des gens du voyage ne pourra résulter - comme votre
commission des Lois l'avait souligné lors de l'adoption par le
Sénat de la proposition de loi relative aux conditions de stationnement
des gens du voyage - que d'une amélioration des conditions d'accueil
conjuguée avec des moyens accrus pour faire cesser le stationnement
illicite.
Il s'agit, en effet, de concilier le droit légitime des gens du voyage
de circuler et de stationner dans des conditions régulières sur
le territoire avec le respect d'un certain nombre d'obligations
nécessaires au bon voisinage.
A cette fin, la démarche retenue par le Sénat tendant à
rompre l'isolement
trop fréquent des communes concernées
doit être confirmée et approfondie. Plusieurs dispositions du
projet de loi vont dans ce sens.
Les efforts importants demandés aux communes doivent avoir pour
contreparties une véritable
mutualisation des coûts
et une
répression effective
du stationnement illicite.
En dehors des grandes migrations traditionnelles, lesquelles appellent des
solutions nationales voire européennes, cette démarche doit
être mise en oeuvre en impliquant les différents acteurs
concernés
au niveau départemental
et en
privilégiant une
approche intercommunale
pour la
réalisation des aires d'accueil.
Par delà la définition de réponses indispensables au
problème du stationnement, il conviendrait également de
rechercher une modernisation et une simplification du régime des
titres de circulation
ainsi qu'une adaptation du
statut fiscal.
Enfin, même si cette question ne relève pas directement du
présent projet de loi, la
sédentarisation
appelle des
réponses d'une nature particulière qui concernent à la
fois les problèmes de logement, de scolarisation et d'insertion
professionnelle et sociale.
A. UN VERITABLE PARTENARIAT ENTRE L'ETAT ET LES COLLECTIVITÉS LOCALES
1. Une meilleure affirmation du rôle de l'Etat pour les grandes migrations traditionnelles
Comme
l'avait envisagé le Sénat lors de l'adoption de la proposition de
loi relative aux conditions de stationnement des gens du voyage, les grandes
migrations traditionnelles des gens du voyage, en raison de leur ampleur,
doivent faire l'objet d'un
traitement différencié
, afin de
permettre un recensement de terrains d'accueil adaptés et
d'éviter des concentrations excessives sur un même lieu, qui ne
peuvent avoir que des conséquences néfastes sur l'hygiène
et la protection des sites.
L' Etat doit réellement s'impliquer dans la prise en charge de ces
grandes migrations qui, par leur nature, ne concernent pas une seule
collectivité.
C'est pourquoi, il paraît nécessaire de prévoir une
planification dans le cadre d'un
schéma national
qui permette de
véritablement lier l'accueil des grandes migrations traditionnelles aux
préoccupations d'aménagement du territoire (
article
1
er
).
En outre, le
représentant de l'Etat dans le département
,
au titre des pouvoirs de police qui lui sont reconnus pour les grands
rassemblements, doit être chargé de veiller à la mise en
oeuvre du schéma national. Votre commission des Lois vous suggère
d'insérer dans le projet de loi un article additionnel ayant cet
objet.
2. Une priorité mieux affirmée à la concertation entre l'Etat et les collectivités locales
Les
conditions d'accueil des gens du voyage doivent être prévues dans
le cadre d'une
concertation approfondie
entre l'Etat et les
collectivités locales.
Une démarche coercitive imposée aux collectivités locales
ne pourrait avoir qu'un
résultat contraire
à l'objectif
recherché et nourrir au lieu de les apaiser les
tensions
susceptibles d'apparaître au plan local.
C'est pourquoi, votre commission des Lois ne juge
pas opportun
de
maintenir la faculté reconnue au représentant de l'Etat par le
projet de loi
d'approuver seul
le schéma départemental. Au
demeurant, l'accélération de la procédure de signature des
schémas dans la période récente met en évidence que
l'approfondissement de la concertation permet d'aboutir à des
solutions communes
et
conformes à l'intérêt
général.
Dans le même esprit, il paraît souhaitable de mieux faire ressortir
la
coordination régionale
- laquelle se justifie essentiellement
en Ile-de-France -dans le cadre d'une véritable concertation entre,
d'une part, les autorités de l'Etat et, d'autre part, les
autorités régionales et départementales (
article
1
er
). Hors Ile-de-France, il convient de privilégier la
recherche d'une
coordination
interdépartementale.
En outre, le
pouvoir de substitution
reconnu au représentant de
l'Etat paraît
disproportionné
et de nature à
exacerber inutilement les tensions locales, alors même qu'une
concertation efficace
avec les communes concernées dans le cadre
de l'élaboration du schéma départemental et la mise en
oeuvre d'une véritable
solidarité financière
dans
la réalisation des aires d'accueil doit permettre de prévenir les
difficultés.
La concertation devra s'exercer dans le cadre des
commissions consultatives
départementales
, dont le Sénat avait prévu la
création et dont il convient de préciser la composition, afin
d'assurer la représentation de toutes les parties concernées. Les
commissions devront être
associées à
l'élaboration
des schémas départementaux et veiller
à leur
bonne application
. Elles devront en outre proposer des
solutions adaptées aux
situations d'urgence
qui pourraient se
présenter (
article 1
er
).
Votre commission des Lois se félicite que l'Assemblée nationale,
reprenant les dispositions adoptées par le Sénat dans le cadre de
la proposition de loi relative aux conditions de stationnement des gens du
voyage, ait précisé les missions des commissions
départementales en leur reconnaissant notamment une fonction de
médiation.
3. Une véritable solidarité financière pour rompre l'isolement des communes
A
l'occasion de l'examen de la proposition de loi relative aux conditions de
stationnement des gens du voyage, votre commission des Lois s'était
attachée à rechercher des solutions qui permettent de rompre
l'isolement trop fréquent des communes face à l'accueil des gens
du voyage. A cette fin, elle avait notamment jugé nécessaire un
renforcement de l'engagement financier de l'Etat, actuellement limité
à 35% du montant des investissements.
Elle relève, en conséquence, avec satisfaction, le doublement de
l'effort financier de l'Etat prévu par le projet de loi pour la
réalisation des investissements nécessaires (
article 4
).
La région, le département et les caisses d'allocations familiales
pourront également apporter des subventions complémentaires
à l'intervention de l'Etat pour la réalisation des aires
d'accueil (
article 4
).
Il convient également de relever l'aide forfaitaire au fonctionnement
qui sera versée aux gestionnaires des aires d'accueil par les organismes
de sécurité sociale (
article 5
) et l'intervention
financière du département (
article 6
).
En outre, le projet de loi (
article 5
) prévoit, à juste
titre, les conditions dans lesquelles un " droit d'usage " pourra
être perçu par les gestionnaires des aires d'accueil.
Toutefois, cette aide au fonctionnement apparaît
insuffisante.
En
outre, force est de constater que le projet de loi ne prévoit aucune
mesure financière en contrepartie des
charges imposées aux
départements
pour le fonctionnement des aires d'accueil.
La solution préconisée par le projet de loi de prendre en compte
dans la
dotation globale de fonctionnement des communes
des places
réservées aux gens du voyage dans les aires d'accueil
n'apparaît pas de bonne méthode, dès lors que le coût
de cette mesure pèsera nécessairement sur les équilibres
internes à la dotation globale de fonctionnement, laquelle constitue une
" enveloppe fermée " (
article 7
).
C'est pourquoi, écartant cette disposition, votre commission des Lois
estime que la
solidarité financière
doit être
affirmée, en précisant que le montant de l'aide au fonctionnement
ne pourra être inférieure à 15 000F par place de
caravane.