2. Singapour, un modèle de développement

Singapour a mis en oeuvre dès les années 1960 la stratégie d'industrialisation par l'exportation décrite ci-dessus. Remontant sans cesse vers les activités à plus forte valeur ajoutée, l'économie singapourienne n'a cessé de se renouveler et de se diversifier, au point qu'elle est aujourd'hui dominée par les services et non plus par l'industrie, bien qu'elle dispose encore d'un solide tissu industriel, orienté de plus en plus vers la haute technologie.

a) Un pays riche

Quelques chiffres permettront de mesurer l'ampleur du chemin parcouru et montrent que Singapour n'a désormais plus rien à envier, en termes de niveau de vie, aux pays occidentaux :

SINGAPOUR, PRINCIPALES DONNÉES ÉCONOMIQUES

1980

1990

1998

1999

PIB (en millions de SGD)

25 091,0

66 406,3

141 262,0

143 981,3

PNB (en millions de SGD)

24 047

68 230,3

148 508,5

154 659,3

PIB par habitant (en SGD)

9 882,3

22 620

38 418

39 721,4

Balance des paiements (en milliards de SGD)

1,4

9,9

4,9

7,3

NB : SGD = dollar singapourien (1 SGD = 4,2 FF)

b) Une économie industrielle tournée vers les services et les secteurs d'avenir

1. Prédominance des services

Les services sont désormais prédominants en termes d'activité dans l'économie singapourienne. Si l'agriculture représente 0,7 % du PIB en 1999, l'industrie compte pour 24,3 % et les services pour 75 %. Plus précisément, la répartition est la suivante :

RÉPARTITION DU PIB PAR SECTEUR EN 1999

Source : PEE de Singapour

Cherchant à concurrencer Hong-Kong comme place financière asiatique, l'Ile-Etat dispose du troisième centre bancaire de la région, mais qui, d'après certains auteurs 4 ( * ) , est parmi les plus " solides " de la zone. En effet, Singapour fait figure de " Suisse " de l'Asie, marché stable aux risques limités et bénéficiant de surplus budgétaires structurels.

En 1997, la place financière de Singapour était composée de 37 banques universelles, 17 banques spécialisées et 104 banques " offshore " et filiales de banques étrangères. Le secteur " offshore " a été développé à compter de 1973 pour créer un centre régional spécialisé dans l'intermédiation financière. Singapour est devenu le 4 ème marché mondial de devises . Ses activités boursières se modernisent, avec la fusion des marchés d'actifs (stock exchange of Singapore) et de produits dérivés (Singapore International accountary exchange). Un accord d' interconnexion avec d'autre places de marché est en cours de mise en oeuvre.

Depuis la crise asiatique, Singapour a engagé une déréglementation progressive de son secteur financier, mise en oeuvre par l'autorité monétaire, la MAS, dont l'objectif est d'aboutir, en 5 ans, à une libéralisation complète du secteur financier . En particulier, l'obligation de détention du capital des banques à 60 % par une banque locale est levée, ouvrant totalement ce marché aux banques étrangères.

A la mi-octobre 2000, l'autorité monétaire de Singapour a accordé à un certain nombre de licences, qui regroupent des champs d'activité variables (de la banque de plein exercice à l'établissement offshore ) :

- la licence de Qualifying Full Banks (QFB) a été accordée à quatre banques, dont la BNP ;

- la licence de Restricted Bank à huit banques, dont la Société générale ;

- celle de Qualifying Offshore Banks (QOB), à plusieurs banques, dont le Crédit lyonnais.

2. Qualité des infrastructures

Singapour bénéficie d'infrastructures nombreuses et de bonne qualité. Outre l'aéroport international de Changi, avec un trafic annuel de 28 millions de passagers, (soit 7 fois la population), le réseau routier et de transports publics, ce sont bien sûr les installations portuaires qui retiennent tout particulièrement l'attention.

SINGAPOUR, PARMI LES PREMIÈRES PLACES PORTUAIRES MONDIALES

Singapour est le premier port mondial en termes de tonnage et le deuxième opérateur portuaire de conteneurs derrière Hong Kong. A toute période de l'année, plus de 800 bâtiments sont présents dans le port. En 1999, 141.523 navires ayant un tonnage de 877 millions de tonnes y ont transité, ce qui représente un accroissement du tonnage de 20 millions de tonnes depuis 1998. Singapour est à la convergence de 400 routes navales qui relient plus de 700 ports. La performance des infrastructures logistiques de Singapour, sans cesse modernisées, joue un rôle décisif. 55 % du commerce extérieur se fait avec l'Asie, 42 % des importations sont réexportées, et le commerce extérieur de Singapour représente 11 % de celui de l'Asie (hors Japon).

Basée à Singapour où elle gère 4 terminaux, PSA Corporation (en attente d'une privatisation partielle par introduction de 20 % de son capital en bourse) traite 9 % du trafic mondial de conteneurs et dispose d'une capacité de transbordement de 18 millions de TEU, qui devrait doubler prochainement.

Source : Singapore Yearbook 2000 et le Nouvel Economiste du 23 février 2001.

L'activité portuaire est en effet particulièrement intense et reflète l'importance de Singapour comme plaque tournante du commerce international.

3. Importance et montée en gamme de la base industrielle

L'économie singapourienne est relativement diversifiée : indépendamment des activités de commerce et financières, le secteur électronique (le plus important) et la pétrochimie sont les deux pôles actuels d'excellence industrielle. L'Etat poursuit une politique volontariste de montée en gamme et de positionnement dans des secteurs fortement créateurs de valeur (sciences de la vie et NTIC 5 ( * ) ) . Le but des autorités singapouriennes est de maintenir à 25 % la contribution de l'industrie au PIB et à 20 % la proportion de la main-d'oeuvre employée dans le secteur industriel.

A cet égard, la construction d'un nouveau pôle pétrochimique, que la délégation a visité, illustre la politique gouvernementale.

Avec l'installation depuis les années 1960 de plusieurs raffineries et usines pétrochimiques sur 7 îles au sud-ouest de Singapour, il est apparu opportun aux autorités singapouriennes de favoriser l'émergence d'un pôle pétrochimique dans le pays. Il a donc été décidé de procéder à la poldérisation de 7 îles pour en former une unique, Jurong Island, dotée des infrastructures nécessaires à l'accueil d'un grand nombre d'entreprises du secteur de la pétrochimie et de la chimie.

LE PÔLE PÉTROCHIMIQUE DE JURONG ISLAND

En terme de capacité de raffinage, Singapour occupe, avec 1.260 millions de barils/jour, la cinquième place en Asie, derrière le Japon, la Chine, la Corée du Sud et l'Inde. Mais en tant que pôle de raffinage , Jurong détient le leadership depuis les années 1960, et la troisième position mondiale après ceux de Rotterdam et de Houston.

Compte tenu d'une surcapacité régionale dans le domaine du raffinage, le Gouvernement singapourien favorise l'investissement de sociétés internationales dans le secteur de la pétrochimie , et de la chimie fine, moins concurrencé, et qui permet la création de plus de valeur ajoutée. Le tableau ci-dessous montre qu'en 10 années, le secteur de la chimie a rattrapé par sa production celui des hydrocarbures (stockage, raffinage, lubrifiants) pour devenir le second pôle industriel du pays, derrière l'électronique. La chimie réalise ainsi aujourd'hui 10,2 % de la production manufacturière de Singapour, mais 18,1 % de la valeur ajoutée par l'industrie du pays, contre seulement 4,4 % pour les hydrocarbures.

Production d'hydrocarbures et chimique (en millions de SGD)

1989

1996

1999

Hydrocarbures

8 732

13 746

13 621

Chimie

4 761

7 163

13 684

En 1999, le secteur de la chimie a attiré des investissements d'une valeur de 3 milliards de dollars singapouriens. Cette même année les produits chimiques représentaient 8,93 % des exportations domestiques de Singapour contre 6,1 % en 1989. Les hydrocarbures représentaient 9,84 % en 1999, contre près du quart (23,93 %) en 1989.

Lorsque la phase 3B du projet sera achevée, au début 2002, Jurong Island aura sur 2.650 hectares une capacité d'accueil de 150 entreprises impliquées dans la filière pétrole-pétrochimie-chimie et employant 30.000 personnes.

Source : Poste d'expansion économique de Singapour

* 4 Voir Denise Flouzat, " La nouvelle émergence de l'Asie ", PUF, 1999.

* 5 Nouvelles technologies de l'information et de la communication.

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