AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat , au cours des débats parlementaires consacrés aux projets de loi de finances comme aux projets de loi de financement de la sécurité sociale, a toujours affirmé que la réduction du temps de travail n'était pas financée, le gouvernement lui assurant le contraire.

Nos collègues Charles Descours, Jean-Louis Lorrain et Alain Vasselle, rapporteurs des lois de financement de la sécurité sociale de notre commission des affaires sociales, ont rendu public un excellent rapport consacré aux fonds sociaux, au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le FOREC, notamment, suite à une série de contrôles qu'ils ont effectués à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), au ministère de l'emploi et de la solidarité, et à celui de l'économie, des finances et de l'industrie 1 ( * ) .

Depuis la publication de leurs travaux, les chiffres de ce non-financement sont connus, et les contorsions législatives du gouvernement, auxquelles il a dû recourir pour sortir de l'impasse de financement dans laquelle son propre entêtement l'avait conduit, ont été mises en évidence. Nos collègues ont également parfaitement montré que le gouvernement avait constamment cherché à désinformer le Parlement et avait négligé les partenaires sociaux. À cet égard, l'absence de création du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le FOREC, qui devait assurer le financement des 35 heures, en dit long sur ce qu'il faut penser des déclarations du gouvernement sur la transparence.

Il convient d'insister avec force sur le fait que c'est le gouvernement qui, en dévoyant l'objet et la nature des lois de financement de la sécurité sociale, s'est placé lui-même sous les feux croisés de nos deux commissions.

Votre rapporteur , quant à lui, dans un souci de complémentarité avec le contrôle effectué par la commission des affaires sociales, s'est donc attaché à comprendre comment on avait pu en arriver là.

Il a cherché à analyser la façon dont les services du gouvernement avaient envisagé, au cours des années 1999 et 2000, la question du financement des 35 heures, et dont ils avaient tenu informé les autorités ministérielles de l'évolution de la situation. Il a également voulu savoir comment avait été abordée la question des éventuelles conséquences de ce dérapage sur le budget de l'Etat. En effet, l'absence de financement assuré de la réduction du temps de travail fait supporter un risque au budget de l'Etat, celui de « financeur en dernier ressort » des 35 heures, en raison des dispositions de la loi Veil de 1994, en vertu desquelles les nouvelles exonérations de cotisations de sécurité sociale doivent être compensées par le budget de l'Etat.

Outre la question cruciale du financement des 35 heures, votre rapporteur a également souhaité apprécier l'impact sur l'emploi de la réduction du temps de travail, et juger la mise en oeuvre des « lois Aubry » par les services du ministère de l'emploi.

*

* *

Au cours du débat orientation budgétaire au Sénat, le 20 juin dernier, la secrétaire d'Etat au budget, Mme Florence Parly, a indiqué que « l'Etat joue tout son rôle puisque, d'ores et déjà, il assure le financement des 35 heures à hauteur de 80 % » 2 ( * ) .

Votre rapporteur considère que cet argument n'est pas recevable. En effet, les recettes affectées au FOREC - de façon purement théorique puisque celui-ci n'existe toujours pas - ne constituent plus des recettes de l'Etat, puisqu'elles sont précisément des recettes du FOREC ! La ministre de l'emploi et de la solidarité, dans ses propos de l'année dernière, précités, ne disait du reste pas autre chose.

En outre, l'affectation de recettes confirme les critiques que le Sénat avait formulées, dès l'origine, sur la débudgétisation massive que représente la création du FOREC, à des fins de dissimulation de l'évolution réelle de la situation des finances publiques. En effet, ni les lois de finances ni les lois de financement de la sécurité sociale ne mentionnent le plafond des dépenses du FOREC : ainsi l'Etat affecte-t-il des recettes sans que n'existe une quelconque autorisation de dépenser.

Par ailleurs, ce mode de financement traduit une étatisation rampante de la sécurité sociale , étrangère à sa nature et à ses missions originelles. La sécurité sociale - mais faut-il le rappeler ? - couvre des risques liés à l'activité professionnelle dans une logique assurancielle, les prestations qu'elle verse devant être financées par des cotisations assises sur les revenus du travail.

Or, si le budget de l'Etat affecte des recettes au FOREC, il ne prend pas en charge le déficit de financement des 35 heures : il ne joue donc pas tout son rôle, notamment pas celui que lui a assigné la loi.

* 1 Les fonds sociaux - Une prolifération nuisible à la transparence du financement de la sécurité sociale, rapport n° 382 (2000-2001). Voir en particulier la deuxième partie, intitulée « Le fonds de financement des 35 heures - Un déficit structurel, une existence virtuelle, une menace réelle sur les comptes de la sécurité sociale ».

* 2 Journal officiel des débats parlementaires, Sénat, n° 47, séance du mercredi 20 juin 2001, page 3315.

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