3. Les conséquences de la contractualisation : un bilan globalement positif

La mise en place des plans U2000 et U3M 17( * ) et la signature des CPER 2000-2006 traduisent l'effort engagé par les collectivités territoriales avec l'État en matière d'immobilier universitaire.

Le débat engagé sur la véritable portée du schéma de services collectifs de l'enseignement supérieur et de la recherche, ainsi que sur la décentralisation, conduit cependant à s'interroger sur l'évolution souhaitable des rôles respectifs de l'État, des collectivités et des établissements en ce domaine, et plus largement sur la mise en oeuvre d'une politique universitaire nationale.

a) Un interventionnisme croissant des collectivités territoriales
(1) Une contribution multipliée par quatre en vingt ans

Si l'on analyse depuis vingt ans, à travers le compte de l'éducation nationale, la part des différents financeurs en matière d'enseignement supérieur, l'augmentation de la contribution des collectivités territoriales a été multipliée par quatre, mais ne représente toutefois que 5,5 % de la dépense totale d'enseignement supérieur ; celle-ci doit être entendue au sens large, c'est-à-dire l'ensemble des formations d'enseignement supérieur, aussi bien universités et écoles d'ingénieurs que sections de techniciens supérieur (STS) et classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE), les deux dernières s'exerçant dans les lycées et relevant partiellement, depuis les lois de décentralisation, de la compétence des régions, dans le cadre notamment des schémas prévisionnels des formations.

(2) La mobilisation de l'ensemble des collectivités : régions, départements, communes

Tout naturellement, s'agissant des contrats de plan État-Région, les régions ont été en première ligne. Elles ont vu dans le soutien à l'enseignement supérieur et à la recherche universitaire un moyen à la fois de contribuer au développement économique régional et d'affirmer leur rôle. A partir du milieu des années 1980, les villes moyennes et les départements ont été conduits à intervenir lorsqu'ils n'avaient pas d'implantations universitaires. Le plan U2000 18( * ) a marqué l'entrée en lice des départements les plus peuplés et des grandes villes, à l'exception notable de Paris. Enfin, le plan U3M comporte un engagement significatif à la fois de la région Île-de-France et de la Ville de Paris, qui s'est traduit notamment par la signature, après adoption à l'unanimité par le Conseil de Paris, le 25 octobre 2000, d'une convention avec l'Etat sur le développement de l'enseignement supérieur.

Depuis deux décennies, toutes les collectivités territoriales se sont donc impliquées dans l'enseignement supérieur, même si le rôle de la région reste évidemment prépondérant.

(3) Des actions ciblées dans chaque contrat de plan

- Le premier contrat de plan (1984-1988) a privilégié le soutien à la recherche universitaire dans les secteurs jugés d'avenir (biotechnologies, matériaux, filière électronique) et le développement des filières technologiques (ingénieurs et IUT) ; les filières universitaires classiques ont été moins concernées. C'est à partir de 1986 que s'est développé, à l'initiative des villes et des conseils généraux, le soutien à la création d'antennes universitaires et à la délocalisation des universités.

- Le deuxième contrat de plan (1989-1993) se situe au coeur du plan U2000. Il se caractérise par l'accroissement sur tout le territoire des capacités d'accueil pour faire face à l'augmentation rapide du nombre d'étudiants, le développement des IUT, notamment dans les villes moyennes et la création des universités nouvelles en région parisienne, en Nord-Pas-de-Calais et en Poitou-Charente. Ces objectifs seront poursuivis par le 3 e contrat de plan (1994-1999).

- La quatrième génération de contrats de plan (2000-2006) accorde une part importante à la recherche universitaire, en liaison avec les grands organismes, aux bibliothèques, au logement étudiant (construction et réhabilitation). Elle couvre les sciences humaines et sociales (constructions de locaux, maisons de sciences de l'homme). Elle prend en compte, pour la première fois, les insuffisances du patrimoine immobilier en Île-de-France, avec le démarrage de projets de grande ampleur, notamment l'installation de l'Université Paris VII et du Pôle Langues et Civilisations sur la ZAC Paris Rive Gauche (Tolbiac) et de nombreux regroupements et restructurations.

On rappellera toutefois que les contrats de plan n'épuisent pas toutes les formes d'aides à l'enseignement supérieur pratiquées par les collectivités locales, comme par exemple l'octroi de bourses permettant à ces étudiants de faire une thèse ou d'effectuer un semestre d'études à l'étranger, ou à des chercheurs étrangers de haut niveau d'être accueillis en France.

b) Un engagement régional et local légitime

Même si l'immobilier post-baccalauréat n'entrait, et n'entre toujours pas dans les compétences régionales, à l'exception des STS et des CPGE implantées en lycée, il convient de rappeler que de nombreuses villes dans les années 60-70 ont cédé des terrains pour permettre l'installation de nouvelles universités 19( * ) .

L'effort engagé au cours des années 80 traduit d'abord une prise de conscience progressive que l'enseignement supérieur et la recherche constituent des facteurs de développement économique régional au local, notamment dans des périodes de difficultés économiques : en témoignent les mesures prises en faveur des pôles de conversion, notamment en Lorraine et dans le Nord qui prévoyaient très généralement l'implantation des filières d'enseignement technologique ou professionnalisé.

Le développement d'un secteur informatique en Lorraine autour de l'INRIA, et l'implantation d'un centre de l'École Supérieure d'Électricité à Metz datent de 1984. Ce type de mesures est d'ailleurs proposé par la DATAR, qu'il s'agisse des villes touchées par les difficultés des industries de l'armement (Bourges, Roanne, Tarbes, Tulle), ou plus récemment de Moulinex en Basse-normandie.

Cette prise de conscience s'est affirmée depuis que l'existence d'un enseignement supérieur de qualité est considéré comme un facteur d'attraction pour l'implantation d'entreprises. Les débats autour des assises de l'innovation et de la loi innovation et recherche ont réaffirmé le rôle de l'enseignement supérieur dans le développement économique et ont créé les instruments (incubateurs, plate-forme technologique) facilitant cet objectif.

Ce même changement d'attitude se retrouve au niveau des villes. Si les villes universitaires traditionnelles se sont parfois méfiées des universités, rejetées loin des centres villes, dans des campus peu accessibles, elles considèrent désormais que la présence de l'enseignement supérieur est un moyen de revivifier les centres villes, et de dynamiser les activités locales. L'enseignement supérieur est donc aujourd'hui un des éléments déterminants du développement urbain, en même temps qu'il est largement pris en compte dans les plans de transport collectif en site propre (métro ou tramways) qui incluent la desserte des campus universitaires (Rennes, Lille, Lyon, Strasbourg, Orléans, Toulouse). On rappellera que certaines villes (Aix-en-Provence, Rennes, Montpellier, Besançon, Poitiers) ont une population étudiante avoisinant ou dépassant 10 %, voire 20 % de la population de l'agglomération.

L'engagement des régions est lié à leur montée en puissance à partir du début des années 1980, à la création de la région comme collectivité territoriale et à la mise en oeuvre de la procédure des contrats de plan prévues par la loi du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification. Cette procédure, qui vise à mutualiser sur des objectifs communs les efforts de l'État et ceux des régions, a incité ces dernières à contribuer à des priorités nationales.

Enfin, en raison de la croissance rapide de la démographie étudiante, qui s'est accentuée à partir de la fin des années 80, la pression de la demande étudiante et sociale était telle qu'il n'y avait sans doute pas pour les collectivités territoriales d'autre choix que de participer : à cet égard, la décision prise au début des années 90 de doubler le nombre de départements d'IUT, avec une priorité à l'installation dans les villes moyennes, a sans doute contribué à lever les dernières réticences régionales et locales.

Il en est de même de la possibilité offerte aux collectivités territoriales par la loi de juillet 1990 d'exercer la maîtrise d'ouvrage des constructions universitaires et de pouvoir récupérer la TVA.

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