C. UN NÉCESSAIRE AMÉNAGEMENT DES PROCÉDURES

Plusieurs interlocuteurs de la mission d'information, et surtout nombre d'académies qui ont répondu à ses questionnaires écrits, ont souligné la rigidité des procédures relatives aux constructions universitaires.

Ce manque de souplesse se traduit notamment par des retards importants dans la consommation des crédits d'investissement, dont il conviendra de recenser les causes. Les principales observations des académies soulignent également la lourdeur du système d'expertise, la rigidité de la gestion budgétaire, une maîtrise d'ouvrage défaillante en région, la nécessité d'une négociation plus en amont dans les contrats de plan, alors que la concertation dans la région Île-de-France est sans doute plus développée.

1. Un retard important dans la consommation des crédits d'investissement

a) Le constat

Depuis plusieurs années, le Sénat s'inquiète à juste titre, lors de la discussion budgétaire, comme d'ailleurs la Cour des comptes, de la consommation des crédits d'investissement du budget de l'enseignement supérieur.

Le ministère y est également sensible puisqu'il s'est doté d'un suivi de gestion permettant de connaître mois par mois, et par région, la situation des autorisations de programme subdéléguées, affectées, engagées et des paiements correspondants.

L'état de la consommation de ces crédits n'est pas satisfaisant puisque 50 % des AP déléguées seulement sont engagées à la fin d'une année, même si cette proportion doit normalement s'améliorer au fur et à mesure du déroulement du contrat de plan.

La raison de cette situation tient en premier lieu à la complexité des procédures, que la déconcentration ne supprime pas. Interviennent dans la procédure en effet cinq acteurs locaux, le préfet, le recteur, le président d'université, la collectivité territoriale s'il y a cofinancement, et aussi le contrôleur financier déconcentré auprès du TPG.

Les cas de blocage sont multiples : pour des raisons d'affichage, on a inscrit à la programmation des opérations mal préparées, les universités n'ayant pas fait remonter leur dossier ; la fluidité des transmissions préfet-recteur n'est pas parfaite ; les existences des contrôleurs financiers déconcentrés, variables d'une région à l'autre, sont cause de retard ; s'y ajoutent les conséquences de la lourdeur des procédures de marché public et fréquemment à cause de l'évolution des coûts de la construction et du caractère fixe des enveloppes contractualisées dans les CPER, la multiplication des appels d'offres infructueux.

b) Les observations de la Cour des comptes

Dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour l'année 2000, la Cour des comptes dénonce également une maîtrise difficile de la gestion des crédits d'investissement du budget de l'enseignement supérieur.

On rappellera que ce budget a progressé de 64 % entre 1990 et 2000, passant de 27,5 à 52,4 milliards de francs et que les crédits d'investissement ont augmenté pour leur part de 2,7 milliards de francs soit 70 %.

Les crédits d'investissement qui représentent 10 % du budget de l'enseignement supérieur sont répartis sur quatre chapitres :

- deux chapitres de construction à maîtrise d'ouvrage Etat (56-10) ou à maîtrise d'ouvrage délégué (66-73) ;

- deux chapitres consacrés à la maintenance (66-11) et à l'équipement (66-72) ;

La Cour note que « Si l'exécution de ces deux derniers chapitres ne soulève pas de difficulté particulière, les conditions d'utilisation des crédits sur le 56-10 et le 66-73 ne cessent en revanche de se dégrader ».

CONSOMMATION DES CRÉDITS DE PAIEMENT (56-10 ET 66-73)

 

1997

1998

1999

2000

Crédits initiaux

2 092

1 810

2 095

1 680

Crédits disponibles

2 595

2 533

2 972

3 194

Dépenses

1 927

1 801

1 572

1 598

Reports

668

732

1 340

1 596

Taux de consommation

74 %

71 %

53 %

50 %

Le niveau des reports sur ces deux chapitres atteint, en 2000, 1 596 millions de francs (243,31 millions d'euros) (contre 668 millions de francs (101,84 millions d'euros) en 1997)), ce qui représente, pour l'exercice sous revue, un montant équivalent à celui des dotations initiales.

La période 1997-2000 montre l'accélération du phénomène : les crédits de paiement disponibles, sous l'effet de reports de plus en plus abondants, augmentent de façon régulière (+ 23 %) et ce en dépit d'un ajustement à la baisse des dotations initiales ; le tassement des dépenses (- 17 %) accélère la diminution du taux de consommation qui passe en quatre ans de 75 % à 50 %.

Le rythme d'utilisation des crédits conduit à des délais de paiement qui sont à présent de plus de deux ans sur les deux chapitres et le volume des restes à payer sur les opérations engagées passe de 1,4 milliard de francs (0,21 milliard d'euros) en 1998 à presque 3 milliards de francs (0,46 milliard d'euros) en 2000.

Cette sous-utilisation des moyens, si elle tient en partie à des raisons conjoncturelles (lancement du projet « Université du 3 e millénaire » (U3M) et des nouveaux contrats de plan État-régions (CPER), reprise économique du secteur du bâtiment, défaut de prévision sur les dépenses de l'exercice 2000,...) traduit également une maîtrise d'ouvrage défaillante. La multiplicité des intervenants, les difficultés rencontrées dans les marchés publics et l'insuffisante finalisation de nombreuses opérations se conjuguent pour retarder la mise en oeuvre des travaux et la consommation des crédits. L'année 2001, considérée comme la véritable première année d'U3M, devra théoriquement conduire à redresser cette situation. Son bilan sera, sur ce point, révélateur de la capacité des différents acteurs à conduire les opérations d'investissement et à mobiliser les importants financements mis à leur disposition. »


Cette critique est d'ailleurs reprise pour les crédits du chapitre 56-10 (sous maîtrise d'État) :

« La gestion du chapitre 56-10 est insuffisante... La consommation des autorisations de programmes (AP) affectées ne cesse de se dégrader et il faut [en moyenne] 2,6 années pour engager des AP... Si un certain nombre de difficultés techniques, nées de la complexité des projets ou des effets conjoncturels de l'amélioration de la situation des bâtiments peuvent être invoquées, il apparaît surtout que l'insuffisante finalisation des projets, dont les financements sont mis en place alors que les conditions de leur réalisation ne sont pas toutes réunies est pour une part importante à l'origine de cette situation... le suivi approximatif par l'administration centrale de la gestion des crédits en région ne permet pas encore une nette amélioration de la gestion du chapitre ».

c) Les mesures proposées par le ministère pour améliorer la gestion des crédits d'investissement

Afin d'analyser les causes des reports importants constatés dans les deux premières années d'exécution du volet enseignement supérieur des contrats de plan, tant en AP qu'en CP, la DPD a réalisé une étude sur la gestion des crédits de construction 2001 par région, qu'elle a transmise à tous les ordonnateurs secondaires (préfets et recteurs). Au vu des explications fournies par les recteurs sur les difficultés de gestion auxquelles ils étaient confrontés, le ministère a pris plusieurs initiatives visant à améliorer la gestion des crédits d'investissements.

(1) Des difficultés de gestion liées à la lourdeur et à la complexité des circuits financiers

La mise en place du contrôle financier déconcentré en 1996 a parfois allongé les délais de traitement des opérations. La nature des pièces justificatives à produire au contrôleur financier, à l'appui des dossiers d'affectation des autorisations de paiement a donné lieu à des divergences d'interprétation des circulaires en vigueur.

Des blocages liés au vide juridique ont résulté de l'abrogation du décret de 1972 relatif à la gestion des subventions d'investissement accordées par l'Etat, dont le champ n'a pas été couvert par la mise en oeuvre du décret du 16 décembre 1999 :

- de nombreux contrôleurs financiers s'appuient sur le référentiel des constructions universitaires de 1997 pour refuser tout dépassement de coût ou de surface par rapport aux normes produites par ce document. Or le référentiel, avec l'accord du ministère du budget, a perdu depuis 1997 son caractère normatif et doit être utilisé comme un simple outil d'aide à la décision des maîtres d'ouvrage. Ces différences d'appréciation observées entre les ordonnateurs secondaires et les contrôleurs financiers sur la valeur à donner au document génèrent souvent des retards dans le traitement des dossiers d'investissement ;

- l'analyse a montré que les délais de subdélégation des autorisations de programme des préfets aux recteurs étaient parfois longs (entre 3 et 5 mois) ;

- l'excès de formalisme provoque également des retards dans le démarrage des opérations : certains contrôleurs financiers ont imposé une convention pour toute délégation de maîtrise d'ouvrage, y compris pour celles concernant les établissements d'enseignement supérieur. Or, s'agissant de ce dernier cas, une simple décision du préfet suffit. Par ailleurs, certains ordonnateurs secondaires ont observé des délais très longs de signature des conventions de délégation de maîtrise d'ouvrage avec les collectivités territoriales, en raison de l'obligation de délibérations préalables de leurs instances ;

- enfin, certains ordonnateurs évoquent la complexité des opérations faisant appel à des financements croisés. Certaines opérations ne comportent pas moins de trois financeurs, ce qui multiplie autant le nombre d'actes administratifs à traiter. Les procédures de mise en place des crédits européens sont jugées en particulier très lourdes et très contraignantes quant aux délais d'exécution.

(2) Les remèdes préconisés

Afin de répondre aux difficultés des services déconcentrés, le ministère a engagé en 2002 diverses actions pour améliorer la consommation des crédits de construction.

- Une circulaire conjointe éducation/budget a été prise concernant les modalités d'attribution des subventions d'investissement aux établissements et aux collectivités territoriales pour les constructions universitaires et leur premier équipement dans le cadre des CPER. Ce texte répond à plusieurs objectifs :

• combler le vide juridique occasionné par l'abrogation de la réglementation de 1972 ;

• préciser et harmoniser la liste des pièces justificatives à l'appui des dossiers ;

• donner aux préfets et aux recteurs la possibilité de consentir, aux établissements ayant reçu une délégation de maîtrise d'ouvrage, une avance de crédits de paiement ;

• rappeler les procédures d'instruction des dossiers d'investissement.

- Une seconde circulaire a été adressée aux préfets et aux recteurs le 20 décembre 2001 afin de systématiser la subdélégation automatique des autorisations de programme individualisées en conférence administrative régionale. Cette mesure devrait permettre de réduire les délais d'affectation des autorisations de programme et d'engager plus rapidement les opérations.

- Les modalités de délégation de maîtrise d'ouvrage aux établissements ont fait l'objet d'un rappel par note du 3 octobre 2001 aux ordonnateurs. Les délais de préparation de la programmation des crédits de construction pour 2002 ont été réduits.

Les enveloppes de crédits ont pu être notifiées aux préfets dès le mois de décembre 2001, ce qui a permis aux conférences administratives régionales de se prononcer sur la répartition des moyens dès le début de l'année 2002.

d) Les conditions générales d'exercice par les collectivités territoriales et les établissements de la maîtrise d'ouvrage des constructions universitaires
(1) Une maîtrise d'ouvrage susceptible d'être confiée aux collectivités territoriales

On rappellera que l'article 8 de la loi du 4 juillet 1990 relative aux droits et obligations de l'État et des départements concernant les IUFM, à la maîtrise d'ouvrage de construction d'établissements d'enseignement supérieur et portant diverses dispositions relatives à l'éducation, prévoit la possibilité pour l'État de confier aux collectivités territoriales, ou à leurs groupements, la maîtrise d'ouvrage de constructions ou d'extensions d'établissements d'enseignement supérieur. Cet article 8, repris à l'article L. 211-7 du code de l'éducation, dispose :

« Art. L. 211-7 - Dans le respect de la carte des formations supérieures instituée par l'article L.614-3, l'État peut confier aux collectivités territoriales ou à leurs groupements, la maîtrise d'ouvrages de constructions ou d'extensions d'établissements d'enseignement supérieur relevant du ministre chargé de l'enseignement supérieur ou du ministre de l'agriculture.

A cette fin, l'État conclut une convention avec la collectivité territoriale ou le groupement intéressé ; cette convention précise notamment le lieu d'implantation du ou des bâtiments à édifier, le programme technique de construction et les engagements financiers des parties.

Ces engagements ne peuvent porter que sur les dépenses d'investissements et tiennent compte, le cas échéant, des apports immobiliers des collectivités territoriales.

Les collectivités territoriales ou leurs groupements bénéficient du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée au titre des dépenses exposées en application du premier alinéa du présent article
» .

Par cette disposition, le législateur a entendu donner au partenariat souhaité entre l'État et les collectivités territoriales un contenu concret et compléter la nécessaire diversification des modes de réalisation des investissements immobiliers de l'enseignement supérieur.

(2) Une maîtrise d'ouvrage également susceptible d'être confiée aux établissements

L'article 20 de la loi du 10 juillet 1989 d'orientation sur l'éducation, codifiée à l'article L. 762-2 du code de l'éducation, permettait déjà à l'État de confier la maîtrise d'ouvrage de constructions universitaires aux établissements publics d'enseignement supérieur :

« Art. L. 762-2 - Les établissements publics d'enseignement supérieur peuvent se voir confier, par l'État, la maîtrise d'ouvrage de construction universitaires.

A l'égard de ces locaux comme de ceux qui leur sont affectés ou qui sont mis à leur disposition par l'État, les établissements d'enseignement supérieur relevant du ministre chargé de l'enseignement supérieur ou du ministre de l'agriculture exercent les droits et obligations du propriétaire, à l'exception du droit de disposition et d'affectation des biens ».

(3) Le droit commun : une maîtrise d'ouvrage assurée par l'État ou sous son contrôle

Il reste que le droit commun demeure la maîtrise d'ouvrage assurée par l'État, dans la mesure où celui-ci est compétent en matière d'enseignement supérieur, conformément aux termes de l'article 13-V de la loi du 22 juillet 1983 complétant la loi du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État, modifié par la loi n° 85-97 du 25 janvier 1985.

L'exercice de la maîtrise d'ouvrage par les collectivités territoriales suppose donc un accord de l'État et ne peut s'exercer que dans le respect de la carte de formations supérieures arrêtée et révisée par le ministre de l'éducation nationale conformément aux dispositions de l'article 19 de la loi du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur, codifié à l'article L. 614-3 : « la carte des formations supérieures et de la recherche qui est liée aux établissements d'enseignement supérieur est arrêtée et révisée par le ministre chargé de l'enseignement supérieur, compte tenu des orientations du plan et après consultation des établissements, des conseil régionaux, du Conseil supérieur de la recherche et de la technologie et du conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche. Cette carte constitue le cadre des décisions relatives à la localisation géographique des établissements, à l'implantation des formations supérieures et des activités de recherche et de documentation, aux habilitations à délivrer des diplômes nationaux et à la répartition des moyens.

Elle doit être compatible avec les orientations du schéma de services collectifs de l'enseignement supérieur et de la recherche ».


Une des conditions essentielles prévue est le co-financement de l'opération par la collectivité territoriale qui souhaite exercer la maîtrise d'ouvrage, son apport financier devant être au minimum égal aux deux tiers du coût, toutes taxes comprises, de l'opération à réaliser.

Enfin, la dévolution par l'État de la maîtrise d'ouvrage aux collectivités s'accompagne de l'éligibilité des dépenses exposées par celle-ci au fonds de compensation pour la TVA.

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