1. La définition des infractions prend désormais en compte le cas particulier des personnes vulnérables
Le
nouveau code pénal a réaffirmé l'objectif ancien de
protection du plus faible, traditionnellement attribué à la
justice, en ajoutant aux mineurs de sept ans, puis de quinze ans, pour lesquels
le législateur a toujours souhaité une protection
particulière, de nouvelles catégories de personnes.
Pour désigner ces nouvelles catégories de personnes, le code
pénal emploie deux expressions : celle de
« vulnérabilité » et celle de
« personne qui n'est pas en mesure de se protéger ».
La volonté du législateur de protéger les personnes
vulnérables se traduit par trois séries de dispositifs :
outre les possibilités de protection particulière qui sont
l'objet de l'obligation de signalement, le code pénal prévoit
à la fois des incriminations spécifiques et une aggravation des
peines plus générales lorsque la victime est une personne dite
« vulnérable ».
a) La vulnérabilité de la victime, élément constitutif de l'infraction
L'état de la personne
peut tout d'abord être un
élément constitutif de l'infraction
. Il en est ainsi dans les
cas :
- de délaissement, en un lieu quelconque, d'une personne
« qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son
âge ou de son état physique ou psychique »
, qui est
puni de 5 ans d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende
(article 223-3 du
code pénal)
;
- du recours à la prostitution de personnes qui présentent
« une particulière vulnérabilité
44(
*
)
»
, dont l'auteur
encourt 3 ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende
(article 225-12-1 du
code pénal)
45(
*
)
;
- de violences habituelles sur un mineur de quinze ans ou sur une personne
« dont la particulière vulnérabilité, due
à son âge, à une maladie, à une infirmité,
à une déficience physique ou psychique ou à un état
de grossesse est apparente ou connue de leur auteur »
(article
222-14 du code pénal)
.
Dans ce dernier cas, la peine encourue dépend des conséquences
des violences exercées : 30 ans de réclusion
perpétuelle en cas de mort de la victime, 20 ans en cas de mutilation ou
d'incapacité permanente, 10 ans d'emprisonnement et 150.000 euros
d'amende en cas d'incapacité de travail supérieure à huit
jours, 5 ans et 75.000 euros d'amende si l'incapacité de travail
est inférieure à huit jours.
Relèvent enfin de cette catégorie d'infractions les sanctions
concernant les discriminations du fait de la maladie ou du handicap.
b) La vulnérabilité de la victime, circonstance aggravante d'une infraction
Au-delà de ces infractions spécifiques, la
protection
des personnes vulnérables s'exerce surtout par une
aggravation des
peines encourues lorsque la victime est une personne vulnérable. Ainsi
la peine passe :
- de 30 ans à la réclusion perpétuelle à
perpétuité en cas de meurtre
(article 221-4 du code
pénal)
: on note cependant que les dispositions relatives
à l'augmentation de la période de sûreté en cas de
viol, d'actes de torture ou de barbarie précédant le meurtre ne
s'appliquent que lorsque la victime est un mineur de quinze ans ;
- de 15 à 20 ans concernant les actes de torture et de barbarie
(article
222-3 du code pénal)
, les violences ayant
entraîné la mort sans l'intention de la donner
(article 222-8
du code pénal)
, le viol
(article 222-24 du code
pénal)
;
- de 10 ans d'emprisonnement et 150.000 euros d'amende à 15 ans de
réclusion criminelle en cas de violences ayant entraîné une
mutilation ou une incapacité permanente
(article 222-10 du code
pénal)
;
- de 7 à 10 ans d'emprisonnement et de 150.000 à 1.500.000
euros d'amende en cas de proxénétisme
(article 225-7 du code
pénal)
;
- de 5 à 7 ans d'emprisonnement et de 75.000 à
100.000 euros d'amende en cas d'agression sexuelle autre que le viol
(article 222-29 du code pénal)
. Cette peine est encore
aggravée à 10 ans d'emprisonnement et 150.000 euros d'amende
lorsque l'agresseur a abusé de l'autorité que lui
conféraient ses fonctions
(article 222-30 du code
pénal)
;
- de 3 à 5 ans d'emprisonnement et de 45.000 à
75.000 euros d'amende pour les violences ayant entraîné une
incapacité de travail de plus de huit jours
(article 222-12 du code
pénal)
. Même lorsqu'elles n'ont entraîné aucune
incapacité de travail ou une incapacité inférieure
à huit jours, les violences commises sur une personne vulnérable
sont passibles de 3 ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende
(article
222-13 du code pénal)
.
Le principe de l'aggravation des peines s'applique également lorsque
l'infraction ne concerne pas les atteintes à l'intégrité
physique de la personne mais les atteintes à ses biens : il en est
ainsi pour le vol, l'extorsion et l'escroquerie.
Les poursuites judiciaires consécutives aux
préjudices portés aux personnes particulièrement
vulnérables en 2001
Le garde
des Sceaux a apporté les informations suivantes :
« 36 infractions prévoient la vulnérabilité
de la victime comme élément constitutif ou comme circonstance
aggravante. En 2001, ces textes ont servi de fondement à 1.818
poursuites devant une instance de jugement. A 612 reprises, les juridictions
ont prononcé des peines d'emprisonnement ferme.
« Les infractions les plus réprimées, puisqu'elles
représentent 470 poursuites, sont constituées des violences sur
personnes vulnérables avec une incapacité n'excédant pas 8
jours. Les vols facilités par l'état de
vulnérabilité de la victime représentent 280 poursuites.
Les abus de l'ignorance ou de la faiblesse d'une personne vulnérable
pour l'obliger à un acte ou à une abstention représentent
499 poursuites.
Ces trois délits ont donné lieu à 414 peines
d'emprisonnement ferme, avec un quantum moyen de 6 mois d'emprisonnement
prononcé. Cette circonstance aggrave sensiblement le quantum des peines,
pour les porter, en matière correctionnelle, à 10 ans
d'emprisonnement.
« La loi du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour
la justice élargit les possibilités d'utilisation de la
procédure de comparution immédiate. Les affaires de maltraitance
entrent dans ce champ. »
En termes d'infraction, la protection particulière dont
bénéficiaient jusqu'à présent les seuls mineurs a
donc bien été étendue à l'ensemble des
« personnes vulnérables ».
Concernant le cas particulier des personnes accueillies en
établissement,
il faut également souligner que la notion
d'abus d'autorité constitue soit un élément constitutif de
l'infraction, soit un élément d'aggravation de la peine
.
Le code fait également une place particulière aux responsables
sociaux chargés d'une mission de service public. Or, si les juges
administratifs, en l'absence de prérogatives de puissance publique
confiées aux établissements, ne reconnaissent pas aux
associations gestionnaires une « mission de service
public », l'appréciation des juges répressifs
pourrait être plus étendue.
Il reste que, comme le soulignait M. Hervé Auchères, juge
d'instruction,
le cumul des circonstances aggravantes que sont la
vulnérabilité de la victime et l'abus d'autorité de
l'auteur de l'infraction n'est possible qu'en matière de délits
et non de crimes
:
« J'attire votre attention sur le fait
qu'en matière de viol, il n'existe pas de cumul possible des
circonstances. Contrairement à ce qu'il advient en matière de
délit, le fait qu'une personne handicapée soit violée par
la personne ayant autorité sur elle ne fait pas augmenter la peine. Il
peut exister deux ou trois circonstances aggravantes, il n'empêche que la
peine d'emprisonnement restera plafonnée à vingt ans de
réclusion criminelle. »
Ainsi, alors que le cumul des circonstances aggravantes sera possible pour
toutes les agressions sexuelles autre que le viol, il sera interdit dans ce
dernier cas. De même, le cumul sera paradoxalement accepté pour
toutes les violences à l'encontre d'une personne vulnérable, sauf
lorsque celles-ci auront entraîné la mort.
S'il est vrai que ce principe du code pénal est applicable à
l'ensemble des crimes et délits, qu'ils concernent ou non les personnes
vulnérables, il reste que cette distinction est difficilement
compréhensible pour les victimes et leurs familles.