2. Diffuser une culture de prévention de la maltraitance à l'ensemble des acteurs des établissements

Il a été noté que les outils mis en place par la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale 54( * ) devraient progressivement favoriser les évolutions culturelles et les prises de conscience dans les établissements. Toutefois, il ne faut peut-être pas surévaluer, dans un premier temps, l'impact d'une nouvelle loi dans un secteur particulièrement frappé par le phénomène de sédimentation des textes . C'est dire que la formation est doublement essentielle, en ce qu'elle permet non seulement d'accéder aux textes, mais encore - et surtout - à leur esprit.

a) Le personnel médical et paramédical

(1) Aborder systématiquement et adéquatement le thème de la maltraitance dans les formations initiales

Les programmes de formation sont définis par le ministère des affaires sociales dans le cadre des diplômes d'État. Les organismes de formation appliquent et mettent en oeuvre ces programmes. Les diplômes sont validés par l'État lui-même, au travers de jurys composés de professionnels. D'emblée, la commission d'enquête tient à souligner que si un transfert de compétence vers les régions de la formation des travailleurs sociaux devait avoir lieu, le rôle de l'Etat dans la définition du travail social, des professions sociales et du contenu des formations sociales y afférentes devrait, dans un souci d'égalité et de continuité territoriales, être préservé .

Il convient préalablement de cerner les professions impliquées dans le fonctionnement des établissements et services sociaux et médico-sociaux. S'agissant des professions médicales, seuls les médecins ont l'occasion d'exercer régulièrement leur activité au sein de ces établissements (et non les chirurgiens-dentistes, les sages-femmes et les pharmaciens). S'agissant des professions paramédicales, les infirmiers, les masseurs-kinésithérapeutes, les orthophonistes, les orthoptistes, les ergothérapeutes, les aides-soignants et les aides médico-psychologiques (AMP) travaillent régulièrement dans ces établissements, à l'inverse des pédicures-podologues, des audio-prothésistes, des diététiciens, des manipulateurs de radios et des opticiens-lunetiers.

L'analyse des formations initiales et continues, au regard de la maltraitance envers les personnes handicapées, révèle une situation contrastée :

concernant les médecins , leur formation semble présenter des garanties intéressantes, notamment depuis la publication, en octobre 2000, d'un arrêté qui a révisé le contenu de formation de la deuxième partie du deuxième cycle des études médicales, opérant un recentrage de la formation des futurs médecins autour de grandes problématiques de santé. On peut ainsi mentionner le module « Maturation et vulnérabilité », le module « Handicaps, incapacités et dépendances », qui abordent la question de la prise en charge globale médico-psycho-sociale de la personne handicapée dans une filière ou un réseau de soins, et le module « Vieillissement, prise en compte d'une personne âgée dans sa globalité, son environnement et ses attentes », dans lequel sont abordés les problèmes liés au handicap de la personne âgée ;

les professions tournées vers l'administration de soins - infirmières , puéricultrices, aides-soignantes, aides médico-psychologiques - bénéficient d'une certaine sensibilisation, inscrite dans leur programme de formation initiale. Il convient également de faire mention de la profession de psychomotricien (l'arrêté de référence de cette profession date de 1998) ;

en revanche, les autres professions de rééducation, comme les masseurs-kinésithérapeutes , les ergothérapeutes ou les orthophonistes , qui sont pourtant susceptibles d'être confrontées à des cas de maltraitance de personnes handicapées, ou, du moins, à des situations à risque, ne sont pas soumises à une formation initiale obligatoire spécifique sur le sujet. C'est, du moins, ce qui résulte de l'arrêté de référence régissant ces professions. Toutefois, les directeurs d'instituts s'attachent spontanément à sensibiliser les étudiants au thème de la maltraitance . Il serait toutefois souhaitable que cette sensibilisation résulte de textes, et non de la plus ou moins grande sensibilité des directeurs concernés au thème de la maltraitance.

La perspective de l'instauration d'un tronc commun à toutes les professions médicales et paramédicales doit alimenter une réflexion sur l'opportunité d'y inclure, le cas échéant, une formation relative à la prévention des faits de maltraitance
. Une commission ad hoc , qui devrait rendre un rapport au mois de juin 2003, mène une étude relative à la mise en place de cette formation commune à toutes les professions de santé. Il est d'ores et déjà évoqué la possibilité d'instaurer un premier semestre commun, avant qu'une spécialisation, qui sera fonction du concours que l'étudiant choisira, ne soit opérée au cours du second semestre. Des domaines tels que la psychologie, la psycho-sociologie, l'éthique, le droit de la santé ou la déontologie pourraient être enseignés au cours de cette première partie. La commission d'enquête a la conviction qu'un thème aussi transversal que celui de la maltraitance des personnes handicapées pourrait être, très utilement, intégré à ce tronc commun.

D'ores et déjà, les formations au travail social sont suivies sous le régime de l'alternance. Par conséquent, les jeunes évoluent au cours de leur formation au sein des institutions, ce qui doit faciliter les actions de sensibilisation au sujet des maltraitances.

Toutefois, le contenu des formations déjà dispensées en matière de prévention de la maltraitance est susceptible d'améliorations.

D'abord, il semble, d'une façon générale, que les questions liées aux violences ou aux maltraitances sont trop diluées dans les programmes des diplômes d'État. Il conviendrait que ces questions constituent systématiquement des unités d'enseignement à part entière, et non des sous-thèmes abordés de façon transversale . Il est également critiquable que soient rarement abordés simultanément les thèmes du handicap et de la maltraitance.

Ensuite, en l'état, les formations ne tirent pas toutes les conséquences des innovations de la loi du 2 janvier 2002, et il faut y porter remède. Ainsi, M. Patrick Gohet, délégué interministériel aux personnes handicapées déclarait à la commission d'enquête : « La nouvelle loi serait, à mon avis, mal appliquée si nous ne tirons pas, dans les structures de formation, les conclusions des innovations décidées. Je ne suis pas certain que le processus de construction d'un projet individuel avec une personne handicapée soit complètement au point. En outre, les professionnels des établissements n'ont peut-être pas toujours reçu la formation adéquate pour mener cette tâche à bien . Par ailleurs, les directeurs d'établissements ne savent peut-être pas toujours comment être fédérateurs dans le cadre d'un projet global. Les apports des psychiatres et des psychologues ne sauraient être écartés. Par conséquent, de nombreux éléments d'innovation doivent être intégrés dans les formations. ».

Par ailleurs, tout en se gardant de franchir la ligne de démarcation entre la psychologie respectueuse des individus et l'introspection inutile, il semblerait utile d'offrir aux élèves la possibilité d'effectuer un « travail sur eux-mêmes » pour repérer leur propre capacité d'implication et évaluer leur tolérance aux différentes formes de maltraitance. Un tel travail permettrait aux individus les plus « indifférents » d'entamer une réflexion fructueuse sur leurs possibles impasses comportementales.

Enfin, le fait que les travailleurs sociaux soient de plus en plus confrontés à l'accueil de personnes d'origine étrangère devrait donner lieu à un volet d'étude particulier dans le cadre de la prévention.


Proposition

Systématiser la sensibilisation à la maltraitance dans la formation des professions médicales et paramédicales impliquées dans l'accompagnement des personnes handicapées, et en parfaire le contenu. Dans le cadre de l'instauration d'un tronc commun à la formation des professions médicales et paramédicales, intégrer le traitement de la question de la maltraitance envers les personnes vulnérables en tant que « matière » à part entière.


(2) Offrir une formation continue consistante et adéquate

D'une part, les innovations législatives récentes imposent un recours accru à la formation continue : ainsi, il y a dix ans, les aides-soignants ou les aides médico-psychologiques n'avaient qu'une fonction de soins. Aujourd'hui, elles sont accompagnatrices de projet, et ont donc besoin d'être sécurisées dans leurs fonctions. D'une façon générale, la nécessité de former l'ensemble des personnels des établissements à la prévention de la maltraitance implique de sensibiliser les personnels les plus anciens via la formation continue .

D'autre part, la prévention de la maltraitance doit constituer, sur le plan professionnel, une préoccupation constante afin d'éviter tout risque de banalisation. La formation continue peut constituer un moyen de prévenir cette banalisation. Il convient, à cet égard, de citer Mme Elisabeth Javelaud, directrice de l'Association française des organismes de formation et de recherche en travail social (AFORTS), qui a déclaré à la commission d'enquête : « Les situations de maltraitance sont des situations de banalisation des relations . Il est essentiel de reprendre très régulièrement des sujets de ce type. Il faut réinvestir l'institution en lui demandant si elle remplit correctement la mission qui lui a été confiée . »

Ce contexte de banalisation peut s'avérer particulièrement dommageable dans les contacts avec les personnes handicapées les plus difficiles, dont l'extrême dépendance constitue un risque majeur de maltraitance. M. André Loubière, directeur des actions médicales et sociales de l'Association française des myopathies (AFM), a relaté cette difficulté :  « Avant de pointer du doigt l'inefficacité ou le non-professionnalisme des personnels, je pointe tout d'abord du doigt la situation des personnes accueillies dans les établissements . Les réponses sont sans doute différentes selon la situation des personnes. Je pense que les jeunes dormant de 22 heures à 7 heures du matin sont totalement différents des personnes sollicitant un tiers dix ou vingt fois par nuit pour être retournées. » La même accentuation des risques peut être observée pour les autistes . Ainsi, si la formation continue est indispensable dans tous les cas pour prévenir la maltraitance, il conviendrait d'en renforcer la fréquence et le contenu pour les professionnels soumis aux tensions les plus importantes face aux personnes handicapées les plus dépendantes.

Pour optimiser cette formation continue, il faudrait,
d'une part, dans certaines hypothèses , afin d'éviter les inconvénients résultant, pour l'ensemble de personnel, de l'éloignement de ceux à qui la formation est dispensée, pouvoir assurer cette formation sur le lieu de travail.

D'autre part, il serait indispensable de veiller à ce que les plans de formation de tous les établissements accueillant des personnes handicapées consacrent une certaine durée à la prévention de la violence à l'intérieur de l'institution . Les formations « fantaisistes », ou, du moins, celles dont le lien avec l'activité professionnelle apparaît ténu, devraient être proscrites. En outre, la prévalence des formations de gestion semble excessive. Ainsi, le rôle des inspecteurs des affaires sanitaires et sociales devrait être réaffirmé. Ils ont en effet la possibilité d'examiner le plan de formation de l'institution, et peuvent donner un avis, et souligner ainsi, par exemple, la nécessité de conformer le plan de formation aux axes de développement ou de progrès qu'ils ont déterminés.

Dans le secteur médico-social comme ailleurs, il existe parfois quelque difficulté à faire admettre aux professionnels en exercice que la formation continue leur est nécessaire tout au long de leur activité professionnelle. Aussi, un changement doit s'opérer sur le plan culturel.

Bref, la formation continue doit être considérée comme un élément indispensable à la qualité du projet d'établissement. A cet égard, la commission d'enquête a pu constater certaines évolutions.

En premier lieu, l'article 59 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé dispose : « La formation médicale continue a pour objectif l'entretien et le perfectionnement des connaissances, y compris dans le domaine des droits de la personne, ainsi que l'amélioration de la prise en charge des priorités de santé publique ». Cette rénovation du système de formation médicale continue doit être considérée comme un changement majeur, mais aucun dispositif n'est encore prévu au bénéfice des professions paramédicales.

En second lieu, dans le secteur associatif, des initiatives intéressantes se sont fait jour en matière de formation continue. Ainsi, dans une instruction aux directeurs d'établissement dont elle a la responsabilité, l'Association pour adultes et jeunes handicapés (APAJH) précise que « ... les formations inscrites au « catalogue formation » ayant pour thème la maltraitance doivent être proposées pour l'ensemble des personnels en contact direct avec les personnes handicapées. Chaque salarié devra suivre l'une de ces formations au moins une fois tous les sept ans », et que « Chaque année l'établissement met en place une matinée de sensibilisation sur la maltraitance ».


Proposition

La nécessité de la formation continue doit faire l'objet d'une information appuyée auprès des personnels.

Le contenu de la formation continue doit être, en tant que de besoin, renforcé en matière de prévention de la maltraitance.

b) L'encadrement

A la tête des quelque trente mille institutions sociales, il n'y a que trois à quatre mille directeurs formés , alors même que leur formation apparaît comme un élément déterminant de la prévention de la maltraitance ;


Le
certificat d'aptitude aux fonctions de directeur d'établissement social (CAFDES), une formation globalement satisfaisante sur le plan de la sensibilisation au phénomène de la maltraitance

L'Ecole nationale de la santé publique (ENSP) délivre, dans le cadre de la formation continue, le certificat d'aptitude aux fonctions de directeur d'établissement social (CAFDES) destiné aux cadres dirigeants et gestionnaires des établissements sociaux privés, qui relèvent essentiellement du secteur associatif. D'une façon générale, les formations proposées par l'ENSP s'adressent à la fois aux cadres des établissements -ainsi qu'aux directeurs déjà en poste dans les établissements privés-, et aux cadres du secteur public qui seront amenés à prendre une direction d'établissement à l'issue de leur formation. Elles insistent beaucoup sur le thème de la « bientraitance », versant positif de la prévention de la maltraitance.

Le corps des directeurs d'établissements sociaux et médico-sociaux est l'un des dix corps de fonctionnaires suivant statutairement une formation à l'école. Les effectifs des promotions dans ce corps en particulier oscillent entre vingt et trente personnes par an. Parmi les directeurs nouvellement formés, 40 % prennent la direction d'une institution pour personnes handicapées.

Les futurs directeurs de structures sociales ou médico-sociales ne connaissent leur affectation que quelques mois avant la fin de leur formation, d'une durée de deux ans. La commission d'enquête a noté avec satisfaction que la formation concernant le handicap figure dans la formation commune à tous ces futurs directeurs. Celle-ci est répartie dans cinq modules différents et représente environ 130 heures d'enseignement. Le temps de stage représente approximativement 50 % du temps de formation, et certains élèves l'effectuent dans des établissements ou services pour personnes handicapées. Plus de la moitié de ces élèves suivent, parallèlement à leur cursus, un DESS dans le cadre d'accords bilatéraux qui ont été noués avec des universités. Dans certains cas, les DESS choisis par les étudiants ont trait au handicap. Enfin, quatre-vingt-cinq des deux cent derniers mémoires ayant été soutenus dans le cadre de la formation CAFDES ont porté sur le handicap, une quinzaine étant directement axée sur le sujet de la maltraitance

Les questions de la maltraitance sont abordées, presque exclusivement, de manière transversale, c'est-à-dire sur le plan de la prévention ou de la prise en charge des personnes vulnérables, via plusieurs modules. Les deux modules les plus importants sont le module « management de la qualité et la gestion des risques », qui semble constituer un angle d'approche intéressant, et le module « droit social et médico-social ». Au total, la formation sur le handicap représente environ 15 % de l'enseignement théorique.


En réalité, le problème n'est pas tant celui du contenu de la formation qui mène au CAFDES, que celui de la proportion de directeurs ne bénéficiant d'aucune formation. Il est inadmissible que subsiste ainsi une majorité de directeurs d'établissements ayant été recrutés sans disposer d'une formation de type CAFDES, et qui ne s'y soient pas engagés.

En principe, un terme devrait être mis à cette situation par la loi du 2 janvier 2002
, dont l'article 15 55( * ) dispose en effet que « Les établissements et services sont dirigés par des professionnels dont le niveau de qualification est fixé par décret et après consultation de la branche professionnelle ou, à défaut, des fédérations ou organismes représentatifs des organismes gestionnaires d'établissements et services sociaux et médico-sociaux concernés ». Le contenu du décret prévu, toujours en préparation, déterminera l'impact réel de cette disposition.

Enfin, on relèvera qu'indépendamment d'un cadre juridique contraignant, certaines initiatives intéressantes ont été prises. Ainsi, au sein de la fédération Mutualité sociale agricole (MSA) grand sud (Aude et Pyrénées-Orientales), il a été instauré une politique de formation des agents de direction des établissements, afin de leur permettre de cerner, au niveau de leurs équipes, les situations de maltraitance passive, et de sensibiliser à cette détection les éducateurs, les soignants et même les agents de service, qui n'ont pas forcément une formation suffisante, et sont susceptibles d'être maltraitants par inadvertance .

Un lourd effort doit être aussi engagé en direction des cadres intermédiaires, dont la formation relève d'institutions telles que les instituts régionaux du travail social ou les écoles de travail social. Ces personnels jouent en effet un rôle tout à fait essentiel dans les établissements et les services.

c) Le personnel non soignant

Comme cela a été précédemment relevé, de nombreux interlocuteurs de la commission d'enquête, tant au cours des auditions que des déplacements, ont souligné que de nombreux problèmes de maltraitance sembleraient provenir des personnels des services généraux , plus particulièrement des veilleurs de nuit et des chauffeurs, qui n'ont suivi aucune formation spécifique quant à l'accompagnement des personnes handicapées. Ainsi, ils travaillent auprès d'une population qui leur est, d'une certaine manière, étrangère, s'agissant surtout des personnes handicapées mentales.

Pourtant, la veille de nuit et le transport constituent des situations à risque, auxquelles les responsables de services et naturellement le directeur d'établissement doivent certes prêter la plus grande attention, mais qu'une formation à la prévention de la maltraitance des personnels concernés contribuerait largement à sécuriser.

Comme la commission d'enquête a pu le constater au cours de ses déplacements, le veilleur de nuit, généralement seul, doit veiller sur un nombre important de personnes vulnérables, au sens fort du terme, sans pouvoir bénéficier d'une aide directe et immédiate de qui que ce soit. Comment peut-il, sans danger réel, ne pas être formé ou sensibilisé à la maltraitance ?

Ainsi, des sensibilisations et des formations doivent absolument être mises en place afin d'éviter d'éventuelles dérives du comportement de ces personnels vis-à-vis des personnes handicapées, et les textes devraient en prévoir clairement l'obligation. Que ces professions ne figurent pas dans le champ d'intervention de la direction générale de la santé (DGS), ne change rien à cet impératif. Cependant, il doit être mentionné qu'un avenant apporté à la convention collective du 15 mars 1966 régissant les établissements et services privés pour personnes handicapées et inadaptées à but non lucratif prévoyait une formation spécifique pour les veilleurs de nuit. Dans un premier temps, l'agrément de l'avenant a été refusé, mais une réponse transmise par la direction générale de l'action sociale (DGAS) indique que ce problème est en voie d'être résolu (encadré ci-dessous).


Précisions apportées par la DGAS concernant l'organisation d'une formation spécifique pour les veilleurs de nuit dans le cadre de la convention collective
du 15 mars 1966

La commission nationale d'agrément a en effet examiné et refusé l'agrément, notifié par décision du 15 janvier 2003, d'un accord n°279 du 11 juin 2002, présenté par la fédération des syndicats d'employeurs des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées comme avenant à la convention collective de 1966. Celui-ci, prévoyant de faire passer ces personnels dans la grille des ouvriers qualifiés a été refusé pour deux motifs :

1 - absence de marge financière prévue pour le financement tant dans l'ONDAM (objectif national de dépenses d'assurance maladie) qu'en loi de finances initiale; (coût évalué à 1.118.324 euros, soit 0,01 % de la masse salariale de l'ordre de + 50 points de coefficients) ainsi qu'une prime de sujétion de 7 points égale à celle allouée aux personnels socio-éducatifs qui assurent  des nuits de veille et qui ne sont plus en nombre suffisant pour assurer cette fonction ;

2 - aucune justification n'a été présentée à l'appui de la formation demandée. La fédération d'employeurs a présenté un recours  reçu le 27 février 2003 qui fait l'objet d'un nouvel examen, compte tenu des précisions apportées indiquant que ces personnels auxquels il est fait appel sont appelés à avoir des contacts avec les enfants et adultes hébergés et mériteraient une qualification.

Le fait que ces derniers soient désormais conduits  à prendre en charge un service de nuit, sans intervention en appui de personnels plus qualifiés, peut par conséquent justifier que ces personnels, affectés à une fonction de prise en charge de la personne, reçoivent une formation d'adaptation, voire de qualification, suffisamment approfondie pour occuper ce type de poste pour pouvoir faire face aux situations de difficultés vécues ou ressenties la nuit par leur public.

Dès lors, il peut être légitime de valoriser cet effort par une reconnaissance financière et un positionnement dans la grille salariale. La Direction générale de l'action sociale peut par conséquent envisager, sous réserve de l'appréciation collective de l'impact de la mesure,  de représenter favorablement cet accord devant la commission nationale d'agrément.


Des solutions alternatives existent, mais elles semblent difficiles à généraliser. Ainsi, selon des indications apportées à la commission d'enquête au cours de ses déplacements, certaines associations gèrent ces situations de façon, selon elle, difficilement transposable : tel directeur d'un centre d'aide par le travail (CAT) n'a pas de veilleur de nuit, mais « un éducateur qui dort », tel président d'association explique que les éducateurs assurent le rôle de chauffeur en tant que de besoin.

Enfin, il semble également anormal qu'aucune formation psychologique et éducative ne soit imposée aux personnels accompagnant les personnes handicapées dans les CAT.


Proposition

Prévoir pour les personnels des services généraux une formation ou une sensibilisation aux problèmes de maltraitance.

d) Les administrateurs des associations gestionnaires

Les administrateurs d'une association gestionnaire d'établissement doivent, normalement, définir un projet associatif sur la base d'une éthique et de valeurs que sont ensuite appelés à défendre tous les salariés. Si les administrateurs ne sont pas impliqués au premier chef, il se présente un risque important de dysfonctionnement. En effet, le projet associatif se situe en amont du projet d'établissement . Si l'impulsion et l'exigence de qualité ne viennent pas des administrateurs, l'approche de la lutte contre la maltraitance risque de se limiter à un simple problème technique.

Ainsi, il serait intéressant d'explorer les voies d'une formation des administrateurs des associations gestionnaires.

Proposition

Etudier les moyens d'une formation ou d'une sensibilisation adaptée des administrateurs des associations gestionnaires d'établissements.

e) Les personnes handicapées

Les multiples raisons qui rendent difficile l'expression des personnes handicapées sur les maltraitances qu'elles subissent ou dont elles sont témoins ont déjà été exposées (oralité difficile, sentiment de culpabilité, dépendance, risque de déformation des faits ...).

Pour toutes ces raisons, il importerait que la personne handicapée reçoive une information ou un accompagnement simples l'aidant à déterminer la limite acceptable des comportements d'autrui. Une telle démarche paraîtrait particulièrement opportune en direction des personnes vieillissantes, pour lesquelles la famille, quand elle existe encore, risque de ne plus constituer une source suffisante de repères.

f) Les familles des personnes handicapées

Comme cela a été largement évoqué, les parents éprouvent un fort sentiment de culpabilité vis-à-vis de l'institution qui « accepte » de prendre en charge leurs enfants, et ils préfèrent se taire plutôt que de risquer de perdre la place. Or, un rôle actif des parents peut s'avérer essentiel pour prévenir diverses formes de maltraitance.

Ainsi, Mme Gloria Laxer, directeur de recherches à l'Université de Lyon, maître de conférences, chargée de mission « Public à besoins éducatifs spécifiques » à l'Académie de Clermont-Ferrand, a tenu ces propos devant la commission d'enquête : « Je pense que la formation des familles n'existe pas dans notre pays. Il s'agit là d'une des grandes carences de la société française. Les parents voulant une formation doivent la payer de leur poche, ce qui me semble anormal. Je considère qu'une famille ayant un enfant handicapé doit recevoir un minimum de formation. A titre d'exemple, on apprend aux familles dont l'un des enfants a une division palatine (un bec de lièvre) à nourrir leur enfant. Les parents d'enfants diabétiques ou hémophiles reçoivent également une formation . »

Ainsi, il semble qu'une formation gratuite devrait être dispensée à toutes les familles ayant un enfant - ou un parent - handicapé.

Il conviendrait de s'inspirer de la Norvège, qui propose des actions de guidance parentale
pour aider la famille à comprendre la nature du handicap et la manière de prendre en charge la personne handicapée. Le seuil de tolérance des familles à la maltraitance en institution s'en trouverait substantiellement relevé.

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