2. Diffuser une culture de prévention de la maltraitance à l'ensemble des acteurs des établissements
Il a été noté que les outils mis en place par la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale 54( * ) devraient progressivement favoriser les évolutions culturelles et les prises de conscience dans les établissements. Toutefois, il ne faut peut-être pas surévaluer, dans un premier temps, l'impact d'une nouvelle loi dans un secteur particulièrement frappé par le phénomène de sédimentation des textes . C'est dire que la formation est doublement essentielle, en ce qu'elle permet non seulement d'accéder aux textes, mais encore - et surtout - à leur esprit.
a) Le personnel médical et paramédical
(1)
Aborder systématiquement et adéquatement le thème de la
maltraitance dans les formations initiales
Les programmes de formation sont définis par le ministère des
affaires sociales dans le cadre des diplômes d'État. Les
organismes de formation appliquent et mettent en oeuvre ces programmes. Les
diplômes sont validés par l'État lui-même, au travers
de jurys composés de professionnels. D'emblée, la commission
d'enquête tient à souligner que
si un transfert de
compétence vers les régions de la formation des travailleurs
sociaux devait avoir lieu, le rôle de l'Etat dans la définition du
travail social, des professions sociales et du contenu des formations sociales
y afférentes devrait, dans un souci d'égalité et de
continuité territoriales, être préservé
.
Il convient préalablement de cerner les professions impliquées
dans le fonctionnement des établissements et services sociaux et
médico-sociaux. S'agissant des professions médicales, seuls les
médecins ont l'occasion d'exercer régulièrement leur
activité au sein de ces établissements (et non les
chirurgiens-dentistes, les sages-femmes et les pharmaciens). S'agissant des
professions paramédicales, les infirmiers, les
masseurs-kinésithérapeutes, les orthophonistes, les orthoptistes,
les ergothérapeutes, les aides-soignants et les aides
médico-psychologiques (AMP) travaillent régulièrement dans
ces établissements, à l'inverse des pédicures-podologues,
des audio-prothésistes, des diététiciens, des
manipulateurs de radios et des opticiens-lunetiers.
L'analyse des formations initiales et continues, au regard de la
maltraitance envers les personnes handicapées, révèle une
situation contrastée :
concernant les
médecins
, leur formation semble
présenter des garanties intéressantes, notamment depuis la
publication, en octobre 2000, d'un arrêté qui a
révisé le contenu de formation de la deuxième partie du
deuxième cycle des études médicales, opérant un
recentrage de la formation des futurs médecins autour de grandes
problématiques de santé. On peut ainsi mentionner le module
« Maturation et vulnérabilité », le module
« Handicaps, incapacités et dépendances »,
qui abordent la question de la prise en charge globale
médico-psycho-sociale de la personne handicapée dans une
filière ou un réseau de soins, et le module
« Vieillissement, prise en compte d'une personne âgée
dans sa globalité, son environnement et ses attentes », dans
lequel sont abordés les problèmes liés au handicap de
la personne âgée ;
les professions tournées vers l'administration de soins -
infirmières
, puéricultrices,
aides-soignantes, aides
médico-psychologiques -
bénéficient d'une certaine
sensibilisation, inscrite dans leur programme de formation initiale.
Il
convient également de faire mention de la profession de
psychomotricien
(l'arrêté de référence de
cette profession date de 1998) ;
en revanche, les autres professions de rééducation, comme
les
masseurs-kinésithérapeutes
, les
ergothérapeutes
ou les
orthophonistes
, qui sont pourtant
susceptibles d'être confrontées à des cas de maltraitance
de personnes handicapées, ou, du moins, à des situations à
risque,
ne sont pas soumises à une formation initiale obligatoire
spécifique sur le sujet.
C'est, du moins, ce qui résulte de
l'arrêté de référence régissant ces
professions. Toutefois, les directeurs d'instituts s'attachent
spontanément à sensibiliser les étudiants au thème
de la maltraitance
. Il serait toutefois souhaitable que cette
sensibilisation résulte de textes, et non de la plus ou moins grande
sensibilité des directeurs concernés au thème de la
maltraitance.
La perspective de l'instauration d'un tronc commun à toutes les
professions médicales et paramédicales doit alimenter une
réflexion sur l'opportunité d'y inclure, le cas
échéant, une formation relative à la prévention des
faits de maltraitance
. Une commission
ad hoc
, qui devrait rendre un
rapport au mois de juin 2003, mène une étude relative à la
mise en place de cette formation commune à toutes les professions de
santé. Il est d'ores et déjà évoqué la
possibilité d'instaurer un premier semestre commun, avant qu'une
spécialisation, qui sera fonction du concours que l'étudiant
choisira, ne soit opérée au cours du second semestre. Des
domaines tels que la psychologie, la psycho-sociologie, l'éthique, le
droit de la santé ou la déontologie pourraient être
enseignés au cours de cette première partie.
La commission
d'enquête a la conviction qu'un thème aussi transversal que celui
de la maltraitance des personnes handicapées pourrait être,
très utilement, intégré à ce tronc commun.
D'ores et déjà, les formations au travail social sont suivies
sous le régime de l'alternance. Par conséquent, les jeunes
évoluent au cours de leur formation au sein des institutions, ce qui
doit faciliter les actions de sensibilisation au sujet des maltraitances.
Toutefois, le contenu des formations déjà dispensées en
matière de prévention de la maltraitance est susceptible
d'améliorations.
D'abord, il semble, d'une façon générale, que les
questions liées aux violences ou aux maltraitances sont trop
diluées
dans les programmes des diplômes d'État.
Il conviendrait que ces questions constituent systématiquement des
unités d'enseignement à part entière, et non des
sous-thèmes abordés de façon transversale
. Il est
également critiquable que soient rarement abordés
simultanément les thèmes du handicap et de la maltraitance.
Ensuite, en l'état, les formations ne tirent pas toutes les
conséquences des innovations de la loi du 2 janvier 2002, et il faut y
porter remède.
Ainsi, M. Patrick Gohet, délégué
interministériel aux personnes handicapées déclarait
à la commission d'enquête : «
La nouvelle
loi serait, à mon avis, mal appliquée si nous ne tirons pas, dans
les structures de formation, les conclusions des innovations
décidées.
Je ne suis pas certain que le processus de
construction d'un projet individuel avec une personne handicapée soit
complètement au point. En outre, les professionnels des
établissements n'ont peut-être pas toujours reçu la
formation adéquate pour mener cette tâche à bien
. Par
ailleurs, les directeurs d'établissements ne savent peut-être pas
toujours comment être fédérateurs dans le cadre d'un projet
global. Les apports des psychiatres et des psychologues ne sauraient être
écartés. Par conséquent,
de nombreux
éléments d'innovation doivent être intégrés
dans les formations.
».
Par ailleurs, tout en se gardant de franchir la ligne de démarcation
entre la psychologie respectueuse des individus et l'introspection inutile,
il semblerait utile d'offrir aux élèves la possibilité
d'effectuer un « travail sur eux-mêmes » pour
repérer leur propre capacité d'implication et évaluer leur
tolérance aux différentes formes de maltraitance.
Un tel
travail permettrait aux individus les plus
« indifférents » d'entamer une réflexion
fructueuse sur leurs possibles impasses comportementales.
Enfin, le fait que les travailleurs sociaux soient de plus en plus
confrontés à l'accueil de personnes d'origine
étrangère devrait
donner lieu à un volet d'étude
particulier dans le cadre de la prévention.
Proposition
Systématiser la sensibilisation à la
maltraitance dans
la formation des professions médicales et paramédicales
impliquées dans l'accompagnement des personnes handicapées, et en
parfaire le contenu. Dans le cadre de l'instauration d'un tronc commun à
la formation des professions médicales et paramédicales,
intégrer le traitement de la question de la maltraitance envers les
personnes vulnérables en tant que « matière »
à part entière.
(2) Offrir une formation continue consistante et adéquate
D'une part,
les innovations législatives récentes imposent un
recours accru à la formation continue
: ainsi, il y a dix ans,
les aides-soignants ou les aides médico-psychologiques n'avaient qu'une
fonction de soins. Aujourd'hui, elles sont accompagnatrices de projet, et ont
donc besoin d'être sécurisées dans leurs fonctions. D'une
façon générale, la nécessité de former
l'ensemble des personnels des établissements à la
prévention de la maltraitance implique de
sensibiliser les personnels
les plus anciens
via
la formation continue
.
D'autre part, la prévention de la maltraitance doit constituer, sur le
plan professionnel, une
préoccupation constante afin d'éviter
tout risque de banalisation.
La formation continue peut constituer un moyen
de prévenir cette banalisation. Il convient, à cet
égard, de citer Mme Elisabeth Javelaud, directrice de l'Association
française des organismes de formation et de recherche en travail social
(AFORTS), qui a déclaré à la commission
d'enquête : «
Les situations de maltraitance
sont des situations de banalisation des relations
. Il est essentiel
de reprendre très régulièrement des sujets de ce type. Il
faut réinvestir l'institution en lui demandant si elle remplit
correctement la mission qui lui a été
confiée
. »
Ce contexte de banalisation peut s'avérer particulièrement
dommageable dans les contacts avec les personnes handicapées les plus
difficiles, dont l'extrême dépendance constitue un risque majeur
de maltraitance. M. André Loubière, directeur des actions
médicales et sociales de l'Association française des
myopathies
(AFM), a relaté cette
difficulté : «
Avant de pointer du doigt
l'inefficacité ou le non-professionnalisme des personnels, je pointe
tout d'abord du doigt la situation des personnes accueillies dans les
établissements
. Les réponses sont sans doute
différentes selon la situation des personnes.
Je pense que les jeunes
dormant de 22 heures à 7 heures du matin sont totalement
différents des personnes sollicitant un tiers dix ou vingt fois par
nuit pour être retournées.
» La même
accentuation des risques peut être observée pour les
autistes
. Ainsi, si la
formation continue
est indispensable dans
tous les cas pour prévenir la maltraitance,
il conviendrait d'en
renforcer la fréquence et le contenu pour les professionnels soumis aux
tensions les plus importantes face aux personnes handicapées les plus
dépendantes.
Pour optimiser cette formation continue, il faudrait,
d'une part,
dans
certaines hypothèses
, afin d'éviter les inconvénients
résultant, pour l'ensemble de personnel, de l'éloignement de ceux
à qui la formation est dispensée,
pouvoir assurer cette
formation sur le lieu de travail.
D'autre part,
il serait indispensable de veiller à ce que les plans
de formation de tous les établissements accueillant des personnes
handicapées consacrent une certaine durée à la
prévention de la violence à l'intérieur de
l'institution
.
Les formations « fantaisistes », ou,
du moins, celles dont le lien avec l'activité professionnelle
apparaît ténu, devraient être proscrites. En outre, la
prévalence des formations de gestion semble excessive. Ainsi, le
rôle des inspecteurs des affaires sanitaires et sociales devrait
être réaffirmé.
Ils ont en effet la possibilité
d'examiner le plan de formation de l'institution, et peuvent donner un avis, et
souligner ainsi, par exemple, la nécessité de conformer le plan
de formation aux axes de développement ou de progrès qu'ils ont
déterminés.
Dans le secteur médico-social comme ailleurs, il existe parfois quelque
difficulté à faire admettre aux professionnels en exercice que la
formation continue leur est nécessaire tout au long de leur
activité professionnelle. Aussi, un changement doit s'opérer sur
le plan culturel.
Bref, la formation continue doit être considérée comme
un élément indispensable à la qualité du projet
d'établissement.
A cet égard, la commission d'enquête a
pu constater certaines évolutions.
En premier lieu, l'article 59 de la loi n° 2002-303 du
4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la
qualité du système de santé dispose :
«
La formation médicale continue a pour objectif
l'entretien et le
perfectionnement des connaissances, y compris dans le
domaine des droits de la personne, ainsi que l'amélioration de la prise
en charge des priorités de santé publique
». Cette
rénovation du système de formation médicale continue doit
être considérée comme un changement majeur, mais aucun
dispositif n'est encore prévu au bénéfice des professions
paramédicales.
En second lieu, dans le secteur associatif, des initiatives
intéressantes se sont fait jour en matière de formation continue.
Ainsi, dans une instruction aux directeurs d'établissement dont elle a
la responsabilité, l'Association pour adultes et jeunes
handicapés (APAJH) précise que « ...
les formations
inscrites au « catalogue formation » ayant pour
thème la maltraitance doivent être proposées pour
l'ensemble des personnels en contact direct avec les personnes
handicapées. Chaque salarié devra suivre l'une de ces formations
au moins une fois tous les sept ans
», et que «
Chaque
année l'établissement met en place une matinée de
sensibilisation sur la maltraitance
».
Proposition
La
nécessité de la formation continue doit faire l'objet d'une
information appuyée auprès des personnels.
Le contenu de la formation continue doit être, en tant que de
besoin, renforcé en matière de prévention de la
maltraitance.
b) L'encadrement
A la tête des quelque trente mille institutions sociales, il n'y a que trois à quatre mille directeurs formés , alors même que leur formation apparaît comme un élément déterminant de la prévention de la maltraitance ;
Le
certificat d'aptitude aux fonctions de
directeur
d'établissement social (CAFDES), une formation globalement satisfaisante
sur le plan de la sensibilisation au phénomène de la
maltraitance
L'Ecole
nationale de la santé publique (ENSP) délivre, dans le cadre de
la formation continue, le
certificat d'aptitude aux fonctions de directeur
d'établissement social (CAFDES)
destiné aux cadres dirigeants
et gestionnaires des établissements sociaux privés, qui
relèvent essentiellement du secteur associatif. D'une façon
générale, les formations proposées par l'ENSP s'adressent
à la fois aux cadres des établissements -ainsi qu'aux directeurs
déjà en poste dans les établissements privés-, et
aux cadres du secteur public qui seront amenés à prendre une
direction d'établissement à l'issue de leur formation. Elles
insistent beaucoup sur le thème de la
« bientraitance », versant positif de la prévention
de la maltraitance.
Le corps des directeurs d'établissements sociaux et
médico-sociaux est l'un des dix corps de fonctionnaires suivant
statutairement une formation à l'école. Les effectifs des
promotions dans ce corps en particulier oscillent entre vingt et trente
personnes par an. Parmi les directeurs nouvellement formés, 40 %
prennent la direction d'une institution pour personnes handicapées.
Les futurs directeurs de structures sociales ou médico-sociales ne
connaissent leur affectation que quelques mois avant la fin de leur formation,
d'une durée de deux ans. La commission d'enquête a noté
avec satisfaction que la formation concernant le handicap figure dans la
formation commune à tous ces futurs directeurs. Celle-ci est
répartie dans cinq modules différents et représente
environ 130 heures d'enseignement. Le temps de stage représente
approximativement 50 % du temps de formation, et certains
élèves l'effectuent dans des établissements ou services
pour personnes handicapées. Plus de la moitié de ces
élèves suivent, parallèlement à leur cursus, un
DESS dans le cadre d'accords bilatéraux qui ont été
noués avec des universités. Dans certains cas, les DESS choisis
par les étudiants ont trait au handicap. Enfin, quatre-vingt-cinq des
deux cent derniers mémoires ayant été soutenus dans le
cadre de la formation CAFDES ont porté sur le handicap, une quinzaine
étant directement axée sur le sujet de la maltraitance
Les questions de la maltraitance sont abordées, presque exclusivement,
de manière transversale, c'est-à-dire sur le plan de la
prévention ou de la prise en charge des personnes vulnérables,
via
plusieurs modules. Les deux modules les plus importants sont le
module « management de la qualité et la gestion des
risques », qui semble constituer un angle d'approche
intéressant, et le module « droit social et
médico-social ». Au total, la formation sur le handicap
représente environ 15 % de l'enseignement théorique.
En réalité, le problème n'est pas tant celui du contenu
de la formation qui mène au CAFDES, que celui de la proportion de
directeurs ne bénéficiant d'aucune formation. Il est inadmissible
que subsiste ainsi une majorité de directeurs d'établissements
ayant été recrutés sans disposer d'une formation de type
CAFDES, et qui ne s'y soient pas engagés.
En principe, un terme devrait être mis à cette situation par la
loi du 2 janvier 2002
, dont l'article 15
55(
*
)
dispose en effet que
«
Les établissements et services sont dirigés par
des professionnels dont le niveau de qualification est fixé par
décret et après consultation de la branche professionnelle ou,
à défaut, des fédérations ou organismes
représentatifs des organismes gestionnaires d'établissements et
services sociaux et médico-sociaux
concernés ».
Le contenu du décret
prévu, toujours en préparation, déterminera l'impact
réel de cette disposition.
Enfin, on relèvera qu'indépendamment d'un cadre juridique
contraignant, certaines initiatives intéressantes ont été
prises. Ainsi, au sein de la fédération Mutualité sociale
agricole (MSA) grand sud (Aude et Pyrénées-Orientales), il a
été instauré une politique de formation des agents de
direction des établissements, afin de leur permettre de cerner, au
niveau de leurs équipes, les situations de maltraitance passive, et de
sensibiliser à cette détection les éducateurs, les
soignants et même les agents de service, qui n'ont pas forcément
une formation suffisante, et sont susceptibles d'être maltraitants par
inadvertance
.
Un lourd effort doit être aussi engagé en direction des cadres
intermédiaires, dont la formation relève d'institutions telles
que les instituts régionaux du travail social ou les écoles de
travail social. Ces personnels jouent en effet un rôle tout à fait
essentiel dans les établissements et les services.
c) Le personnel non soignant
Comme
cela a été précédemment relevé, de nombreux
interlocuteurs de la commission d'enquête, tant au cours des auditions
que des déplacements, ont souligné que de nombreux
problèmes de maltraitance sembleraient provenir des
personnels des
services généraux
, plus particulièrement des veilleurs
de nuit et des chauffeurs,
qui n'ont suivi aucune formation
spécifique quant à l'accompagnement des personnes
handicapées.
Ainsi, ils travaillent auprès d'une population
qui leur est, d'une certaine manière, étrangère,
s'agissant surtout des personnes handicapées mentales.
Pourtant, la
veille de nuit
et le
transport
constituent des
situations à risque, auxquelles les responsables de services et
naturellement le directeur d'établissement doivent certes prêter
la plus grande attention, mais qu'une formation à la prévention
de la maltraitance des personnels concernés contribuerait largement
à sécuriser.
Comme la commission d'enquête a pu le constater au cours de ses
déplacements,
le veilleur de nuit, généralement seul,
doit veiller sur un nombre important de personnes vulnérables, au sens
fort du terme, sans pouvoir bénéficier d'une aide directe et
immédiate de qui que ce soit. Comment peut-il, sans danger réel,
ne pas être formé ou sensibilisé à la
maltraitance ?
Ainsi,
des sensibilisations et des formations doivent absolument être
mises en place afin d'éviter d'éventuelles dérives du
comportement de ces personnels vis-à-vis des personnes
handicapées, et les textes devraient en prévoir clairement
l'obligation.
Que ces professions ne figurent pas dans le champ
d'intervention de la direction générale de la santé (DGS),
ne change rien à cet impératif. Cependant, il doit être
mentionné qu'un avenant apporté à la convention collective
du 15 mars 1966 régissant les établissements et services
privés pour personnes handicapées et inadaptées à
but non lucratif prévoyait une formation spécifique pour les
veilleurs de nuit. Dans un premier temps, l'agrément de l'avenant a
été refusé, mais une réponse transmise par la
direction générale de l'action sociale (DGAS) indique que ce
problème est en voie d'être résolu (encadré
ci-dessous).
Précisions apportées par la DGAS concernant
l'organisation d'une formation spécifique pour les veilleurs de nuit
dans le cadre de la convention collective
du 15 mars 1966
La
commission nationale d'agrément a en effet examiné et
refusé l'agrément, notifié par décision du 15
janvier 2003, d'un accord n°279 du 11 juin 2002, présenté
par la fédération des syndicats d'employeurs des
établissements et services pour personnes inadaptées et
handicapées comme avenant à la convention collective de 1966.
Celui-ci, prévoyant de faire passer ces personnels dans la grille des
ouvriers qualifiés a été refusé pour deux
motifs :
1 - absence de marge financière prévue pour le
financement tant dans l'ONDAM (objectif national de dépenses d'assurance
maladie) qu'en loi de finances initiale; (coût évalué
à 1.118.324 euros, soit 0,01 % de la masse salariale de l'ordre de
+ 50 points de coefficients) ainsi qu'une prime de sujétion de 7
points égale à celle allouée aux personnels
socio-éducatifs qui assurent des nuits de veille et qui ne sont
plus en nombre suffisant pour assurer cette fonction ;
2 - aucune justification n'a été
présentée à l'appui de la formation demandée. La
fédération d'employeurs a présenté un recours
reçu le 27 février 2003 qui fait l'objet d'un nouvel examen,
compte tenu des précisions apportées indiquant que ces personnels
auxquels il est fait appel sont appelés à avoir des contacts avec
les enfants et adultes hébergés et mériteraient une
qualification.
Le fait que ces derniers soient désormais conduits à
prendre en charge un service de nuit, sans intervention en appui de personnels
plus qualifiés, peut par conséquent justifier que ces personnels,
affectés à une fonction de prise en charge de la personne,
reçoivent une formation d'adaptation, voire de qualification,
suffisamment approfondie pour occuper ce type de poste pour pouvoir faire face
aux situations de difficultés vécues ou ressenties la nuit par
leur public.
Dès lors, il peut être légitime de valoriser cet effort par
une reconnaissance financière et un positionnement dans la grille
salariale. La Direction générale de l'action sociale peut par
conséquent envisager, sous réserve de l'appréciation
collective de l'impact de la mesure, de représenter favorablement
cet accord devant la commission nationale d'agrément.
Des solutions alternatives existent, mais elles semblent difficiles à
généraliser. Ainsi, selon des indications apportées
à la commission d'enquête au cours de ses déplacements,
certaines associations gèrent ces situations de façon, selon
elle, difficilement transposable : tel directeur d'un centre d'aide par le
travail (CAT) n'a pas de veilleur de nuit, mais «
un
éducateur qui dort
», tel président d'association
explique que les éducateurs assurent le rôle de chauffeur en tant
que de besoin.
Enfin, il semble également anormal qu'aucune formation psychologique et
éducative ne soit imposée aux personnels accompagnant les
personnes handicapées dans les CAT.
Proposition
Prévoir pour les personnels des services
généraux une formation ou une sensibilisation aux
problèmes de maltraitance.
d) Les administrateurs des associations gestionnaires
Les
administrateurs d'une association gestionnaire d'établissement doivent,
normalement, définir un projet associatif sur la base d'une
éthique et de valeurs que sont ensuite appelés à
défendre tous les salariés. Si les administrateurs ne sont pas
impliqués au premier chef, il se présente un risque important de
dysfonctionnement. En effet,
le projet associatif se situe en amont du
projet d'établissement
. Si l'impulsion et l'exigence de
qualité ne viennent pas des administrateurs, l'approche de la lutte
contre la maltraitance risque de se limiter à un simple problème
technique.
Ainsi, il serait intéressant d'explorer les voies d'une formation des
administrateurs des associations gestionnaires.
Proposition
Etudier
les moyens d'une formation ou d'une sensibilisation adaptée des
administrateurs des associations gestionnaires d'établissements.
e) Les personnes handicapées
Les
multiples raisons qui rendent difficile l'expression des personnes
handicapées sur les maltraitances qu'elles subissent ou dont elles sont
témoins ont déjà été exposées
(oralité difficile, sentiment de culpabilité, dépendance,
risque de déformation des faits ...).
Pour toutes ces raisons, il importerait que la personne handicapée
reçoive une information ou un accompagnement simples l'aidant à
déterminer la limite acceptable des comportements d'autrui. Une telle
démarche paraîtrait particulièrement opportune en direction
des personnes vieillissantes, pour lesquelles la famille, quand elle existe
encore, risque de ne plus constituer une source suffisante de repères.
f) Les familles des personnes handicapées
Comme
cela a été largement évoqué, les parents
éprouvent un fort sentiment de culpabilité vis-à-vis de
l'institution qui « accepte » de prendre en charge leurs
enfants, et ils préfèrent se taire plutôt que de risquer de
perdre la place. Or, un rôle actif des parents peut s'avérer
essentiel pour prévenir diverses formes de maltraitance.
Ainsi, Mme Gloria Laxer, directeur de recherches à l'Université
de Lyon, maître de conférences, chargée de mission
« Public à besoins éducatifs
spécifiques » à l'Académie de Clermont-Ferrand,
a tenu ces propos devant la commission
d'enquête : «
Je pense que la formation des
familles n'existe pas dans notre pays. Il s'agit là d'une des grandes
carences de la société française.
Les parents
voulant une formation doivent la payer de leur poche, ce qui me semble anormal.
Je considère qu'une famille ayant un enfant handicapé doit
recevoir un minimum de formation.
A titre d'exemple, on apprend aux
familles dont l'un des enfants a une division palatine (un bec de
lièvre) à nourrir leur enfant. Les parents d'enfants
diabétiques ou hémophiles reçoivent également une
formation
. »
Ainsi, il semble qu'une formation gratuite devrait être
dispensée à toutes les familles ayant un enfant - ou un parent -
handicapé.
Il conviendrait de s'inspirer de la Norvège, qui propose des actions de
guidance parentale
pour aider la famille à comprendre la nature du
handicap et la manière de prendre en charge la personne
handicapée. Le seuil de tolérance des familles à la
maltraitance en institution s'en trouverait substantiellement relevé.