1. L'insuffisance du nombre de places, source indirecte de maltraitance ?

Le manque de places constitue une source indirecte de maltraitance pour deux raisons bien répertoriées : d'une part, la grande majorité des maltraitances ont lieu en famille, et, d'autre part, lorsque l'enfant - ou le parent - est enfin placé, les familles hésitent à tirer les conséquences de la maltraitance envers leur membre à cause du manque de places , comme cela a déjà été largement exposé (loi du silence).

D'une façon générale, le niveau des demandes de prise en charge devrait demeurer soutenu tant en raison du vieillissement 56( * ) de la population handicapée, que du maintien de la proportion de jeunes handicapés en raison des progrès de la médecine néonatale. Grâce à celle-ci, d'une part, il est certes possible de prévenir ou de guérir certains handicaps dans un nombre croissant de cas, mais, d'autre part, il est permis d'augmenter considérablement les chances de survie des grands prématurés, dont la propension à développer un handicap s'avère comparativement plus forte. Du reste, une évolution qualitative est déjà perceptible, qui devra entraîner des ajustements de la prise en charge : le nombre de polyhandicapés lourds ne cesse d'augmenter.

La planification constitue sans doute la réponse la plus appropriée. La loi du 2 janvier 2002 prévoit ainsi la réalisation de schémas d'organisation sociale et médico-sociale.

Les schémas d'organisation sociale et médico-sociale
prévus aux articles 18 et 19 de la loi du 2 janvier 2002

« Article 18 : [...] Les schémas d'organisation sociale et médico-sociale , établis pour une période maximum de cinq ans [...] :

Apprécient la nature, le niveau et l'évolution des besoins sociaux et médico-sociaux de la population ;

Dressent le bilan quantitatif et qualitatif de l'offre sociale et médico-sociale existante ;

Déterminent les perspectives et les objectifs de développement de l'offre sociale et médico-sociale et, notamment, ceux nécessitant des interventions sous forme de création, transformation ou suppression d'établissements et services [...]

Article 19 : Les schémas d'organisation sociale et médico-sociale sont élaborés :

Au niveau national lorsqu'ils concernent des établissements [...] accueillant des catégories de personnes [...] pour lesquelles les besoins ne peuvent être appréciés qu'à ce niveau ;

Au niveau départemental , lorsqu'ils portent sur les établissements [...] autres que ceux devant figurer dans les schémas nationaux.

Les schémas élaborés au niveau national sont arrêtés par le ministre chargé des affaires sociales, après avis du Comité national de l'organisation sanitaire et sociale. Les schémas départementaux sont arrêtés après avis du comité régional de l'organisation sanitaire et sociale et d'une commission départementale consultative comprenant notamment des représentants des collectivités territoriales, des professions sanitaires et sociales, des institutions sociales et médico-sociales et des personnes accueillies par ces institutions [...]. Le schéma départemental est arrêté conjointement par le représentant de l'Etat dans le département et par le président du conseil général. [...] »

La loi de modernisation sociale n° 2002-73 du 17 janvier 2002 a créé le Conseil départemental consultatif des personnes handicapées , qui donne son avis sur le schéma d'organisation sociale et médico-sociale , qui est ainsi décliné en un schéma d'accueil des personnes handicapées.

Il convient naturellement que les préfets s'assurent de l'élaboration soigneuse du schéma d'accueil des personnes handicapées dans les départements.

Au niveau national, la volonté politique de se conformer aux lignes définies par les schémas paraît ferme
, comme en attestent les propos tenus par Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'État aux personnes handicapées, à la commission d'enquête :

« Aux nombreuses questions que l'on se pose en matière de handicap, j'ai souhaité apporter dans un premier temps des réponses plutôt quantitatives, à savoir le doublement des nouvelles places en CAT et en maisons d'accueil spécialisé , l'augmentation du nombre d'auxiliaires de vie sociale, la multiplication par cinq, avec Luc Ferry, du nombre d'auxiliaires de vie scolaire. Je qualifierai le budget des personnes handicapées, qu'il s'agisse du budget de l'Etat ou du budget dépendant de la sécurité sociale, de très honorable. Comme vous le savez, il permettra le doublement des places en CAT sur le plan national, ainsi que le doublement des places en maisons d'accueil spécialisé - le nombre de places passera ainsi à deux mille deux cent. Ce nombre sera encore supérieur en foyers d'accueil médicalisé dans la mesure où certains départements verseront une participation financière. Cela est inscrit au budget et je puis vous assurer que ce sera réalisé. Tous les départements ont des besoins criants et le budget de cette année, bien que très honorable, ne suffira pas pour y répondre - je tiens à vous parler très franchement. Mais si l'effort de cette année est poursuivi pendant quelque temps, je pense que nous y verrons plus clair dans tous les départements.
Vous savez que les places sont distribuées non pas par département mais par région. L'action de l'Etat consiste, premièrement, à créer davantage de places, et, deuxièmement, à gommer les déséquilibres notoires sur l'ensemble du territoire national. »


La commission d'enquête se réjouit de cette détermination, qu'elle estime indispensable . Elle a néanmoins la conviction qu' une plus grande décentralisation des moyens est la clé d'une satisfaction optimale des besoins . A cet égard, elle croit utile de rapporter les propos de M. Jean-Louis Sanchez, Délégué général de l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée (ODAS) : « La prévention ne constitue pas une toile qui se tisse au niveau national. Elle se tisse dans la proximité et, au-delà, dans la conviction. J'ai la faiblesse de penser que la sanction du suffrage universel constitue un formidable atout pour approcher la proximité des vrais besoins . Je le dis à propos de la décentralisation, dont beaucoup ont longtemps pensé qu'elle favoriserait un repli de l'action publique, engendrerait davantage d'inégalités et favoriserait les pratiques électoralistes. Sur ces trois sujets, la réponse est négative. [...] Je rappelle cependant que, du fait de l'implication très forte des associations auprès des pouvoirs locaux, nous avons assisté, depuis 20 ans, à une forte réduction des inégalités de réponse entre départements en matière d'hébergement. Un document de l'ODAS le démontre. En conclusion, je penche plutôt pour une réduction des inégalités entre départements. ».

Par ailleurs, la commission d'enquête souligne les difficultés de concrétisation de certains projets causées par un mode de tarification particulièrement alambiqué, qu'il conviendrait donc de réviser . Ainsi, M. Philippe Nogrix, représentant de l'Assemblée des départements de France, a déclaré : « Le problème est que le régime de tarification est aujourd'hui si flou et si complexe que nous ne savons pas avant de nous engager dans un projet ce qu'il va coûter . Par conséquent, les conseils généraux préfèrent ne rien faire ».

Enfin, les conséquences néfastes d'une certaine perméabilité entre le secteur médico-social et le secteur sanitaire ont été souvent rappelées à la commission d'enquête. Les pénuries existantes dans le secteur psychiatrique se reportent en effet dans le secteur médico-social , les COTOREP y orientant abusivement des malades relevant de la psychiatrie. Outre que cette occupation se fait souvent au détriment de personnes inscrites sur les listes d'attente, la présence en établissement d'individus relevant normalement de la psychiatrie constituent une source non négligeable de maltraitance entre personnes handicapées. Une réflexion consolidée sur les capacités d'accueil existantes dans les secteurs médico-social et sanitaire mérite ainsi être menée.

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