N° 359

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003

Annexe au procès-verbal de la séance du 18 juin 2003

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le débat d'orientation budgétaire ,

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Jacques Oudin, Gérard Miquel, Claude Belot, Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Aymeri de Montesquiou, vice-présidents ; MM. Yann Gaillard, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM. Philippe Adnot, Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Jacques Baudot, Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Thierry Foucaud, Yves Fréville, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Hubert Haenel, Claude Haut, Roger Karoutchi, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, François Marc, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, René Trégouët.

Politique économique

INTRODUCTION

Avec la tenue du débat d'orientation budgétaire pour 2004, « une boucle est bouclée ». Le chaînage de l'année budgétaire imaginé par les auteurs de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances est désormais pleinement à l'oeuvre.

A l'automne 2002, l'année budgétaire a débuté avec l'examen du projet de loi de règlement pour 2001. Elle s'est poursuivie avec la tenue du premier débat consolidé sur les prélèvements obligatoires. Ensuite ont été examinés le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, le projet de loi de finances pour 2003 et le second projet de loi de finances rectificative pour 2002.

Pour la première fois, le Parlement a examiné le projet de loi de finances à la lumière des orientations budgétaires de moyen terme du gouvernement, définies dans la « programmation pluriannuelle des finances publiques » désormais intégrée au rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances, et qui préfigure le programme de stabilité transmis en fin d'année à la Commission européenne.

A la fin de l'année 2002, le programme de stabilité a été transmis à la Commission européenne, et a été examiné au premier trimestre par les autorités communautaires.

Au mois de juin 2003, en application de l'article 48 de la loi organique du 1 er août 2001, le gouvernement a présenté un rapport « en vue de l'examen et du vote du projet de loi de finances de l'année suivante par le Parlement ».

Parallèlement, la Cour des comptes a, au mois de mai 2003, conformément à l'article 58 de la loi organique, déposé un « rapport préliminaire conjoint » au rapport du gouvernement, « relatif aux résultats de l'exécution de l'exercice antérieur ». Ce document comporte, outre des informations sur l'exécution de l'exercice 2002, une analyse des premiers mois de l'exécution 2003.

L'article 48 de la loi organique précité dispose que le rapport présenté par le gouvernement peut donner lieu à un débat à l'Assemblée nationale et au Sénat. Les deux assemblées ont choisi d'utiliser cette faculté.

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Les orientations du gouvernement en matière budgétaire sont claires. Pour créer les conditions d'une croissance forte, durable et riche en emplois, il fait le choix de la baisse des prélèvements obligatoires . C'est à cette condition que l'initiative et l'investissement seront dynamisés et, pour tout dire, que l'attractivité de notre pays sera préservée. Il est temps de mettre fin à l'exception française en matière fiscale , la baisse des prélèvements obligatoire devant s'accompagner d'une réforme de la structure de notre système de prélèvements, pour encourager les revenus du travail et la prise de risque. Il faut toutefois inscrire ce mouvement dans la durée, et le proportionner à la croissance de l'économie.

En effet, on ne saurait négliger aujourd'hui que se creuse le déficit des administrations publiques, de l'Etat mais aussi de la sécurité sociale, que les dépenses sociales dérapent et que les dépenses de l'Etat sont de plus en plus rigides.

Il serait assurément dangereux d'engager dans l'immédiat une baisse massive des prélèvements obligatoires. Cela serait contraire à nos engagements européens. Cela aggraverait le poids de la dette, qu'il faut au contraire alléger pour être en mesure de faire face aux engagements futurs, et en particulier aux conséquences du vieillissement de la population.

Annoncer la baisse des prélèvements obligatoires est nécessaire. Créer les conditions de cette baisse des prélèvements obligatoire demande assurément du courage.

Pour réduire le poids des prélèvements sans aggraver celui de la dette, donc sans recourir au déficit, il n'y a pas d'autre solution que d'agir sur les dépenses publiques.

L'action sur les dépenses doit être graduée, surtout en période de basse conjoncture.

L'action sur les dépenses doit cependant être immédiate. D'abord parce que l'augmentation des prélèvements obligatoires doit être écartée absolument, même si la conjoncture se dégradait plus encore. Ensuite parce qu'il faut, tout de suite, affirmer une volonté et une détermination en procédant à des baisses de prélèvements, ciblées, au coût modeste, mais de nature à envoyer des signaux clairs pour donner confiance aux agents économiques.

L'action sur les dépenses ne doit pas être aveugle et les solutions de facilité doivent être écartées . La maîtrise des dépenses par le rationnement des crédits d'intervention, qui laisse intactes les structures administratives sans leur donner les moyens de fonctionner, ou par la réduction des dépenses d'investissement, qui hypothèque la croissance à long terme de l'économie, présentent, à l'évidence, beaucoup plus d'inconvénients que d'avantages.

La maîtrise des dépenses, condition nécessaire de la baisse progressive des prélèvements obligatoires et condition immédiate du respect de nos engagements européens, doit en réalité consister en un « redimensionnement » de la dépense publique . La baisse des prélèvements obligatoires ne peut pas être « gagée » par des économies au coup par coup, non pérennes. Notre économie ne pourra pas, dans un contexte où l'évolution des recettes est de plus en plus sensible à la conjoncture, faire face aux chocs conjoncturels si le déficit structurel n'est pas réduit.

Le « redimensionnement » de la dépense publique doit être celui de la sphère publique. L'examen des grandes masses du budget de l'Etat ne laisse pas perplexe longtemps. Pour que, dans un contexte de réduction des dépenses publiques, l'administration puisse fonctionner normalement, pour que l'Etat prépare l'avenir en investissant, il faut réduire le poids de la fonction publique en profitant de l'occasion unique que nous fournit la pyramide des âges . Il s'agit du moyen le plus puissant d'alléger le poids et la rigidité du budget de l'Etat. L'expérience de plusieurs de nos partenaires européens montre qu'il n'en résulterait pas une remise en cause de notre modèle social.

L'effort à réaliser sur les dépenses de l'Etat est d'autant plus important que les moyens de contenir la dynamique des dépenses des administrations sociales n'ont pas encore été, sinon inventés, du moins mis en oeuvre. De nouvelles augmentations des prélèvements sociaux étant d'emblée à écarter, la réforme de notre système d'assurance maladie est inévitable, et ne peut pas attendre.

Le gouvernement précédent a tenté de contenir les dépenses de l'Etat en multipliant les transferts de charges non compensés aux collectivités territoriales. Cette politique revenait pour l'Etat à « scier la branche » sur laquelle il était assis. Depuis la fin des années quatre-vingt-dix, les collectivités territoriales, après avoir « qualifié » la France pour l'euro, apportent une contribution positive au solde des administrations publiques, malgré les transferts non compensés, et parfois au prix de hausses d'impôts impopulaires.

La décentralisation, en réduisant les circuits administratifs et en rapprochant la décision politique du citoyen bénéficiaire de la dépense publique, constitue un facteur d'amélioration du rapport qualité-prix de la sphère publique. L'Etat ne doit pas croire qu'une compensation à due concurrence des charges transférées serait un obstacle au redressement des comptes publics. Au contraire. Mais l'autonomie de gestion des collectivités territoriales, en recettes comme en dépenses, doit être renforcée. Plus de responsabilité politique ne pourra qu'engendrer plus de rigueur de gestion, et pousser à la diminution de la pression fiscale.

Pour l'Etat, la décentralisation est une remise en cause. Responsable des finances publiques devant nos partenaires européens, il n'en maîtrise qu'une fraction de plus en plus réduite. N'est-ce pas pourtant la situation que connaissent déjà, par exemple, nos partenaires allemand et espagnol ? Au Sénat, en tout cas, personne ne regrettera la confiance portée aux élus locaux.

Le gouvernement a fixé un cap. La voie est étroite. Les choix ne sont pas faciles. Ils pourraient parfois se révéler douloureux. Le souci de votre commission des finances est de les expliciter, sans complaisance. Car l'information du Parlement et de l'opinion publique est une condition indispensable de la politique de réforme. Votre rapporteur général s'efforcera donc, ici, d'exposer patiemment les conditions de cohérence qui lui semblent essentielles pour le succès de l'action engagée par le gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin.

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