LES PROJETS INFORMATIQUES DE L'ADMINISTRATION CENTRALE : UN SOUCI DE MISE EN COHÉRENCE À CONCRÉTISER PAR DES CHOIX FORTS

Les éléments observés

Les technologies de l'information et de la communication : un support indispensable

Force est de constater, au travers des unités rencontrées, que les technologies de l'information et de la communication, en temps que support des tâches opérationnelles dans le cadre de la sécurité publique, sont devenues incontournables à plusieurs titres :

§ dans la lutte contre la criminalité, la gestion de l'information est un élément clé :

d'énormes quantités d'informations sont collectées chaque jour,

la gestion de l'information et la hiérarchisation de celle-ci en fonction de la priorité de traitement sont des facteurs clés d'amélioration et d'efficacité pour les forces de sécurité dans leur action quotidienne,

la nécessité de communiquer entre les forces de sécurité et leurs partenaires impose de développer des nouveaux modes d'échanges de l'information.

§ la Loi Organique relative aux Lois de Finances (LOLF du 1/08/2001) et la Loi d'Orientation et de Programmation pour la Sécurité Intérieure (LOPSI du 29/08/2002) ont induit la mise en place de moyens nouveaux pour évaluer les performances. L'informatique doit contribuer à l'efficacité du traitement des informations relatives aux emplois des forces de sécurité et des résultats obtenus. Elle doit faciliter, d'une part, le travail de collecte des informations et, d'autre part, offrir des outils propres à l'analyse et à l'exploitation des données recueillies à des fins de pilotage,

§ les systèmes d'informations contribueront à améliorer la relation avec le citoyen.

De plus, la LOPSI a clairement marqué l'ambition de l'Etat en fixant l'objectif de permettre à tous les agents habilités dans le domaine de la sécurité d'avoir accès, dans le cadre de leurs missions, en tout lieu et en toutes circonstances, à toutes les applications de sécurité intérieure.

Les difficultés dues à l'inexistence de référentiels communs

Le manque probable de coordination dans les développements des outils a conduit à des incohérences entre les applications.

Exemple : les formats de données des Messages d'Information Judiciaires (MIJ) - saisis dans BB 2000 - ne correspondent pas aux formats des données de JUDEX (base de données d'informations judiciaires). Ainsi, la description saisie par un gendarme avec la mention « cheveux très courts » doit être retraitée lors de son entrée dans JUDEX qui ne reconnaît que le libellé « cheveux courts » - idem pour « yeux marrons » qui devra être repris manuellement en « iris marron ».

Ces écarts ont pour effet de mobiliser des gendarmes au sein des Brigades Départementales de Renseignements Judiciaires (BDRJ) (2 temps plein dans l'ensemble des sites visités) pour remédier à ces différences.

Les index utilisés par la police et par la gendarmerie n'ont pas de rapport apparent :

Exemple : il existe 4 index relatifs aux véhicules volés dans la table des évènements de la Main Courante Informatique (MCI) 97 ( * ) et qui ont peu de rapport avec les index utilisés par BB 2000 98 ( * ) .

Le constat sur les outils développés est simple : ils sont, pour la plupart, conçus de façon verticale

Ils permettent de traiter des tâches « spécialisées par activité» sans qu'il y ait de lien entre ces tâches. Dans la police, une même information peut avoir à être saisie plusieurs fois dans la mesure où les principales applications existantes (MCI, LRP, GEOPOL et STIC) ne sont pas interfacées.

Ceci a pour conséquence de nombreuses saisies multiples, contraignantes, sources d'erreurs (dans la saisie ou par simple oubli de renseigner un module, ou encore par manque de fiabilité des résultats statistiques) et de perte de temps.

Exemple : la déclaration de vol de véhicule auprès d'une brigade de gendarmerie, nécessite aujourd'hui pas moins de 7 manipulations différentes :

§ appel, par téléphone, du COG pour déclarer le vol et demander la saisie dans le fichier national des véhicules volés en mentionnant la brigade initiale,

§ création dans BB 2000 d'un numéro de registre,

§ saisie d'un Message d'Information Statistique (MIS) précisant la nature du délit 99 ( * ) ,

§ saisie dans un outil de traitement de texte du procès-verbal de déclaration de vol (une copie sera remise au plaignant),

§ saisie d'un Message d'Information Judiciaire (MIJ) qui servira à alimenter le fichier national JUDEX (reprise manuelle des informations du PV et complément de saisie selon le format du MIJ),

§ saisie d'attestation de dépôt de plainte à remettre au plaignant,

§ rédaction manuscrite du fait dans le cahier de renseignement de la brigade pour information auprès des autres membres de la brigade.

§ Illustration de la procédure actuelle par suite d'une déclaration de vol de véhicule

Une grande hétérogénéité des systèmes d'information

Les systèmes d'information observés présentent encore une grande hétérogénéité, en matière de présentation utilisateur, d'ergonomie et d'environnement technologique. A fortiori, les systèmes propres à chaque organisation sont basés sur des standards technologiques différents 100 ( * ) .

Police Nationale et Gendarmerie Nationale ont établi un certains nombres de constats communs :

§ le besoin d'adaptation des équipements de base : « Il faut quasiment tout moderniser. La gendarmerie a souffert de réduction de moyens sur les 5 dernières années » selon l'Administration Centrale. A titre d'illustration, l'ensemble des commutateurs téléphoniques des brigades doit être mis à niveau. « Les dépenses pour la modernisation du parc représentent 7 % du budget informatique », toujours selon les mêmes interlocuteurs,

§ la mise en conformité à l'évolution des standards : ce besoin peut se ressentir dans la plupart des domaines mais aussi et surtout dans le cadre des Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication (NTIC),

§ la prise en compte de la LOPSI : des budgets importants ont été attribués notamment pour contribuer à la mise en oeuvre de moyens informatiques et de télécommunication adaptés.

Plusieurs grands chantiers sont lancés

Ces constats ont amené la Police Nationale et la Gendarmerie Nationale à lancer plusieurs grands chantiers dans les 5 ans à venir.

Pour la gendarmerie, il s'agit essentiellement de mener les chantiers suivants :

§ le rapprochement et la mise en cohérence des fichiers opérationnels,

§ le renforcement de la formation des personnels,

§ la mise en cohérence des systèmes de transmission,

§ la modernisation des moyens et le développement des réseaux locaux, dans le cadre de la réorganisation du dispositif territorial avec notamment l'instauration de la communauté de brigades 101 ( * ) ,

§ la modernisation des Centres d'Information et de Commandement (CIC) et des Centres Opérationnels de la Gendarmerie (COG),

§ le déploiement du réseau intranet jusqu'au niveau de la brigade.

D'autres projets touchant à l'informatique des brigades sont programmés dans le cadre de la Loi de Programmation Militaire (LPM). Il s'agira essentiellement de la modernisation de l'informatique opérationnelle et de la bureautique 102 ( * ) .

La Police Nationale a établi des axes stratégiques dont, en particulier, ceux consistant à :

§ donner aux acteurs de la sécurité, par le système d'information, les moyens d'être plus efficaces et de mieux coopérer,

§ élaborer et mettre en oeuvre une stratégie technique permettant de développer des systèmes d'informations durables, optimisés et évolutifs,

§ mettre en place des règles de gestion dans le domaine des systèmes d'information et de communication permettant d'augmenter l'efficacité de l'ensemble.

Parmi les principaux projets du Ministère de l'Intérieur, figurent par ordre de priorité et pour la période indiquée :

§ le déploiement d'ACROPOL qui demeure un objectif majeur, dans le but de finaliser la couverture du réseau (60 % du territoire national) à l'horizon de 2008,

§ la refonte des Centres d'Information et de Commandement (CIC), dotant notamment la Sécurité Publique d'un système par département à l'horizon 2008 103 ( * ) ,

§ la mise en place d'un système d'information commun à la police et à la gendarmerie,

§ un vaste programme d'urbanisation et d'ergonomie des systèmes d'information de la sécurité intérieure pour simplifier l'accès à l'ensemble des moyens de communication disponibles, tout en diminuant le nombre de requêtes nécessaires.

Une réelle augmentation du budget qui devrait permettre de concrétiser les projets en cours

Ces plans d'action sont renforcés par la LOPSI, dans la mesure où la gendarmerie bénéficie d'une augmentation de son budget informatique. Toutefois, les interlocuteurs de l'administration centrale estiment que « c ette orientation a de fortes incidences sur l'architecture des SI ; les échéances imposées pour les mises à disposition compliquent d'autant la conduite des projets (...) Le rapprochement et la mise en cohérence des fichiers opérationnels pour améliorer l'efficacité dans le domaine de la police judiciaire constituent une opération de long terme ».

L'ambition du programme, les moyens nécessaires à leur mise en oeuvre et, notamment, « l'objectif de disposer d'un système unique de communications pour les forces de sécurité intérieure à un horizon de 10 à 15 ans, est réaliste selon une approche d'externalisation ».

Dans ce sens, le rapprochement des directions informatiques - DSIC et SDTI - est effectif et reçu favorablement : « une collaboration industrielle avec la police est considérée comme beaucoup plus pertinente qu'avec les armées», selon les mêmes interlocuteurs.

Dans le cadre d'une démarche de mise en cohérence des orientations, une initiative lancée très récemment par le Ministère de l'Intérieur, et concernant l'ensemble des directions de la Direction Générale de la Police Nationale et de la Direction Générale de la Gendarmerie Nationale, a pour objectif d'établir à court terme un plan stratégique ministériel pour les années 2003-2006 visant à :

§ donner aux acteurs de la sécurité les moyens en systèmes d'information pour être plus efficaces et mieux coopérer,

§ développer les outils d'une administration électronique,

§ faciliter la réforme de l'Etat par les systèmes d'information,

§ développer une stratégie technique visant à construire des systèmes d'information durables.

* 97 KV4 : vol de véhicule, W01: découvertes de véhicules à quatre roues volés, W02 : découvertes de véhicules à deux roues à moteur volés, W03 : découvertes de véhicules mis en surveillance.

* 98 B61 : vols de véhicules motorisés à deux roues, B62 : vols d'automobiles autres qu'engin de chantier, B62A : trafic de véhicules, B72 : vol de véhicules de transport avec fret.

* 99 Ce MIS servira à alimenter les statistiques départementales puis nationales.

* 100 L'application CHEOPS est maintenue sous différents systèmes d'exploitations : Windows 95, Windows 98, Windows 2000, Windows XP ce qui en terme de support nécessite le maintien de ces différentes versions.

* 101 Cela devrait conduire à l'équipement de 3.500 brigades de réseaux locaux.

* 102 Refonte de l'outil BB 2000 rebaptisé PULSAR à cette occasion.

* 103 Ces centres devraient constituer de vrais organes de commandement centralisés, utilisant des instruments de pilotage, de centre d'accueil, de traitement des appels en urgence et de traitement de l'information opérationnelle.

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