2. La nécessaire adaptation de la France à la concurrence fiscale
Votre rapporteur général ne peut que prendre acte de l'absence d'harmonisation fiscale en Europe. La recherche de la convergence fiscale est ainsi la grande absente de la conférence intergouvernementale sur la Constitution de l'Union européenne. Ce constat exige que la France adopte une stratégie fiscale cohérente et offensive , en réformant en conséquence la fiscalité des bases taxables les plus mobiles, et en premier lieu la fiscalité du patrimoine, et en envoyant des signaux clairs et positifs aux « impatriés » étrangers éventuels.
a) L'absence d'harmonisation fiscale à l'échelle de l'Union européenne
La
pluralité des régimes d'imposition en Europe, et l'adoption par
certains Etats membres de régimes dérogatoires explicitement
destinés à attirer des investissements étrangers, fait
craindre un renforcement de la concurrence fiscale dans une Union
européenne de 25 membres. Si la Commission européenne a pris
conscience des risques liés à une absence d'harmonisation
fiscale, le Conseil n'en a pas encore tiré toutes les
conséquences.
Les efforts réalisés pour éliminer, d'une part, les
sources de concurrence fiscale déloyale et pour, d'autre part,
élaborer une directive relative à la fiscalité de
l'épargne montrent les difficultés inhérentes à
tout processus d'harmonisation fiscale.
Le Conseil ECOFIN de décembre 1997 a adopté une série de
mesures visant à lutter contre la concurrence fiscale dommageable. Elles
ont conduit à la négociation d'un « code de bonne
conduite » pour la fiscalité des entreprises, adopté le
3 juin 2003, qui prévoit que les Etats membres s'engagent à
s'abstenir d'instaurer toute mesure fiscale dommageable et à modifier
les lois ou pratiques réputées préjudiciables en
appliquant les principes du code.
Les critères qui permettent de
déceler des mesures potentiellement dommageables sont les
suivants
:
- un niveau d'imposition effective nettement inférieur au niveau
général du pays concerné ;
- des facilités réservées aux non-résidents ;
- des incitations fiscales en faveur d'activités qui n'ont pas
trait à l'économie locale, de sorte qu'elles n'ont pas d'impact
sur l'assiette fiscale nationale ;
- l'octroi d'avantages fiscaux même en l'absence de toute
activité économique réelle ;
- des règles pour la détermination des
bénéfices des entreprises faisant partie d'un groupe
multinational qui divergent des normes généralement admises au
niveau international, notamment de celles approuvées par l'OCDE.
Ceci n'empêche en rien qu'un Etat membre pratique une imposition
très basse, mais généralisée. Aucune proposition
n'est à l'étude pour fixer un taux minimum en-dessous duquel
aucun pays ne serait autorisé à baisser sa fiscalité sur
les entreprises.
En matière d'harmonisation fiscale, l'Union européenne a
néanmoins accompli des progrès significatifs en 2003. Outre
l'adoption du « code de bonne conduite » sur la
fiscalité des entreprises, le paquet fiscal adopté par le Conseil
ECOFIN de Luxembourg du 3 juin 2003 a permis d'aboutir à un accord sur
la directive relative à la fiscalité de l'épargne.
Cette directive entrera en vigueur le 1
er
janvier 2005. Elle
concerne :
- les intérêts de titres de créance de toute nature, y
compris les dépôts d'espèces et les obligations
privées et publiques et autres titres d'emprunt
négociables ;
- les intérêts courus et capitalisés ;
- les intérêts issus de placements indirects effectués
par l'intermédiaire d'organismes de placement collectif.
En vertu de la directive, chaque Etat membre devra informer les autres des
intérêts versés à partir de cet Etat membre à
des particuliers résidant dans d'autres États membres. Pendant
une période transitoire le Luxembourg, l'Autriche et la Belgique seront
toutefois autorisés, au lieu de communiquer des informations, à
appliquer une retenue à la source. Ainsi à partir du
1
er
janvier 2005, 12 des 15 Etats membres de l'Union
européenne appliqueront un échange automatique d'informations sur
les revenus de l'épargne des non-résidents.
Pendant une période transitoire non définie, le Luxembourg, la
Belgique et l'Autriche appliqueront sur les revenus de l'épargne une
retenue à la source fixée à 15 % pour les trois
premières années 2005-2007, 20 % pour les trois
années suivantes 2008-2010 et 35 % à partir de 2011. Le
produit de la retenue à la source prélevée au Luxembourg,
en Autriche et en Belgique ainsi que dans les pays tiers respectifs sera
versé, à concurrence de 75 %, à l'Etat de
résidence de l'épargnant.
Cet accord illustre les difficultés de la coopération en
matière de fiscalité de l'épargne : le Luxembourg,
l'Autriche et la Belgique passeront à l'échange automatique
d'informations lorsque l'Union européenne parviendra, le cas
échéant, à un accord, approuvé à
l'unanimité par le Conseil, avec la Suisse, le Liechtenstein,
Saint-Marin, Monaco et Andorre ...
b) Une prise de conscience encourageante
Face
à cette situation, le gouvernement a pris conscience de la
nécessité d'adopter des mesures visant à améliorer
la compétitivité de la fiscalité française.
La loi pour l'initiative économique n° 2003-721 du
1
er
août 2003 contient ainsi un certain nombre de dispositions
fiscales relatives à la fiscalité du patrimoine de l'entrepreneur
de nature à diminuer les « frottements fiscaux » en
matière de transmission des entreprises et à supprimer certains
effets pervers liés à l'ISF au sujet desquels votre commission
des finances avait formulé des propositions visant notamment à
reconnaître les pactes d'actionnaires.
En matière de transmission de patrimoines professionnels, la loi
relève des deux-tiers les seuils d'exonération des plus-values
professionnelles à long terme. Elle encourage la transmission
anticipée d'entreprise en étendant aux donations en pleine
propriété l'abattement de 50 % qui existe pour les
successions, sous condition de signature d'un engagement de conservation des
titres pour une durée d'au moins six ans.
Elle apporte quelques améliorations au régime des biens
professionnels exonérés de l'impôt de solidarité sur
la fortune. Elle introduit un abattement de 50 % au titre de l'ISF pour
les parts ou actions de sociétés que les propriétaires
s'engagent à conserver dans le cadre d'un engagement collectif de
conservation d'une durée minimale de six ans. Elle exonère de
l'ISF les titres reçus en contrepartie d'apports en numéraire au
capital de PME. Elle prévoit que les dirigeants d'entreprises ne
détenant pas les 25 % du capital de leur entreprise leur ouvrant
droit à exonération automatique au titre de l'ISF,
bénéficient de l'exonération dès lors que leurs
parts représentent plus de 50 % de la valeur brute de leur
patrimoine imposable.
Représentant une approche encore très partielle et
présentant une grande complexité, ces mesures de bon sens
constituent une avancée en attendant une réforme de la
fiscalité du patrimoine plus globale, comprenant une révision
fondamentale tant de l'ISF que des droits de succession.