B. FAIRE FACE À LA DYNAMIQUE DES DÉPENSES SOCIALES

1. Les facteurs de croissance des dépenses sociales

a) La sécurité sociale confrontée, avant tout, à une crise des dépenses

La dégradation rapide du solde du régime général de la sécurité sociale est le résultat d'une conjonction de plusieurs facteurs défavorables et avant tout d'une progression accélérée des dépenses sociales bien plus que d'une progression ralentie des recettes.

D'après le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2003, cette accélération des dépenses sociales crée des risques importants, notamment « celui d'une dérive financière et d'une perte durable de la maîtrise du système ; celui aussi d'être contraint, si d'autres solutions n'étaient pas mises en oeuvre, à des hausses de prélèvements qui seraient d'autant plus massives qu'elles auraient été différées ».

L'analyse des facteurs explicatifs de l'accélération de la hausse des dépenses sociales permet toutefois de faire la part entre les causes structurelles de ce phénomène et ses causes conjoncturelles. Cette analyse conduit dès lors à se demander s'il est judicieux et souhaitable de faire reposer tout le poids de la régulation des dépenses sociales, et notamment des dépenses d'assurance maladie, sur le seul instrument financier que constituent les prélèvements obligatoires .

Il faut souligner que l'assurance maladie n'a jamais connu un déficit équivalent à celui d'aujourd'hui. En outre, quelle que soit la situation économique, ce déficit persiste, ce qui conduit à penser que le système de protection sociale est confronté à une crise de dépenses et non à une crise de recettes et que la priorité doit être donnée à la maîtrise des dépenses de santé, d'autant plus qu'il ne faut pas s'attendre à un ralentissement spontané de leur dynamique, compte tenu des besoins croissants liés à l'évolution de la société (allongement de la durée de la vie, progrès médicaux, débat récurrent sur la création d'un cinquième risque pour la dépendance).

Déficit de la Caisse nationale d'assurance maladie rapporté
aux recettes de cotisations et d'impôts affectés

(en %)

Source : commission des comptes de la sécurité sociale

b) Les facteurs structurels à l'origine de l'accélération de l'augmentation des dépenses d'assurance maladie

Le rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale de septembre 2003 souligne l'existence de deux types de facteurs expliquant l'accélération régulière de l'évolution des dépenses d'assurance maladie : des facteurs structurels , d'une part - surprescription de médicaments, progression forte des dépenses d'indemnités journalières, accès croissant de certains assurés au bénéfice de l'affection de longue durée (qui concerne aujourd'hui six millions de personnes) - des facteurs plus conjoncturels , d'autre part, tels que certaines décisions récentes, qu'il s'agisse de la succession des protocoles hospitaliers ou des revalorisations substantielles d'honoraires qui ont accéléré les dépenses et dégradé les comptes.

La consommation de soins a connu une augmentation rapide depuis 1997 : cette augmentation est liée à des facteurs structurels - le vieillissement de la population - qui se traduit par une hausse du nombre de personnes âgées dont la consommation médicale est élevée ; le progrès technique qui met à disposition des patients des traitements plus efficaces mais aussi plus coûteux.

Les études disponibles mesurant l'impact du vieillissement de la population sur l'évolution des dépenses de santé

Comme l'a rappelé M. Jean-François Mattéi, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, lors de la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, il faut « accepter d'assumer une part inéluctable d'augmentation des dépenses de santé, liée au vieillissement de nos sociétés et au progrès médical ».

Le vieillissement a en effet aujourd'hui un coût : les dépenses de santé des plus de 60 ans sont trois fois plus élevées que celle des trentenaires et les personnes âgées de plus de 70 ans consomment 30 % des dépenses totales.

D'après une étude réalisée par la DREES 16( * ) , les facteurs démographiques seraient tendanciellement à l'origine d'environ 1 point par an de croissance des dépenses totales de santé en volume, dans la plupart des pays d'Europe occidentale. En outre, au sein de ces facteurs démographiques structurels, l'impact du vieillissement serait de l'ordre de 0,7 % par an sur la période 2000-2020 .

A l'avenir, la croissance du nombre de personnes âgées devrait induire une croissance des dépenses d'assurance maladie. Selon les projections démographiques publiées par l'INSEE en 2001, la France compterait en 2020 par rapport à 2000, 1,4 fois plus de personnes de 60 ans et plus, et 1,8 fois plus de personnes de 80 ans et plus, (et 3,2 fois plus en 2040). Ainsi en 2020, la France compterait 17 millions de personnes de 60 ans et plus et près de 4 millions de personnes de 80 ans et plus. A l'horizon 2040, il y aurait près de 7 millions de personnes de 80 ans et plus.

A cet égard, la DREES 17( * ) a réalisé des projections du nombre de personnes âgées dépendantes à l'horizon 2020 puis 2040 , afin d'appréhender les effets des évolutions démographiques futures en fonction de différents scénarii possibles d'évolution de la dépendance aux âges élevés.

A l'horizon 2040, le vieillissement de la population devrait conduire, dans les trois hypothèses, à une augmentation tendancielle du nombre de personnes âgées dépendantes de plus de 60 ans . Une première accélération aurait lieu à partir de 2010 et une seconde à partir de 2030. Sur la période 2000-2020, la hausse serait de l'ordre de 16 % dans le scénario optimiste, 25 % dans le scénario central et de 32 % dans le scénario pessimiste. Entre 2020 et 2040, le nombre de personnes âgées dépendantes augmenterait dans des proportions légèrement supérieures. Au total, sur les quarante années, l'augmentation serait de 35 % dans le scénario optimiste, 55 % dans le scénario central ou de 80 % dans le scénario pessimiste. Cette hausse serait en outre concentrée sur les 80 ans et plus .

La croissance tendancielle est également favorisée, d'après le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2003, par « la grande liberté dont l'ensemble des acteurs disposent dans le système de soins. Les gains potentiels du système de soins en termes d'efficacité sont sans doute très importants. On peut ainsi simplement rappeler que la France est selon l'OCDE le premier consommateur de médicaments par habitant, au-delà même des Etats-Unis, sans que le bénéfice en termes de santé soit démontré ».

A l'augmentation de la consommation, s'ajoute une croissance régulière du taux moyen de remboursement : le nombre des assurés exonérés du ticket modérateur augmente très rapidement et celui des patients admis en « affection longue durée » ouvrant droit à l'exonération totale du ticket modérateur s'accroît d'environ 6 % par an.

c) Des facteurs plus conjoncturels

Les années 2002-2003 ont du supporter l'impact de mesures financières exceptionnelles dont l'incidence a été simultanée :

- les créations d'emplois dans la fonction publique hospitalière liées aux programmes de santé publique et à la mise en place de la réduction du temps de travail s'ajoutant à des revalorisations salariales importantes négociées à partir de l'année 2000 dans le secteur public et à partir de l'année 2002 dans les cliniques ;

- les revalorisations tarifaires accordées aux professionnels de santé libéraux en 2002 et 2003 ;

- la montée en charge des plans de développement dans le secteur médico-social ;

- le transfert sur l'assurance maladie de charges financées antérieurement par le budget de l'Etat.

Le coût pour l'assurance maladie des mesures exceptionnelles intervenues depuis 2000

La mise en place de l'aménagement et de la réduction du temps de travail (ARTT) dans la fonction publique hospitalière doit s'accompagner de la création de 45.000 emplois personnels non médicaux et de 3.500 emplois médicaux (dont les postes correspondant à l'intégration des gardes dans le temps de travail) pour un coût de 1,9 milliard d'euros en année pleine. Les 45.000 emplois non médicaux se répartissent en 37.000 emplois dans le champ sanitaire et 8.000 emplois dans le champ médico-social. Compte tenu du temps nécessaire pour pourvoir les emplois créés, la mise en place de l'ARTT s'est accompagnée au cours des exercices 2002 et 2003 de l'introduction d'un compte épargne temps (CET) destiné à « stocker » les congés non utilisés et du paiement d'heures supplémentaires.

Au plan financier, le coût global prévisionnel de la création, échelonnée sur la période 2002-2005, des 34.600 emplois non médicaux (hors unités de soins longue durée) et des 3.500 emplois médicaux dans les établissements publics de santé s'élève à 1,624 milliard d'euros. Ce montant est porté à 1,865 milliard d'euros pour 45.000 emplois créés (hors médecins), si l'on tient compte des établissements sociaux et médico-sociaux publics.

Il convient d'y ajouter les crédits non pérennes consacrés au financement du CET, soit 1,256 milliard d'euros pour les établissements publics de santé (1,364 milliard d'euros si l'on ajoute les établissements sociaux et médicaux sociaux publics). Ces crédits sont destinés à financer, pour la période 2002-2004 pour les médecins et 2002-2003 pour les personnels non médicaux, les droits à congé non pris ou portés dans un CET du fait de l'étalement sur trois ans des créations d'emplois au titre de la réduction du temps de travail. Ce financement permettra aux établissements de remplacer les agents qui utiliseront ces droits, qui représentent un volume de plus de 30.000 équivalents temps plein sur la période 2002-2004.

D'après le rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale datant de septembre 2003, les conséquences financières de la réduction du temps de travail à l'hôpital sont évaluées pour 2004 et 2005 à, respectivement, 881 millions d'euros et 355 millions d'euros, ces coûts étant essentiellement liés au CET.

Au total, les protocoles hospitaliers signés en 2000 et 2001 et la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail majorent de près de 3,4 milliards d'euros les dépenses de l'ONDAM par rapport à 1999, avec le bénéfice de la création de 43.000 emplois.

En outre, la revalorisation des honoraires des généralistes en 2002 s'est traduite par un coût en année pleine de 690 millions d'euros.

L'effet net cumulé sur 2003 de l'ensemble des décisions publiques intervenues depuis 2000 en termes d'assurance maladie est de 5 à 5,5 milliards d'euros par rapport à 2000 d'après les calculs de la Cour des comptes. Ce montant mérite d'être rapproché des déficits des régimes obligatoires d'assurance maladie de 2002 (6,1 milliards d'euros) et 2003 (10,6 milliards d'euros).

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