2. Une compensation loyale des compétences transférées
La
question de la compensation des transferts de compétences est
particulièrement sensible : la hausse des impôts locaux en
2003 et la situation dégradée des finances de l'Etat, dont on
pourrait craindre qu'il soit tenté de réaliser des
économies au détriment des collectivités territoriales,
justifient une certaine inquiétude de la part des élus locaux.
La procédure de compensation des transferts de compétences est
pourtant prévue par les articles L. 1614-1 à L. 1614-7 du code
général des collectivités territoriales, introduits par
les lois de décentralisation du début des années 1980, et
n'a pas posé de problèmes particuliers quant à son
application. Toutefois, ces dispositions n'ont pas empêché que les
compensations versées par l'Etat aux collectivités territoriales
ne leur permettent pas d'exercer convenablement les compétences
transférées. C'est le cas, par exemple, de la compensation du
transfert aux régions de compétences en matière
ferroviaire, réalisé par la loi n° 2000-1208 du 13
décembre 2000, qui ne tenait pas compte de toutes les charges
19(
*
)
. Par ailleurs, l'évaluation des
charges avait été effectuée sur la base d'un audit
réalisé plusieurs années avant le transfert. On notera au
passage que le projet de loi relatif aux responsabilités locales innove
par rapport au droit existant en prévoyant notamment que les charges
d'investissement seront évaluées sur une durée de cinq
années au minimum.
Outre les dispositions législatives susmentionnées, la juste
compensation des charges résultant des transferts de compétences
de l'Etat aux collectivités locales constitue désormais une
obligation constitutionnelle. En effet, le quatrième alinéa de
l'article 72-2 de la Constitution, introduit par la loi constitutionnelle
n° 2003-276 du 28 mars 2003, dispose que «
tout
transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités
territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes
à celles qui étaient consacrées à leur exercice.
Toute création ou extension de compétences ayant pour
conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités
territoriales est accompagnée de ressources déterminées
par la loi
».
La portée de cette
garantie constitutionnelle
ne peut être
connue aujourd'hui, le Conseil constitutionnel n'ayant pas encore
été conduit à se prononcer sur des dispositions
législatives au regard de cette nouvelle norme. En tout état de
cause, il est évident que celle-ci
ne saurait constituer une garantie
absolue pour les collectivités territoriales
, ne s'appliquant pas
aux transferts de charges ne résultant pas de transferts de
compétences.
Il convient, en effet, de bien distinguer les transferts
de compétences, dont la compensation est prévue par des
dispositions législatives et constitutionnelles, des transferts de
charges, pour lesquels le gouvernement n'est juridiquement astreint à
aucune compensation
.
Par ailleurs, on notera que si ce système assure, à la date du
transfert, une neutralité pour le niveau global de
prélèvements obligatoires en organisant une compensation
intégrale des transferts de compétences,
il ne préjuge
pas, pour les années suivantes, des décisions des
assemblées locales
, s'agissant du niveau de dépense
consacré à la compétence transférée et des
modalités de son financement. Or, bien souvent,
les
collectivités territoriales, du fait de la proximité avec les
citoyens, souhaitent élever le niveau des prestations offertes par
rapport à celui, souvent insuffisant, qui était offert par l'Etat
avant le transfert
. A titre d'exemple, le ministère de
l'intérieur, de la sécurité intérieure et des
libertés locales indique dans son dossier de présentation du
projet de loi relatif aux responsabilités locales, s'agissant des
lycées et des collèges, transférés aux
régions et aux départements à compter de 1986, que,
«
en dix-sept ans, l'effort des régions en faveur des
lycées a été sept fois plus important que celui de
l'Etat
» et que «
sur la
[même]
période, l'effort consenti par les départements en faveur des
collèges a (...) été six fois plus important que celui de
l'Etat
».