D. TROUVER DES ALTERNATIVES AUX PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

1. Des prélèvements obligatoires qui doivent se justifier par une plus grande efficience de la sphère publique

a) Mieux arbitrer entre l'efficacité de la dépense publique et celle de la dépense privée

Le taux de prélèvements obligatoires est directement lié au montant des dépenses publiques.

La question est de savoir si la France doit maintenir un niveau de dépense publique aussi important qu'aujourd'hui, et notamment si certaines activités assumées aujourd'hui par l'Etat ne pourraient pas l'être plus efficacement par le secteur privé. Dans ce cas, les prélèvements obligatoires levés pour ces actions seraient supprimés.

Il s'agit de bien identifier l'avantage de la dépense publique par rapport au marché . Certaines dépenses publiques sont justifiées parce qu'elles ne pourraient être assumées par le marché dans des conditions satisfaisantes pour la société. En revanche, quand le secteur privé se développe et devient efficient au point de pouvoir prendre en charge certaines actions, il n'y a pas lieu de maintenir la dépense publique.

Or, si l'on fait le rapport entre le montant de la dépense publique dans un pays et son taux de croissance, il apparaît que sur les vingt dernières années, la France détient à la fois un record en termes de dépenses publiques mais également en matière de faible croissance du PIB.

Relation croissance économique - dépenses publiques

(en %)

Source : OCDE

b) Un moindre recours au citoyen contribuable
(1) Mieux identifier les coûts : faire payer davantage l'usager

L'usager doit contribuer au financement des services collectifs qu'il utilise.

Les mécanismes de financement par péages ou redevances sont ainsi centraux dans l'économie des transports. Ils déterminent la part de l'usager dans le financement de l'infrastructure par rapport à celle du contribuable.

Le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie souhaite que les péages et redevances deviennent le mode normal de prise en charge par l'usager des coûts d'infrastructures de transport.

Mais tous les chiffres montrent que le recours aux péages et redevances est encore très limité et inégal.

Si la part de l'usager dans le financement des autoroutes concédées atteint 92 % 21( * ) , elle descend à 76 % pour le contrôle aérien, 63 % pour les aéroports, et 56 % pour les ports. Elle est très réduite pour le transport ferroviaire (25 %) et les voies navigables (9 %) et nulle pour les routes nationales.

Le péage reste donc un modèle d'exception pour la plupart des modes de transport , à l'exception des autoroutes concédées, alors même que toutes les réflexions menées dans le cadre européen préconisent le développement du péage.

Effort de l'usager dans le financement des infrastructures

(en millions d'euros)

 

Etat

Fiscalité affectée

Collectivités locales

dette du gestionnaire

Effort de l'usager

Total

part de l'usager

Autoroutes concédées

 
 
 

457

4 939

5 397

92 %

Routes nationales

1 486

233

762

0

0

2 481

0 %

Total

1 486

233

762

457

4 939

7 878

63 %

Réseau ferré national

3 859

352

122

305

1 508

6 146

25 %

Contrôle aérien

32

192

0

76

946

1 246

76 %

Aéroports

0

252

12

46

521

831

63 %

Voies navigables

0

76

30

0

10

117

9 %

Ports

104

45

91

-15

291

517

56 %

Source : rapport de M. Jacques Oudin sur le financement des infrastructures de transports n° 42 (2000-2001), données du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

Ces chiffres montrent que les autoroutes concédées sont financées presque exclusivement par les usagers et non par les contribuables. Les aéroports et les ports sont également majoritairement financés par l'usager. En revanche, c'est essentiellement le contribuable national ou local (particulièrement dans le cas des routes nationales) qui finance le réseau ferré, les routes nationales, et les voies navigables.

Le fait que le contribuable paye le coût d'un service qu'il n'utilise pas toujours alors que l'usager bénéficie d'un service sous-tarifé a des conséquences.

Ainsi, en matière de transports publics, le paiement du ticket en-dessous du coût de revient a pu conduire à un comportement des voyageurs parfois peu respectueux des équipements mis à leur disposition : l'usager n'assume pas l'intégralité du coût, qu'il délègue au contribuable. La subvention publique, contrepartie de l'impôt, distend le lien entre le service et l'usager, celui-ci étant moins exigeant qu'un client normal et l'entreprise ayant une politique commerciale moins attentive. Pour cette raison, la répartition du financement entre impôt et « redevance pour service rendu » doit évoluer.

(2) La nécessité de la responsabilisation des assurés sociaux : l'exemple de l'assurance maladie

Dans le domaine de l'assurance maladie, la question de la responsabilisation des assurés sociaux se pose avec acuité dans un contexte de déficit record (10,6 milliards d'euros pour la branche maladie du régime général en 2003 et 14,1 milliards d'euros en 2004 en l'absence de mesures nouvelles) et de poids prépondérant des prélèvements sociaux dans le PIB.

Deux questions principales s'agissant du financement des dépenses de santé et du partage des responsabilités entre acteurs du système de santé se posent : d'une part, la question de la répartition des rôles entre régimes obligatoires et organismes complémentaires, d'autre part, la question de la prise en charge par les assurés eux-mêmes de certains frais jusqu'ici supportés par la collectivité.

En France aujourd'hui, 76 % des dépenses de santé sont financés par des fonds publics, un niveau plus élevé que la moyenne des pays de l'OCDE qui se situe à 72 %. Le reste des dépenses de santé est assuré à hauteur de 14 % par les assurances privées et de 10 % par les versements nets des ménages, alors qu'aux Etats-Unis, par exemple, 35 % du total des dépenses de santé sont pris en charge par les assurances privées et 15 % par les consommateurs, et qu'en Suisse, 10 % seulement des dépenses totales de santé sont financées par les assurances privées tandis que 33 % sont payées directement par les consommateurs.

S'agissant de la répartition des rôles entre régimes obligatoires et organismes complémentaires , des propositions existent pour une plus grande rationalisation de ce partage. Ainsi, le groupe de travail de la commission des comptes de la sécurité sociale sur la « répartition des interventions entre les assurances maladie obligatoires et complémentaires en matière de dépenses de santé », présidé par M. Jean-François Chadelat, avait proposé, dans son rapport datant du mois d'avril 2003, la création d'une couverture maladie généralisée, consacrant l'existence d'un mécanisme de prise en charge à deux étages, le premier correspondant aux assurances maladie obligatoires, le second aux assurances maladie complémentaires. Le rapport préconisait notamment de faire des assurances maladie complémentaires un acteur à part entière de la couverture maladie et de définir certains actes ou certaines catégories d'actes pour lesquelles les complémentaires santé pourraient devenir les acteurs pilotes du dispositif. Parmi ces actes, on peut penser notamment aux soins optiques, dentaires ou encore au domaine de l'appareillage au sens large.

La piste d'une redéfinition des champs d'intervention respectifs de l'assurance maladie obligatoire et de l'assurance complémentaire mérite donc d'être creusée.

S'agissant de la question de la responsabilisation des assurés sociaux , une réelle réflexion sur la définition des actes qui relèvent de la prise en charge par la collectivité, au nom du principe de solidarité, et de ceux qui relèvent de la responsabilité individuelle de l'assuré, doit aujourd'hui être menée.

Sans anticiper sur les conclusions qui seront rendues avant la fin de l'année par le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, installé par le Premier ministre le 13 octobre 2003, il est aujourd'hui nécessaire de remettre en perspective l'idée selon laquelle le remboursement social est seul garant de l'accès aux soins et de trouver le juste équilibre entre solidarité collective et responsabilité individuelle. Comme le soulignait le Premier ministre lors de l'installation du Haut conseil : « Faut-il couvrir dans les mêmes conditions une fracture du bras causée par une chute dans la rue ou par un accident de ski ? ».

La responsabilisation des assurés sociaux peut dès lors prendre différentes formes : l'acceptation du déremboursement des médicaments à service médical rendu insuffisant ou des médicaments « princeps » trouvant leur équivalent dans des groupes génériques, le développement des assurances privées et une participation accrue des patients eux-mêmes s'agissant de la couverture de pathologies résultant de conduites à risque imputable au seul assuré (comme par exemple, la pratique d'un sport à haut risque). Ainsi, il est possible d'envisager que des mécanismes d'assurance personnalisée prennent le relais de l'assurance maladie pour la couverture de certains frais accessoires ou relevant directement de la responsabilité individuelle du patient.

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