C. L'EXISTENCE DE QUELQUES ESPACES NON MIXTES

Votre délégation note qu'à l'étranger, quelques expériences d'enseignement séparé sont conduites, tandis que des propositions visant à assouplir le fonctionnement de la mixité à l'école ont été récemment formulées.

1. Des expériences étrangères

Confronté aux mêmes problèmes, chaque pays réagit selon sa culture et ses valeurs spécifiques.

M. Michel Fize, au cours de son audition devant votre délégation, a constaté que la mixité faisait l'objet d'aménagements partout en Europe. On retrouve de tels aménagements dans certaines disciplines, en particulier l'éducation physique et sportive, y compris en France, ainsi que pour l'éducation sexuelle.

Il a observé qu'en Allemagne, l'aménagement de la mixité concernait davantage de disciplines qu'en France, notamment dans les collèges, telles que les sciences de la vie et de la terre, la physique, l'informatique ou encore l'éducation manuelle et technique.

Dans sa conférence mentionnée plus haut, Catherine Marry rappelle qu'en Allemagne, « de nouvelles lois scolaires sur les écoles secondaires ont permis, dans certains Länder, de développer des expériences de cours séparés pour les filles, pour la plupart en informatique, physique et sport », même si « le bénéfice de cette séparation sur la réussite des filles en physique semble « relativement indiscuté » mais ces expériences développeraient un rapport ambivalent à cette situation d'apprentissage mono sexué. Une conséquence secondaire de ces expériences est en effet le retour difficile de ces étudiantes dans les cours mixtes où elles se heurtent à un renforcement des stéréotypes chez les élèves masculins ».

Outre-Atlantique, un programme de création d'établissements non mixtes - les same sex schools - vient d'être mis au point. La revendication de non-mixité vient à la fois de certaines féministes, qui appartiennent en majorité à un courant très radical, et des ultra-conservateurs. Ainsi, l'administration Bush a-t-elle récemment autorisé les districts à ouvrir des écoles non mixtes, tandis que les écoles publiques peuvent désormais dispenser des programmes non mixtes. Ce programme expérimental bénéficie même d'un budget de 3,27 millions d'euros. Néanmoins, la création d'écoles de garçons ou de filles avait été décidée, hors de tout cadre légal, avant même cette autorisation. Avant l'été 2002, il existait ainsi une dizaine d'écoles non mixtes, auxquelles sont venues s'ajouter deux autres écoles à la rentrée 2002 40 ( * ) .

Mais, comme l'a rappelé M. Michel Fize, les jeunes filles fréquentant l'école non mixte de East Harlem à New York - la Young Women's Leadership Academy -, dont la réussite est souvent citée en exemple, étaient volontaires, une séparation non consentie aboutissant à un échec.

De même, les élèves accueillies dans les écoles non mixtes en France appartiennent aux milieux sociaux favorisés, à la différence de ce que l'on peut observer aux Etats-Unis, où l'expérience a surtout été conduite dans des établissements de quartiers défavorisés, très marqués par la violence scolaire. Les filles, isolées des garçons, mieux encadrées et en sécurité, voient alors leurs résultats scolaires s'améliorer.

Au Royaume-Uni, une option différente a été retenue. Le gouvernement voudrait influencer le recrutement des enseignants de manière à accroître le nombre d'hommes dans cette profession. Une campagne publicitaire a été lancée pour inciter les étudiants à choisir ce métier. En effet, depuis quelques années, le nombre de professeurs masculins a diminué de 14 %. Le gouvernement vise une augmentation de 20 %.

La non-mixité à l'école : quels résultats ?

Dans ses réponses écrites, l'ancien ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, M. Luc Ferry, a indiqué que, « vu la faiblesse des effectifs concernés, aucun résultat statistique sur les différences de performances entre écoles mixtes et non mixtes n'est disponible. Mais ce champ de recherche est très actif actuellement en Europe, au Canada et aux Etats-Unis ».

Le syndicat SE-UNSA a apporté des informations complémentaires sur les premiers résultats de la séparation des sexes à l'école.

Ainsi, il apparaîtrait que la non-mixité en milieu scolaire nuirait également aux garçons. En effet, d'après des études britanniques et américaines, la mise en place de structures séparées ne montre pas une amélioration significative des apprentissages des garçons ni de leurs résultats scolaires. A l'opposé, il semblerait que ce soient les filles qui en profitent le plus.

Par ailleurs, dans une classe non mixte, les enseignants auraient souvent tendance à concevoir les garçons ou les filles comme un groupe homogène, avec les mêmes besoins éducatifs, ce qui est loin d'être le cas : il y a des élèves en difficulté chez les filles comme chez les garçons. On aurait également constaté une diminution des attentes des enseignants envers les garçons en classe séparée. Sensibilisés à la moindre réussite scolaire des garçons, les enseignants auraient tendance à ajuster à la baisse leurs objectifs d'apprentissage.

Dans sa conférence déjà mentionnée du 16 octobre 2003, Catherine Marry note que « les stéréotypes de sexe n'épargnent pas les écoles non mixtes. Dans des classes de filles, des enseignantes font parfois des allusions sexistes à l'encontre des femmes ou tendent à simplifier les contenus (surtout dans les matières scientifiques) comme s'il s'agissait de leur rendre accessibles. Dans les classes de garçons, on observe parfois des encouragements, de la part d'un enseignant masculin, à une certaine agressivité ».

En outre, au-delà des résultats scolaires, se pose la question de l'apprentissage de la vie en société et du respect de l'autre.

Ainsi Catherine Marry relate-t-elle les résultats d'une grande enquête menée en Allemagne au début des années 1990, et qui réfute l'hypothèse des méfaits de l'école mixte et des bienfaits de la séparation des sexes : selon deux chercheuses allemandes, « la préférence pour les écoles mixtes est largement majoritaire, y compris parmi les élèves des deux sexes scolarisés dans des écoles non mixtes ». Par ailleurs, peut être observée « une plus grande distance critique et une plus grande confiance en elles des filles des lycées mixtes. Ces dernières se montrent moins enclines à survaloriser les études scientifiques et surtout redoutent moins la concurrence avec les garçons dans ces domaines que les filles qui n'ont jamais été confrontées à des garçons dans leur scolarité. Contrairement en effet à ces dernières, elles ont pu constater que les garçons n'étaient pas toujours les meilleurs en mathématiques ou qu'ils pouvaient avoir d'autres intérêts que le foot et les jeux vidéo. Elles sont aussi plus critiques et ironiques à l'égard des comportements de dominance des garçons ».

* 40 Il existe également un collège pour les jeunes homosexuels à New York.

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