2. Un intérêt pratique

Cette problématique a paru intéressante à votre groupe de travail à plus d'un titre car elle offre des perspectives de réponses aux mutations économiques, et singulièrement aux délocalisations, tant au niveau global qu'au plan territorial.

a) Un facteur de croissance globale

Du point de vue macroéconomique, la modification de la structure de la demande entre les deux types de biens et services doit évidemment être anticipée avec précaution : l'objectif n'est en effet que de réduire la part des importations et non de diminuer la consommation domestique des biens et services exposés produits localement . Il ne saurait être question de pénaliser ceux-ci puisqu'ils sont indispensables à l'accroissement de la richesse nationale. L'analyse doit donc être affinée de manière à distinguer, au sein des produits nomades, ceux donc la fabrication est essentiellement effectuée hors du territoire national en raison d'une structure de coûts interdisant de manière structurelle à celui-ci de s'imposer dans le jeu de la concurrence mondiale. On retrouve ici les notions de maturité des produits et d'intensité en valeur ajoutée , exposées dans la première partie du présent rapport, qui ont notamment permis de porter une appréciation différente entre les délocalisations inévitables, car normales du point de vue de la rationalité économique générale, et les autres, qui affaiblissent le positionnement relatif de la France dans la division internationale du travail.

Indépendamment de cette observation, le soutien aux activités domestiques sédentaires est parfois dénigré en ce qu'il s'opposerait à une croissance vertueuse . Les secteurs considérés étant en effet intensifs en main d'oeuvre, l'accroissement de la productivité globale, facteur traditionnel de la création de richesses, serait mécaniquement ralenti par l'augmentation de leur part dans l'ensemble du PIB. C'est sur le fondement d'une telle analyse qu'ont ainsi été critiqués, dans le passé, le modèle de croissance américain et, plus récemment, le modèle espagnol, divers économistes contestant leur faculté à se pérenniser.

Cette appréciation est toutefois en train d'évoluer, à mesure que se développent des capacités à accroître, grâce à l'innovation, la productivité et l'enrichissement en valeur ajoutée des emplois des secteurs concernés . Les toutes récentes statistiques américaines de l'emploi démontrent ainsi que la reprise de la croissance s'accompagne désormais, sans pour autant l'affaiblir, de recrutements très nombreux dans les activités de services aux professionnels (+ 64.000 emplois en mai 2004), dans l'éducation et la santé (+ 44.000) et dans les loisirs (+ 40.000). Cette observation empirique se trouve confortée au plan théorique par des études toujours plus nombreuses soulignant la liaison vertueuse entre la productivité et l'emploi dans les secteurs protégés, notamment du tertiaire . Un tout récent rapport du Conseil d'analyse économique (151 ( * )) en apporte la démonstration : insistant sur le rôle essentiel du recours élargi aux technologies de l'information et de la communication dans ces activités, ses auteurs relèvent que les services constituent une opportunité pour créer des emplois productifs , pour autant que leur qualité soit privilégiée à la réduction des coûts salariaux et qu'un certain nombre d'obstacles à leur développement soient levés.

Dans cette perspective, les gisements d'emplois potentiels sont colossaux. Un exemple cité par M. Pierre Cahuc et Mme Michèle Debonneuil, simple mais frappant, en témoigne : si la France avait le même taux d'emploi que les Etats-Unis dans le commerce, la distribution et l'hôtellerie-restauration, elle aurait 3,4 millions d'emplois supplémentaires (152 ( * )). Ainsi, pour votre groupe de travail, un des éléments essentiels de la politique économique à mener pour adapter le pays à la nouvelle donne internationale réside bien dans le développement de ces secteurs qui, contrairement à une opinion encore trop largement répandue, ne sont pas à négliger .

* (151) Productivité et emploi dans le tertiaire - Pierre Cahuc et Michèle Debonneuil - Rapport n° 49 - Juillet 2004.

* (152) La même comparaison avec les Pays-Bas ou le Danemark, pays dont la structure normative et sociale est davantage comparable à la nôtre, aboutit respectivement à 1,8 et 1,2 million d'emplois.

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