b) La relative absence d'anticipation des crises

Les actions en faveur des industries manufacturières sont souvent déclenchées au moment des crises . Dans le contexte actuel, où les fluctuations de l'économie affectent des bassins d'emplois nombreux, dans des proportions quantitatives importantes pour chacun d'entre eux mais moins visibles que par le passé, une certaine carence d'évaluation préalable par la puissance publique est perceptible . Dès lors, les acteurs politiques et économiques sont surpris par l'apparition de la crise et, ne l'ayant pas correctement anticipée, leur capacité à réagir efficacement est mise en défaut.

Pourtant, les signes précurseurs de défaillance peuvent être nombreux. Mais faute d'une bonne organisation et d'un outil de veille permanente et coordonnée, ils ont longtemps été épars, ne faisant pas l'objet d'une analyse globale susceptible de permettre d'anticiper les mesures de reconversion. Le cas de Métaleurop à Noyelles-Godault témoigne de cette carence.

La mise en liquidation de l'établissement Métaleurop de Noyelles-Godault, qui employait 830 personnes à la production de plomb et de zinc, date de mars 2003. La disparition de cet établissement est présentée comme une décision inattendue du groupe. Or, l'activité de Métaleurop a connu tout au long de la décennie 1990 des exercices difficiles liés à la fois aux conditions d'achat du plomb et du zinc et aux processus de production dans une usine ancienne. Des changements d'actionnariats (cession par l'actionnaire historique Pennaroya) puis de directions constituaient ainsi de premiers signes publics avant-coureurs de l'aggravation des difficultés à venir.

En juillet 2002, la direction générale de l'entreprise envisage un important plan de restructuration de l'établissement de Noyelles-Godault. La direction générale communique officieusement à ses partenaires locaux, élus, syndicalistes, médias, l'existence de l'intention d'une restructuration importante pour la rentrée de septembre. Le directeur général est licencié pendant l'été, sans être remplacé : le Président de Métaleurop, de nationalité américaine, arrivé en France au printemps 2002, assure le pilotage du projet de restructuration. Le directeur général remercié alerte les autorités locales et syndicales durant l'été des risques de fermeture totale du site au vu d'une prévision de pertes cumulées sur deux ans de 97 millions d'euros. Il fait part de son projet, qui n'a pas été accepté, de sauver une partie de l'activité en l'orientant vers une nouvelle activité de recyclage, et informe une société de conversion. Puis les signes négatifs s'accumulent sans susciter ni réaction, ni anticipation : l'absence de communication de la direction du groupe, la chute du prix des matières premières, le soudain intérêt de journalistes pour les risques de pollution industrielle générée par l'usine.

En décembre 2002, la direction de Métaleurop annonce la fermeture totale du site et la suppression des 830 emplois. L'entreprise vend par ailleurs pour 100 millions d'euros à Xstrata plc, propriété du groupe Glencore, lui-même actionnaire de Métaleurop, l'usine de Nordenham Zinc, située en Allemagne, qui est maintenue en exploitation.

Ainsi, l'implosion d'une des principales usines de la région aura couvé pendant plusieurs années, et notamment les six derniers mois, sans intervention ou anticipation des conséquences par les pouvoirs publics.

Pour parer à ces difficultés, le Gouvernement a créé l'an dernier la Mission interministérielle des mutations économiques (MIME), chargée précisément d'effectuer ce travail de veille en liaison avec toutes les administrations de l'Etat concernées . En particulier, une réunion hebdomadaire lui permet de disposer d'informations précises sur les entreprises industrielles en phase de réduction d'effectifs. En outre, comme l'a rappelé M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie, lors de son audition par votre groupe de travail, la mission économique des préfets a été précisément réorientée vers l'alerte afin d'éviter les effets de surprise.

L'opportunité offerte aux régions de conjuguer leurs forces à celles de ce nouvel acteur qu'est la MIME, afin de créer une synergie, n'a pas échappé à nombre d'entre elles. Le Conseil régional d'Alsace, ayant identifié l'importance que représente l'anticipation en matière de prévention des stratégies délocalisatrices des entreprises, a ainsi mis en place avec l'Etat un dispositif global de coordination des stratégies économiques en y associant le chef de la mission interministérielle sur les mutations économiques et le Préfet de région. Comme l'a indiqué M. Adrien Zeller, président du Conseil régional d'Alsace, dans sa réponse au questionnaire du groupe de travail, ce dispositif doit non seulement assumer une mission d'observation de l'économie alsacienne, grâce à un Observatoire des mutations économiques, mais également une fonction de pilotage des actions d'accompagnement, de développement et de soutien au tissu économique alsacien. La mise en place de la MIME paraît d'ailleurs si bien répondre aux besoins des régions quant à l'observation des phénomènes de délocalisation, la création d'une cellule autonome d'observation ne semble pas nécessaire à certaines d'entre elles, telles la région Franche-Comté, selon les indications fournies à votre groupe de travail par son président, M. Raymond Forni.

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