CHAPITRE II : L'ETAT DU PATRIMOINE IMMOBILIER FRANÇAIS EN TURQUIE SOULIGNE LES DIFFICULTÉS DE GESTION DU MINISTÈRE

I. LA SITUATION COMPLEXE ET INSATISFAISANTE DES BIENS IMMOBILIERS DE LA FRANCE EN TURQUIE

Le parc immobilier de l'Etat français en Turquie est important, et, pour partie, très ancien. Cette ancienneté explique, d'une part, le mauvais état de certains immeubles, et, d'autre part, la relative incertitude quant à la propriété réelle d'un grand nombre d'implantations françaises. En effet, une partie des terrains occupés par la France relève de statuts particuliers datant de l'époque des sultans. Ainsi, avant 1924, on mettait fictivement les propriétés au nom des épouses des Consuls, les hommes étrangers n'ayant pas le droit d'être propriétaires dans le droit ottoman. Les épouses devenaient pour leur part automatiquement sujettes du Sultan et pouvaient être propriétaires fonciers ; elles faisaient ensuite une déclaration notariée en France dans laquelle elles reconnaissaient n'avoir été que des prête-noms pour le compte des autorités françaises.

Bien que ces statuts soient recensés au cadastre turc, l'interdiction de consultation de ce dernier par des étrangers en rend la connaissance parfois incertaine. Votre rapporteur spécial a souhaité, au cours de sa mission, visiter l'ensemble de ce parc immobilier, afin d'en tirer des enseignements sur sa gestion par le ministère des affaires étrangères.

A. LES IMPLANTATIONS FRANÇAISES À IZMIR : UNE SITUATION JURIDIQUE COMPLEXE

La France dispose à Izmir d'un centre culturel et d'un magnifique bâtiment de plus de 900 m 2 en marbre massif, avec une cour intérieure de 120 m 2 , sur la promenade longeant la baie. Ce bâtiment, qui hébergeait le consulat de France jusqu'en 1991, avait été reconstruit en bord de mer en 1906 après le tremblement de terre qui avait largement détruit la ville d'Izmir en 1904. Il avait ensuite été remis en état en 1928, après l'immense incendie qui avait ravagé la ville en septembre 1922. Depuis 1981, il n'existait plus à Izmir de poste de consul, le fonctionnement du poste ayant été assuré, de 1981 à 1991, par un agent consulaire. En 1991, le bâtiment avait été abîmé par un attentat anti-français, alors que la France participait à l'opération militaire « Tempête du désert » contre l'Irak. Par conséquent, outre l'aménagement du bâtiment, son utilisation impliquerait d'y effectuer des réparations non négligeables.

Le bâtiment n'accueille aujourd'hui qu'une petite antenne du consulat et de la mission économique, ce qui n'occupe environ qu'un quart de l'ensemble des surfaces.

Le bâtiment accueillant le centre culturel français, très proche de celui de notre ancien consulat, a été construit dans les années 40 par la Chambre de commerce franco-turque d'Izmir, sur les débris du premier consulat. En 1960, la France a repris le bâtiment pour y installer le centre culturel français d'Izmir, et y a effectué des travaux d'agrandissement en 1962, notamment pour y installer une salle de spectacle, qui a fait récemment l'objet d'une rénovation, financée pour partie grâce à des mécènes locaux. Votre rapporteur remarque que ce centre est bien géré, et développe ses actions grâce à un autofinancement croissant (augmentation du mécénat et des partenariats avec des entreprises turques, location de la salle de spectacle, développement des cours de langue...).

Sur le terrain d'environ 5.000 m 2 du centre culturel d'Izmir, est installé, « à titre provisoire », mais depuis les années 1930, un club de tennis, appelé « Petit Club d'Izmir » et un restaurant, au mépris des règles d'extraterritorialité. Ce club très réputé dispose d'une convention avec l'ambassade autorisant l'utilisation du terrain contre une redevance très modeste d'à peine 10.000 francs par an, pour la période 1991-2001. Une nouvelle convention, et une hausse substantielle de la redevance, étaient à l'étude lors de la visite de votre rapporteur.

En 1983, une décision conjointe du Premier ministre, du ministre des affaires étrangères et du ministre des finances avait été prise de fermer dix consulats, dont celui d'Izmir, afin de dégager les financements nécessaires à l'achèvement de l'ambassade de France à Washington. En engageant les démarches préalables à la mise en vente, les autorités françaises se sont rendues compte que les terrains d'Izmir avaient un statut juridique complexe, qu'il convenait d'éclaircir, le point étant de savoir si la France dispose d'un droit de propriété ou d'un simple droit d'usage concédé par une fondation. Lorsque la République kémaliste avait remplacé le sultanat en 1924, les autorités françaises n'avaient pas procédé aux vérifications nécessaires, et, par conséquent, n'avaient pas engagé de négociations sur ce point.

Une solution consisterait à solliciter un investisseur privé qui serait intéressé par le terrain du centre culturel, constructible et situé au centre de la ville, et prendrait à sa charge le dédommagement du club de tennis ainsi que les travaux nécessaires pour permettre l'implantation du centre culturel français dans l'ancien bâtiment du consulat.

L'installation du centre culturel français dans le bâtiment de notre ancien consulat permettrait d'offrir une magnifique « vitrine » de la France à Izmir, alors que notre image est aujourd'hui ternie par l'utilisation très partielle et l'entretien limité de ce bâtiment. Il convient de trouver rapidement une solution, car la France fait mauvaise impression en laissant presque à l'abandon un bâtiment prestigieux.

Votre rapporteur considère, compte tenu de la complexité juridique du statut de nos implantations à Izmir, que le règlement de cette situation devra impliquer des interventions politiques de haut niveau afin d'éviter que les décisions y afférent soient fragiles et puissent être remises en cause par les autorités locales.

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