2. Piloter prudemment les dépenses de l'Etat

a) Peut-on faire mieux que la norme «  zéro volume » au niveau du budget de l'Etat ?

Selon le rapport préliminaire de la Cour des comptes sur l'exécution des lois de finances pour 2004, « au regard de la menace d'un déficit primaire persistant, aucune priorité ne peut échapper à un réexamen en profondeur de sa justification et de son périmètre pour parvenir à un excédent primaire et réduire l'importance relative de la dette ».

L'action du gouvernement dérive de ce constat. Pour la troisième année consécutive, les dépenses du budget général ont progressé de 0 % en volume, même si l'exercice 2004 a été marqué par une inflexion à la hausse des reports, masquant le risque d'une dérive de la « dépense différée ».

L'objectif « zéro volume » pour l'Etat est indispensable compte tenu des tensions pesant sur les dépenses des administrations de sécurité sociale et de l'augmentation de celles des collectivités territoriales, liée à de nouveaux transferts de compétences.

Il constitue la traduction comptable d'une politique de maîtrise des dépenses de l'Etat : les surplus budgétaires engendrés par la marge liée à l'inflation hors tabac (1,5 % en 2004, soit 4,1 milliards d'euros) sont inférieurs aux besoins nouveaux évalués en 2004 à 5 milliards d'euros, dont 2 milliards d'euros pour le financement des priorités gouvernementales et 3 milliards d'euros pour couvrir l'évolution mécanique des dépenses considérées comme inéluctables (charges de la dette, rémunérations, pensions et minima sociaux). La norme « zéro volume » oblige ainsi à dégager des économies sur les autres postes de dépenses.

Puisqu'il convient de développer les dépenses d'investissement, l'effort doit porter principalement sur les dépenses de fonctionnement, à commencer par celles de personnel. Ceci se justifie pour quatre raisons :

- les dépenses de personnel représentent 44,4 % des dépenses du budget général en 2004, contre 40,4 % en 1994 ;

- depuis 1999, les dépenses de rémunération ont crû de 12,8 %, alors que les dépenses du budget général ont progressé de 9,6 % : ces dépenses ont été insuffisamment tenues ;

- la progression inéluctable des dépenses de pensions oblige à trouver ailleurs des marges de manoeuvre ;

- le contexte démographique est marqué par un nombre croissant de départs à la retraite, dont l'apogée sera atteinte en 2007-2008.

Evolution des dépenses de personnel depuis 1999

(en milliards d'euros et en %)

1999

2000

2001

2002

2003

2004

Variation

Rémunérations d'activité

59,33

61,03

62,88

65,20

66,24

66,95

12,8 %

Cotisations et prestations sociales

12,79

12,44

12,52

13,53

13,28

13,15

2,9 %

Autres dépenses induites 32 ( * )

8,99

9,04

9,08

9,20

9,38

9,60

6,8 %

Pensions

27,24

28,50

29,60

30,93

32,35

34,16

25,4 %

Total des dépenses de personnel

108,35

111,01

113,88

118,86

121,24

123,86

14,3 %

Dépenses du budget général 33 ( * )

263,24

262,34

268,67

280,10

280,82

288,40

9,6 %

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

La période actuelle constitue un moment privilégié pour une rationalisation des effectifs publics au regard des besoins de l'Etat.

Estimation du nombre de départs à la retraite de fonctionnaires

2005-2006

2007-2008

2009-2010

2001-2012

2013-2014

192.000

200.000

174.500

162.000

158.000

Source : Conseil d'orientation des retraites

De ce point de vue, si la politique de baisse des effectifs du gouvernement marque une inflexion pertinente par rapport à une législature précédente marquée par des recrutements massifs, elle paraît manquer d'ambition par rapport au « possible » qu'autorisent les chiffres de départs à la retraite de fonctionnaires précités. Les prévisions pour 2006 restent également en-deçà des besoins de maîtrise des effectifs publics : en quatre ans, l'Etat n'aura pas été en mesure de compenser l'augmentation des effectifs réalisée par le gouvernement de M. Lionel Jospin au cours de ses deux dernières années de mandat.

Evolution des effectifs de l'Etat depuis 2001

Dès lors, faut-il aller plus loin que la norme « zéro volume » ? Peut-on parvenir à une stabilisation des dépenses de l'Etat en valeur ? Il apparaît en effet que la norme « zéro volume » est aujourd'hui moins contraignante qu'il n'y paraît. Comme le souligne la Cour des comptes :

« - elle ne tient pas compte de l'évolution des autres catégories de dépenses, consommées par d'autres canaux, que sont les prélèvements sur recettes, les remboursements et dégrèvements d'impôts et les dépenses fiscales ;

« - elle est moins exigeante que celle de l'Allemagne qui supporte pourtant le coût de la réunification, puisque la programmation pluriannuelle allemande, est fondée sur une stabilisation des crédits en valeur et non pas en volume ;

« - elle est assise, cette année encore, non pas sur une remise en cause des conditions de fonctionnement de l'administration ou du champ des interventions de l'État, mais principalement sur une politique de régulation infra annuelle qui n'est pas sans soulever certaines difficultés ».

Il ne faudrait donc pas que certains changements comptables, consistant par exemple à transférer les 18,7 milliards d'euros de compensation d'exonération de charges, du poste des dépenses de l'Etat vers celui des prélèvements sur recettes, conduise à remettre en cause une « norme zéro volume » dont l'exigence doit être relativisée au regard de l'effort de nos voisins allemands.

* 32 Dont enseignement privé.

* 33 Hors remboursements et dégrèvements.

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