CONTRIBUTIONS

Contribution de Mme Michelle Demessine, de M. Roland Muzeau
et du groupe communiste républicain et citoyen

Qu'il s'agisse de la discussion des projets de loi de financement de la sécurité sociale, de nos interventions en soutien aux victimes de l'amiante, des actions des salariés, de leurs syndicats comme des associations et eu égard au nombre dramatique de victimes, notre groupe considère depuis des années - c f. les travaux menés par notre amie Marie-Claude Beaudeau - que la question de la prévention des risques professionnels et notamment celle relative au traitement de l'exposition à l'amiante méritait une réflexion approfondie et sans complaisance des parlementaires.

Face à ce drame sanitaire et humain, il nous apparaissait tout à fait justifié qu'une commission d'enquête parlementaire soit constituée. Regrettant le rejet d'une telle demande par la majorité gouvernementale de l'Assemblée nationale, le groupe CRC a porté au Sénat l'exigence de la création d'une mission d'information. Si, aujourd'hui, nous apprécions le travail accompli, nous tenons à souligner, comme le rapport d'ailleurs ne manque pas de le regretter, que les pouvoirs d'investigation réduits d'une mission d'information nous aient privés de l'audition de personnalités dont l'implication dans l'histoire de l'amiante est pourtant incontestable.

Par cette contribution, nous apprécierons le travail de la mission et son rapport au regard des objectifs qu'il nous semble indispensable de lui assigner :

une réelle lisibilité du drame ;

l'identification juste des causes et l'interprétation éclairée des conséquences ;

l'évaluation de la situation au regard de la réparation intégrale ;

une mise en perspective des actions de prévention des risques professionnels ;

des propositions dans le champ de la santé au travail susceptibles d'éviter la répétition de l'amiante.

L'ampleur du désastre, l'étendue de la littérature (scientifique, économique et sociale), la mobilisation constante et grandissante des salariés victimes de l'amiante face à l'absence de mesures en faveur d'une réelle politique de prévention de la part des entreprises comme de l'État, et face au déni de justice et aux obstacles pour obtenir réparation, nous autorisent à attendre de cette mission, non seulement un éclairage sans faille sur ce qu'il faut bien qualifier de crime sociétal, mais également des propositions fortes de transformation de notre système de santé au travail.

La première partie du rapport se devait de rendre lisible à tous le processus par lequel notre pays a pu en arriver à un tel constat : 3.000 décès chaque année, 100.000 annoncés d'ici vingt ans. Des territoires entiers sinistrés, des villes comme celle de Condé-sur-Noireau enregistrant en moyenne chaque semaine le décès d'une nouvelle victime de l'amiante. Nous saluerons ici la qualité des auditions, leur diversité et leur nombre. Par ces témoignages, l'ensemble des éléments de clarification nous a été donné. A ce titre, le rapport souligne opportunément que le drame de l'amiante aurait pu être évité et pose qu'il est impossible de se retrancher derrières des « incertitudes scientifiques » sur les effets de l'amiante sur la santé pour expliquer, comme d'aucuns persistent à le faire, l'absence de négligence des pouvoirs publics et des industriels sur ce dossier. Par ailleurs, le rapport réfute la thèse d'une responsabilité collective, nécessairement diluée, et acte de la collusion d'intérêt entre le CPA et les pouvoirs publics. Au fur et à mesure des chapitres, il éclaire la stratégie délibérée des entreprises et de l'État pour maintenir la production et l'exploitation de l'amiante le plus longtemps possible et promouvoir la politique de « l'usage contrôlé » sous caution scientifique. Pour autant, l'analyse du rapport, tirée de ces faits, sur la question générale de la responsabilité reste en deçà de la réalité. Il laisse à penser que chacun, à divers titres et degrés, aurait contribué au terrible bilan que nous connaissons. Il ne peut en être ainsi, car comment mettre sur le même plan de responsabilité l'État, redevable des lois permettant que les objectifs assignés à la sécurité sociale et à la branche accident du travail et maladie professionnelle remplissent leurs rôles de prévention et de réparation, et le corps scientifique dont on sait, depuis de nombreuses années, qu'il ne dispose pas des moyens nécessaires à l'élaboration des connaissances indispensables au traitement d'un risque tel que l'amiante. La participation de certains scientifiques au CPA ne saurait engager la responsabilité de tous ( cf. la correspondance de 1977 du professeur Jean Bignon au Premier ministre Raymond Barre). Ainsi, quand le rapport évoque « la passivité des donneurs d'alerte institutionnels », il s'agit plutôt de l'organisation volontaire de la passivité des donneurs d'alerte car, avec la somme de données scientifiques internationales, il était possible et nécessaire de mettre la priorité sur la santé au travail. Le rapport pointe également la passivité de la médecine et de l'inspection du travail, mais s'agissant de la première, il ne lie pas explicitement ces carences préventives au manque d'indépendance, ni à l'approche hygiéniste de la santé au travail dans l'entreprise enfermée dans une logique d'aptitude, préférant insister sur le manque de moyens. Concernant la seconde, il ne porte aucune exigence de renforcement de ses moyens, valide sa spécialisation et renvoie au plan santé au travail de M. Gérard Larcher (dont le Parlement n'a pas été saisi), qui n'a d'ambitions qu'à la hauteur des moyens qui lui sont attribués, c'est-à-dire dramatiquement faibles.

Quant à « l'anesthésie de l'État » par le lobby de l'amiante, interrogeons-nous : dirons-nous, dans 50 ans, que l'État fut anesthésié par le lobby de l'industrie chimique en réduisant, voire en évitant, l'application de la directive Reach ?

De la même façon, nous refusons l'idée d'un équilibre des responsabilités entre les entreprises et les salariés. En effet, tant dans leur rôle au sein de la branche AT/MP que dans leur stratégie de sous-déclaration des maladies professionnelles, les employeurs visent à surcharger la solidarité nationale des risques auxquels ils exposent leurs salariés. Depuis de nombreuses années, nous assistons ainsi à une véritable construction de l'invisibilité des conséquences du travail sur la santé publique. Cela nous est du reste brillamment démontré avec le cas emblématique de la société Arkema.

La prétendue responsabilité des travailleurs et de leurs représentants syndicaux se voit démentie par le simple fait de l'insuffisance de moyens en termes d'investigations et d'actions dont ils disposent face à ceux mobilisés par les employeurs. Et ce n'est pas leur participation sans voix décisives au CPA, organe qui a su donner l'illusion du dialogue social, qui pourrait illustrer cette responsabilité. Nous jugeons donc inacceptable l'assertion selon laquelle « les travailleurs de l'amiante n'auraient pas toujours eu un comportement irréprochable face au risque ». Comment, eu égard au chantage à l'emploi, à la pression de la production, à la méconnaissance de l'ampleur des risques, peut-on évoquer un seul instant la responsabilité individuelle des salariés, si ce n'est qu'en entretenant la dilution délibérée des responsabilités. A cet égard, il convient de rappeler que le droit du travail confère aux employeurs le droit exclusif « de l'organisation du travail », assorti de celui « disciplinaire », et organise la « subordination » des salariés. C'est à ce titre principal que l'employeur se trouve être « offreur » de risque. Enfin, et l'actualité de ces dernières années nous le rappelle utilement, c'est tout de même sous la pression des luttes syndicales et des associations de victimes que cette mission d'information a pu voir le jour.

Notre interprétation des causes fondatrices de la catastrophe de l'amiante diverge donc sensiblement de celle du rapport. Dès l'introduction, il débute par une citation tronquée du professeur Got, évoquant une « erreur de gestion » dans le cas du traitement de l'amiante. Or, si le professeur Got évoque effectivement la notion d'erreur de gestion, il nous semble évident qu'il faille tirer partie de l'ensemble de son analyse qui conduit, avec les éléments complémentaires du rapport, à statuer sur une faute de gestion du risque amiante. Ainsi, dans le cadre du bilan exposé, il est clair que la stratégie économique du patronat est bien à l'origine des dégâts humains et sociaux auxquels nous assistons, et cela avec l'accompagnement de l'État.

En deuxième partie, le rapport engage la réflexion sur l'amélioration de la réparation des victimes de l'amiante. Cette question, au coeur des préoccupations du monde du travail et des associations de victimes, mérite, à elle seule, que toutes les leçons du drame de l'amiante soient tirées afin que les moyens effectifs et efficaces soient engagés.

Or, le rapport nous laisse perplexe quant à l'analyse qu'il tire des enseignements et renseignements fournis par les auditions. La situation de la branche AT/MP en est l'illustration : Depuis des années, l'État présente une loi de Financement de la sécurité sociale qui organise illégalement (comme le remarque la Cour des comptes) la mise en déficit de la branche pour éviter la progression des cotisations des entreprises à la hauteur des dégâts qu'elles provoquent. Or, il est avéré aujourd'hui que les dissimulations, tricheries, négligences en tout genre conduisent à un détournement sur l'assurance maladie au bénéfice de la branche AT/MP, des coûts des dégâts provoqués par la gestion des employeurs sur la santé des travailleurs qui pourrait atteindre plus de 15 milliards d'euros par an, selon le croisement des données de plusieurs rapports officiels. Cette situation qui perdure depuis des décennies, et qui s'est aggravée depuis 5 ans, démontre objectivement le caractère organisé et structurel de la gestion des risques professionnels.

A partir de ce constat, nous ne suivrons pas le rapport qui, à plusieurs reprises, suggère que le coût de la réparation des maladies causées par l'amiante est de nature à fragiliser l'économie des entreprises. Il convient de rappeler ici que la cotisation AT/MP est une fraction du salaire des employés et que la règle de l'équilibre voudrait que cette cotisation recouvre l'ensemble des dépenses liées au traitement de la maladie et à sa réparation. Il n'est donc pas recevable d'évoquer la santé financière des entreprises alors que ces dernières n'ont pas hésité à sacrifier celle de leurs salariés. Il n'est pas plus recevable d'évoquer le déficit de la branche AT/MP et l'état de dégradation des finances publiques pour ne pas satisfaire les justes attentes de revalorisation de l'ACAATA et surtout clore le débat sur l'important sujet de la réparation intégrale de l'ensemble des risques professionnels. C'est bien parce qu'il n'y a pas assez de pression financière sur l'employeur que les entreprises n'attachent que peu de moyens à la prévention, phénomène tout à fait explicite dans le rapport.

Dès lors, et faute de cette analyse, le rapport tend à proposer l'ajustement budgétaire du FCAATA et du FIVA par une action conjuguée sur les variables « nombre de victimes » et financement étatique. Ce raisonnement à enveloppe fermée ne saurait résoudre la question du financement de la réparation et surtout n'apporte aucune garantie pour que ce drame ne se reproduise pas.

Il n'est donc pas surprenant que le rapport reste extrêmement prudent au sujet de la responsabilité pénale. En effet, bien que constatant « que le bilan judiciaire de l'affaire de l'amiante ne permet pas de tirer toutes les leçons de cette expérience tragique », n'excluant pas de fait à l'avenir le renouvellement de ce type de situation, les conclusions du rapport ne s'orientent pas vers des solutions de nature à permettre un procès pénal dont chacun s'accorde à reconnaître les vertus pédagogiques, ne serait-ce qu'en termes de prévention. Il ferme toutes les portes aux demandes des associations en considérant « que la loi du 10 juillet n'a pas besoin d'être modifiée pour permettre l'engagement de la responsabilité des chefs d'entreprises. » Si nous pouvons être d'accord avec une critique « relativisée » de la loi Fauchon qui n'empêche pas, mais complique sérieusement, l'instruction des affaires de santé publique, nous ne pouvons nous satisfaire de ce statu quo . L'importance des affaires dans ce domaine exige de lever les obstacles supplémentaires à la répression. Les critères retenus doivent être revus, le distinguo cause directe/indirecte reposé, la théorie de la causalité repensée. En outre, le rapport devrait être plus incisif sur l'absence de volonté politique de voir aboutir un examen réel des responsabilités et l'enchaînement des faits devant le pénal.

Concernant enfin les développements consacrés à la prévention, les préconisations sont peu exigeantes et aucunement structurelles. Nos interlocuteurs ont déploré l'état du dispositif français de veille sanitaire souffrant encore de graves lacunes en raison principalement d'un manque de moyens financiers et de personnels (les toxicologues notamment). Ils nous ont rappelé la nécessité de garantir l'indépendance de l'expertise. Si, pour éviter de nouvelles catastrophes, le rapport va jusqu'à dire qu'une présomption de risque est suffisante et fait siens les propos d'un ministre actuel invitant à aller plus vite entre l'identification d'un risque et l'interdiction du produit, il ne plaide pas en faveur de l'application du principe de précaution aux fibres de substitution ou aux éthers de glycol... Nous déplorons aussi qu'au sujet du projet de réglementation européenne sur les produits chimiques soient mises en balance la protection environnementale et l'innovation industrielle. L'affaire de l'amiante nous enseigne de ne plus accepter de laisser les intérêts économiques prendre le pas sur la logique de santé publique. Dans la gestion du risque chimique le principe devrait être « pas de données, pas de marché ».

Sous le bénéfice de ces observations les sénateurs communistes s'abstiendront sur le présent rapport.

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Liste des propositions formulées
par M. Roland Muzeau, Mme Michelle Demessine
et les membres du groupe communiste républicain et citoyen

I - La prévention

De l'évaluation des risques sanitaires et de la surveillance épidémiologique

1. Renforcer les moyens financiers et humains de l'InVS, et notamment de son département santé au travail ;

2. créer d'au moins 70 postes de toxicologues ;

3. garantir l'indépendance et l'expertise de l'AFSSET dans ses missions de sécurité et prévention en santé au travail ;

4. revoir l'organisation de la médecine du travail en dotant les médecins d'un statut réellement indépendant ;

5. orienter la méthode de travail des médecins du travail vers une vraie logique de santé, en changeant de paradigme concernant l'aptitude (de la visite médicale à l'entretien médico-professionnel annuel) ;

6. Création sur 5 ans de 700 postes d'inspecteur du travail ;

Du suivi médical professionnel et post-professionnel

7. utilisation d'un volet de la carte vitale pour connaître les risques, permettre la traçabilité des expositions aux produits, assurer la surveillance professionnelle des salariés ;

8. définition d'un protocole rigoureux de suivi des salariés atteints de maladies professionnelles de l'amiante présentées comme « bénignes » ;

9. mise en place de systèmes formalisés d'information et de recherche active des salariés, retraités exposés professionnellement à l'amiante, afin qu'ils demandent à bénéficier du suivi post-professionnel ;

10. droit au scanner pour les anciens salariés de l'amiante selon les recommandations de la « conférence de consensus » de 1999 ;

11. sanctionner pénalement et ou par une sur cotisation AT/MP l'obligation pour l'employeur d'établir l'attestation d'exposition aux risques ;

Des mesures structurelles intéressant la branche AT/MP

12. donner à la tarification des accidents du travail et maladies professionnelles une dimension préventive en l'individualisant davantage et en raccourcissant la durée de répercussion des événements ;

13.  augmenter la structure du budget de la branche AT/MP consacré à la prévention pour notamment dynamiser les contrats d'objectifs ;

14. sanctionner les employeurs contournant la procédure de reconnaissance des maladies professionnelles par une surcotisation AT/MP ;

II - La réparation des victimes

L'ACAATA

15. améliorer le fonctionnement du fonds pour que tous les travailleurs (du privé comme du public, intérimaires, sous-traitants) exposés à l'amiante bénéficient de l'ACAATA ;

16. rendre moins arbitraires les décisions de classement des établissements sur la liste ouvrant droit au versement de l'ACAATA, en confiant cette décision à une commission indépendante ;

17. fixer un plancher de l'ACAATA au moins égal au SMIC brut ;

18. relever à 75 % du salaire de référence le montant de l'ACAATA et calculer cette allocation sur la base des douze meilleurs mois de salaire de l'ensemble de la carrière professionnelle du demandeur ;

19. déplafonner la contribution des entreprises ayant exposé leurs salariés à l'amiante au FCAATA instauré par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 ;

Le FIVA

20. autoriser les victimes de l'amiante à intenter des recours en reconnaissance de la faute inexcusable même lorsqu'elles ont accepté les offres d'indemnisation du FIVA ;

21. donner au FIVA les moyens humains et financiers pour engager des actions récursoires contre les employeurs ;

22. augmenter les barèmes d'indemnisation pour une réparation intégrale des préjudices ;

De l'ensemble des maladies professionnelles

23. réintégration des deux dispositifs spécifiques aux victimes de l'amiante dans la branche AT/MP et réforme d'ensemble du système de réparation basé sur la réparation intégrale du préjudice subi ;

III - La responsabilité pénale

24. Engager un processus de révision de la loi Fauchon par la constitution d'un groupe de travail élargi à l'ensemble des acteurs à l'appui de cette démarche ;

25. injonctions du garde des Sceaux aux parquets leur enjoignant d'engager des poursuites à l'encontre des responsables identifiés ;

IV - La protection contre l'amiante résiduel et les autres produits dangereux :

Recensement du risque amiante

26. organiser la déclaration obligatoire de la reconnaissance de l'amiante dans les bâtiments et rendre, via internet ce recensement accessible au public ;

27. déterminer à quelle administration confier le contrôle du respect de l'obligation du DTA ;

28. soumettre les propriétaires privés à une obligation d'informer leur locataire sur l'amiante ;

29. garantir la qualification des entreprises chargées du diagnostic amiante ;

Protection des travailleurs

30. renforcer la réglementation concernant l'amiante non friable en imposant la certification de l'opérateur de chantier ;

31. élargir la possibilité pour l'inspection du travail d'arrêter des travaux présentant un risque pour les salariés aux cas de travaux entrepris sans recherche préalable d'amiante et de travaux d'entretien, de maintenance sans protection ;

32. limiter en temps et à deux le nombre de vacations en zone de désamiantage avec maintien intégral du salaire ;

Prévention des risques professionnels et environnementaux

33. sécuriser le transport et le suivi des déchets en rendant obligatoire la délivrance d'une attestation de réception remise au donneur d'ordre ;

34. interdire le stockage en installation de classe 3 des déchets d'amiante non friable ;

35. valoriser le vitrifiat ;

36. lutter contre la réintroduction des produits manufacturés contenant de l'amiante ;

37. interdire l'utilisation des fibres de substitution à l'amiante ;

38. application stricte du principe de précaution se traduisant par l'interdiction d'utilisation des éthers de glycol et autres produits chimiques toxiques ;

39. application du principe « pas de données, pas de marché » dans la gestion du risque chimique ;

40. exclure la santé au travail du champ des accords dérogatoires.

Contribution de Mme Marie-Christine Blandin,
sénatrice verte du Nord, rattachée au groupe socialiste
20 octobre 2005

Répondre aux demandes des victimes et à leurs interrogations est une priorité.

Cette mission sénatoriale s'est donc attachée à explorer tous les mécanismes de la connaissance et de la décision.

Les victimes demandent une juste réparation et s'attachent à obtenir des pouvoirs publics et de tous les partenaires concernés que ne puissent plus se reproduire de tels drames de santé environnementale.

Si l'on peut se satisfaire de la qualité et de la densité des auditions, ainsi que de l'essentiel des propositions de la mission, la révision de la loi Fauchon, dans le cadre d'un texte plus ambitieux sur les maladies et accidents du travail, qui serait accompagnée de moyens supplémentaires pour l'inspection et la médecine du travail, ainsi que de l'indépendance de ses acteurs, reste pour moi d'actualité.

En effet, si les arguments des juristes qui démontrent que des condamnations des responsables restent possibles dans le strict cadre du texte existant, sont audibles, force est de constater que ce texte est aussi utilisé pour débouter des victimes. Ceci est la raison de mon abstention, malgré la qualité de ce rapport.

La mission a laissé entrevoir le nombre considérable de victimes à venir : tant que le FIVA ne sera pas en mesure de requalifier sa réponse aux personnes contaminées, des moyens accrus et les ressources humaines adéquates doivent être attribués au pôle judiciaire de santé publique.

D'autre part, l'échéance décisive et très proche de la directive Reach doit nous conduire à ne pas renouveler les erreurs du passé : les ministères de la santé, du travail, de l'environnement sont davantage concernés que le ministère de l'Industrie : ils doivent être négociateurs, comme l'InVS, à part entière auprès de l'Union européenne. Les usagers, les organisations syndicales et associatives ont aussi un savoir indispensable sur ces questions. Cela leur donne une expertise d'usage et leur confère la légitimité d'être consultés.

Plus que jamais, dans l'entreprise, les instances chargées de la prévention et de la sécurité au travail doivent être garanties et redynamisées.

Enfin, une Haute autorité indépendante doit pouvoir juger, avec les expertises qu'elle souhaite rassembler, de la pertinence ou non de la production et de l'usage de substances susceptibles de porter atteinte à la santé des ouvriers comme des utilisateurs. Cela concerne les nouvelles substances dont on envisage la mise en circulation comme celles déjà répandues pour lesquelles de nouveaux soupçons se feraient jour.

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