b) L'inspection du travail

D'après M. Jean-Luc Pasquier, l'inspection du travail a été destinataire d'informations sur les effets de l'amiante sur la santé.

Ainsi, il avait rédigé, en 1981, un article dans la revue Échange Travail , destinée à l'inspection du travail. Dans celui-ci, il décrivait très précisément les risques de l'amiante en citant les infections qui étaient à redouter : l'asbestose, le cancer broncho-pulmonaire, le mésothéliome, etc. Dans ce même article, intitulé Protection des travailleurs contre les risques dus à l'amiante , il faisait le bilan de la campagne de mesures diligentée par la direction des relations du travail en liaison avec l'inspection du travail. Celle-ci avait permis de recenser environ 200 entreprises fabriquant ou utilisant de l'amiante comme produit de base. Cette première campagne avait conduit le ministère à s'interroger sur l'application de la réglementation dans les sociétés de maintenance. C'est pourquoi, dès 1983, la direction des relations du travail a établi une circulaire à l'inspection du travail demandant de relancer la campagne et de prêter une attention particulière à ce secteur, et, de manière plus générale, à tous les intervenants pouvant être exposés à l'amiante sans nécessairement l'utiliser comme matière première.

Par ailleurs, l'insuffisance des moyens de l'inspection du travail , à commencer par le trop faible nombre des inspecteurs eux-mêmes, est souvent dénoncée .

M. Michel Parigot, vice-président de l'ANDEVA et président du comité anti-amiante de Jussieu, a également souligné l'insuffisance de leurs compétences et de leur formation dans un dossier aussi complexe que l'amiante. Il a estimé que les inspecteurs du travail gagneraient à voir leur spécialisation renforcée.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, au cours de son audition, a d'ailleurs estimé que, si l'inspection du travail, en France, doit conserver son caractère généraliste, « il est indispensable de recourir aux compétences de spécialistes ».

Dans leur rapport d'octobre 1997, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, nos collègues Henri Revol et Jean-Yves Le Déaut, notaient que, s'agissant d'une usine de la compagnie Saint-Gobain, « la recherche effectuée auprès du ministère des affaires sociales pour déterminer le nombre de rapports de l'inspection du travail entre les années 1975 et 1995 a été totalement négative : aucun rapport n'a pu être retrouvé entre ces deux dates ! » 24 ( * ) .

Cette observation est corroborée par les propos de M. Denis Hugelmann, directeur de l'entreprise Sollac-Atlantique à Dunkerque, que la délégation de la mission a rencontré dans cette ville. Il a en effet indiqué que l'inspection du travail n'avait envoyé à l'usine de Dunkerque aucun courrier relatif à l'amiante avant 1996.

Le professeur Got a d'ailleurs illustré cette indifférence de l'inspection du travail, comme celle de la médecine du travail, par un exemple concret : « La moitié des ouvriers qui ont fait des flocages à La Défense, à Jussieu, sont morts ; lorsque je les ai rencontrés, ils m'ont dit : « On ne voyait jamais personne venir sur notre chantier voir ce qui se passait. On ne voyait jamais un médecin du travail, ni d'inspecteur du travail. On voyait un nuage qui était projeté par les machines qui nous servaient à floquer et, parfois, on ne voyait même pas celui qui travaillait à 3 ou 5 mètres de nous » » .

M. Albert Lebleu a fait le même constat : « Nous ne voyions pas souvent les inspecteurs du travail. Je me souviens d'une période où j'étais ingénieur sécurité. Le CHSCT fonctionnait de façon assez correcte, mais nous n'avons vu l'inspecteur du travail qu'une fois en deux ans parce que le poste n'était pas pourvu et que l'inspecteur d'Arras qui était chargé de Lens devait assurer le chantier de l'échangeur entre l'A1 et l'A21, où il y a eu des accidents graves. L'inspecteur du travail faisait confiance au CHSCT ».

En réalité, l'inspection du travail n'a pas fait une priorité de la lutte contre les effets de l'amiante.

* 24 Rapport d'information Assemblée nationale n° 329 (XI e législature) et Sénat n° 41 (1997-1998), intitulé L'amiante dans l'environnement de l'homme : ses conséquences et son avenir.

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