2. La sous-déclaration et la sous-reconnaissance des maladies professionnelles

Les personnes auditionnées par la mission ont souvent attiré son attention sur les phénomènes de sous-déclaration et de sous-reconnaissance des maladies professionnelles, qui rendent difficiles une appréhension exacte du nombre de malades et leur prise en charge effective par la branche AT-MP.

a) La sous-déclaration

Il appartient aux victimes de maladies professionnelles de déclarer leur maladie, mais elles s'abstiennent parfois de le faire. Les éléments d'explication suivants peuvent être avancés :

- le salarié et son médecin traitant ne font pas systématiquement le lien entre une maladie et son origine professionnelle ; les médecins de ville ou hospitaliers sont peu formés à la recherche de l'éventuelle origine professionnelle d'une pathologie et n'interrogent pas nécessairement les patients sur leur carrière professionnelle, surtout quand le délai de latence de la pathologie a été très long ;

- les salariés peuvent ensuite choisir de ne pas déclarer leur maladie professionnelle parce qu'ils craignent de perdre leur emploi, notamment lorsqu'ils souffrent de troubles musculo-squelettiques ou d'allergie. Mme Marianne Lévy-Rozenwald a donné l'exemple d'un jeune boulanger qui ferait une allergie à la farine ou d'une coiffeuse qui ferait une allergie aux produits de teinture.

b) La sous-reconnaissance

Une fois déclarée, la maladie doit être reconnue par la CPAM comme étant d'origine professionnelle.

C'est, en principe, le cas lorsque la maladie est inscrite dans un tableau et que le salarié a été exposé, de façon habituelle, à un risque dans l'exercice de ses fonctions. A défaut, l'origine professionnelle de la maladie peut être reconnue par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP). Une marge d'appréciation existe cependant, notamment parce que certaines maladies sont d'origine multifactorielle, ce qui explique que des différences notables en matière de taux de reconnaissance puissent apparaître entre les caisses.

Il est difficile d'évaluer précisément l'ampleur de ces phénomènes. L'InVS ou l'INSERM disposent cependant de données ponctuelles, qui suggèrent qu'elle serait significative, au moins pour certaines pathologies.

Lors de leur audition, le Pr Marcel Goldberg et le Dr Ellen Imbernon ont d'abord noté que, sur les 600 mésothéliomes pleuraux répertoriés chaque année par le régime général de sécurité sociale, seuls 400 font l'objet d'une réparation au titre des maladies professionnelles, alors que l'origine professionnelle de cette maladie est quasi-systématique. Evoquant ensuite le cancer de la vessie, ils ont indiqué que sur les 400 à 500 cas survenant annuellement qui pourraient très probablement être attribués à une exposition professionnelle, moins de 10 % font l'objet d'une prise en charge par la branche AT-MP. Ils ont enfin mentionné des études récentes montrant que plus de la moitié des personnes atteintes de troubles musculo-squelettiques en relation avec leur activité professionnelle refusent de déclarer le mal dont elles souffrent de peur de perdre leur emploi.

Ils ont conclu leur intervention en estimant que « les statistiques qui sont régulièrement publiées par la Caisse nationale d'assurance maladie ne permettent donc nullement d'évaluer de manière satisfaisante l'impact du travail sur la santé des patients » .

Sensible à ces préoccupations, la mission demande qu'un important travail d'information soit mené auprès des médecins traitants, afin qu'ils s'interrogent plus souvent sur l'éventuelle origine professionnelle des maladies qu'ils diagnostiquent. Elle souhaite que les efforts notables menés par les caisses pour simplifier et accélérer les procédures de reconnaissance des maladies professionnelles soient poursuivis et amplifiés, la complexité des démarches à accomplir étant souvent mise en avant par les victimes pour expliquer leur absence de déclaration. Plus fondamentalement, il conviendra de tirer les enseignements des expérimentations en cours en matière de suivi post-professionnel des travailleurs de l'amiante et de s'interroger sur l'opportunité de donner aux caisses un rôle plus actif dans la recherche des maladies professionnelles.

Page mise à jour le

Partager cette page