3. La lutte contre les constructions illicites à Mayotte et en Guyane

A Mayotte et en Guyane, l'ampleur de l'immigration clandestine aboutit à une multiplication des constructions illicites et à la reconstitution de véritables bidonvilles.

On peut estimer à environ un millier le nombre de constructions illicites réalisées chaque année en Guyane ; un récent recensement a permis de dénombrer environ 8.500 constructions bâties, en toute illégalité, sur des terrains appartenant à l'Etat ou aux collectivités territoriales.

A Mayotte, la délégation de la commission d'enquête a visité la commune de Koungou dont des quartiers entiers sont constitués d'habitats informels.

Les règles habituelles de démolition des constructions illicites apparaissent inopérantes au regard de l'ampleur du phénomène. Elles requièrent une décision de justice, qui intervient souvent dans des délais très longs, et qui n'est pas toujours ensuite exécutée, pour des raisons aisément compréhensibles : leur exécution pose le problème du relogement des populations concernées et peut, par ailleurs, créer des troubles.

De fait, il n'y a quasiment pas de démolition au titre des infractions à l'urbanisme à Mayotte. En Guyane, l'effort de démolition a cependant été intensifié en 2005 : 78 dossiers ont été financés pour un montant total de 350.000 euros. Les premières démolitions ont donné lieu à des incidents publics. Elles concernaient surtout des constructions à la fois illicites et dangereuses.

Cette situation conduit à préconiser, par réalisme, la régularisation d'un certain nombre de constructions illicites . En Guyane, la régularisation de zones d'occupation spontanée anciennes est aujourd'hui à l'étude ; elle implique la réalisation de réseaux collectifs et la cession des terrains aux occupants. Sont notamment concernées les zones de Cogneau, Lamirande et Cotonnière à Matoury.

M. Richard Samuel, haut fonctionnaire de défense, directeur des affaires politiques, administratives et financières au ministère de l'outre-mer, a souligné, en outre, que d'importantes opérations de rénovation urbaine allaient être conduites à Cayenne, ainsi qu'à Fort-de-France en Martinique et à Pointe-à-Pitre en Guadeloupe, pour la résorption des bidonvilles. Il a cependant reconnu que « les opérations de renouvellement urbain sont constamment à renouveler du fait même de l'arrivée massive d'immigrants » . Cela confirme la nécessité de conduire une politique globale en matière d'immigration, l'action sur les conditions du séjour étant de peu d'effet en l'absence de maîtrise des flux.

L'inefficacité des procédures de démolition conduit également à s'interroger sur l'utilité d'une procédure simplifiée, recommandée par beaucoup d'acteurs locaux ainsi que par des missions d'inspection. Il s'agirait notamment de donner au préfet le pouvoir d'ordonner les démolitions, sans passer par les tribunaux.

On peut signaler que l'ordonnance du 28 juillet 2005, relative à l'actualisation et à l'adaptation du droit de l'urbanisme à Mayotte, contient déjà une mesure dérogatoire applicable aux habitations occupées par des clandestins, puisque son article 4 subordonne la protection des occupants, en cas d'expropriation à l'occasion d'opérations d'aménagements publics, à leur entrée et à leur séjour régulier sur le territoire. Il est arrivé, en effet, que des opérations d'aménagement, la construction d'une rocade par exemple, soient considérablement ralenties à cause de la présence de constructions illicites.

La mission d'information de la commission des Lois de l'Assemblée nationale sur la situation de l'immigration clandestine à Mayotte s'est montrée très réservée sur cette orientation, au nom du respect des principes de notre Etat de droit. Elle a préféré préconiser une mobilisation des services de l'Etat, dans le cadre des règles actuelles.

La commission d'enquête ne peut que souscrire à cet appel à la mobilisation des services de l'Etat ; elle est néanmoins favorable à ce que des adaptations législatives soient étudiées, au cas où cette mobilisation se révèlerait insuffisante , et rappelle que des possibilités d'adaptations législatives outre-mer sont prévues par la Constitution.

Recommandation n° 35 : Mobiliser les services de l'Etat pour combattre les constructions illicites outre-mer. Envisager la création d'une procédure simplifiée pour la démolition des constructions illicites.

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