Audition de M. Jean-Paul ALDUY, président, et de M. Philippe Van de MAELE, directeur général de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) (30 mai 2006)

Présidence de M. Alex TÜRK, président.

M. Alex TÜRK, président .- Cette audition sera entièrement consacrée à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine. Je passe la parole à M. Jean-Paul Alduy.

M. Jean-Paul ALDUY .- Je vous propose de faire une introduction générale. Comme j'ai eu la chance d'assister à un certain nombre de débats dans lesquels on parlait de l'Anru, je vais essayer de recadrer les choses d'une façon générale, après quoi Philippe Van de Maele donnera des indications plus précises sur le rôle et les actions actuelles de l'Anru.

Nous avons devant nous une crise urbaine sans précédent dans laquelle nous découvrons le problème du modèle social français : sommes-nous capables de fabriquer à nouveau de la diversité et de la mixité sociales ou acceptons-nous de manière définitive la fragmentation de la ville en allant vers le communautarisme, comme d'autres villes européennes et d'autres modèles sociaux ? C'est bien la question qui se pose. Le fait d'être dans une situation intermédiaire, qui n'est pas la ville française latine avec une certaine diversité sociale telle qu'on la connaissait, mais qui n'est pas non plus la ville fragmentée et organisée en communautés structurant les parcours de vie, explique l'extrême fragilité des villes françaises, comme on l'a bien vu dans la crise récente des banlieues.

Par rapport à cette priorité n° 1 qui est la mixité sociale, l'Anru est une innovation très récente qui mérite d'être analysée pour voir ce qu'elle peut receler. Cela dit, il serait une erreur d'analyser l'Anru uniquement sur son périmètre. En effet, ce n'est qu'un outil qu'il faut resituer dans l'ensemble des autres modifications législatives qui viennent d'intervenir.

Premièrement, la gouvernance des villes se met en place à travers la délégation de la compétence politique et sociale du logement, qui est un phénomène considérable. Nous avons déjà près de soixante-dix conventions et, d'après notre premier bilan, au lieu de retarder la consommation des crédits, cela l'a même accélérée.

Deuxièmement, le plan de cohésion sociale lie dans un même travail et une même organisation les trois piliers que sont l'emploi, le logement social et la réussite éducative. Dans le volet logement, il s'agit non seulement de supprimer les files d'attente que l'on constatait par le passé pour trouver les financements des programmes de logements sociaux, mais aussi de garantir beaucoup plus de fluidité grâce à la délégation de compétence.

Troisièmement, je citerai la loi relative à l'engagement national pour le logement social, dont je tirerai un élément : le fait que, demain, à travers leur plan local d'urbanisme, les maires pourront imposer un pourcentage de logements sociaux dans toutes les opérations de leur territoire.

Quatrièmement, il ne faut pas oublier le fait que la dotation de solidarité urbaine (DSU) a été considérablement augmentée.

Le cinquième et dernier point est la création très récente de l'Agence pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (Ancsec).

On ne peut juger l'Anru que si on la situe dans ce panorama.

Comment intervient l'Anru ? Beaucoup de choses ont été dites à ce sujet, mais je vais citer quatre éléments qui caractérisent son action.

Premièrement, l'Anru a pour seul objectif de mettre en position d'efficacité les maires et, éventuellement, les présidents d'EPCI lorsque ce sont eux qui ont la compétence. En général, dans pratiquement 90 % des cas, ce sont les maires qui signent les conventions et qui en sont les pilotes, même si les EPCI sont co-signataires. L'Anru est donc à la disposition des maires, elle n'a aucune doctrine préétablie et elle n'est pas là pour dicter telle organisation de leur territoire ou telle orientation de leurs projets urbains. Ce sont les maires qui définissent leurs projets urbains ; ils en prennent la responsabilité politique et la responsabilité en termes de communication et de participation des habitants.

L'Anru n'est qu'un outil financier puissant, car les sommes mobilisées n'ont strictement rien à voir avec celles qui ont été précédemment consacrées à des projets du même type : il faut y ajouter un zéro, voire parfois deux zéros. Cela ne vient pas seulement de l'Etat, puisque tous les partenaires contribuent à ces financements. Tout à l'heure, Philippe Van de Maele pourra vous donner les chiffres exacts, qui sont considérables. On constate donc un changement d'échelle dans les méthodes de financement.

Le deuxième point que je tiens à rappeler a trait à la sécurisation de ces financements. En effet, l'Anru signe des contrats, et non pas des conventions, qui ont valeur d'arrêtés de subvention. On se réfère d'ailleurs systématiquement à ces contrats de l'Anru ensuite pour la mise en place pratique et juridique des arrêtés de subvention sous opération par sous opération.

Le troisième point est la discrimination positive. On analyse les capacités financières des mairies et, lorsqu'elles sont particulièrement pauvres est démunies, les coefficients de subvention sont totalement différents : on ne subventionne pas Boulogne au même niveau que Montfermeil, pour parler de la chronique d'aujourd'hui, ou encore Garges-lès-Gonesse. Nous nous sommes donné beaucoup de souplesse dans les taux de subvention, notamment pour les opérations sous maîtrise d'ouvrage communale.

Il y a un quatrième élément dans cet aspect financier : nous subventionnons très fortement l'ingénierie pour permettre aux maires de se doter des équipes de conduite d'opération et de gestion de ces projets à l'échelle de l'ambition nouvelle qu'ils renferment et mettent en forme.

Je résume : nous mettons les maires en position d'efficacité en mettant à leur disposition des financements à une échelle nouvelle et sécurisée avec l'application d'une discrimination positive dans certains cas, ce qui implique la flexibilité des subventions pour s'adapter aux contextes locaux, et en faisant un effort particulier sur le financement de l'ingénierie.

Ensuite, l'Anru est amenée à analyser les projets et à suivre pour cela quelques critères.

Le premier critère est la mixité sociale. Si le projet tel qu'il est présenté débouche, à peu de choses près, sur la même composition sociale du quartier et si on n'a pas démontré que l'on était en capacité de fabriquer de la diversité sociale dans un lieu où se concentrent toutes les précarités et toutes des difficultés, il faut évidemment le retravailler, même si la décision n'est pas négative.

Le deuxième critère est la règle du un pour un, qui signifie que tout logement démoli doit être remplacé dans la même catégorie. Philippe Van de Maele vous donnera tout à l'heure les résultats exacts, mais nous n'appliquons pas tout à fait cette règle dans un certain nombre de villes dans lesquelles le niveau de vacance est extrêmement élevé.

C'est le cas de la ville de Bourges, par exemple. Vous connaissez la difficulté économique qui s'est abattue sur cette ville suite à la disparition du Giat. Suite à la démolition d'environ mille logements, nous avons accepté qu'on n'en reconstruise que huit cents du fait de cette forte baisse de la population. A part ces cas tout à fait exceptionnels liés à un contexte local exceptionnel, la règle du un pour un a été scrupuleusement débattue.

Par ailleurs, comme nous demandions de la mixité sociale, il n'était pas question de faire du un pour un dans le quartier. Nous avons donc fait en sorte que le un pour un ne se limite pas à la commune. Très souvent, nous avons intérêt, au contraire, à ce que cette règle s'applique sur un secteur plus large, ce qui renvoie à l'intercommunalité, c'est-à-dire à la gouvernance des villes capables de gérer le un pour un sur un périmètre plus large.

On débouche ici sur les problèmes de la région parisienne, où il y a très peu d'intercommunalité et donc très peu de possibilités, dans ces quartiers, de gérer la règle du un pour un ailleurs que sur la commune qui concentre déjà tous les HLM. C'est le cas spécifique de la région parisienne. A part la région parisienne, nous sommes capables de gérer cette règle à une échelle géographique complètement différente de la commune sur laquelle s'étaient concentrées les précarités dont je viens de parler.

Le troisième critère est lié à l'existence d'une charte pour l'emploi. Puisque nous mettons autant d'argent dans ces quartiers, il nous paraît normal que cela aboutisse à créer des emplois fléchés en plus des ZFU qui existent très souvent dans ces quartiers. L'idée est qu'au minimum, 5 à 10 % des heures travaillées soient accordées aux jeunes de ces quartiers, étant entendu qu'on est allé bien au-delà dans de nombreuses villes.

Le quatrième critère est général : il concerne la qualité urbaine. Cela touche non seulement aux aspects de haute qualité environnementale, mais aussi aux aspects liés à la culture, au sport et à l'école. Il faut savoir que 250 écoles ont été reconstruites dans le cadre des conventions qui ont été signées à ce jour.

Je résume ces quatre critères : mixité sociale, maintien de l'offre de logements locatifs malgré les démolitions qui peuvent être faites, charte de l'emploi et qualité urbaine.

Par ailleurs, nous sommes amenés à vérifier que les bailleurs sociaux ont vraiment la capacité de réaliser les projets pour lesquels ils s'engagent. Nous signons en effet des conventions avec un calendrier de réalisation et nous prévoyons des clauses de revoyure pour vérifier si les objectifs annoncés dans la convention ont été atteints au bout de deux ans, sachant qu'il reste possible de revenir sur les contrats si les objectifs ne sont pas atteints.

Nous vérifions également les partenariats des collectivités locales, en souhaitant que la part de celles-ci représente environ 30 % des financements, ce que nous n'obtenons pas toujours. Par collectivités locales, j'entends l'addition des crédits provenant de la région, du département, de l'EPCI et de la commune.

Enfin, nous vérifions  c'est plus difficile  que les populations ont été vraiment associées, c'est-à-dire qu'il y a eu une concertation et une participation, et que ce ne sont pas des projets parachutés, encore qu'il nous soit beaucoup plus difficile d'en faire l'examen. Nous faisons confiance à cet égard à l'échelon déconcentré de l'Etat et aux délégués départementaux de l'Anru.

En se situant dans la politique globale (le plan de cohésion sociale, la compétence du logement déléguée aux EPCI et la loi d'engagement national pour le logement qui permet, dans les futurs plans locaux d'urbanisme, d'accroître les possibilités de mixité sociale et l'augmentation de la DSU), l'Anru est une machine qui permet aux maires d'obtenir des moyens financiers nouveaux, sécurisés, adaptés à la richesse de ces communes et concentrés sur l'ingénierie, quand celle-ci fait défaut, sur la base de projets dont on vérifie qu'ils correspondent à un objectif réel de mixité sociale, qu'ils maintiennent le parc social au même niveau qu'auparavant, que la qualité urbaine est au rendez-vous dans le domaine de l'environnement, de la culture, du sport et des écoles, que la charte pour l'emploi est effective, qu'une participation des habitants est enclenchée, que les bailleurs sociaux ont la capacité de mettre en oeuvre les projets présentés et qu'enfin, les différents partenaires, notamment les collectivités locales, ont participé autour de la table aux mêmes objectifs qui constituent notre pacte républicain face à la crise urbaine à laquelle nous sommes confrontés.

Il me reste à évoquer un point pour terminer. Depuis le début, on dit que le dogme de l'Anru est la démolition alors qu'elle n'a jamais eu un tel dogme. Nous considérons simplement que, pour atteindre cet objectif de mixité sociale, il faut nous donner des objectifs de remodelage de ces quartiers et que ce remodelage n'a pas été engagé parce que le coût des démolitions était prohibitif pour les bailleurs sociaux ou pour les communes. Grâce aux moyens financiers que nous avons apportés, la décision a été politique et non pas dictée par les contraintes financières, sachant que, je le répète, le premier objectif est la mixité sociale.

Il n'y a donc pas de dogme de la démolition à l'Anru. Les objectifs qui avaient été fixés au début de la loi sur l'Anru seront d'ailleurs certainement modifiés à la baisse au vu des conventions car on a découvert que, dans un certain nombre de cas, la mixité sociale pouvait être réalisée sans procéder aux démolitions qui étaient envisagées au démarrage. Dans le même temps, nous avons vu apparaître l'accession sociale, avec la maison à 100 000 euros, et le travail de la Foncière, qui était beaucoup plus important qu'au départ dans ces quartiers. En multipliant les modes de financement du logement, il apparaît clairement que le remodelage physique par démolition-reconstruction a pu être réduit dans de nombreux cas. Je répète donc qu'il n'y a pas de dogme de la démolition tel que je l'ai entendu pratiquement à chaque audition.

Voilà ce que je voulais dire en introduction, et je laisse maintenant Philippe entrer beaucoup plus précisément que moi dans les éléments chiffrés.

M. Philippe VAN DE MAELE .- Sur le fond, tout a été dit. L'idée de départ était d'intervenir sur les 150 à 200 quartiers prioritaires au niveau national à partir d'une liste qui a été fixée dès mars 2004 par le gouvernement. Nous en avons 188 à ce stade, dont plus de 134 ont fait l'objet d'un accord, et nous en serons bientôt à 150 projets. Les sites qui restent sont soit ceux dont les difficultés sont encore plus grandes et qui nécessitent un travail plus approfondi, soit ceux dont les maires ne souhaitent pas faire évoluer sensiblement les quartiers par rapport à la situation actuelle.

Au-delà de la notion de un pour un, qui était une exigence très forte du conseil d'administration dès le début, je tiens à évoquer la notion de cohérence avec le PLH : nous avons vu qu'à Bourges, par exemple, le PLH conduisait au fait qu'il n'était pas utile de construire des logements sociaux De même, beaucoup de logements vacants, du fait de leur réhabilitation, sont remis sur le marché alors qu'ils n'étaient ni attractifs, ni utilisés auparavant.

Dans les conventions qui sont approuvées par le comité d'engagement de l'Agence, nous en sommes à un peu plus de 80 000 démolitions sur la durée des programmes et nous avons 79 000 logements sociaux reconstruits, soit en prêts locatifs à usage social construction-démolition (PLUS-CD), soit en PLAI, les prêts locatifs sociaux (PLS) étant très clairement exclus dans le fonctionnement de l'Agence. Vous constatez donc que nous respectons pratiquement cette règle du un pour un, sachant qu'en plus de Bourges, nous avons les cas de Romans et de Roanne, où la baisse démographique fait que la reconstruction n'est pas nécessaire à l'identique.

Pour autant, la rénovation urbaine n'est pas seulement une politique de logement puisqu'elle compte également parmi ses objectifs les problèmes de diversification et de mixité ainsi que la nécessité de relier ces quartiers au reste de la ville. Dans beaucoup de cas, ces quartiers sont physiquement fermés, voire enfermés, avec une notion de barrière physique toujours très lisible qui aboutit à cette notion de ghettoïsation, un terme qui est inapproprié mais qui traduit bien cette exclusion physique qui existe dans un certain nombre de quartiers.

Souvent, la volonté de relier ces quartiers au reste de la ville impose des démolitions partielles d'immeuble, mais jamais  j'insiste à nouveau sur ce point  il n'a été dit que la démolition était une obligation dans ces projets de rénovation urbaine. Il se trouve que beaucoup de ces projets ont effectivement une part de démolitions : en moyenne, entre 10 et 15 % du parc concerné dans ces quartiers sont touchés par des démolitions.

Une partie des reconstitutions de logements sociaux se fait sur place, notamment pour faciliter les relogements, avec la volonté de reconstituer le logement avant les démolitions, ce qui n'est pas toujours facile techniquement. Grosso modo, 50 % des logements sociaux reconstitués se font sur le quartier, le reste se faisant en dehors de celui-ci, ce qui est d'autant plus facile lorsque, grâce aux démarches d'agglomération, comme à Nancy, Dijon ou Lyon, cette constitution se fait justement sur des communes qui ont peu de logements sociaux. C'est aussi l'occasion d'effectuer la reconstitution de manière plus large.

Je terminerai par les écoles et les nombreux équipements publics : 10 % de l'ensemble des projets sont destinés à des équipements publics et 15 % à des aménagements, le reste étant constitué de toute la gamme d'interventions sur le logement social : la réhabilitation, la résidentialisation, la qualité de service, la construction et la démolition de logements sociaux. Dans ces 10 % de montants de travaux destinés aux équipements publics, nous avons une part très importante  le conseil d'administration a soutenu cette démarche dès le départ  de réhabilitations ou de reconstructions d'écoles, parce que l'école est devenue un critère majeur dans le choix d'un logement. Nous attachons une grande importance à la qualité du bâti, qui doit s'associer à la qualité pédagogique et à l'engagement des équipes éducatives, et, sur ce point, le conseil d'administration n'a jamais rogné les demandes de subventions qui étaient faites sur les équipements scolaires dans ces quartiers.

Je n'irai pas plus loin dans mon exposé, car je pense qu'il est plus simple de passer au jeu des questions et des réponses, Jean-Paul ayant déjà dit beaucoup de choses.

M. Alex TÜRK, président .- Je vous remercie. Je donne la parole à M. Mahéas.

M. Jacques MAHÉAS .- Monsieur le Président, monsieur le Directeur, je suis frappé par vos interventions et votre enthousiasme. En tant que membre de cette commission et étant moi-même intéressé par un quartier en restructuration urbaine classé maintenant en zone franche, je pense que vos interventions constituent un bon cadre à la rénovation urbaine. Cependant, les difficultés que nous rencontrons portent à la fois sur la constitution des dossiers, les rapports entre les partenaires  j'y reviendrai  et, souvent, la pauvreté des communes intéressées.

J'ai examiné les projets déjà ficelés et élaborés, j'ai constaté une certaine disparité entre les communes, notamment en région parisienne, et je souhaite attirer votre attention sur un certain nombre de difficultés.

La première des difficultés est liée aux partenaires sociaux. Il y a une grande différence entre, d'une part, les sociétés d'HLM, dont les bilans laissent parfois apparaître des cagnottes impressionnantes ou, en tout cas, des résultats positifs qui pourraient les amener à faire des efforts particuliers sur les aménagements, la résidentialisation et les possibilités de reconstruction et, d'autre part, les offices d'HLM qui ont souvent un potentiel de logements important et qui se refusent à faire des reconstructions compte tenu, notamment en région parisienne, du problème foncier. Le problème foncier trouve rarement une solution. Compte tenu des difficultés budgétaires des conseils généraux  dans mon département, il est très difficile d'équilibrer les budgets  les assemblées départementales ne parviennent pas à verser des apports conséquents à leur office départemental.

Le deuxième problème extrêmement délicat à résoudre est celui des copropriétés dégradées. Il faut d'abord acheter les logements et il est très compliqué de les détruire, comme nous l'avons vu lorsque nous sommes allés à Clichy-sous-Bois, notamment à la Forestière, où plusieurs de nos collègues ont découvert des difficultés qui n'existent pas dans d'autres départements que la Seine-Saint-Denis. Je veux bien que vous fixiez la participation des départements, des EPCI et des communes à 30 %, mais nous avons parfois de très grandes difficultés sur le plan financier.

J'attire votre attention sur un troisième problème : la difficulté de reconstruction en respectant la règle du un pour un entraîne de graves anomalies. On détruit des logements dans un certain quartier et les offices ainsi que les sociétés d'HLM relogent des familles en difficulté dans des quartiers en restructuration urbaine. Cela veut dire qu'un quartier qui est à l'équilibre sociologique se trouve enfoncé par le fait qu'un autre quartier en restructuration urbaine lui envoie en relogement des cas sociaux extrêmement lourds.

Nous sommes là face à des anomalies qui justifieraient peut-être que l'Anru, en se rapprochant du préfet dans certains départements ou en se rapprochant du préfet chargé de l'intégration dans d'autres, fasse des transferts de population vers des villes dont la mixité sociale est plus équilibrée. En effet, si on tente alors de rénover un quartier à une échelle assez importante, on risque d'en enfoncer un autre, ce qui entraînerait un résultat extrêmement préoccupant.

Pour terminer, je tiens à louer le travail de l'Anru sur la mixité sociale, la qualité urbaine et l'emploi alors que, dans ces quartiers, hélas, la formation de nos jeunes ne répond pas nécessairement aux demandes des employeurs. Je le constate en particulier en Seine-Saint-Denis : alors que les possibilités d'emploi du pôle de Roissy sont importantes, le nombre de jeunes de Seine-Saint-Denis qui sont employés dans ce secteur est relativement modeste.

M. Philippe VAN DE MAELE .- Je ne suis pas certain d'avoir noté toutes vos remarques sur les difficultés et les complexités des dossiers que vous signalez. L'objectif est d'identifier les opérations qui vont être réalisées à partir d'un échéancier, ce qui demande un travail préparatoire important, et nous cherchons également, dans le cadre de ces projets, à avoir une vision sur les autres aspects de la politique de la ville, ce qui alourdit les dossiers. Cependant, je resterai toujours perplexe sur la difficulté de dossiers dans lesquels nous donnons 30, 40 ou 50 millions d'euros. A mon avis, il reste une marge locale.

Je passe à votre remarque sur le partenariat. Pour les partenaires qui vont sur le terrain, qui sont partie intégrante de la démarche et qui ont des visions différentes, l'une des richesses de l'agence est justement l'acquisition de la conviction commune que le projet proposé va aller dans le bon sens pour la redynamisation et la rénovation du quartier. Certains partenaires sont très ancrés vers une diversification maximum du logement et cela fait l'objet de discussions. C'est la difficulté et, peut-être, la beauté du partenariat : lorsque plusieurs avis s'expriment, il faut arriver à les faire converger, ce qui n'est pas toujours facile au quotidien, croyez-moi, mais ce qui est un travail important.

Quant aux communes pauvres, comme le président l'a dit tout à l'heure, nous avons une grande variété de capacités de subvention en fonction de la richesse de la commune. Pour certains projets, les taux de subvention pour la maîtrise d'ouvrage communale sont de 10 % alors que, pour d'autres, ils sont à 90 %, tout simplement parce que nous tenons compte, au-delà de la difficulté financière de la commune, de l'ampleur du projet par rapport à la commune. Les taux de subvention peuvent aller jusqu'à des niveaux très élevés, un peu comme pour les grands projets de ville (GPV), pour soutenir des projets qui, dans un certain nombre de quartiers, ont une dimension telle qu'ils dépassent les capacités traditionnelles des communes. A cet égard, les cas de Clichy-sous-Bois et Montfermeil sont caractéristiques, puisque nous en étions à 80 % de subventions avec une maîtrise d'ouvrage des villes ou des agglomérations.

Je passe au problème des SA et des OPAC. Je ne suis pas là pour dire si nous avons des bas de laine qui dorment. J'ai constaté simplement que tous les partenaires bailleurs sociaux qui sont impliqués dans un projet sont très actifs dans la démarche, même si certains ont des facilités par ailleurs. Avec la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS), nous avons ouvert la possibilité de moduler les aides à la réhabilitation ou à l'ingénierie en fonction de la capacité des bailleurs. Ce n'est peut-être pas suffisant, mais nous suivons en ce sens ce qui se faisait auparavant avec les bailleurs sociaux partenaires. Les aides peuvent s'échelonner de 25 à 40 %, avec un taux intermédiaire, et un travail permanent est effectué avec la CGLLS pour apprécier l'impact du projet sur la capacité financière du bailleur. C'est une démarche qui est en cours. Avec l'Union des HLM, la CGLLS et le ministère du logement, nous menons un travail au cas par cas.

Vous avez cité également le cas des copropriétés. C'est un sujet très complexe parce que nous n'avons pas d'interlocuteurs pour intervenir au départ. Qu'il s'agisse de la Commanderie à Nogent-sur-Oise, de la Forestière à Clichy-sous-Bois ou des Bosquets à Montfermeil, des bailleurs sociaux rachètent des logements à la barre ou à l'amiable soit pour faire du logement social, soit pour les réhabiliter, soit pour les démolir, selon les cas, ce qui prend beaucoup de temps et ne résout pas le problème de la dette, notamment vis-à-vis d'EDF. Il reste les problématiques financières de la charge des copropriétés. C'est un mécanisme extrêmement complexe dont la réalisation prend beaucoup de temps, mais c'est la première fois que nous pouvons intervenir sur les copropriétés de manière massive.

Nous bénéficions en effet toujours de l'intervention de l'ANAH pour les OPAH de copropriétés, mais nous en arrivons souvent à de tels niveaux que l'OPAH ne suffit pas ou que les copropriétaires sont incapables d'intervenir, ce qui est le cas de la Forestière, où des travaux d'urgence ont été effectués parce que les conditions de vie y sont vraiment révoltantes.

Nous pouvons donc intervenir sur les copropriétés, le problème n'étant pas le financement mais plutôt la mise en oeuvre, parce que c'est effectivement long et complexe : c'est de la dentelle. Il faut aller voir les gens un par un, sauf si on passe par une DUP, c'est-à-dire une démarche d'expropriation en vue d'une démolition, ce qui n'est pas souvent le cas.

Je passe à votre question sur le un pour un et sur le relogement, qui sont deux éléments distincts.

En ce qui concerne le un pour un, on constate que 50 % de la reconstitution se fait sur le quartier, et ce pour deux raisons.

Tout d'abord, les habitants souhaitent rester sur le quartier. Ils bénéficient de la solidarité locale, ils y ont des amis et ils ne souhaitent pas tous partir. Certains souhaitent rester sur le quartier parce que, même s'ils y vivent tant bien que mal, leur mode de fonctionnement leur convient. En moyenne, 50 % des logements reconstruits sont faits sur le quartier pour pouvoir répondre à ces besoins de relogement.

Ensuite, en sens inverse, notamment en région parisienne, les libérations de terrain à la suite des démolitions sont du foncier facile à utiliser pour faire des productions. Le but de notre travail est alors de démontrer l'intérêt de la diversification : sur du foncier libéré, on peut faire venir la Foncière, ce qui est une exigence, mais aussi d'autres programmes d'accession sociale ou privée. Les promoteurs commencent à venir sur certains sites pour assurer cette diversification.

Quant à la partie concernant les relogements, il en va un peu différemment puisqu'une autre partie peut être construite ailleurs sur l'agglomération. Il est vrai que c'est un peu compliqué dans la région parisienne, mais cela s'organise généralement de manière à peu près homogène ailleurs. Les difficultés locales sont très variables selon les EPCI dans lesquels on se situe, mais cette démarche a permis dans de nombreux cas, comme l'ont dit certains maires ou présidents d'agglomération, d'accélérer la démarche sur le PLH d'agglomération, qui n'est pas toujours simple.

Le cas que vous citez est très dommageable et c'est une erreur manifeste du bailleur.

L'agence s'efforce par ailleurs, à charges équivalentes, de reloger les gens dans du neuf. De mémoire, nous devons en être à 40 ou 50 % de reconstitutions en PLUS-CD, qui ont pour but de faire de la production de logements sociaux avec une exigence de 50 % de relogements. C'était difficile auparavant parce que les reconstructions se faisaient exactement à l'endroit où l'immeuble était démoli, mais le conseil d'administration de l'Anru a modifié cette règle en décidant que seulement 50 % des habitants relogés devaient l'être dans un logement neuf ou un logement récent de moins de cinq ans. Il s'agit de faire en sorte que les habitants relogés aient un parcours résidentiel positif.

J'ajoute que, lorsque nous discutons de relogement avec les habitants, cela nous donne l'occasion de procéder à un accompagnement social fort vers l'emploi, une démarche qu'il faut évidemment mener parallèlement.

Nous avons donc le souci permanent de faire du relogement dans du récent ou du neuf, sachant qu'une autre partie des habitants est relogée dans des logements réhabilités, c'est-à-dire toujours dans des logements de qualité.

Vous évoquez des cas qui, je l'espère, restent particuliers, mais qui sont en tout cas à suivre de près avec les préfets et dont j'avais entendu parler moi-même : des relogements dans des quartiers qui ne sont pas encore en rénovation urbaine mais qui pourraient le devenir. J'ai même vu pire : des relogements dans un immeuble qui allait être démoli deux ans plus tard. Nous luttons contre cela par une gestion au quotidien qui doit être faite à partir des bailleurs et des maires. Au cours des années 2000, nous avons constaté quelques-uns de ces cas qui sont inacceptables et sur lesquels nous nous battons, le conseil d'administration étant très présent sur ce point.

Au niveau local, les bailleurs et les préfets, qui ont vraiment pris la mesure du sujet, suivent cela en détail et nous avons mis en place un suivi détaillé du relogement personne par personne, même si, pour l'instant, les informations ne sont pas assez rapides. Nous l'avons fait parce que cet aspect importe particulièrement aux partenaires du conseil d'administration et que c'est l'un des enjeux majeurs de la réussite de la rénovation urbaine.

Mon dernier point concerne l'emploi. La charte d'insertion nationale qui a été mise en place par l'agence, qui était une exigence de la loi, prévoit qu'au minimum, environ 5 % du nombre d'heures travaillées sur les chantiers subventionnés par l'agence soient effectués par des habitants des quartiers en question. Cette charte nationale doit être déclinée au niveau local et constituer un outil permettant d'identifier les habitants du quartier qui sont potentiellement intéressés par ce type de travail et d'y associer les aspects de formation.

Les maires et les bailleurs qui avaient signé ces conventions avaient six mois pour décliner la charte nationale au niveau local et nous faisons actuellement l'évaluation et le bilan de cette déclinaison avec toutes les incertitudes qui peuvent se glisser entre un document et la réalité du terrain.

J'évoquerai pour terminer un sujet qui n'est pas directement lié au logement mais qui rejoint les problèmes d'emploi : les transports urbains. Dans certains quartiers de Sarcelles, Clichy-sous-Bois, Montfermeil ou de villes à proximité de la plate-forme de Roissy, les habitants n'ont aucune possibilité d'accès et ils doivent même parfois venir à Paris pour se rendre sur certains sites. Au-delà de la rénovation, il faut vraiment mener une réflexion sur le transport urbain et la desserte de ces quartiers. Nous avons malgré tout la satisfaction de constater que, dans la plupart des sites  il faut reconnaître que c'est plus courant en province , les lignes de tramway ou de transport en commun en site propre ont souvent pris en compte la desserte des quartiers en difficulté de leur agglomération.

Voilà ce que je peux répondre à ces questions.

Mme Nicole BRICQ .- Je souhaite avoir des précisions chiffrées pour bien comprendre les sujets dont nous parlons et ne pas rester dans le vague en ce qui concerne trois chiffres que vous avez cités, monsieur le directeur.

Vous avez parlé tout d'abord de 150 projets. Je veux donc comprendre si ce sont des projets enregistrés ou acceptés par l'Anru.

Vous avez ensuite parlé de 80 000 démolitions et 79 000 logements sociaux reconstruits. Je souhaiterais que l'on intègre la notion de calendrier dans ces données brutes, c'est-à-dire qu'on nous dise à quel moment on se situe pour apprécier les démolitions et les reconstructions. S'agit-il de projections, d'hypothèses ou de chiffres réalisés ? Si nous ne disposons pas de ces éléments, nous ne pouvons pas nous comprendre sur les masses.

J'ai par ailleurs une question précise à vous poser sur les démolitions-reconstructions, sachant que vous avez commencé à répondre sur le relogement. Le mécanisme de l'Anru dont vous nous avez vanté les qualités, dans le bon sens du terme, permet-il de réduire le délai de latence qui existe entre les opérations de démolition et de reconstruction par rapport aux opérations qui ont été déjà lancées avant l'Anru, c'est-à-dire depuis 1990 ? Le mécanisme de l'Anru permet-il d'accélérer ces délais et avez-vous quantifié cette amélioration ou allez-vous le faire ?

En effet, j'ai constaté d'importants effets pervers pour ces temps de latence : sur un même quartier de la ville de Meaux  une ville que je connais bien et dans laquelle la première opération de démolition a été lancée en 1990 , on assiste finalement à de grandes opérations tiroirs (c'est l'effet pervers que vous avez dénoncé, monsieur le Directeur). On transplante les populations dans des immeubles dont on dit qu'ils vont être réhabilités et, finalement, on les démolit. Je connais des gens qui sont contraints de déménager à l'intérieur d'un même quartier, parce que, à chaque fois, on démolit leur immeuble.

Plus le temps passe, plus on rencontre ce type de situation. Je voudrais donc avoir une réponse sur cette notion de rapidité. L'Anru permet-elle d'accélérer ces relogements ?

Quant au relogement lui-même, je pense qu'il serait bon d'arriver à un suivi personnalisé car vous devez en connaître l'un des effets pervers. Vous avez dit que cela s'appréciait au niveau d'une agglomération. Or, dans mon département de Seine-et-Marne, du fait des opérations massives de démolition, l'arbitraire préfectoral aboutit au fait que l'on reloge les gens non pas dans l'agglomération mais dans d'autres communes qui ne font pas partie des politiques aidées par l'Anru, mais qui font quand même un effort de construction de logements mixtes avec du logement social et qui, pour arriver aux 20 % de la loi SRU, ou même pour aller au-delà, n'ont pas la maîtrise de la population bénéficiant du logement social. On arrive ainsi à recréer ailleurs les phénomènes que l'on veut régler.

Nous sommes donc dans une politique de « sapeur Camembert », qui déplace le problème alors que les communes sont de bonne volonté pour faire du logement diversifié, notamment grâce à l'accession ou au PLS. C'est l'un des effets des opérations massives de démolition.

Vous avez dit que 50 % étaient relogés, mais c'est bien la raison pour laquelle le suivi individualisé est très important car il faut pouvoir aussi mesurer  je pèse mes mots  le pourcentage d'évaporation des populations et des suivis familiaux et personnalisés.

M. Jean-Paul ALDUY .- Je vais vous apporter une réponse générale avant d'entrer dans les détails. Je tiens à vous rappeler tout d'abord que l'agence n'a que 62 personnes. Ne lui demandez donc pas d'être capable de vérifier chacun des relogements des 85 000 logements qui vont être démolis. C'est d'ailleurs la volonté du législateur, qui a dit qu'il ne voulait pas d'une grande machine étatique qui ferait de la recentralisation, de la bureaucratie ou de la technocratie. Il a souhaité avoir une agence légère, centrée sur des missions et des conditions nécessaires, mais non pas suffisantes, comme la sécurité et l'ampleur des moyens financiers sur cinq ans. Pour le reste, il appartient aux collectivités locales et aux bailleurs sociaux sur le terrain d'assumer leurs responsabilités.

Mme Nicole BRICQ .- Pourquoi pas aussi aux préfets ?

M. Jean-Paul ALDUY .- Excusez-moi, mais il faut bien considérer la loi aujourd'hui. Il a été demandé que les compétences soient transférées aux communautés d'agglomération et ce donc les présidents d'agglomération, et non plus les préfets, qui sont compétents. Personnellement, je suis président d'agglomération, j'ai la compétence du logement, c'est moi qui délivre les agréments d'opérations et le préfet n'a que son contingent de 20 %.

J'insiste vraiment sur ce point. Il n'y a que 60 personnes dans l'Agence pour gérer au total 30 milliards d'euros de travaux. Le but est donc de créer les conditions nécessaires, sachant qu'ensuite, sur le terrain, il faut fabriquer les conditions suffisantes.

Il me semble que c'est la grande innovation. Je suis convaincu que cela va nous obliger tous et toutes à modifier nos comportements. Alors qu'auparavant, les maires refusaient la notion même de logement social sur leur commune, maintenant que nous avons la délégation de compétences, le PLH, les PLU « mixité sociale » et l'Anru, on peut discuter. Nous constatons d'ailleurs que le comportement est complètement différent.

Hier, les bailleurs sociaux ne savaient même pas s'ils auraient le financement dans les années suivantes et ils devaient donc bricoler les relogements. Désormais, il est possible que, la première année, ils bricolent encore parce qu'il faut enclencher la mécanique, mais, dès la deuxième année, le flux des constructions nouvelles va être complètement programmé et maîtrisé puisque les financements sont présignés et sécurisés.

Par conséquent, cette condition nécessaire que sont les financements sécurisés à un autre niveau va permettre, là aussi, des comportements très différents dans le relogement, notamment dans les communes qui se trouvent dans la périphérie de celles où tout est concentré. De même, le préfet va avoir un rôle complètement différent puisqu'il deviendra partenaire des collectivités locales dans la gestion du logement social. La notion de partenaire rejoint celle de la co-responsabilité alors qu'auparavant, il y avait un responsable et que le maire ne pouvait que protester pour avoir ses PLAI.

Je vous donne un deuxième exemple. Quand on amène l'argent, on nous parle de 5 % des heures travaillées. C'est une condition nécessaire, mais elle n'est pas insuffisante. Si, sur place, il n'y a pas une maison de l'emploi ou quelque chose d'équivalent, qui va faire le travail pour mettre en oeuvre la charte, réunir les chefs d'entreprise et sélectionner les jeunes qui peuvent être embauchés immédiatement ou ceux qu'il faut enclencher dans des procédures d'accompagnement tels que les PLIE ? Faute de tous ces instruments, il n'y a pas de résultat.

Dans la charte, nous imposons un objectif en tenant compte des financements que nous apportons. Nous revenons ensuite deux ans plus tard et si nous découvrons qu'il n'y a que deux emplois et que cela ne représente que 0,05 % des heures travaillées, nous disons à nos partenaires que nous avons fait l'effort de mettre 50 millions d'euros (et non pas 500 000) et que, puisqu'ils ne sont pas en capacité de gérer cette convention et d'honorer leurs engagements, nous sommes obligés de revenir en arrière, ce qui nous permet de récupérer de l'argent qui nous fait défaut sur un certain nombre d'autres opérations qui n'ont pas pu être financées.

Vous avez évoqué également les conventions. Nous parlons ici des conventions signées ; si vous consultez le site Internet de l'Anru, vous trouverez la liste des opérations, le nombre de logements concernés, le nombre de démolitions prévues et le nombre de relogements. A ce jour, dans ces conventions signées, nous avons une prévision de démolition de 80 000 logements et de 79 000 qui doivent être construits en même temps.

Pour l'Anru, c'est une condition nécessaire mais non pas suffisante. Cela dit, elle offre des moyens pour changer les comportements par la sécurité des financements, la charte d'objectif que représentent ces conventions et l'ampleur des financements qui sont aujourd'hui déployés. Le reste n'est pas de sa responsabilité et ce n'est pas avec 62 personnes que nous pouvons refaire tout le dispositif.

M. Philippe VAN DE MAELE .- Je reviens sur ces éléments chiffrés. Nous avons 188 quartiers prioritaires, parmi les 751 zones urbaines sensibles, qui représentent 2,3 millions d'habitants par rapport aux 4,2 millions d'habitants de l'ensemble des zones urbaines sensibles. Les quartiers prioritaires sont donc le coeur de cible du programme de rénovation urbaine.

Sur ces 188 quartiers prioritaires, 134 ont été approuvés par le comité d'engagement. Cette approbation enclenche l'opération. Le conseil d'administration a en effet accepté que, dès que le comité d'engagement s'est positionné, les opérations peuvent démarrer dans l'attente de la signature formelle, qui prend parfois du temps, premièrement, pour finaliser la rédaction de la convention du fait d'un certain nombre de points qui ont été mis dans l'avis du comité d'engagement, deuxièmement, pour faire délibérer tous les signataires (il prend du temps de faire délibérer parfois quatorze ou quinze conseils d'administration concernés) et, troisièmement, pour trouver une date à laquelle le préfet, le maire et tous les signataires peuvent se retrouver.

C'est le comité d'engagement qui enclenche l'opération. A ce stade, 134 quartiers prioritaires ont fait l'objet d'une approbation et ont démarré, et nous en avons 157, soit 23 de plus, qui sont en cours de finalisation d'instruction.

Je parle ici des quartiers prioritaires, parce que, à côté de ceux-ci, d'autres quartiers de moindre dimension ont été présentés par le maire ou le président de l'agglomération et sont intégrés à ces projets. Le coeur de cible étant les quartiers prioritaires, comme l'a rappelé souvent le conseil d'administration, c'est sur eux que nous travaillons actuellement, les autres quartiers répondant soit à une démarche d'agglomération, soit à une démarche de solidarité régionale, dans le cadre de conventions régionales qui font intervenir le partenariat dans le cadre de ce programme et qui cherchent à identifier d'autres sites qui pourraient bénéficier du programme de rénovation urbaine.

Sur le calendrier des constructions/démolitions, j'avoue que je ne me suis pas demandé à quelle date sont prévus les lancements d'opération, mais je vais m'y pencher. Il faut savoir néanmoins qu'actuellement, nous n'avons que des prévisions ou des projets démarrés. Les 80 000 démolitions sont prévues dans toutes ces conventions sur les cinq années à venir, dont environ 10 000 ont été faites d'ores et déjà, même si je n'ai plus le nombre exact en tête. De même, les 79 000 reconstructions de logements sociaux sont étalées dans la durée des conventions et, si je ne me trompe pas, nous avons constaté autant de lancements d'opération de construction que de lancements d'opération de démolition, même si, en termes d'échéancier, il y a toujours un petit décalage parce que la construction prend deux ans ou deux ans et demi après son lancement alors que la démolition est plus rapide. Pour certaines démolitions, les relogements avaient eu lieu bien avant la création de l'agence, mais je n'en ai pas le détail précis.

En tout cas, je vais rechercher le délai moyen car j'avoue ne pas l'avoir. Cela dépend beaucoup des projets. Certains maires insistent pour construire avant et nous soutenons les démarches de ce type, mais cela dépend beaucoup de la densité, de la configuration et de la structuration urbaine des quartiers concernés. Certains quartiers peuvent le faire et non pas d'autres. C'est donc un souci. En tout cas, le conseil d'administration a souhaité pouvoir aller dans ce sens. Nous dépendons de l'opérationnalité des projets au niveau local, qui est idéale pour le relogement et aussi pour la dynamique à faire naître dans les quartiers.

M. Jean-Paul ALDUY .- Quand on peut construire avant, c'est idéal.

Je souhaite revenir sur un point qui a été cité tout à l'heure : les copropriétés dégradées, un sujet très lourd.

Je constate que, lorsque nous n'avions pas les moyens financiers, personne n'avançait. Vous comprenez que le maire qui s'est lancé dans ces copropriétés dégradées sans avoir une quelconque sécurité sur les financements ne faisait que récupérer la patate chaude et ne pouvait pas s'en sortir. Autrement dit, très peu de maires ont pu se lancer dans la réhabilitation des copropriétés dégradées faute de sécurité dans les moyens financiers et de moyens financiers en eux-mêmes. C'est ce qui est arrivé chez moi.

Nous avons oublié de vous parler d'un outil de l'Anru, les plans de sauvegarde qui permettent de réaliser l'expropriation ou, en tout cas, de faire les travaux et d'en imposer le prix aux bailleurs, sachant que, s'ils ne les prennent pas en charge, on peut récupérer le logement. Nous avons donc mis en place des outils qui permettent de le faire et l'Anru complète les financements de l'ANAH pour tout ce qui relève des équipements et des espaces publics, ce qui permet de traiter globalement ces copropriétés dégradées. En effet, si on ne traite que l'habitat, on ne peut pas aller loin et, réciproquement, si on ne s'occupe que des espaces et des équipements publics, on ira encore moins loin.

L'intervention de l'Anru permet de monter des projets de remodelage global de ces copropriétés dégradées. Là encore, les conditions nécessaires sont aujourd'hui réunies, mais elles ne sont pas toujours suffisantes. Encore faut-il qu'un bailleur social ait le courage et la volonté de s'investir sur le sujet et d'avoir les moyens de le faire.

J'ajoute que l'Anru finance la maîtrise d'oeuvre urbaine et sociale (MOUS), qui est très importante dans ces copropriétés dégradées et dont le coût est très élevé. Elle la subventionne à 80 ou 85 %, en tout cas à des taux très élevés, ce qui permet de se doter d'une ingénierie sociale qui va au contact de chaque locataire. Nous avons même réussi à obtenir que, dans certains cas, les locataires fassent de l'auto-réhabilitation encadrée pour les parties intérieures des logements.

Ces copropriétés dégradées font donc l'objet de toute une dynamique et je tiens à insister sur ce point. Cela fait quelques décennies que je travaille sur le secteur et je constate enfin que l'on commence à disposer d'un minimum de moyens pour s'occuper des copropriétés dégradées alors que, jusqu'à présent, c'était vraiment très difficile.

M. André VALLET .- On a souvent évoqué dans cette mission, et on l'a fait encore aujourd'hui, les problèmes de l'Île-de-France, mais l'Île-de-France, ce n'est pas toute la France et je crois que d'autres préoccupations sont exprimées ailleurs. J'aimerais donc poser une question sur la répartition des chiffres qui ont été énoncés.

Sur les 80 000 démolitions dont vous nous avez parlé, monsieur Van de Maele, combien y en a-t-il en province et en Île-de-France ? De même, sur les 188 quartiers prioritaires, combien y en a-t-il en Île-de-France et combien y en a-t-il en province ? J'aimerais que vous nous en donniez le détail car cela peut également nous intéresser.

Par ailleurs, monsieur Alduy, vous avez parlé de cette participation nécessaire de 30 % de la part du département, de la région, de l'EPCI et de la commune et vous avez dit  c'est ce qui m'a interpellé  que ce n'était pas toujours possible. Que se passe-t-il dans ce cas ? J'aimerais que vous nous disiez aussi un mot sur ce point.

Vous avez également évoqué la charte de l'emploi. Pourriez-vous nous donner quelques détails sur ce qui se passe dans ce domaine ? Y a-t-il véritablement des réussites et, dans la mesure où vous avez une vue générale des choses, pouvez-vous dire, sans citer les communes, bien sûr, si cela fonctionne dans un certain nombre de communes en nous expliquant les choses ?

Enfin, vous avez évoqué les maisons à 100 000 euros. J'ai vu dans la presse des reportages qui démontrent qu'il s'agit d'une farce et que ce n'est pas possible. Quelle est votre opinion sur ce point ? Pensez-vous qu'en France, il existe véritablement des quartiers dans lesquels ces maisons sont construites et que l'on va poursuivre dans cette voie ?

M. Jean-Paul ALDUY .- La loi avait donné comme objectif à l'Anru de travailler sur les 180 quartiers prioritaires et, très vite, nous avons vu arriver beaucoup d'autres quartiers. A un moment, nous avons même demandé aux préfets de région de nous indiquer des priorités en leur donnant ce qui nous paraissait un chiffre normal. Ils ont répondu au double. Nous nous sommes donc retrouvés avec ce qu'on a appelé les catégories 2, les catégories 1 étant les 188 de la loi. Le problème, c'est que les financements étaient calibrés pour les catégories 1 et non pas pour les catégories 2.

Ensuite, nous avons vu arriver d'autres projets qui n'étaient ni en catégorie 1, ni en catégorie 2. Nous avons donc été confrontés très vite à un vrai problème financier. L'Anru a été, en quelque sorte, victime de son succès. D'aucuns diraient que, comme c'était le seul guichet où il y avait de l'argent, on a cherché à tout y faire entrer, même des opérations qui auraient pu être traitées avec des prix normaux et qui, pour arriver jusque là, étaient amenées à grossir pour montrer qu'elles étaient au niveau de l'Anru. On ne peut pas nier ces mécanismes pervers. Dans la société de la pénurie, les mécanismes de guichet existent toujours. La faute n'en incombe pas à l'Anru ; c'est de la technique.

Le conseil d'administration a donc cherché une solution. Il a retenu un premier principe : l'impossibilité de modifier les règles du jeu. Nous avons été unanimes sur ce point. En effet, il ne faudrait pas que les derniers soient moins bien servis que les premiers. Nous restons sur la même idée. Si Montfermeil était arrivé dernier, il aurait eu droit à ses 85 % de la même manière. Nous n'allions pas changer les clés de subvention sous prétexte d'un manque d'argent, en mettant une seule couche de tartine alors que les autres avaient beurre et confiture ! Nous avons maintenu les règles.

A partir de là, nous avons cherché à obtenir des subventions supplémentaires et nous avons voté ici même, au Sénat, à deux reprises d'ailleurs, une extension du programme Anru et des financements et les partenaires sociaux ont suivi. Cela veut dire que les 5 milliards du début sont passés à 9,7 milliards. Nous avons donc nettement augmenté les crédits.

Malgré tout, cela ne fonctionne pas. Nous nous sommes donc retournés vers les collectivités, c'est-à-dire en priorité vers les régions et les départements, pour leur dire que, si elles souhaitaient que nous prenions leurs opérations de catégories 2 et 3, il fallait nous aider, parce que cela permettait d'obtenir plus de crédits et de traiter davantage de choses. C'est un raisonnement simple. C'est dans ce cadre qu'est apparue l'idée selon laquelle il fallait au minimum 30 %, parce que, dès que l'on sortait des 30 %, on faisait éclater tous nos équilibres financiers.

Quand ils ne sont pas réunis, nous décidons très souvent d'engager quand même la convention en demandant aux préfets de revenir nous voir six mois ou un an après pour savoir s'ils ont réussi à négocier des mécanismes nouveaux avec les régions et les départements et en estimant que la mécanique enclenchée sur le terrain devrait entraîner une dynamique politique consensuelle. On s'aperçoit en effet que, très souvent, il se pose des problèmes de personnes et de politique locale.

Nous avions donc pensé que cela pourrait avancer. Malheureusement, nous avons été un peu déçus à cet égard, encore que, depuis peu de temps, le mécanisme avance, puisque la région Nord/Pas-de-Calais signe une convention, de même que la région Bretagne et la région Rhône-Alpes, et que nous avons bien avancé avec la région Île-de-France. Nous avons donc maintenant des mécanismes intéressants.

M. Thierry REPENTIN .- Et la Septimanie ?

M. Jean-Paul ALDUY .- Dans la région Languedoc-Roussillon, les choses sont également en train d'évoluer dans le bon sens. Les plus réticents me semblent être l'Aquitaine, Midi-Pyrénées....

M. Pierre ANDRÉ, rapporteur .- ...et la Picardie !

M. Jean-Paul ALDUY .- Il est vrai qu'en Picardie, ce n'est pas parfait non plus.

Voilà pourquoi nous sommes restés très souples. Il nous appartient à tous de convaincre les responsables politiques locaux des régions et départements qu'il s'agit là de la crise urbaine, que le pacte républicain est en cause et que nous devons tous être solidaires dans cette affaire. On ne peut pas dire que seul l'Etat et le maire peuvent intervenir. Laisser le maire et l'Etat seuls dans un mécanisme pareil, c'est fuir ses responsabilités.

Je comprends tout à fait que le mécanisme de la décentralisation ait amené des transferts de charges, mais nous sommes sur une exigence telle que tout le monde est obligé d'avancer sur le sujet.

J'en viens aux maisons à 100 000 euros. Il s'en fait et certaines sont même terminées. Il faut être clair : si on ne sépare pas le prix du foncier du prix de la construction, on n'arrive jamais aux 100 000 euros. Il n'y a pas de miracle : la maison à 100 000 euros est une maison normale dont le taux de TVA est à 5,5 % (c'est-à-dire qu'on a déjà gagné 15 %) et dont le foncier est quasiment gratuit, soit parce qu'il s'agit du terrain des quartiers, soit parce que la commune le porte gratuitement, soit parce qu'on fait un bail emphytéotique, auquel cas la personne paiera la maison dans un premier temps et, quinze ans après, il commencera à payer le terrain. Il n'y a pas de miracle : on ne sait pas construire une maison correcte à moins de 80 000 euros. Si on n'a retiré ni la TVA, ni le foncier, cela veut dire qu'on aura enlevé la toiture !

L'idée était de démontrer que c'était une exigence politique. En effet, si nous ne sommes pas capables d'amener de l'accession sociale et de l'accession à la propriété dans ces quartiers, nous n'aurons pas de mixité sociale ni d'intégration de ces quartiers dans le reste de la cité. Le fait de pouvoir dire que, dans tel quartier, il y a des propriétaires de petites maisons ou d'appartements sur du R+1 ou du R+2 permet de changer l'image du quartier et de créer des processus de parcours résidentiel complètement nouveaux, y compris parmi les ménages de ces quartiers. Certains de ces ménages, du moins dans ma ville, sont prioritaires dans les maisons à 100 000 euros, et je découvre qu'ils sont nombreux, dans les quartiers eux-mêmes, à trouver les moyens de passer à l'accession sociale.

Au passage, je précise que 100 000 euros correspondent à 500 euros par mois et que, si on a l'APL, cela fait 250 euros par mois. Nous avons donc des niveaux de remboursement par mois qui ne sont pas très différents des loyers dans les logements locatifs sociaux. En outre, cela permet de mettre en place un mécanisme différent d'appropriation collective du bâti et cela allège le poids qui pèse sur les organismes sociaux. Pour un OPAC ou un office d'HLM, le fait qu'une partie de sa population part en accession lui coûte moins cher que de garder tout le poids de l'entretien de l'habitat et du locatif social.

J'en viens aux chartes de l'emploi. Certains exemples montrent que cela fonctionne très bien, mais, là non plus, il n'y a pas de miracle : il faut faire tout un travail en amont, avec des PLIE et des sortes de maisons de l'emploi. J'ai créé une maison de l'emploi chez moi, mais, dans d'autres endroits, il y avait déjà des choses équivalentes. Lorsque le travail en amont est fait, cela fonctionne. Sinon, il ne faut pas se faire d'illusions : ce n'est pas d'un coup de baguette magique que l'on est capable de rapprocher l'offre et la demande de ces chantiers. L'Anru est une sorte de mécanisme accélérateur d'éléments qui existent déjà en matière d'emploi, mais s'ils ne sont pas en place, l'Anru ne pourra pas accélérer le dispositif.

M. Philippe VAN DE MAELE .- Je commencerai par compléter la réponse de notre président sur l'emploi en précisant que nous lançons actuellement l'évaluation de la déclinaison locale de ces chartes nationales. Il est encore trop tôt pour en avoir l'analyse, les chantiers ayant souvent démarré assez tard, mais il sera très intéressant d'en examiner les résultats.

Je reviens par ailleurs sur les chiffres. Sur les 188 quartiers prioritaires, nous en avons de mémoire entre 50 et 60 en Île-de-France, soit un tiers, le reste étant réparti sur l'ensemble du territoire national, avec des proportions néanmoins un peu plus importantes dans les régions Rhône-Alpes, Paca et Nord/Pas-de-Calais. Je n'ai pas les chiffres sur la partie démolitions-constructions, mais ils doivent refléter cette proportion. Je pourrai les obtenir si vous le souhaitez.

Il me restait également à répondre à la question concernant la règle du un pour un. Il faut savoir que cette règle n'existait pas auparavant. En cas de démolitions, les reconstructions n'étaient pas obligatoires. Il était parfois prévu des opérations de PLUS-CD, mais elles n'étaient pas obligatoirement demandées dans le cadre de la démolition et, de fait, elles ne servaient pas toujours au relogement. Cette règle n'existait donc pas.

Suite à l'engagement qu'a pris Jean-Louis Borloo lorsqu'il a signé le contrat HLM de Lyon, le conseil d'administration a affiné cette règle du un pour un en rappelant qu'il s'agit bien de PLUS-CD et de PLAI et non pas de PLS. Effectivement, les PLUS-CD existaient auparavant, mais cette clause du un pour un n'a jamais fait l'objet d'un suivi.

Enfin, je reviens sur les financements de 30 %. Dès lors que, s'agissant d'un quartier prioritaire, il est impératif de faire l'opération et que nous n'arrivons pas à un financement de 30 % parce que les collectivités sont en grande difficulté, le dossier est soumis au conseil d'administration qui en apprécie le bien-fondé. Certains dossiers sont effectivement passés avec moins de 30 %. Le problème se pose quand il s'agit d'autres sites sur lesquels on demande à l'Anru d'intervenir et pour lesquels la solidarité locale n'est pas réunie. Il est difficile de faire appel à la solidarité nationale si, sur les priorités régionales, les collectivités locales ne participent pas. La difficulté est là actuellement.

Entre l'été 2004 et l'été 2005, je pense avoir rencontré, avec mon adjoint, tous les présidents de région ou leurs vice-présidents concernés pour leur proposer un partenariat et j'ai constaté que nous avancions, même si cela reste lent et difficile. Effectivement, les régions Nord/Pas-de-Calais, Rhône-Alpes, Bretagne, Bourgogne, Basse-Normandie et Auvergne ont répondu et nous sommes en train de finaliser des conventions.

Certaines ne souhaitent pas intervenir en avançant le principe selon lequel cela ne fait pas partie de leurs compétences. Dans certains cas également, des régions n'interviennent pas du tout sur les quartiers prioritaires au niveau national, alors que ce sont vraiment les priorités de la nation, et se contentent d'intervenir sur d'autres quartiers où elles arrivent à mettre des crédits régionaux pour arriver aux 30 %.

Ce sont des difficultés particulières, mais, globalement, il est vrai que c'est assez long. Nous les avons saisies très tôt, suite aux dernières élections, et le conseil d'administration a décidé de démarrer les projets sans attendre, pour ne pas les retarder. Il a été demandé une clause de revoyure qui, pour l'instant, n'a pas eu les résultats escomptés par le conseil d'administration.

M. Alain DUFAUT .- Pour rester dans la logique de la province et sortir des spécificités de la couronne parisienne, je souhaite évoquer le cas d'Avignon, que je connais bien puisque j'ai quasiment 25 ans d'expérience sur le terrain, et en particulier un quartier prioritaire très difficile : le quartier Monclar.

M. Jean-Paul ALDUY .- Des démolitions y ont été faites il y a quinze ou vingt ans.

M. Alain DUFAUT .- J'ai été élu conseiller général en 1982 et j'ai monté tous les dossiers de démolition, notamment ceux des ensembles Champfleury, La Croix des Oiseaux et Guillaume Apollinaire. En à peine 25 ans, nous avons réussi à démolir 1 500 logements en quatre fois sur trois quartiers différents.

Il est vrai qu'à chaque fois, cela a été très fort. Psychologiquement, les habitants du quartier avaient le sentiment que nous voulions vraiment sortir de la logique du ghetto en pratiquant la dédensification, une logique pour laquelle je me suis battu. Il est vrai que la logique du un pour un n'a pas été respectée et que, sur 1 500 logements, nous avons dû en reconstruire 500 avec du petit collectif et du lotissement, soit 30 % seulement, mais nous avons réussi à donner une autre image à ces quartiers. Sur trois des opérations, nous avons réussi à inverser complètement la logique et ce sont maintenant des quartiers qui revivent.

En revanche, sur Monclar, c'est beaucoup plus difficile : ce quartier de 6 000 habitants est un vrai ghetto et c'est très dur. Nous avons réussi à y démolir environ 600 logements et nous en avons reconstruit une centaine.

Il est vrai que deux difficultés caractérisent ces opérations : la première touche aux financements (le président a évoqué le coût prohibitif de ces opérations) et la deuxième est le délai que nécessite le montage du dossier. Pour les élus qui suivent ces dossiers du début à la fin, le travail est pharaonique à cause de toutes les réunions qu'il faut faire. A chaque fois, il faut cinq ans pour des gros dossiers de démolition de tours de quatre cents logements. Ce sont cinq années perdues. Le seul avantage que l'on y trouve, c'est que cela permet aux gens qui habitent les tours de partir avant l'opération, si bien qu'au moment où on appuie sur le bouton, plus personne n'y habite et on n'a plus à se poser la question du relogement des habitants. Il est vrai que la dispersion s'est assez bien passée, non seulement sur la seule agglomération mais sur la périphérie de la ville.

Maintenant, dans la logique du un pour un, nous tombons sur un vrai problème. J'ajoute que nous avons une communauté d'agglomération qui, dans son périmètre, ne correspond pas à la logique du bassin de vie et qu'Avignon, à l'embouchure du Rhône et de la Durance, est à cheval sur trois départements et deux régions dont les programmes sont différents et dont les préfets compliquent tout. Il est bien difficile, dans ces conditions, de décider d'une bonne répartition du logement social sur la globalité du bassin de vie.

C'est sur ce point qu'il faut absolument trouver des solutions. La communauté d'agglomération fait des efforts pour bien répartir ces logements sociaux à chaque fois que l'on fait des démolitions, sachant qu'Avignon focalise 36 % de logements sociaux sur la globalité de son parc, ce qui est énorme, que nous avons 250 000 habitants sur quinze kilomètres de périphérie immédiate  tout est construit , aussi bien dans le Gard que dans les Bouches-du-Rhône ou le Vaucluse, et que certaines villes n'ont pas de logements sociaux mais sont en dehors de la communauté d'agglomération. Il faudrait trouver des parades à cette situation, parce que nous ne pouvons pas indéfiniment nous concentrer sur ce qui ne correspond qu'à une partie du bassin de vie de l'agglomération. Il faudrait réfléchir à ce sujet sur le plan législatif.

M. Jean-Paul ALDUY .- Le cas d'Avignon est vraiment particulier avec ses deux régions et ses trois départements. Il faudrait une loi spécifique.

M. Thierry REPENTIN .- Je voudrais poser une question sur l'environnement de l'Anru, en partant du postulat qu'elle remplit complètement sa mission par rapport au rôle qui lui a été déterminé par la loi, puisque vous ne faites qu'appliquer la volonté du législateur.

Avant de poser ma question, je souhaite revenir sur une difficulté que vous avez soulevée : le dogme de la démolition. Que vous le vouliez ou non  vous l'avez d'ailleurs dit vous-même, monsieur le Président , il apparaît dans toutes nos auditions que tout le monde perçoit l'Anru comme un outil, un guichet accompagnant une collectivité locale dès lors qu'il y a un projet de démolition. Peut-être faut-il se remémorer l'esprit dans lequel a été fait cet outil à l'époque, avec un objectif de 200 000 démolitions qui apparaît comme un enjeu lié intrinsèquement à l'outil de l'Anru, mais c'est un constat et on en pense ensuite ce que l'on veut.

Sur le contenu, vous avez maintenant environ deux ans d'expérience sur l'Anru. Vous dites qu'elle n'est qu'un outil parmi d'autres actions qui sont portées par d'autres et que le succès de la politique de la ville portée en partie par l'Anru ou son échec seront non seulement le succès ou l'échec de l'Anru mais aussi ceux des politiques de la ville.

Avec votre expérience et l'analyse professionnelle que vous avez acquise au cours de ces deux années, à quelles difficultés vous êtes-vous confrontés et vous confrontez-vous aujourd'hui pour que le projet dans lequel s'inscrit l'Anru soit complet et non pas simplement urbain et architectural ? Vous nous avez parlé de ce qu'il comportait : les services, les écoles, les gymnases, l'aspect culturel et les démolitions/reconstructions (ou reconstructions/démolitions), mais il reste tous les autres aspects du quotidien que vous voyez moins.

Faut-il à l'avenir qu'à un moment ou un autre, nous ayons une présentation du projet dans son tout ? Cela poserait la difficulté  mais peut-être n'en est-ce pas une  de la création d'une nouvelle agence nationale de cohésion sociale. Comment va-t-elle fonctionner ? Faut-il aller vers une fusion de ces deux outils pour que, à un moment ou à un autre, sur les 150 projets et sur ceux qui vont arriver ensuite, nous ayons une vraie perception du tout, la partie hard et la partie soft , c'est-à-dire le projet humain et le projet urbain ? Cela amènera peut-être l'Etat à se poser la question de la pérennité de certaines administrations centrales.

J'aimerais savoir comment vous vivez au quotidien avec celles-ci, sans en citer une en particulier, mais en rappelant que nous avons eu l'occasion d'en auditionner une. Nous avons le sentiment qu'il y a plusieurs gouvernances et qu'il manque peut-être une gouvernance unique. Est-ce à travers un guichet pluriannuel qui, pour les élus, a un certain intérêt parce qu'ils voient l'avenir sur plusieurs années ? Nous avons le sentiment que tout cela manque de maillage, mais c'est une analyse personnelle et je ne porte pas de jugement sur le fonctionnement de l'Anru mais plutôt sur son environnement.

M. Pierre ANDRÉ, rapporteur .- Tout d'abord, je partage tout à fait ce qui a été dit par Jean-Paul Alduy, ce qui me permet de ne plus dire grand-chose après lui, parce qu'il parle beaucoup. Je tiens aussi à faire remarquer que, si tous les organismes qui ont été créés depuis quinze ans avaient eu la même efficacité que l'Anru en deux ans, nous ne serions peut-être pas là aujourd'hui.

Cela dit, je souhaiterais que Jean-Paul Alduy, quand il parle de l'environnement des mesures qui ont été prises, puisse revenir sur les zones franches urbaines dont il n'a pas parlé beaucoup, car l'emploi est au coeur de la politique de la ville et que c'est tout cela qui nous permettra de gagner notre pari sur les quartiers en difficulté. En effet, après ce qui s'est passé encore cette nuit, nous ne savons pas ce qui va se passer la nuit prochaine ni dans les nuits à venir : cela peut être très grave. Les problèmes doivent donc être pris à bras le corps.

Pour répondre à ce que disait Thierry Repentin, je pense que, si on veut trop charger la barque de l'Anru, on risque et de lui faire perdre son efficacité. L'Anru est efficace parce qu'elle est totalement spécialisée et qu'elle a une équipe commando de 62 personnes. Ne demandons pas à l'Anru de faire des statistiques ou des chiffres. Ce n'est pas son boulot ! Il vaut bien mieux qu'elle le fasse faire par d'autres qui sont payés pour cela. L'Anru doit s'intéresser à nos quartiers en difficulté.

Au départ de la création de l'Anru  on juge toujours les choses au travers des dossiers que l'on dépose , j'ai été quelque peu agacé par ce que je pensais être la complexité de l'Anru. Or j'en reviens tous les jours. Dans ma propre ville (je ne parle que de celle que je connais), plus on demande aux élus locaux de réfléchir à la stratégie de développement de la ville, plus on a de chances de faire du développement urbain harmonieux.

Au départ, les premiers dossiers qui ont été traités par l'Anru étaient forcément déjà instruits et il suffisait de prendre des dossiers qui étaient prêts. En revanche, lorsque, dans toutes les villes  comme cela a été dit tout à l'heure, la France n'est pas l'Île-de-France , nous avons été confrontés à la présentation des programmes, j'ai été frappé par la pauvreté, en matière d'ingénierie, de nos collectivités territoriales, des bailleurs sociaux et des DDE, qui freinaient des quatre fers pour que l'Anru ne fonctionne pas. Je vous le répète car je l'ai déjà dit et écrit. Faire réfléchir aujourd'hui autour du développement urbain de la ville est l'une des seules solutions pour gagner la bataille des quartiers en difficulté.

En effet, à quoi sert-il de traiter un seul quartier si on ne traite pas les problèmes de transports urbains ou de coupures urbaines et les vrais problèmes qui ont amené à la dégradation des quartiers ? Il ne faut pas être laxiste ni céder à la pression que nous vous mettons en vous demandant d'être plus souples dans la présentation des dossiers. Il faut être rigoureux sur ces dossiers et ne pas céder à la facilité.

J'en viens à un deuxième point sur lequel il faudra intervenir sur le plan législatif : il va falloir régler une fois pour toutes le problème de la participation des régions. Au cours des négociations qui sont menées, un président de conseil régional qui souhaite que le dossier Anru passe dans sa ville pourra tout promettre, mais quand nous instruisons un dossier (je cite en l'occurrence le cas de la Picardie), on nous dit qu'il n'en est pas question, que ce n'est pas dans les compétences de la région et que l'opération ne pourra être financée que dans le cadre des politiques classiques de la région. Il en est de même pour le département de l'Aisne. Je suis l'une des communes les plus pauvres de France et je suis incapable de vous apporter 30 % de financement dans les opérations que je monte.

Soyons cohérents : si on abandonne totalement l'intervention des régions et des départements, il faut avoir le courage de voter des sommes supplémentaires à l'Anru et de dire clairement que les régions ne veulent pas participer.

Voilà un point important, parce que certains dossiers vont être bloqués faute de décisions des régions et des départements. Pour ma part, j'ai un dossier qui traîne depuis deux ans parce que la région ne veut pas donner de réponse, avec tout ce que cela comporte.

Enfin, j'aimerais que nous puissions mener une réflexion sur les propositions que nous sommes amenés à faire. L'Anru doit certainement nous y aider. Nous devrons être imaginatifs et faire des propositions très concrètes et très fortes sur les copropriétés dégradées. En effet, si nous ne réglons pas ce problème d'une façon ou d'une autre  nous avons vu ce qui s'est passé en Seine-Saint-Denis et ailleurs , nous aurons beau faire tout ce que nous voulons dans les autres quartiers, nous n'arriverons pas à régler ce drame des copropriétés dégradées dans toutes les grandes villes et non pas seulement en Seine-Saint-Denis.

Voilà les trois points sur lesquels je souhaitais insister. Peut-être pourriez-vous nous apporter, aujourd'hui ou plus tard, un éclairage supplémentaire sur ces problèmes de copropriétés dégradées.

M. Philippe DALLIER .- Je souhaite revenir en un mot sur les dossiers classés en priorité 2. Il se trouve que je mène en ce moment une mission de contrôle sur l'Anru pour la commission des finances et que nous avons vu un certain nombre de sites de ce type. On peut tout à fait comprendre que, lorsqu'on part non pas de rien mais d'éléments beaucoup moins aboutis que ce qui se passe sur les quartiers dans lesquels la politique de la ville est en place depuis plus de vingt ans, il est plus difficile de démarrer. Malgré tout, un certain nombre d'élus se plaignent du nombre d'allers-retours, des nombreuses demandes de précision et de la lenteur de la mécanique. Je me demande donc si on ne pèche pas un peu en matière de communication.

Quand on demande aux élus, qui ont tendance à dire ce qu'ils ressentent, quelles sont les raisons de ces difficultés, ils répondent qu'ils l'ignorent. S'il s'agit de problèmes de financement, ce qui se vérifie dans certaines villes, il faudrait jouer la plus complète transparence et finir par le dire. Nous avons du mal à nous expliquer les raisons du blocage d'un certain nombre de dossiers. Par conséquent, il serait bon de faire un point sur les dossiers en instruction depuis un certain nombre de mois afin de comprendre précisément les raisons de ces blocages.

Enfin, je rejoins totalement ce qu'a dit Pierre André sur ce qui a été fait en deux ans dans les quartiers prioritaires : ce n'est pas rien et je vous tire mon chapeau.

M. Alex TÜRK, président .- Je vous demande de répondre maintenant à l'ensemble des questions.

M. Jean-Paul ALDUY .- Nous n'aurons pas forcément la même analyse, mais cela fait partie de la diversité.

Premièrement, l'Anru est une formidable machine à réformer l'Etat. Cela a été fait parce que sa mécanique impose de mener des négociations très délicates avec le ministère du budget puisque nous nous engageons sur cinq ans. Cela implique la mise en place d'une véritable usine à gaz pour suivre pratiquement au jour le jour les besoins de financement de l'Agence. Ce sera un mécanisme expérimental et pilote.

Deuxièmement, il est vrai que cela perturbe les DDE et les secrétaires généraux. Dans certains endroits, la perturbation est positive alors que, dans d'autres, elle est négative. Je réponds à Thierry Repentin sur ce point : la réforme de l'Etat s'engage de manière chaotique et nous en payons en fait le tribut. Lorsque Philippe Van de Maele, qui attend un an pour avoir la circulaire sur le logement social, obtient un document très épais, cela ne nous arrange pas vraiment.

La première difficulté, c'est donc que la réforme de l'Etat n'est pas menée en concomitance avec l'innovation très importante  je la trouve exceptionnelle  que représente l'Anru dans les mécanismes de décision de l'Etat.

Par exemple, Jean-Louis Borloo nous demande de voir comment nous pourrions envoyer 10 %, comme l'Europe, après quoi nous pourrions suivre les résultats de la consommation, alors qu'en l'occurrence, il faut mettre en place des prêts et des petits arrêtés de subvention. Il s'agirait de mettre en place un mécanisme grâce auquel on fait confiance aux maires dès lors que la convention a été signée, en décentralisant 10, 15 ou 20 % du montant de la subvention. Ce sont des énormes innovations pour la commission des finances. En France, on a tellement l'habitude de tout attacher avec des élastiques multiples que ce ne sont pas des choses faciles à faire admettre.

Autrement dit, les réformes de l'Etat, des procédures de financement, de l'organisation territoriale et des compétences ne sont pas au rendez-vous. C'est ce qui a expliqué les difficultés de l'Anru à consommer les crédits au départ : il a fallu former nos interlocuteurs locaux à nos procédures. Certains maires, dont je fais partie, n'ont pas compris ce qui leur arrivait parce qu'il ne voyait pas arriver un centime alors qu'ils avaient déjà enclenché les opérations.

Je citerai une deuxième grosse difficulté : le fait qu'en France, on sous-estime encore l'investissement dans l'ingénierie, qu'il s'agisse des communes ou des bailleurs sociaux. Auparavant, on avait l'habitude de faire deux ou trois conventions de partenaires par an : on faisait travailler un urbaniste, on mettait un peu de couleur, on empaquetait le tout et on faisait une belle signature devant la presse locale.

Désormais, les financements sont engagés pour cinq ans : on entre dans les détails opération par opération et les financements sont mis en place année par année, ce qui prend du temps et ce qui demande de l'ingénierie qui n'est pas toujours au rendez-vous. Certaines communes du sud que je ne citerai pas ont même fait l'objet d'un examen à trois reprises par le conseil d'administration parce que, visiblement, il n'y avait pas de maîtrise d'ouvrage en face. Il en est de même chez les bailleurs sociaux qui ont été amenés à faire une école de maîtrise d'ouvrage pour compléter les formations.

Dès lors que l'on s'engage sur cinq ans, il nous faut une très forte ingénierie capable de maîtriser ces dossiers. C'est la deuxième difficulté.

La troisième difficulté a trait aux mécanismes régionaux, dont on a beaucoup parlé. Je considère que le couple constitué par l'agglomération et la région devrait faire l'objet d'une attention particulière. Nous avons désormais des contrats de projet à défaut de contrats de plan. Le Plan est mort, la DATAR est morte, les contrats de plan sont morts et les crédits se sont évaporés dans la LOLF. Il faut donc rebâtir le mécanisme et je pense que nous pourrons le faire à partir du maillon que constituent la région et l'agglomération. De cette façon, lorsqu'on élaborera des conventions entre des régions et des agglomérations sur un certain nombre de chapitres, on ne pourra que traiter les questions de remodelage urbain. Aujourd'hui, les régions ne veulent pas mettre le doigt dans l'urbain ou ne le font que de manière très ponctuelle.

Si le maillon région/agglomération fonctionnait, cela permettrait à l'Anru d'être beaucoup plus efficace.

La quatrième difficulté est liée aux aspects sociaux. Thierry Repentin a été très modeste dans sa question, car il le dit  et il a raison  de façon beaucoup plus vigoureuse d'habitude.

Enfin, nous avions un désaccord : j'étais partisan de n'avoir qu'une seule agence alors que, Philippe Van de Maele  et je le comprends, parce que c'est suffisamment difficile comme cela  est plutôt pour la solution inverse, et il a certainement raison. Cependant, qu'on le veuille ou non, cela pose problème. En effet, pour peu que les choses ne se coordonnent pas, cela va être délicat, d'autant que nous avions déjà mis une partie du social dans les conventions. Comment cela va-t-il s'articuler avec les contrats d'urbanisme et de cohésion sociale (CUCS) que va mettre en place la nouvelle agence ?

En France, c'est le département qui assume la plus large part du domaine social. Or, comme les départements sont très peu associés aux projets Anru dans la plupart des cas, à part quelques exceptions qui confirment la règle, je me demande comment va pouvoir fonctionner le quadrilatère que forment la nouvelle agence, le département, l'EPCI/ville et l'Anru pour faire en sorte que l'humain soit au rendez-vous de la modification de l'urbain.

Il reste la priorité des priorités que constitue la réussite éducative, dont nous n'avons presque pas parlé, pour briser le cercle infernal de l'exclusion sociale.

Je terminerai par la bataille de l'emploi, qui est le problème numéro 1. L'Anru a fait son travail, mais je ne suis pas certain que, sur le terrain, nous soyons en ordre de bataille. Je n'ose même pas vous dire que, chez moi, nous risquons de devoir fermer une maison de l'emploi pour la première fois en France. En effet, nous avons cru en la parole de l'Etat  je n'étais pas mal placé pour l'entendre , nous nous sommes lancés dans une maison de l'emploi qui a été créée très vite et qui a été opérationnelle dès le 1 er novembre, et comme il n'y avait pas un sou, c'est la communauté d'agglomération qui a tout payé. Au début de l'année 2006, l'appareil d'Etat a repris le pouvoir et il a commencé à mettre des virgules dans toute la convention de la maison de l'emploi, à tel point qu'au moment où je vous parle, la convention n'est toujours pas signée et que nous avons épuisé les crédits de la communauté d'agglomération qui s'était engagée : il doit rester 8 000 euros en caisse, c'est-à-dire que nous ne pourrons même pas payer les salaires à la fin du mois.

Quand on en est à un tel stade dans la politique de l'emploi, il ne peut pas y avoir de miracle. On met le paquet, on y croit, l'agglomération paie le bâtiment à 80 % et met 300 000 ou 400 000 euros dans le fonctionnement bien que cela ne soit pas dans ses compétences, le département et la région n'apportent rien, la mairie, la CAF, l'ANPE et les ASSEDIC sont présents et, huit mois plus tard, alors que nous avons beaucoup travaillé et que rencontré tous les jeunes des quartiers avec l'ANPE, il faut six mois pour obtenir la signature au niveau national, et ce n'est toujours pas signé.

Je termine sur ce point pour vous dire que la situation n'est peut-être pas désespérée, mais qu'elle est grave et qu'il faut une sacrée dose d'enthousiasme pour continuer à avancer !

M. Philippe VAN DE MAELE .- Sur l'environnement, deux remarques me viennent à l'esprit.

La première a trait à cette notion de démolition. Je souffre beaucoup de cette image selon laquelle nous serions là pour démolir parce que cela n'a jamais été l'esprit de l'Anru. Même si je suis persuadé que, dans beaucoup de cas, il faut des démolitions, il n'a jamais été question de faire un programme de démolitions. Nous avons pâti de l'aspect emblématique, visuel, voire télévisuel des démolitions. C'est sans doute ce qui a amené les gens à associer cette image à notre démarche.

Je me souviens d'une visite que j'ai faite sur un quartier  j'ai la chance de visiter tous les quartiers de France  où un maire m'a dit qu'il avait prévu de démolir les logements à tel endroit. Comme je lui en ai demandé la raison, il m'a répondu : « On m'a dit qu'il fallait démolir pour avoir le soutien de l'agence ». Je lui ai alors indiqué qu'il n'y avait aucune raison objective de démolir la partie qu'il me désignait mais qu'en revanche, cela pouvait être justifié pour une certaine voirie sous un porche. C'est vraiment ancré dans l'esprit des gens et cela me touche beaucoup parce que cela n'a jamais été notre objectif.

Il fallait effectivement débloquer cette notion de démolition qui était taboue dans l'esprit des gens et de l'administration de l'Etat, et il est vrai que cela s'est inversé.

Ma deuxième remarque porte sur les programmes de rénovation urbaine. Quand un projet démarre, il se crée une vraie dynamique parce que les gens se disent que, cette fois, il se passe quelque chose. J'étais persuadé que, lors de l'élaboration de ces projets, nous aurions utilisé au niveau local cet outil de réflexion sur la rénovation urbaine pour affiner et développer l'aspect social. Nous avons mis des clauses pour permettre justement de travailler, au niveau local, sur les mesures d'accompagnement qui peuvent être prises, notamment à l'école, mais il est vrai que cela n'a pas atteint la hauteur de ce que j'imaginais.

A cet égard, je rejoins le président André sur ce point : je ne pense pas que nous soyons à même de gérer cet aspect. Nous avons sensibilisé les gens, nous avons mis des clauses et apporté des explications en parallèle, mais l'agence travaille beaucoup avec des urbanistes, des bailleurs et des ingénieurs et je ne suis pas sûr que nous soyons les plus à même de juger de la qualité d'un projet social qui serait fait en parallèle. Je pense donc qu'il ne faut pas que la même agence assume cette tâche, sans quoi on va exiger que tout soit parfait dans les dossiers alors qu'ils sont déjà compliqués. A mon avis, il faut séparer les deux éléments.

En revanche, nous avons évidemment besoin d'une très forte coordination. J'ai d'ailleurs déjà rencontré les personnes qui peuvent être chargées de cette nouvelle agence pour réfléchir au plus vite sur la manière de travailler ensemble, de nous coordonner et de faire des échanges entre nos conseils d'administration respectifs, même si ce n'est pas encore fait. Il y a donc un vrai travail de coordination à faire afin que les deux types de contrats soient faits en bonne intelligence.

A mon avis, il n'est pas très grave que ce ne soit pas fait en même temps, parce que la rénovation urbaine est plus lourde et plus lente. En revanche, une fois que les dossiers sont partis, après une année de travaux visibles, il se crée une vraie dynamique et il faut se lancer à fond dans toute la partie sociale, sur laquelle j'ai beaucoup d'autres choses à dire, parce qu'elle ne relève pas uniquement de l'action sociale.

Il faut évidemment mener une réflexion sur la carte scolaire. Nous refaisons des écoles, ce qui est une très bonne chose, en menant une réflexion sur les équipes pédagogiques, mais n'aurait-on pas pu demander à l'agence d'avoir un point de vue pertinent sur la carte scolaire locale ?

A cet égard, je tiens à revenir sur la Délégation interministérielle à la ville (DIV). Pour ma part, je défends cette structure globale et la présence de la DIV au comité d'engagement, qu'elle soit regroupée avec autre chose ou non. Au comité d'engagement, j'ai besoin d'avoir cette vision globale de la politique de la ville parce que, dans les discussions que nous avons avec les maires, nous avons différents points de vue : celui de la DGEC, qui aborde les questions du PLH et du logement social, celui de la DIV, qui demande quelles actions sont menées en parallèle par le maire, celui des bailleurs sociaux et celui du 1 % Logement. Pour moi, l'apport de la DIV est loin d'être nul et il est vraiment utile dans notre travail.

Je ne sais pas si cela doit être fait dans cette structure, mais il est nécessaire d'avoir un outil qui ait cette vision globale au niveau de l'Etat, surtout s'il y a deux agences.

Je reviens sur l'aspect économique, qui est également un vrai sujet. La loi qui a créé l'agence a aussi étendu les zones franches urbaines, mais nous n'avons pas encore convaincu tous les maires. J'en veux pour preuve le fait que l'Agence peut participer au financement de centres commerciaux ou de pépinières d'entreprises et qu'à ce stade, il y en a très peu. Dans les projets, cette dimension économique n'est pas encore prise et on a souvent le sentiment que, même si ces quartiers sont améliorés, on n'arrivera pas à en faire quoi que ce soit. Pourtant, en plus des investissements qui sont prévus en termes d'habitat, on peut trouver des investissements privés consacrés à l'aménagement économique.

Je reconnais que cet aspect reste insuffisant et que, si la demande ne vient pas, c'est aussi parce que, psychologiquement, cela pose un problème aux bailleurs. Ce sont des terrains qui leur appartiennent et il est logique qu'ils éprouvent une réticence psychologique à ce que nous les donnions à un tiers après les démolitions. Ce sont des avis contradictoires qu'il faut faire vivre et faire évoluer.

Je conclurai en évoquant un aspect de la réforme de l'Etat. Je suis intimement convaincu que l'agence est aujourd'hui dans une logique de gestion de programme qui n'existe pas. Bien que nous ayons eu des lois de programmation, cela n'a jamais existé. Nous avons mis en place un dispositif qui constitue une vraie réforme « lolfienne », et je pense que cet outil est très fort parce que nous suivons le programme. J'ai la chance d'avoir un agent comptable extraordinaire, avec lequel nous nous entendons bien, ce qui est très important, et avec lequel nous avons mis en place cette gestion pluriannuelle qui nous permet d'indiquer au budget qu'en 2008, il y aura une montée importante des crédits de paiement et qu'il faut s'y préparer.

Du coup, c'est la panique à bord, mais nous avons la vision d'avoir souvent perdu du fait de nos nouvelles programmations. Un fonctionnaire du budget m'a dit un jour que son travail était de défaire les lois de programmation... (Rires.) Nous avons un outil qui ne permet pas de les défaire, sauf par décision politique, ce qui est un vrai choix politique, auquel cas il n'y a rien à dire.

Je ne veux pas faire l'apologie de l'agence, mais je pense que c'est une question de gestion de programme. Cet outil est vraiment conforme à la démarche de la LOLF et cela mérite que nous l'approfondissions.

M. Alex TÜRK, président .- Nous vous remercions.

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