6. La ruée vers la campagne...en France

Et pourtant, en 1947, Jean-François Gravier publiait Paris et le désert français ! Et de 1962 à 1975, c'est à l'exode rural que l'on a assisté. Les choses se sont assez bien passées, car un certain équilibre s'est fait entre les extraordinaires efforts de productivité réalisés dans l'agriculture et les besoins de main d'oeuvre nécessaires à la reconstruction et à l'industrialisation. Cette situation est à rapprocher, toutes proportions gardées, de celle que l'on rencontre en Chine, où des millions de paysans migrent aujourd'hui vers les villes. Malgré un écart grandissant entre les revenus des ruraux et ceux des citadins, il semble que la situation des ruraux s'améliore en valeur absolue. Comme l'analyse André Chieng, président directeur général d'Asiatique européenne de commerce (AEC), « Le vrai danger pour la Chine n'est pas l'accroissement des inégalités, ce serait qu'une baisse de la croissance renvoie au chômage ces travailleurs migrants ». Il faut aussi la comparer aux mouvements migratoires que l'on observe de l'Afrique vers le Maghreb et des pays de la Méditerranée vers l'Europe. Par exemple, l'Espagne, autrefois pays d'émigration, est devenu un pays d'immigration. Massive, celle-ci provient du Maroc, de l'Equateur et de l'Afrique de l'Ouest. L'Italie, pays lui aussi converti au passage de l'émigration à l'immigration, accueille des albanais, des marocains et des ukrainiens. L'Allemagne a accueilli beaucoup de Turcs dans les années 90 ; sa croissance naturelle est aujourd'hui négative...

Si l'on revient à la France, il faut se souvenir que les mouvements internes de population ont été canalisés par les politiques « sectorielles » prônées par Jean Monnet et par les soucis de répartition de la croissance mis en avant par Claudius-Petit. La DATAR fut ainsi l'instrument d'une géographie active d'équilibrage. Aujourd'hui, le démographe Hervé Le Bras montre que depuis 1990, la population augmente trois fois plus vite dans les communes de moins de 2.000 habitants que dans celles de plus de 200.000. Ce retour à la campagne n'est évidemment pas un retour des agriculteurs et il pose des problèmes spécifiques : allons-nous générer une sorte de continuum de banlieues, comme c'est le cas aux Pays-Bas, en Allemagne ou en Angleterre ? Souhaitons-nous ces villages-dortoirs normalisés ? Voulons-nous vraiment de ces ronds-points et de ces zones commerciales ? Acceptons-nous qu'une commune sur deux n'ait plus de commerce de proximité ? Et, pour faire ses courses, quel est celui -du citadin ou du rural- qui fait le plus de kilomètres en voiture ? Qui génère le plus de gaz à effet de serre ? Bref, l'envie individuelle de retour à la campagne ne génère-t-elle pas des comportements collectifs responsables des modifications climatiques et de la dégradation des ressources naturelles ? Et quelle est la part de l'agriculture dans ces modifications ?

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