(c) Du « former ou payer » au « former ou épargner » : l'abondement d'un compte individuel dans une logique aboutie de sécurisation des parcours

Une dernière option consisterait à supprimer l'obligation légale au niveau de l'ensemble des salariés pour mettre en place une obligation légale à l'égard de chacun des salariés : le « 0,9 % » abonderait un même compte d'épargne formation individualisé, attaché à la personne tout au long de son existence professionnelle.

Chaque année, les montants consacrés par l'employeur à chaque salarié pour sa formation s'imputeraient sur son obligation légale et le reliquat serait reversé sur un « compte d'épargne formation » appartenant au salarié. L'employeur garderait la main sur le compte de chacun de ses salariés pour financer les actions de formation du plan. En cas de licenciement ou de démission, le salarié acquerrait ainsi une épargne qu'il pourrait mobiliser pour se former dans une logique incontestable de sécurisation des parcours professionnels.

Cette épargne pourrait faire l'objet d'abondements par le service public de l'emploi, qui la solliciterait dans le cadre du parcours de retour à l'emploi qu'il définirait. Le titulaire du compte lui-même aurait la possibilité de l'abonder afin de financer sa propre formation, et cette démarche pourrait être encouragée par le recours à un crédit d'impôt...

Le crédit de formation résultant de cette épargne constituerait, le cas échéant, un facteur incitatif pour un nouvel employeur, qui trouverait attaché au salarié recruté les moyens de sa formation. Ce compte serait exprimé sous forme monétaire, mais il ne pourrait en aucun cas être monétisé, même lors du départ en retraite, afin d'encourager réellement la formation tout au long de la vie, particulièrement pour les « seniors ». La gestion de ces comptes pourrait être confiée à des organismes de type URSSAF.

A la confluence des grandes orientations de la formation professionnelle, une variante de l'option exposée ci-dessus consisterait à « gager », auprès des entreprises, la mise en place d'une obligation de formation à l'égard de chacun des salariés au travers d'un DIF transférable via un compte d'épargne formation individualisé, par la suppression de l'obligation légale pour le plan de formation. Il s'agit du compte d'épargne formation présenté au chapitre II « Elargir l'accès à la formation par l'individualisation ».

Comparé à l'option de base, cette variante n'aboutirait nullement à une diminution des droits à formation du salarié, car :

- le coût annuel moyen du DIF, sur la base de 20 heures de formation par an, excède largement 0,9 % du salaire 110 ( * ) ;

- une partie importante du plan de formation peut être exécutée sous la forme de DIF, dans la mesure où l'on constate qu'environ 75 % des formations du plan sont effectuées avec l'accord du salarié, si ce n'est à sa propre demande... Dès lors, la suppression du « 0,9 % » ne se traduirait pas, pour un volume d'action reconduit dans le cadre du plan de formation, par la nécessité de dégager des moyens financiers importants qui ne seraient pas imputables sur un DIF.

Le DIF continuerait à être géré au sein de l'entreprise comme il l'est aujourd'hui, à cette différence que lors du départ de l'entreprise, le crédit non utilisé serait reversé au compte d'épargne formation. Afin de ne pas pénaliser les salariés demeurant très longtemps au sein d'une même entreprise, une « purge » des droits pourrait s'effectuer tous les six ans, l'employeur ayant ainsi l'obligation de reverser au compte d'épargne l'équivalent monétaire des heures de formation non mobilisées.

La présente solution est satisfaisante dans la mesure où elle part de l'instrument probablement le plus abouti de la formation professionnelle - le DIF - pour aboutir, dans le cadre d'un compte d'épargne de formation individuel, à sa transférabilité dans une logique de sécurisation des parcours.

Certes, elle engendrerait un surcoût théorique important pour certaines entreprises, particulièrement les très petites entreprises, qui supporteraient une forte progression de leur participation au titre du plan de formation ou du DIF, aujourd'hui fixée à un plancher proche de 0,5 % de la masse salariale, pour atteindre plus de 2 % en moyenne (cf. note supra ). Mais cet écart, quel qu'il soit, pourra se trouver résorbé par le jeu cumulé :

- de la fin des critères d'imputabilité (l'accord entre l'entreprise et le salarié suffirait pour la définition de l'action de formation), dont la rigueur actuelle, nécessaire pour permettre le contrôle, empêche la prise en compte de nombreuses actions de formation innovantes ou atypiques ;

- de la possibilité de mener certaines actions de formation en dehors du temps de travail dans le cadre du DIF, ce qui s'avère moins coûteux ;

- du taux de conversion monétaire de l'heure de formation retenu par les partenaires sociaux pour l'abondement du compte d'épargne formation par l'employeur lors du départ du salarié 111 ( * ) ;

- en tant que de besoin, d'un abondement du fonds régional ad hoc (voir chapitre II « Elargir l'accès à la formation par l'individualisation ») lors du départ du salarié 1 , de nature à ajuster la contribution de l'entreprise (les TPE ne devront pas voir leur charge totale de formation augmenter) sans diminuer l'abondement final du compte du salarié.

En outre, la généralisation d'une coresponsabilité de l'employeur et de l'employé dans la définition de son parcours de formation au sein de l'entreprise serait de nature à améliorer la qualité de l'offre dans le sens d'un meilleur rendement de la formation, voire de la réalisation d'économies , ainsi qu'il a été argumenté dans l'encadré ci-dessus.

* 110 Et a fortiori 0,4 % pour les TPE (taux de l'obligation légale pour le plan de formation). Les entreprises de dix salariés et plus effectuent en moyenne un peu plus de 12 heures de formation (2005) au profit de chacun de leurs salariés, le passage à 20 heures engendrant un surcoût théorique de l'ordre de 60 % (cf. chapitre II « Elargir l'accès à la formation par l'individualisation » supra). Dans une autre approche, sur la base d'un coût de 15 euros par heure de formation et par heure de travail non effectuée, le coût moyen du DIF, sur la base de 20 heures, ressortirait à 600 euros environ par an et par salarié pour l'entreprise, ce qui représente un taux de contribution excédant 2 %. Le crédit destiné au salarié dont le DIF n'est pas mobilisé pourrait être cantonné à 300 euros par an, n'incluant que le coût de sa formation. Sur cette base de calcul, en cas de séparation d'un salarié au bout de six ans, l'employeur devrait alors verser 1 800 euros au salarié, ce qui n'est pas négligeable pour une TPE. Heureusement, les voies d'une résorption de l'écart de coût pour les entreprises ont été tracées (infra).

* 111 Ou lors de la « purge » du compte.

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