3. Des femmes cantonnées dans des spécialités moins prestigieuses ou utilisées comme faire-valoir
a) Une répartition des tâches peu favorable aux femmes
Au cours de la table ronde sur la place des femmes dans les médias organisée par la délégation, Mme Christine Clerc a mis l'accent sur la répartition des tâches au sein des rédactions, qui aboutit, en règle générale, à confier aux femmes les reportages, les « échos » ou les portraits et aux hommes les analyses générales.
Le journalisme politique, voie privilégiée pour accéder aux postes de direction, comme l'a souligné Mme Christine Ockrent, reste une spécialité à dominante masculine, de même que le journalisme économique.
Mme Michèle Cotta a toutefois signalé un accroissement récent de la proportion de femmes dans le journalisme politique qui, autrefois considéré comme une spécialité noble, semble aujourd'hui moins prisé par les hommes.
En tout état de cause, les femmes sont plus nombreuses à traiter de sujets considérés comme secondaires ou moins prestigieux, comme la culture, les affaires sociales, la famille ou l'enfance.
Selon Mme Isabelle Germain, la présence des hommes dans un secteur d'activité est toujours liée au pouvoir et ce phénomène se retrouve dans les médias .
Certes, les femmes sont de plus en plus visibles parmi les « grand reporters », mais selon Mme Virginie Barré, journaliste et ancienne présidente de l'AFJ, « Le grand reportage, ce genre qui reste encore très prestigieux aux yeux du grand public, ne paie plus, et ce n'est plus la meilleure voie d'accès à des postes de responsabilité ou à des promotions qui se gagnent en restant proche des couloirs et des bureaux des directions générales » 21 ( * ) .
b) Des femmes un peu plus nombreuses dans les médias les moins convoités
Ainsi que le souligne Mme Catherine Lamour, journaliste et ancien membre de l'Observatoire de la parité 22 ( * ) , « les femmes sont plus nombreuses dans les médias les moins convoités » .
Selon les chiffres mentionnés par son article publié en juin 2005, on ne compte dans la presse quotidienne qu'une femme pour 4,6 hommes.
Les femmes sont un peu plus nombreuses à la télévision, avec une femme journaliste pour 3,4 hommes ; encore n'y sont-elles réellement présentes que depuis les années 1980. A cet égard, Mme Christine Ockrent, entendue par la délégation, qui fut la première femme à présenter le journal télévisé du soir en 1981, a joué un rôle de pionnière.
D'ailleurs, si les femmes présentatrices de journaux télévisés sont désormais assez nombreuses, elles sont encore assez souvent cantonnées dans des créneaux moins favorables ou moins prestigieux : journaux du week-end ou journaux de fin de soirée...
En revanche, dans la presse professionnelle et technique, moins prestigieuse, hommes et femmes sont en nombre presque égal, sans parler de la presse féminine où les femmes sont majoritaires.
Selon le volet français de l'enquête internationale sur la place des femmes dans les médias, réalisée en 2000 par l'AFJ et portant sur un échantillon représentatif de chaînes de télévision, stations de radio et quotidiens de la presse écrite, on dénombrait alors :
- à la télévision et à la radio : environ 30 % de femmes journalistes :
- 31 femmes sur 103 à la télévision, 3 chaînes étant prises en compte : TF 1, France 2 et France 3 ;
- 25 femmes sur 82 à la radio, 4 stations étant analysées : France Inter, RTL, Europe 1, Fréquence Nord ;
- dans l'ensemble de la presse : 23,6 % de femmes journalistes (29 femmes sur 123), dont :
- 36,5 % dans la presse nationale, au sein de 4 quotidiens : Le Monde, Le Figaro, Libération, Aujourd'hui en France - Le Parisien ;
- et 14,5 % dans la presse régionale, 7 quotidiens ayant été étudiés : Ouest-France, Sud-Ouest, La Voix du Nord, Les Dépêches - Le Progrès, Nord-Eclair, L'Est Républicain, Le Dauphiné Libéré .
Selon les résultats du dépouillement de l'annuaire « Média SIG » effectué par la délégation, les femmes sont 32 % à occuper des postes de responsabilité au sens large au sein des chaînes généralistes de télévision, 30 % dans les magazines nationaux d'information générale, 26 % dans les quotidiens nationaux d'information générale et 23 % au sein des radios généralistes 23 ( * ) , ainsi que le détaille le tableau figurant ci-après.
Cette évaluation statistique fait également ressortir une présence des femmes plus marquée dans les chaînes de télévision que dans la presse écrite, mais celle-ci est largement due à la prise en compte des postes de présentateurs de journaux ou de magazines d'information, où la parité est globalement atteinte.
Par ailleurs, il est à noter que les femmes sont plus nombreuses à la télévision qu'à la radio et, pour ce qui concerne la presse écrite, mieux représentées dans la presse magazine que dans la presse quotidienne.
PROPORTION DE FEMMES OCCUPANT DES POSTES DE RESPONSABILITÉ DANS LES PRINCIPAUX MÉDIAS
(en %)
Chaînes généralistes de télévision |
Radios généralistes |
Quotidiens nationaux d'information générale |
Magazines nationaux d'information générale |
Grandes agences de presse |
Ensemble des médias étudiés |
|
Postes de direction « stratégiques » |
9,76 |
7,41 |
3,85 |
14,81 |
0,00 |
8,80 |
Postes de directeurs et chefs de services, ainsi que leurs adjoints ou délégués |
37,98 |
24,05 |
26,72 |
28,57 |
20,34 |
30,82 |
Postes de rédacteurs en chef et leurs adjoints |
14,29 |
31,43 |
26,92 |
29,91 |
0,00 |
25,63 |
Postes de présentateurs de journaux ou de magazines d'information |
45,65 |
22,22 |
sans objet |
sans objet |
sans objet |
31,36 |
Responsables de bureaux à l'étranger |
11,11 |
26,67 |
36,00 |
75,00 |
sans objet |
28,57 |
Postes de responsabilité au sein des « pôles publicité » |
44,44 |
27,27 |
33,33 |
52,63 |
sans objet |
41,18 |
Ensemble des postes de responsabilité recensés |
32,01 |
23,23 |
25,80 |
30,19 |
16,90 |
27,75 |
Source : évaluation de la délégation du Sénat aux droits des femmes, d'après l'annuaire Média SIG 2006 24 ( * ) .
* 21 Citée par Mme Catherine Lamour dans l'article susmentionné : « Les femmes et les médias : le miroir à deux faces ».
* 22 Cf. article précité.
* 23 Cf. annexe statistique.
* 24 Cf. précisions méthodologiques en annexe.