N° 400

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2006-2007

Annexe au procès-verbal de la séance du 18 juillet 2007

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le débat d' orientation sur les finances publiques ,

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur,

Rapporteur général.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Claude Belot, Marc Massion, Denis Badré, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Yann Gaillard, Jean-Pierre Masseret, Joël Bourdin, vice-présidents ; M. Philippe Adnot, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Moreigne, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM.  Bernard Angels, Bertrand Auban, Mme Marie-France Beaufils, M. Roger Besse, Mme Nicole Bricq, MM. Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, André Ferrand, Jean-Claude Frécon, Yves Fréville, Christian Gaudin, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Jean-Jacques Jégou, Alain Lambert, Gérard Longuet, Roland du Luart, François Marc, Michel Mercier, Gérard Miquel, Henri de Raincourt, Michel Sergent, Henri Torre, Bernard Vera.

AVANT-PROPOS

Comme l'année dernière lorsqu'elle proposait « un cap clair et réaliste pour le reflux de la dette publique » 1 ( * ) , votre commission des finances a souhaité, à l'occasion du débat d'orientation budgétaire pour 2008, se livrer à un exercice de cohérence .

Il s'agit, à l'aube d'une nouvelle présidence, de remettre les grandes orientations des finances publiques pour la législature dans leur contexte et d'en expliciter les hypothèses.

Cette année, cet exercice est facilité par la création d'un ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique, dont le titulaire a vocation à devenir l' interlocuteur privilégié du Parlement pour les questions de finances publiques.

• Prendre appui sur les acquis de la précédente législature

Si le bilan légué par la précédente législature est très positif au niveau des principes comme des méthodes, la situation de nos finances publiques apparaît encore loin d'être assurée tant sont difficiles à inverser les tendances du passé : depuis trente ans, la France n'a eu que trop tendance à céder aux facilités de la dette et à baisser les bras devant la fatalité des déficits.

La politique du nouveau gouvernement peut prendre appui sur une série d'acquis de principe obtenus grâce à la ténacité de ses prédécesseurs : en quelques années, on est passé d'une mentalité du « toujours plus budgétaire » à une attitude plus responsable, résultant à la fois de la prise de conscience du caractère insoutenable à long terme de la dette publique et de la nécessité d'introduire la notion de performance au sein de l'Etat.

Aujourd'hui il ne fait plus de doute que la norme de dépense reste le moyen de pilotage par excellence du budget de l'Etat .

Même si celle-ci doit être précisée et son périmètre étendu, en particulier aux dépenses fiscales , elle a vocation à servir de modèle à l'ensemble des politiques publiques si l'on veut remettre durablement notre pays dans le droit chemin budgétaire.

A côté de ce principe de bonne gouvernance, qui conduit chaque année, avec la norme « zéro volume », à n'offrir au gouvernement que des marges financières limitées, il faut mentionner les nouveaux leviers dont les gestionnaires publics vont pouvoir disposer avec la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) .

On peut citer :

- le dégonflement des reports qui ont été divisés par trois par rapport aux « sommets » des années 2000 et 2001 ;

- la constitution d'une réserve de précaution en début d'exercice qui donne de la visibilité aux gestionnaires ;

- la généralisation des dépenses à caractère limitatif qui a montré ses vertus dans la maîtrise de certaines dépenses jusque-là mal contrôlées ;

- enfin, l'affectation intégrale au désendettement des plus-values de recettes constatées au cours de l'exercice.

Des progrès sont encore à attendre dans l'utilisation de la LOLF par exemple, avec la mise en oeuvre de la fongibilité asymétrique, qui devrait permettre d'économiser des emplois, car l'entrée en vigueur de cette loi marque, plus généralement, la fin d'une époque où un bon budget était avant tout un budget qui augmente.

La lettre de mission adressée par M. Nicolas Sarkozy, Président de la République à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, est parfaitement explicite à cet égard : « un bon ministre ne se reconnaîtra pas à la progression de ses crédits mais à ses résultats et à sa contribution à la réalisation du projet présidentiel ».

• Baliser les chemins de l'équilibre financier

Les progrès constatés en matière de gestion des finances publiques ne suffisent pas à garantir un assainissement financier durable, eu égard à l'anémie chronique de l'économie française.

De ce point de vue, votre rapporteur général ne peut qu'adhérer à l'approche de la nouvelle politique économique voulue par le Président de la République . Il n'est pas possible d'accumuler les contraintes financières et de se contenter de répartir la pénurie .

L'économie française ne peut être « manoeuvrante » que si l'on réussit à lui donner le minimum de vitesse nécessaire pour lui permettre de se mouvoir et de se régénérer.

C'est dans cette perspective dynamique que votre commission des finances a examiné le programme de législature qui lui a été soumis à l'occasion de ce débat d'orientation budgétaire.

Elle s'est efforcée de le mettre en perspective au regard, notamment, des évolutions à moyen et long termes, et d'attirer l'attention sur les hypothèses sous-jacentes.

Prenant acte des « tendances lourdes », qu'il s'agisse des dépenses publiques qui se sont accrues de 2,4 % par an en volume depuis 1990 ou des conséquences de la hausse probable des taux d'intérêt sur la charge de la dette, ainsi que du risque de baisse de l'élasticité des recettes fiscales au PIB , elle a voulu évoquer une série de scénarios à l'horizon 2012 .

Constante avec elle-même, et notamment avec les objectifs qu'elle avait assignés l'année dernière en matière de rééquilibrage progressif des finances publiques en vue du reflux de la dette publique, votre commission des finances a, surtout, cherché à se livrer à un exercice de cadrage de nature à identifier les conditions de réussite de la stratégie du gouvernement.

Il ressort des calculs effectués par votre rapporteur général - qui ne débouchent que sur des ordres de grandeur - que l'effort de consolidation budgétaire nécessaire pour atteindre l'équilibre des comptes publics en 2012 serait, avec une croissance du PIB de 2,5 %, en tenant compte des quelque 30 milliards d'euros servant à financer le programme présidentiel, de plus de 80 milliards d'euros.

Au vu de la volonté du nouveau gouvernement de procéder à une révision générale des politiques publiques à l'instar de celles réalisées dans d'autres pays comme le Canada, cela n'est pas hors d'atteinte compte tenu de la détermination et de l'approche très opérationnelle adoptée par le gouvernement.

Néanmoins, sur le plan des méthodes, votre commission des finances a identifié à la fois les contraintes issues des tendances passées et les cibles qui lui paraissent les plus appropriées pour faire porter le nécessaire effort d'économie.

A cet égard, il est clair que, pour elle, la maîtrise des dépenses publiques dans leur ensemble passe inévitablement par celle des dépenses sociales.

Compte tenu du vieillissement de la population et de la montée du risque dépendance, ce sont clairement les charges de retraite et les dépenses de santé qui risquent de déraper au cours des prochaines années . C'est donc sur elles qu'il faut faire porter l'effort, ce qui suppose sans doute le renforcement de mécanismes de responsabilisation et une réforme du mode de gouvernance des institutions qui en ont la charge.

• Faire le pari raisonné de la croissance

Le rééquilibrage des comptes ne pourra pas résulter que du simple assainissement financier. Il suppose la relance de la croissance.

Parmi les conclusions les plus évidentes de l'exercice de cohérence auquel s'est livré votre rapporteur général dans le présent rapport, l'intensité de l'effort de consolidation financière et la rapidité de rééquilibrage des comptes sont très dépendantes de la croissance .

Ainsi avec un taux de croissance de 3 % par an, le déficit public serait ramené à 1 point de PIB en 2012, sans que l'on ait besoin d'économies supplémentaires par rapport à celles devant permettre le financement du programme présidentiel. En sens inverse, si la croissance du PIB était de « seulement » 2,2 % par an, et si les recettes publiques augmentaient légèrement moins vite que le PIB, les mesures d'économies nécessaires pour atteindre l'équilibre en 2012 dépasseraient sensiblement la centaine de milliards d'euros.

La stratégie des finances publiques exposée dans le rapport d'orientation budgétaire présenté par le gouvernement exprime à l'évidence une volonté politique. L'idée même ne recouvre pas que du volontarisme économique, même si celui-ci constitue un des ressorts majeurs d'une politique qui se fixe comme objectif de gagner un point de croissance .

Il faudra beaucoup de fermeté au gouvernement pour mettre en oeuvre les réformes nécessaires en vue d'améliorer la qualité des services rendus et surtout renoncer ou réorienter les politiques publiques devenues inutiles ou inefficaces. Des réformes en matière de gouvernance, et notamment une programmation pluriannuelle des dépenses publiques et l'application de la « règle d'or » - qui consiste à n'autoriser les déficits que pour la couverture des dépenses d'investissement - devraient pouvoir faciliter une telle politique.

De ce point de vue, l'engagement présidentiel d'embaucher un fonctionnaire pour deux partant à la retraite est une bonne façon de mettre l'administration sous tension et de favoriser les gains de productivité, qui permettront de dégager des marges de manoeuvre budgétaires et de procéder à des réallocations de moyens.

Le pari de la croissance est nécessaire car il crée le choc de confiance qui va libérer les énergies et donner aux agents économiques la visibilité politique dont ils ont aussi besoin.

Encore faut-il mettre toutes les chances de son côté par une attention vigilante à la maîtrise des finances publiques.

I. LE SOCLE DE LA PRÉSENTE LÉGISLATURE

A. L'EXÉCUTION 2006 : UN DÉFICIT NETTEMENT INFÉRIEUR À 3 POINTS DE PIB

1. La fin de la procédure de « déficit excessif » provient essentiellement d'un dynamisme conjoncturel des recettes

a) Une croissance du PIB intermédiaire entre la prévision du gouvernement et celle du consensus des conjoncturistes

La croissance du PIB en 2006 est évaluée à 2 % par l'Insee, soit très proche de la prévision associée au projet de loi de finances pour 2005, de 2,25 %, comme l'indique le graphique ci-après.

La croissance du PIB depuis 1990

(en %)

Sources : Insee, projet de loi de finances pour 2006

On remarque par ailleurs qu'alors que la croissance de 2005 était évaluée à 1,2 % lors de l'examen du projet de loi de règlement pour 2005, celle-ci a depuis été revue nettement à la hausse, à 1,7 %.

La croissance a donc été intermédiaire entre la prévision du gouvernement et celle du consensus des conjoncturistes, de 1,8 %.

L'écart entre la croissance prévue et la croissance observée, de l'ordre de 1 point de PIB chaque année de 1999 à 2003, tend donc à se réduire depuis 2004, comme l'indique le graphique ci-après.

Les prévisions de la croissance du PIB de 1999 à 2006

(en %)

(1) Commission économique de la Nation, prévisions d'octobre de l'année n-1.

Sources : Insee, projets de lois de finances

Ce phénomène peut s'expliquer par le fait que le début des années 2000 a été marqué par des phénomènes difficilement prévisibles (comme l'éclatement de la « bulle technologique »), mais aussi par celui que depuis 2004 la croissance a été plus proche de son niveau potentiel, et donc des prévisions des économistes, qui tendent à supposer un rapprochement de la croissance potentielle.

* 1 Rapport d'information n° 411 (2005-2006) de M. Philippe Marini.

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