(2) Un plan national pour limiter les effets des tsunamis
Si les risques courus par Hawaï en cas de tsunami sont connus depuis longtemps, la prise de conscience de la vulnérabilité des Etats de Washington, d'Oregon et de la Californie est assez récente.
Le déclenchement d'un tremblement de terre dans la zone de subduction de Cascades 15 ( * ) en avril 1992, qui provoqua un tsunami dans le Nord de la Californie, souligna les lacunes du dispositif d'alerte aux tsunamis. Le 4 octobre 1994, une alerte au tsunami au niveau du Pacifique fut émise après un fort tremblement de terre tsunamigène aux Kouriles. Cet événement provoqua au Etats-Unis d'énormes confusions entre les responsables des secours et l'évacuation coûteuse d'Hawaii qui en résulta suscita de sévères critiques car elle s'avéra infondée.
Pour remédier à cette situation, le Congrès décida de lancer en 1995 un programme national de limitation des effets de l'aléa de tsunami (NTHMP : National Tsunami Hazard Mitigation Program) piloté par la NOAA et impliquant les Etats côtiers ainsi que les îles rattachées aux Etats-Unis.
Ce programme repose sur trois axes :
- l'évaluation de l'aléa : une meilleure connaissance des tsunamis historiques doit permettre de produire des cartes d'inondation plus fines basées sur les prévisions de tsunami à long terme ;
- la qualité du système d'alerte à travers l'amélioration de l'acquisition et du traitement des données sismiques, le déploiement d'un réseau de bouées de détection des tsunamis et une meilleure transmission des informations concernant l'alerte aux autorités compétentes ;
- les politiques de prévention à travers l'élaboration en amont de plans de prévention et d'évacuation ainsi que le développement de matériel éducatif pour sensibiliser la population.
Compte tenu des règles de subsidiarité liées au fédéralisme, un partenariat étroit a été développé entre les administrations fédérales, étatiques et locales.
Par ailleurs, la NOAA a lancé un programme intitulé « TsunamiReady 16 ( * ) » : il s'agit d'encourager les collectivités et les Etats concernés par l'aléa tsunami à adopter les mesures nécessaires pour une prévention efficace.
Basé sur le principe du volontariat, ce programme fixe les critères qui doivent être respectés pour pouvoir prétendre à cette dénomination tels que :
- disposer d'un point d'alerte 24h sur 24 et d'un centre des opérations d'urgence ;
- pouvoir recevoir les messages d'alerte et les transmettre au public à travers au moins deux canaux différents ;
- sensibiliser la population par la distribution d'informations et l'éducation des citoyens ;
- développer un plan formel de prévention des tsunamis comprenant des exercices d'entraînement périodiques.
A ce jour, 47 sites 17 ( * ) (villes, comtés, plages, ports) ont reçu ce label dans 10 Etats différents. Hawaï est le seul Etat à avoir été distingué comme « prêt à affronter un tsunami ».
Par ailleurs, après le tsunami dévastateur de Sumatra, le Président des Etats-Unis a proposé une enveloppe de 37,5 millions de dollars pour améliorer les systèmes d'alerte nationaux. En mai 2005 fut voté le « Emergency Supplemental Appropriations Act 18 ( * ) » qui accorda 17,24 millions de dollars supplémentaires à la NOAA afin d'étendre et d'améliorer ses capacités de détection des tsunamis, de rendre les centres d'alerte plus performants, de produire des cartes d'inondation et d'étendre la participation au programme « TsunamiReady » à tous les états côtiers. Une nouvelle loi fut votée en août 2006 pour faire passer les crédits de la NOAA de 25 millions de dollars en 2008 à 29 millions de dollars en 2012.
Le programme national de limitation des effets de l'aléa tsunami 19 ( * ) : un bilan mitigé dressé par le Government Accountability Office (GAO ) Le GAO est une agence non partisane et indépendante qui travaille pour le Congrès américain. Avec 3260 employés, un budget de 484,7 millions de dollars et 11 bureaux répartis dans tous les Etats-Unis, elle a vocation à contrôler l'utilisation des fonds publics et à évaluer les programmes et les politiques lancés au niveau fédéral. Entre avril 2005 et mars 2006, le GAO s'est intéressé au programme national de limitation des effets de l'aléa tsunami (NTHMP) et a dressé un bilan plutôt mitigé de ses actions. 1. Une évaluation des risques très partielle Le GAO a constaté que dans les Etats et territoires à risque (Alaska, Washington, Oregon, Californie, Hawaï pour le Pacifique ainsi que Puerto Rico et les îles Vierges pour la Caraïbe), de nombreuses régions soit n'ont pas établi de cartes d'inondation, soit disposent de documents qui ne sont pas fiables, alors même que le NTHMP prévoyait la réalisation desdites cartes pour toutes les communautés à risque d'ici 1999. Le GAO a également regretté l'absence de prévision fine concernant les pertes humaines et les dégâts touchant les infrastructures, les administrations ainsi que les équipements vitaux (centrales électriques, hôpitaux, réseaux de télécommunications...). Il a fait remarquer que des logiciels permettant de quantifier les dommages existaient pour d'autres aléas (inondations, tornades, tremblements de terre) et a exhorté la NOAA à en développer un pour l'aléa tsunami. 2. Un dispositif d'alerte mal calibré Par ailleurs, le GAO a critiqué le nombre de fausses alertes émises par les centres d'Hawaï et d'Alaska. Tout en se félicitant de la réduction des délais d'émission des bulletins d'alerte, il a constaté que depuis 1982, les 16 alertes annonçant un tsunami destructeur sur les côtes des Etats-Unis s'étaient révélées erronées. Or, ces fausses alertes décrédibilisent le dispositif et s'avère très coûteuse : l'évacuation des côtes hawaïennes en 1994 aurait coûté 58,2 millions de dollars (en dollars courants). Il a également estimé que la liste des régions destinataires du message d'alerte initial était trop large et ne tenait pas compte de l'éloignement géographique qui permet d'affiner les prévisions au fur et à mesure de la propagation du tsunami. 3. Des lacunes dans le système de transmission de l'alerte Le GAO a relevé des dysfonctionnements techniques dans la transmission des messages. Il a rappelé que les centres d'alerte transmettent les messages aux services de prévision de l'agence météo fédérale (National Weather Service) qui les diffuse à travers la radio météo de la NOAA et le « système d'alerte d'urgence ». La radio météo de la NOAA est un réseau de radios sur tout le territoire diffusant en continu et 24h sur 24 des informations météorologiques, dont les alertes liées aux risques naturels. Quant au système d'alerte d'urgence, il s'agit d'un moyen de communication à l'origine réservé au Président des Etats-Unis afin d'entrer directement en contact avec la population en cas d'urgence. Ce système peut en outre décoder et retransmettre les messages d'alerte diffusés sur la radio météo de la NOAA à travers le réseau de radios et télévisions et par câble. Or, le GAO a constaté que certaines villes côtières n'étaient pas en mesure de recevoir les informations de la radio météo de la NOAA ou/et du système d'alerte d'urgence. Il a donc recommandé d'effectuer des tests permettant de contrôler l'ensemble de la chaîne de transmission des informations. 4. Des failles dans le dispositif de prévention des tsunamis La GAO s'est interrogé sur l'effectivité des dispositifs de prévention dépendant du réseau téléphonique tels que les sirènes sans transmission satellitaire et les messages d'alerte basés sur internet. En cas de forts séismes, ces infrastructures seront hors d'usage. L'expérience montre qu'elles seront de toute façon saturées dès le premier message d'alerte, ce qui peut compromettre les communications entre les différents services chargés de la sécurité civile s'ils ne disposent pas de téléphones par satellite. En outre, le GAO a insisté sur la nécessité de réaliser des exercices d'entraînement pour déceler les faiblesses du dispositif en citant en exemple la sous-évaluation régulièrement constatée des temps d'évacuation et des difficultés afférentes à la gestion du trafic (certains voies d'accès pouvant être inondées et donc inutilisables). 5. Une information contrastée de la population Le GAO a constaté que peu de régions à risque s'étaient assurées que la population ait eu connaissance de l'existence de plans d'évacuation à travers soit leur distribution généralisée, soit leur insertion dans l'annuaire. De même, la sensibilisation des écoliers et l'organisation d'exercices d'évacuation est très variable d'un Etat à l'autre. 6. Des plans d'aménagement urbains négligeant l'aléa tsunami LE GAO a regretté l'absence de prise en compte de l'aléa tsunami dans l'aménagement urbain des régions à risque. L'Oregon serait le seul Etat à avoir adopté des limitations en matière de construction de structures à forte occupation dans les zones inondables. 7. Une extension du champ d'application du programme national de prévention des effets de l'aléa tsunami contesté Le GAO s'est interrogé sur l'utilité d'étendre ledit programme de prévention à des régions peu ou pas concernées par l'aléa tsunami telles que la côte atlantique et le Golfe du Mexique et a craint un saupoudrage des crédits aux dépens des zones réellement à risque. Après avoir constaté que les tsunamis locaux constituaient les risques les plus forts pour la plupart des régions aux Etats-Unis, il s'est montré dubitatif sur la stratégie de la NOAA visant à étendre le réseau des bouées DART et à améliorer les performances des centres d'alerte alors que la sensibilisation de la population aux bons réflexes (comme aller chercher refuge dans une zone surélevée en cas de fort séisme) devrait être une priorité. En conclusion, le GAO a regretté que l'efficacité dudit programme n'ait jamais été évaluée avant d'en décider son extension. Ainsi, aucune étude n'a été réalisée sur l'efficacité des programmes d'éducation et de sensibilisation du public et aucun bilan n'a été dressé sur les forces et les faiblesses du dispositif. Source : Government Accountability Office |
* 15 Cette zone est située au large des Etats de Washington, Oregon et Californie.
* 16 Il pourrait être traduit « prêt à affronter un tsunami ».
* 17 500 sites sont potentiellement concernés.
* 18 Loi de dotations supplémentaires d'urgence
* 19 NTHMP : national tsunami hazard mitigation program