N° 132

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008

Annexe au procès-verbal de la séance du 12 décembre 2007

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) et du groupe d'études sur l'Arctique, l'Antarctique et les Terres australes (2) , sur la présence française en Arctique , en Antarctique et dans les Terres australes ,

Par M. Christian COINTAT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Jacques Hyest, président ; MM. Patrice Gélard, Bernard Saugey, Jean-Claude Peyronnet, François Zocchetto, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Georges Othily, vice-présidents ; MM. Christian Cointat, Pierre Jarlier, Jacques Mahéas, Simon Sutour, secrétaires ; M. Nicolas Alfonsi, Mme Michèle André, M. Philippe Arnaud, Mme Eliane Assassi, MM. Robert Badinter, José Balarello, Laurent Béteille, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. François-Noël Buffet, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Yves Détraigne, Michel Dreyfus-Schmidt, Pierre Fauchon, Gaston Flosse, Bernard Frimat, René Garrec, Jean-Claude Gaudin, Charles Gautier, Jacques Gautier, Mme Jacqueline Gourault, M. Jean-René Lecerf, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Hugues Portelli, Marcel Rainaud, Henri de Richemont, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Troendle, MM. Alex Türk, Jean-Pierre Vial, Jean-Paul Virapoullé, Richard Yung.

(2) Ce groupe d'études est composé de : M. Christian Cointat, président ; MM. Laurent Béteille, Christian Gaudin, Roland Ries, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Janine Rozier, vice-présidents ; MM. Bertrand Auban, Jean-Guy Branger, Mmes Evelyne Didier, Christiane Kammermann, M. François Trucy, secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Auguste Cazalet, Jean-Léonce Dupont, Patrice Gélard, Alain Gérard, Jean-Jacques Hyest, Jean-Marc Juilhard, Jean-François Le Grand, Georges Mouly, Jean-Marc Pastor, Henri Torre et André Vantomme.

GLOSSAIRE des termes, références, et abréviations utilisés au cours des auditions

Base Charcot : base scientifique française établie en Terre Adélie, pour la durée de l'Année géophysique internationale entre 1957 et 1958 et destinée à l'étude de la glaciologie

Biomasse : masse de matière vivante subsistant en équilibre sur une surface donnée du globe terrestre

CNRS : Centre national de la recherche scientifique

Concordia : base franco-italienne établie en Antarctique au site de Dôme C, à 3.233 mètres d'altitude, dans la zone australienne

EPICA : projet de forage européen des glaces en Antarctique (European Project for Ice Coring in Antarctica). Effectué à Dôme C, ce forage permet des recherches paléoclimatologiques sur plus de 800.000 ans. Ce projet est financé par l'Union Européenne et les contributions nationales de l'Allemagne, de la Belgique, du Danemark, de la France, de l'Italie, de la Norvège, des Pays-Bas, du Royaume-Uni, de la Suède et de la Suisse

Espèce endémique : qualifie une espèce que l'on ne trouve naturellement que dans une région donnée et nulle part ailleurs. Contraire : èspèce invasive

Gradient : taux de variation d'une grandeur physique en fonction de la distance. Ainsi, le gradient de température mesure la variation de la température en fonction de l'altitude

Interférométrie : technique de mesure utilisant les interférences entre plusieurs ondes

IPEV : Institut polaire français Paul-Emile Victor

Névé : masse de neige durcie en haute altitude, qui peut alimenter un glacier

TAAF : Terres australes et antarctiques françaises

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L'année polaire internationale 2007-2008 en France, s'est ouverte au Sénat le 1 er mars 2007 1 ( * ) . Il s'agit de la quatrième année polaire internationale après celles de 1882-1883, 1932-1933 et 1957-1958, chacune ayant permis des avancées considérables dans la connaissance de notre planète. Elle intervient à un moment où l'homme prend conscience des conséquences de son activité sur l'environnement et appréhende l'évolution du climat.

Les régions polaires et subantarctiques présentent à cet égard un intérêt indéniable, en raison de leur exceptionnelle biodiversité et des conditions d'observation qu'elles offrent aux chercheurs. La France y entretient une activité scientifique permanente, au sein des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), mais aussi en participant à des programmes internationaux de recherche.

Aussi le groupe d'études sur l'Arctique, l'Antarctique et les Terres australes a-t-il souhaité dresser un bilan de la présence française dans les régions polaires et subantarctiques, en étudiant plus particulièrement les conditions du développement de la recherche scientifique.

Le groupe d'études, rattaché à la commission des lois et rassemblant des sénateurs membres de toutes les commissions, a donc organisé le 25 septembre 2007 une série d'auditions consacrées à l'organisation de la recherche dans les TAAF. Ces auditions avaient notamment pour objectif d'analyser les relations entre cette collectivité, qui se distingue par l'absence de résidents permanents, et le monde de la recherche scientifique auquel elle apporte un appui précieux. Le président du groupe d'études a présenté une synthèse des auditions lors de la réunion de la commission des lois du mercredi 12 décembre 2007, sous la présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président. La commission a autorisé la publication du présent rapport.

Ces auditions ont permis de vérifier que les TAAF et l'Institut polaire français Paul-Emile Victor (IPEV), chargé d'offrir un cadre juridique ainsi que les moyens humains, logistiques, techniques et financiers nécessaires au développement de la recherche française dans les régions polaires, ont établi une coopération efficace.

Il incombe en effet aux TAAF, collectivité de la République, et à l'IPEV, groupement d'intérêt public auquel prennent part notamment le ministère de la recherche, le ministère des affaires étrangères et le CNRS, de favoriser, dans le respect d'écosystèmes fragiles, la réalisation de travaux de recherche dont les résultats bénéficient à l'humanité tout entière.

Comme l'ont souligné l'ensemble des personnalités entendues par le groupe d'études, les régions polaires et subantarctiques constituent des lieux d'observation privilégiés de l'histoire du climat, des séismes et de la biodiversité. Fortement présente dans ces régions, la France doit en préserver l'équilibre et y développer des activités de recherche en partenariat avec d'autres pays.

Aux côtés des travaux déjà publiés par notre collègue Christian Gaudin, vice-président du groupe d'études, en tant que rapporteur de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) sur la place de la France dans les enjeux internationaux de la recherche en milieu polaire 2 ( * ) , le présent rapport tend à démontrer, en donnant la parole aux spécialistes, la nécessité de faire connaître et de soutenir cette action. Une brève présentation de l'organisation et de l'intérêt stratégique des TAAF précède le compte rendu des auditions du 25 septembre 2007.

Enfin, votre rapporteur remercie MM. Eric Pilloton, préfet administrateur supérieur des TAAF, et Gérard Jugie, directeur de l'IPEV, pour leur précieux concours à l'organisation des auditions du groupe d'études et pour les cartes et photographies dont ils ont autorisé la reproduction dans le présent rapport.

*

* *

I. LES TERRES AUSTRALES ET ANTARCTIQUES FRANÇAISES, UNE ORGANISATION ORIGINALE AU SERVICE D'UN POTENTIEL UNIQUE

M. Eric Pilloton , préfet, administrateur supérieur des TAAF, a indiqué que la présence humaine dans les TAAF se justifiait par une double dimension scientifique. La première correspond à des activités d'observation, la Terre Adélie, les Terres australes et les Iles Eparses étant des sites privilégiés pour des opérations de surveillance sismologique et météorologique. La seconde dimension scientifique est celle de la recherche.

La France bénéficie d'un atout exceptionnel vis-à-vis des autres pays car elle dispose d'une véritable continuité permettant des observations du point le plus chaud au plus froid. La présence humaine physique est également liée à l'activité économique suscitée par la pêche.

A. UNE COLLECTIVITÉ SUI GENERIS AU STATUT RÉCEMMENT ACTUALISÉ

1. La présence française dans les Terres australes et en Antarctique

Aux termes de l'article premier de la loi n° 55-1052 du 6 août 1955 portant statut des Terres australes et antarctiques françaises et de l'île de Clipperton, les TAAF comprennent :

- les Terres australes : Crozet, Kerguelen, Saint-Paul-et-Amsterdam ;

- la Terre Adélie en Antarctique ;

- les Iles Eparses : Bassas da India, Europa, Glorieuses, Juan de Nova, Tromelin.

En Antarctique, la souveraineté française sur la Terre Adélie s'exerce dans le cadre du traité de Washington de 1959, qui a gelé toutes les revendications territoriales et affirmé la liberté de la recherche scientifique sur tout le continent. Le traité a été complété en 1991 par le protocole de Madrid sur la protection de l'environnement, qui fait de ce continent « une réserve naturelle consacrée à la paix et à la science ». La France s'intègre dans ce système international en étant à la fois :

- signataire dès l'origine du traité de Washington, avec 12 pays. Les signataires du traité sont aujourd'hui au nombre de 45 ;

- reconnue par ce traité comme un Etat possessionné (les 6 autres Etats possessionnés sont l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Chili, l'Argentine, le Royaume-Uni et la Norvège) ;

- partie consultative, comme 28 autres Etats signataires du traité. Ce groupe comprend les 12 Etats signataires en 1959 et 16 autres Etats qui ont acquis le statut de partie consultative après avoir démontré l'intérêt qu'ils portent à l'Antarctique « en y menant des activités substantielles de recherche scientifique telles que l'établissement d'une station ou l'envoi d'une expédition » (art. 9 du traité sur l'Antarctique). Ces Etats ont un droit de vote lors des réunions des parties consultatives.

M. Eric Pilloton , préfet, administrateur supérieur des TAAF, a rappelé que la présence humaine dans les différents districts au sein des îles était totalement artificielle, aucun habitant n'y résidant en permanence. Seule une vie artificielle a pu se développer, à partir de bases qui ont été implantées à compter du début des années 1950. Ces bases constituent un élément central pour maintenir une présence humaine, et par conséquent une présence du monde scientifique, dans ces régions.

Les îles australes

Saint-Paul

Amsterdam

Crozet

Kerguelen

Distance de l'île de La Réunion

2.880 km

2.880 km

2.860 km

3.490 km

Superficie totale

7 km²

58 km 2

> 500 km 2

7.215 km 2

Organisation des îles

Saint-Paul est à 85 km au sud d'Amsterdam

2 groupes d'îles
(3 + 2) distants de 110 km

Une grande île et environ 300 îlots

Ile principale
(superficie)

id.

id.

Ile de la Possession
(150 km 2 )

La Grande Terre
(6.675 km 2 )

Caractéristiques

- Origine volcanique
- Iles les plus isolées au monde

- Iles escarpées
- Grandes colonies d'oiseaux

Plus grand archipel austral français

Point culminant

Crête de Novara
(268 m)

Mont de la Dives
(881 m)

Pic Marion-Dufresne
île de l'Est
(1.090 m)

Mont Ross
(1.850 m)

Base

Martin-de-Viviès

Alfred Faure

Port-aux-Français

Source : Institut polaire français Paul-Emile Victor

* 1 Voir les actes du colloque d'ouverture de l'année polaire internationale, dans le rapport fait au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques sur la place de la France dans les enjeux internationaux de la recherche en milieu polaire : le cas de l'Antarctique, par M. Christian Gaudin, n° 362 (2006-2007), en ligne sur le site Internet du Sénat : http://www.senat.fr/noticerap/2006/r06-362-notice.html.

* 2 Rapport sur la place de la France dans les enjeux internationaux de la recherche en milieu polaire : le cas de l'Antarctique, Sénat n° 230, 14 février 2007, en ligne sur le site Internet du Sénat : http://www.senat.fr/noticerap/2006/r06-230-notice.html.

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