2. Une redistributivité qui ne rime pas nécessairement avec iniquité

A cette question de redistributivité est souvent amalgamée une autre, pourtant différente : celle de l'équité intergénérationnelle du système des retraites . Les différentes générations cotisantes ne risquent-elles pas d'être victimes d'un marché de dupes, selon lequel elles auraient subi des prélèvements sur leurs revenus supérieurs aux droits exerçables en échange ?

La question de l'équité vue à travers l'égalité du traitement entre les générations ne peut être posée en des termes si généraux .

Il existe des difficultés majeures qui portent sur les termes de la comparaison . Cette question de l'équité devrait être abordée en considérant la situation des différentes générations et en prenant en compte la totalité de leur cycle de vie. Or, celle-ci est évidemment tributaire d'une multitude de transferts entre générations, monétaires : le taux d'épargne, l'effort d'investissement, les dépenses d'éducation... ou non : l'attention éducative, la prise en charge familiale des problèmes de vie....

L'équité du système de retraite du point de vue des générations serait assuré dès lors qu'il n'induirait pas de rupture au regard de leur revenu total actualisé .

Cette démarche est parfois délaissée au profit d'une comparaison à un instant donné de la situation respective des différentes classes d'âge. Cette comparaison est beaucoup plus aisée mais elle n'est pas éclairante.

Elle ne livre qu'un message partiel sur les effets, par génération, du régime de retraite.

3. Aperçus empiriques sur quelques aspects de l'équité intergénérationnelle

Si l' on examine l'équité intergénérationnelle instantanée, et sur la base du critère selon lequel le niveau de vie des actifs et des retraités devrait être identique, on observe qu'après de nets progrès entre 1975 et 1990, un reflux certain de la parité des niveaux de vie s'est produit au cours des années 90 .

Ce processus semble résulter pour beaucoup d'une sous-indexation des pensions par rapport aux salaires .

Il reste que la comparaison instantanée des niveaux de vie et une approche de l'équité reposant sur les seules données monétaires ne permettent pas d'appréhender le problème correctement comme on l'a indiqué précédemment.

Afin de mieux prendre en compte la totalité du cycle de vie , un critère d'égalité des rendements actuariels peut être examiné.

Le système de retraite serait équitable si chaque génération pouvait « récupérer » en fonction de ce qu'elle a donné, c'est-à-dire si le rendement des cotisations versées par chacune se révélait uniforme pour toutes les générations .

Juger de l'équité du système de retraite sous cet angle, conduirait à observer l'existence d'un problème structurel d'équité. Génération après génération, le taux de rendement actuariel des cotisations s'est modifié et est allé en se dégradant.

RENDEMENT ACTUARIEL PAR GÉNÉRATION

Source : Antoine Bozio, thèse EHESS

Les taux de rendement actuariels perçus par chaque génération depuis celle de 1902, calculé à partir de leurs efforts contributifs, ont nettement varié à la baisse .

Les générations anciennes ont reçu des actifs des prestations qui ont de beaucoup excédé leurs propres contributions. Au fur et à mesure que se succédaient les générations, ce transfert s'est amenuisé. Les générations successives ont connu des ratios « prestations assurées à elles/ cotisations versées par elles » qui ont diminué. Ce mouvement accrédite l'idée d'une redistribution des générations les plus neuves au profit des générations relativement plus anciennes.

Toutefois, il convient de se garder des interprétations erronées que risque d'engendrer des raisonnements conçus à partir du seul taux de rendement des cotisations-retraite .

Vue sous l'angle du taux de rendement des cotisations, la mise en place du régime de retraites par répartition a été très favorable aux premières générations puisque celles-ci n'avaient pas eu à cotiser beaucoup avant de bénéficier des pensions servies par le régime. Cependant, considéré d'un autre point de vue (la durée des retraites, l'ampleur des prestations), le régime a finalement apporté des avantages à ces générations qui ont été faibles. Corrélativement, la contribution des générations suivantes a alors peu amputé leur revenu.

Ainsi, dans une large mesure, la pente descendante de la courbe du graphique ci-dessus correspond à une maturation du système de retraite par répartition .

En régime de croisière , les rendements d'un tel système , à taux de remplacement et à âge de départ en retraite constants, tournent autour de la variation annuelle de la masse salariale corrigée de l'augmentation de l'espérance de vie .

Dans un tel contexte, les transferts entre génération tels qu'ils sont appréciés à partir du taux de rendement des cotisations varient à raison :

- du rythme de croissance ;

- de la variation de la durée de service des pensions (l'espérance de vie) ;

- d' éventuelles modifications institutionnelles ;

- et, dans une vision dynamique, de l'évolution du rapport démographique .

Entre 1975 et le milieu des années 80, le niveau de vie relatif des retraités 108 ( * ) s'est amélioré. La génération la plus jeune (celle des 65-69 ans) a davantage profité de ce mouvement général que les autres du fait de l'amélioration des taux de remplacement global (en lien avec des modifications institutionnelles des régimes et de celle des salaires servant d'assiettes à la liquidation des retraites (voir ci-après)).

Au-delà, la parité des niveaux de vie entre actifs et retraités a été altérée, une partie de ce processus pouvant être attribuée à des progressions importantes des salaires dans la phase haute du cycle de la fin des années 90.

NIVEAU DE VIE RELATIF DES MÉNAGES DE RETRAITÉS
COMPARÉ AUX MÉNAGES D'ACTIFS (DONT LE CHEF A MOINS DE 65 ANS)

Source : INSEE-DGI, enquêtes « Revenus fiscaux ».

* 108 Niveau de vie relatif à celui des actifs. Le niveau de vie des ménages tient compte de la taille des ménages selon la clef de pondération usuelle (une unité de consommation pour le premier adulte, 0,5 pour les personnes au-delà de 14 ans, 0,3 pour les enfants de moins de 14 ans) et inclut l'ensemble de leurs ressources (y compris celles tirées de leur patrimoine), sauf les loyers fictifs - c'est-à-dire l'équivalent monétaire de leurs logements par les propriétaires occupants.

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