c) La collecte de données spécifiques à titre préventif

Certaines données ne sont pas conservées très longtemps par les acteurs qui les possèdent. En effet, le principe de proportionnalité impose des durées de conservation adéquates en fonction notamment de la finalité. De nombreuses données sont conservées uniquement à des fins commerciales ou techniques et peuvent rapidement ne plus être utiles à l'opérateur qui les a générées ou conservées.

Toutefois, ces données peuvent présenter un intérêt particulier pour la police ou la justice. Le risque est qu'elles aient été effacées.

Telle est la raison pour laquelle sont apparues depuis quelques années des obligations légales particulières de conservation de données collectées par des acteurs privés à des fins commerciales ou de services, afin que ces données puissent aussi servir à des fins de prévention et de répression d'infractions.

Ces dispositifs font songer à des « filets dérivants » capturant de nombreuses données relatives à des citoyens ordinaires afin, d'une part, de détecter des activités terroristes ou criminelles et, d'autre part, de pouvoir réveiller ces données en cas de besoin.

Cette démarche est distincte de celle des fichiers de police traditionnels qui ont pour objet d'accumuler des données sur des personnes déjà connues des services.

Le principal reproche fait à ces collectes indifférenciées de données est de considérer chaque utilisateur comme un suspect a priori . Ses données personnelles sont conservées au cas où elles se révèleraient intéressantes ultérieurement.

Deux grands ensembles de données jugées stratégiques sont ainsi soumis à une obligation de conservation ou de transmission spéciale :

- les données techniques de connexion conservées par les opérateurs de communications électroniques 20 ( * ) (opérateurs de téléphonie fixe et mobile et fournisseurs d'accès à Internet) et les hébergeurs de site Internet (voir infra ) ;

- les données PNR détenues par les compagnies aériennes et les agences de voyage 21 ( * ) .

On observera à ce propos que si des divergences importantes subsistent entre Européens et Américains sur les modalités de l'utilisation des données PNR (nombre de données collectées, durée de conservation, finalités poursuivies...), il y a désormais une convergence sur l'opportunité d'utiliser ces données aux fins de lutter contre le terrorisme et la criminalité organisée.

Dans un ordre d'idée similaire, le motif parfois avancé en faveur de l'installation d'un système de vidéosurveillance est de conserver des images permettant, en cas d'infractions, de pouvoir connaître a posteriori les circonstances dans lesquelles elles ont été commises.

Enfin, rappelons que la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme a pérennisé et étendu la possibilité de mettre en place des dispositifs de contrôle des données signalétiques des véhicules et de leurs passagers. En tous points du territoire national, notamment les zones frontalières, portuaires et aéroportuaires et les grands axes de transit, peuvent être installés des dispositifs fixes ou mobiles de contrôle automatisé des plaques minéralogiques. Ce traitement de données est interconnecté avec le fichier des véhicules volés et le système d'information Schengen. Les finalités sont la lutte contre le terrorisme, les infractions criminelles et le vol de véhicules.

La CNIL avait émis de fortes réserves à l'époque, estimant que ce dispositif conduirait « à pouvoir soumettre à une surveillance automatique l'ensemble des déplacements des personnes en France utilisant le réseau routier, ce qui serait de nature à porter atteinte au principe fondamental de la liberté d'aller et venir ». Elle ajoutait que la collecte systématique de la photographie des passagers pourrait conduire à l'instauration d'un contrôle d'identité à l'insu des personnes.

* 20 Loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne, complétée par la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme. Voir le rapport n° 117 (2005-2006) de notre collègue Jean-Patrick Courtois au nom de la commission des lois.

* 21 Voir le rapport n° 401 (2008-2009) précité de votre co-rapporteur Yves Détraigne au nom de la commission des lois.

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