5. Des conditions matérielles dégradantes qui n'ont jamais fait l'objet d'un arrêté ministériel pourtant prévu

Selon l'article 69 du décret susvisé n°2001-635, les conditions matérielles de rétention et la liste des équipements nécessaires à l'hébergement des retenus au CRA de Mayotte doivent faire l'objet d'un arrêté conjoint des ministres chargés des affaires sociales, de l'intérieur et de la défense et, selon l'article 70, le CRA doit être mis en conformité avec les dispositions de l'article précité dans un délai de 3 ans suivant la publication de ce décret.

Or, l'absence de cet arrêté et le non respect - ipso facto - de normes à l'échéance du 11 juillet 2004 conduit à une situation matérielle préoccupante :

- le CRA est composé de trois pièces : l'une d'environ 60 m² est réservée aux femmes, une autre est allouée aux hommes et mesure environ 50 m², une troisième pièce vide sert aux "regroupements" avant les départs ;

- il n'y a pas de lits, les personnes retenues dorment soit à même le sol, soit sur des nattes parfois lavées au karcher en même temps que le sol. Ces équipements étaient lors de la visite de la Cour en nombre trop réduit par rapport à l'effectif. Selon la préfecture, des nattes en nombre suffisant ont été récemment commandées ;

- il n'y avait pas, lors de la visite de la Cour, d'espace pour les enfants (pas de table à langer, pas de lit pour bébé, pas de jeux) en dépit du nombre élevé d'enfants retenus, y compris en bas-âge. Selon la préfecture, un espace de jeu a été créé récemment, mais détruit en moins de 15 jours ;

- aucune lumière naturelle ne pénètre dans les pièces ;

- les repas sont pris à même le sol, dans un plat commun, sans couverts. Ils sont constitués de riz et d'un peu de viande, ne comprennent ni entrée, ni dessert, pour un prix élevé pour la région (4,50 €/repas/retenu). Ce même constat a été fait par les services de la direction des affaires sanitaires et sociales. Selon le DGPN, la création depuis la visite de la Cour d'un réfectoire et d'une cuisine permet que les repas soient dorénavant pris à table, avec des assiettes et des couverts ;

- le nettoyage des pièces théoriquement assuré deux fois par jour laisse à désirer ;

- il n'y a pas de système anti- moustique ;

- il n'y a pas de cour de promenade ;

- les toilettes et les douches sont communes aux hommes, femmes et enfants. Les mauvaises odeurs circulent dans le CRA car les sanitaires ne sont pas isolés. Selon le DGPN, et depuis le passage de la Cour, la séparation entre les hommes et les femmes a été effectuée pour les douches ;

- aucun exercice de sécurité incendie n'a été réalisé depuis 2006. En cas d'incendie au milieu du CRA qui condamnerait l'entrée et les sorties, les deux salles « hommes » et « familles » qui ne disposent pas de sorties extérieures, ni de fenêtres constitueraient des zones closes.

Certes, ces derniers mois, des travaux ont été réalisés en vue d'améliorer les conditions de rétention : la création d'une infirmerie en avril 2008 (162 000 € pris en charge par la DASS), des sanitaires et des douches pour les femmes et enfants, un réfectoire, mais la capacité du CRA n'a pas évolué.

Saisie en décembre 2007 par deux parlementaires suite au naufrage d'un kwassa- kwassa provoqué par sa collision avec une vedette de la PAF au large de Mayotte, dans la nuit du 3 au 4 décembre, la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) a rendu un rapport le 15 avril 2008.

Dans son rapport, la CNDS, qui avait visité le CRA lors de son enquête estime que « le centre de rétention administrative de Mayotte est indigne de la République, sa capacité théorique doit être respectée comme c'est le cas dans les centres de rétention administrative en métropole. La construction d'un nouveau centre annoncée depuis près de dix ans s'impose dans les plus brefs délais. Les conditions de vie au centre de rétention administrative de Mayotte portent gravement atteinte à la dignité des mineurs retenus." De plus, la commission demande que les mineurs "ne soient plus placés en rétention dans l'actuel centre", conformément à la réglementation française et internationale en vigueur.

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