N° 1808

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

N° 546

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2008-2009

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale

Enregistré à la Présidence du Sénat

le 8 juillet 2009

le 8 juillet 2009

OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION

DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES

RAPPORT

sur

les dispositifs d' alerte aux tsunamis en France et dans le monde (compte rendu de l'audition publique du 23 juin 2009),

Par

MM. Jean-Claude ETIENNE et Roland COURTEAU, sénateurs.

Déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale

par M. Claude BIRRAUX

Président de l'Office.

Déposé sur le Bureau du Sénat

par M. Jean-Claude ETIENNE

Premier Vice-Président de l'Office .

Composition de l'Office parlementaire d'évaluation

des choix scientifiques et technologiques

Président

M. Claude BIRRAUX

Premier Vice-Président

M. Jean-Claude ETIENNE

Vice-Présidents

M. Claude GATIGNOL, député

Mme Brigitte BOUT, sénateur

M. Pierre LASBORDES, député

M. Christian GAUDIN, sénateur

M. Jean-Yves LE DÉAUT, député

M. Daniel RAOUL, sénateur

Députés

Sénateurs

M. Christian BATAILLE

M. Gilbert BARBIER

M. Jean-Pierre BRARD

M. Paul BLANC

M. Alain CLAEYS

Mme Marie-Christine BLANDIN

M. Pierre COHEN

M. Marcel-Pierre CLÉACH

M. Jean-Pierre DOOR

M. Roland COURTEAU

Mme Geneviève FIORASO

M. Marc DAUNIS

M. Alain GEST

M. Marcel DENEUX

M. François GOULARD

M. Serge LAGAUCHE

M. Christian KERT

M. Jean-Marc PASTOR

M. Michel LEJEUNE

M. Xavier PINTAT

M. Claude LETEURTRE

Mme Catherine PROCACCIA

Mme Bérengère POLETTI

M. Ivan RENAR

M. Jean-Louis TOURAINE

M. Bruno SIDO

M. Jean-Sébastien VIALATTE

M. Alain VASSELLE

OUVERTURE

M. Roland COURTEAU , Sénateur de l'Aude

Mesdames et Messieurs, je suis tout d'abord très heureux de vous accueillir dans les locaux du Sénat, de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques pour cette matinée d'audition publique sur les dispositifs d'alerte aux tsunamis. Cette audition publique constitue une nouveauté pour nous, non pas que l'Office ait jamais organisé d'audition publique, au contraire, depuis quelques années, c'est devenu pour lui une manière privilégiée de se saisir des débats d'actualité comme en témoignent d'ailleurs les dernières auditions qui portaient sur les pesticides, le téléphone mobile ou encore l'obésité, pour n'en citer que quelques-unes. En réalité, la nouveauté de cette audition publique vient du fait qu'elle permet le suivi d'un rapport que l'office m'avait chargé de réaliser en 2005 sur l'évaluation et la prévention du risque de tsunami sur les côtes françaises en métropole et Outre-mer.

Je vous rappelle brièvement le contexte d'alors : le 26 décembre 2004 un tsunami s'était abattu sur les côtes de l'Asie du Sud-Est, faisant près de 250 000 victimes en Indonésie mais également en Thaïlande, en Malaisie, aux Maldives, en Inde et au Sri Lanka. Pourtant, statistiquement, les tsunamis enregistrés dans l'océan Indien ne représentent que 5 % de l'ensemble des tsunamis. La communauté internationale prenait soudain conscience qu'aucune côte n'était à l'abri de cet aléa et que si la fréquence des tsunamis est faible, ces événements peuvent avoir des conséquences dramatiques. Sous l'égide de la Commission océanique intergouvernementale de l'UNESCO, il fut alors décidé d'instaurer des dispositifs d'alerte permettant de protéger les quatre bassins, à savoir le Pacifique, où un réseau existait déjà, l'océan Indien, les Caraïbes et enfin, la zone Méditerranée-Atlantique Nord qui m'est particulièrement chère.

Compte tenu de sa vulnérabilité au tsunami, la France était appelée à jouer un rôle important dans la mise en place de ces dispositifs d'alerte. En effet, il ne faut pas oublier que les zones économiques françaises couvrent plus de 10 millions de km 2 dans l'océan Pacifique, l'océan Indien et l'océan Atlantique. La France compte 12 000 km de côtes Outre-mer ; or, le risque de tsunami existe particulièrement à la Réunion, dans le Pacifique et aux Antilles.

Environ sept heures après le séisme du 26 décembre 2004 au large de Sumatra, le tsunami a atteint les côtes de La Réunion avec des vagues d'une hauteur maximale de 2,50 m qui ont provoqué 500 000 euros de dégâts matériels. Dans le Pacifique, l'analyse des séismes historiques entre 1883 et 2005 laisse penser qu'au moins quinze tsunamis ont touché les côtes polynésiennes dont onze ont fait des dommages et deux, des victimes. De même, les études récentes en Nouvelle-Calédonie ont montré que plusieurs tsunamis avaient touché cette île, le dernier remontant au 1 er avril 2007. Aux Antilles, l'histoire des tsunamis est encore mal connue mais on sait que le tremblement de terre de Lisbonne en 1755 causa des vagues de 3 à 6 mètres de haut. La dernière décennie fut marquée également par plusieurs événements en 2003, 2004 et 2006. En métropole enfin, la France compte 5 800 kilomètres de côtes ; or plusieurs événements ont été répertoriés sur les côtes méditerranéennes. Ainsi, le 16 octobre 1979, l'effondrement d'une partie de l'aéroport de Nice a entraîné des vagues de trois mètres de haut sur Antibes. Par ailleurs, le 21 mai 2003 le tsunami généré par le séisme de Boumerdès en Algérie, de magnitude 6,8 sur l'échelle de Richter, a causé des dégâts dans certains ports français : ces deux événements sont symptomatiques des événements qui pourraient affecter à l'avenir la Côte d'Azur ou encore certains autres points de la côte méditerranéenne - et je pense naturellement au Languedoc-Roussillon.

Le risque de tsunami existe donc pour les côtes françaises. Pourtant, lorsque j'ai rendu les conclusions de mon rapport en 2007, le bilan de l'action française était plutôt mitigé. Le dynamisme initial semblait s'être essoufflé, ce qui conduisait notre pays à mal respecter les engagements internationaux. J'avais donc fait une série de propositions que je n'énumérerai pas ici - je vous renvoie à mon rapport - mais qui se fondait sur les principes suivants : d'abord, confier au CEA la mission de centre national d'alerte aux tsunamis pour la Méditerranée et l'Atlantique Nord-Est, les Antilles et l'océan Indien, et le charger de mettre au point une méthode de prévision des tsunamis régionaux et lointains.

Certains peuvent se demander ce que vient faire le CEA dans un dispositif d'alerte au tsunami ; je rappelle donc brièvement que le CEA, à travers son laboratoire de géophysique de Tahiti, était chargé de la surveillance des activités nucléaires de la France dans le Pacifique. Or, les secousses liées à l'explosion d'une bombe atomique se détectent de la même manière qu'un tremblement de terre. Comme les tremblements de terre sont l'une des causes de tsunami, le réseau sismique polynésien du laboratoire de géophysique sert également à la surveillance des tsunamis. Par ailleurs, le rôle du CEA, d'une part dans la surveillance des essais nucléaires à la suite de la signature par la France du traité d'interdiction complète des essais nucléaires et d'autre part dans la surveillance sismique nationale fait de lui l'organisme ayant naturellement vocation à gérer le dispositif d'alerte aux tsunamis. Néanmoins, le CEA, à lui seul, ne peut gérer l'ensemble des alertes.

En effet, pour être efficace, un système d'alerte doit remplir deux conditions : d'une part, il faut bien connaître l'aléa, ce qui signifie non seulement être capable de comprendre le phénomène, mais également pouvoir le prévoir, c'est-à-dire le localiser et savoir dans quelles limites de temps est faite la prévision ; connaître l'aléa fait donc appel à de nombreuses disciplines scientifiques comme la sismologie, la géologie, l'océanographie, il faut (mais vous le savez) collecter les données liées directement à un événement particulier mais également avoir une connaissance plus générale des sources des tsunamis et de leur localisation à travers l'étude des failles des instabilités rocheuses et des volcans actifs. Il faut aussi élaborer des catalogues pour faire des simulations numériques. D'autre part, au-delà de la connaissance de l'aléa, le dispositif doit être efficace ; concrètement, cela signifie qu'il doit être opérationnel, rapide et fiable. Ainsi, lorsque le risque de tsunami est avéré, l'information doit être rapidement transmise aux autorités en charge de la sécurité civile afin qu'elles prennent les dispositions nécessaires. En outre, le dispositif de protection de la population doit faire l'objet d'un plan préétabli. Dit de manière un peu brutale, ce n'est pas quand le tsunami arrive que l'on commence à se demander comment on va évacuer la population. Enfin - et c'est très important - la population doit être informée sur le risque de tsunami et avoir les bons réflexes ; cette politique de sensibilisation représente souvent le maillon faible dans les systèmes d'alerte. Pourtant, elle est essentielle à la réussite du dispositif.

Compte tenu de ce que je viens de dire - et c'était là ma deuxième recommandation clé - il apparaît donc qu'outre le CEA, de nombreux organismes doivent être associés aux dispositifs d'alerte des tsunamis, d'abord, évidemment, les ministères impliqués dans la gestion du risque, ensuite, les organismes compétents dans ce domaine comme Météo France, le SHOM, l'IFREMER, le BRGM, le CNRS, le Centre d'études maritimes et fluviales, l'Institut physique du globe de Paris, l'Agence nationale pour la recherche, le Conservatoire du littoral, et j'en passe. Bien sûr, sont concernées également les collectivités locales exposées aux risques de tsunamis. Il est donc indispensable que tous ces organismes collaborent et unissent leurs forces pour mettre en place un dispositif efficace.

Enfin - et c'était là ma troisième recommandation phare - il faut de l'argent. Comme je l'ai évoqué précédemment, un dispositif d'alerte doit être rapide pour être efficace : cela signifie donc avoir du matériel performant (sismographes, marégraphes, tsunamimètres, moyens de communication modernes pour ne citer que le matériel le plus essentiel) mais également du personnel formé et en service 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 ; cela signifie également avoir des levés bathymétriques sur la zone de 0 à 200 mètres pour effectuer des modélisations numériques fiables et disposer de crédits pour mener une politique - j'insiste là-dessus - de sensibilisation et d'information sur le moyen et long terme.

Face à ces recommandations presque deux ans après, où en est donc aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, le dispositif d'alerte aux tsunamis au niveau national mais également au niveau international ? Que s'est-il passé depuis presque deux ans ?

Au niveau national, l'Office a régulièrement saisi le Gouvernement pour connaître l'état d'avancement du dossier, que ce soit par question orale, posée notamment le 24 octobre dernier, que ce soit par différents courriers au Premier ministre (notamment le dernier en date du 29 octobre 2008) ou encore plusieurs communications de presse (et plus particulièrement les 24 octobre et 18 novembre 2008). Cette stratégie semble porter ses fruits puisque les contours d'une véritable politique de prévention des tsunamis se dessine progressivement : d'une part, des crédits ont été inscrits pour la première fois en projet de loi de finances pour 2009 dans le cadre de la Mission sécurité civile ; d'autre part, un amendement a été adopté par l'Assemblée nationale lors de la discussion du projet de loi de programme relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement tendant à intégrer le risque de tsunami au Plan de prévention des risques majeurs ; je précise que sur ce même texte du Grenelle de l'environnement, au Sénat, nous avons même par voie d'amendement fait voter à l'unanimité un amendement qui précise que la réduction de l'exposition des populations au risque de tsunami devait se faire par la mise en place d'un Centre national d'alerte et nous étions là en première lecture au Sénat, nous allons aborder début juillet la deuxième lecture (entre-temps, il y a eu une deuxième lecture à l'Assemblée nationale qui a confirmé notre précédent amendement visant à inscrire dans la loi la création de ce centre d'alerte). Enfin, il semblerait qu'un accord ait été signé avec le CEA afin d'instaurer un système d'alerte aux tsunamis en Méditerranée, ce qui semble être la suite logique de notre rapport ainsi que de la réunion du GIC/SATANEM à Athènes en novembre dernier.

Pour faire le point sur le dispositif de prévention mis au point par la France, nous avons invité l'ensemble des intervenants les plus importants, à savoir le Président du comité national de la Commission océanique intergouvernementale, le directeur de la direction générale de la prévention des risques au MEEDDAT, le sous-directeur de la gestion des risques au ministère de l'Intérieur, le chef du département analyse, surveillance, environnement au CEA, le directeur de cabinet de la délégation générale à l'outre-mer et l'adjoint au directeur de la stratégie, de la planification et des relations extérieures du SHOM. Tous ont répondu positivement et je les remercie d'avance pour les informations qu'ils nous fourniront.

La France ne se réduit pas à la métropole : c'est également une présence dans les trois autres bassins du Pacifique, de l'océan Indien et des Antilles. Il est donc important de connaître l'état d'avancement des dispositifs d'alerte dans ces régions et la contribution de la France. En organisant - et j'en terminerai là - cette audition publique pendant la semaine où se réunit la Commission océanique intergouvernementale, nous pouvons accueillir les présidents des groupes internationaux de coordination des systèmes d'alerte aux tsunamis ainsi que les représentants français. Merci beaucoup, Mesdames et Messieurs, d'avoir accepté notre invitation. Bienvenue au Sénat et merci d'avance pour vos interventions. Cette matinée va donc être riche en informations.

Aussi, sans plus attendre, je vais donner la parole à Monsieur le président du Comité national de la Commission océanique intergouvernementale, Monsieur François Gérard. Chacun des intervenants d'ailleurs pourra, s'il le souhaite, prendre cette place pour avoir davantage de maîtrise dans ses présentations.

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