TRAVAUX DE LA COMMISSION - AUDITION POUR SUITE À DONNER À L'ENQUÊTE RÉALISÉE PAR LA COUR DES COMPTES SUR L'OFFICE NATIONAL DES FORÊTS

Présidence de M. Jean Arthuis, président

Séance du mercredi 21 octobre 2009

Ordre du jour

Audition de M. Christian Descheemaeker, président de la 7 ème chambre de la Cour des comptes, de MM. Jean Hernandez et Jean-Marie Le Méné, conseillers-maîtres à la Cour des comptes, de Mme Sandrine Rocard, rapporteur à la Cour des comptes, de Mme Annie Lhéritier, présidente du Conseil d'administration de l'ONF, de M. Pierre-Olivier Drège, directeur général de l'ONF, de M. Pascal Viné, directeur du cabinet du ministre de l'Alimentation, de l'agriculture et de la pêche, de M. Fabrice Benkimoun, conseiller budgétaire et de Mme Sabine Brun-Rageul, conseillère technique en charge de l'aménagement du territoire et de la forêt, pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes sur l'Office national des forêts ( ONF ).

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Monsieur Jean ARTHUIS, président de la commission des finances - Mesdames et Messieurs, mes chers collègues, nous voici à nouveau réunis pour une audition pour « suite à donner » à une enquête réalisée par la Cour des comptes en application de l'article 58-2° de la LOLF. Celle-ci concerne l'Office national des forêts.

Nous devons plus spécialement l'initiative de la demande de cette enquête à notre collègue Joël Bourdin, rapporteur spécial de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », qui reviendra tout à l'heure sur les motifs de cette demande, adressée le 27 octobre 2008 à la Cour des comptes.

Je tiens, tout d'abord, à remercier tous les intervenants de leur présence.

Nous recevons en effet ce matin, pour la Cour des comptes, M. Christian Descheemaeker, président de la 7 ème chambre, MM. Jean Hernandez et Jean-Marie Le Méné, conseillers-maîtres, et Mme Sandrine Rocard, rapporteur.

L'ONF est représenté par Mme Annie Lhéritier, présidente du Conseil d'administration et M. Pierre-Olivier Drège, directeur général.

Pour le ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, sont présents parmi nous M. Pascal Viné, directeur de cabinet du ministre, M. Fabrice Benkimoun, conseiller budgétaire et Mme Sabine Brun-Rageul, conseillère technique en charge de l'aménagement du territoire et de la forêt.

Afin de préserver une possibilité effective de dialogue et de débat, je demande que les interventions liminaires se limitent aux observations principales.

Pour ma part, je souhaite que quelques points particuliers fassent l'objet d'un éclairage précis dès les premiers échanges.

J'en dénombre cinq : le premier concerne la prise en charge par les communes du régime forestier ; le second a trait à la gestion interne de l'Office et en particulier de sa masse salariale ; le troisième point est relatif aux projets de déménagements du siège de l'ONF et de l'Inventaire forestier national ; le quatrième point est celui de la politique commerciale de l'ONF et le dernier le rôle de la tutelle à l'égard de cet établissement public.

L'ordre d'intervention pourrait être le suivant : M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, pourrait revenir sur le contexte de la demande de cette enquête ; j'inviterais ensuite les magistrats de la Cour des comptes à nous présenter leur travail. Les responsables de l'ONF, puis les représentants du ministère de l'agriculture pourront ensuite nous faire part de leurs réactions. Enfin, tous les commissaires qui le souhaiteront pourront poser librement leurs questions.

Pour commencer, je donne donc la parole à M. Joël Bourdin.

Monsieur le rapporteur spécial, vous avez la parole.

Monsieur Joël BOURDIN, rapporteur spécial de la commission des finances - Cette enquête fait suite à une proposition que j'ai soumise l'année dernière à la commission des finances en tant que rapporteur spécial de la mission qui s'appelait à l'époque « agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ».

J'avais en effet jugé utile de confier à la Cour des comptes une enquête sur l'ONF.

A l'origine, les motifs étaient les suivants : tout d'abord procéder à un bilan à mi-parcours de la mise en oeuvre du contrat d'objectifs Etat-ONF 2007-2011 ; évaluer les conséquences pour l'ONF du Grenelle de l'environnement et des assises de la forêt ; enfin, examiner les suites données aux décisions issues de la RGPP.

Le conseil de la modernisation des politiques publiques du 11 juin 2008 avait en effet décidé que l'ONF devrait dégager des gains de productivité en vue de permettre le versement d'un dividende à l'Etat en fonction de l'évolution des cours du bois. Il avait également demandé l'intégration de l'IFN à l'ONF.

Dans ce contexte, j'ajouterai deux autres points aux cinq questions que vous avez indiquées à l'instant.

Tout d'abord, les différents décisions issues de la RGPP ou du Grenelle ont-elles été mises en oeuvre ? Sont-elles toujours d'actualité ?

De manière plus générale, où en est-on du processus de réorganisation interne de l'ONF ? L'Office a-t-il adopté une culture de la performance orientée vers la recherche de résultat et de gains de productivité ? La gestion des ressources humaines est-elle à la hauteur de ces enjeux ?

Je m'interroge également sur la situation financière de l'Office. Quelles évolutions se profilent du côté de ses charges et du côté des produits ?

Les différentes missions assurées par l'ONF présentent-elles à ce sujet des profils proches ou différents ?

Pour mémoire, l'ONF conduit quatre grands types de missions : l'exploitation des forêts domaniales ; l'intervention dans les forêts des collectivités territoriales au titre du régime forestier, qui impose aux collectivités de recourir à l'ONF pour gérer leurs forêts ; les missions d'intérêt général confiées par les ministères de l'agriculture et de l'environnement ainsi que par les collectivités territoriales et enfin les prestations concurrentielles destinées aux collectivités bénéficiant du régime forestier -activités dites « patrimoniales »- ou aux autres clients de l'ONF -activités dites « de services ».

Par ailleurs, je tiens à souligner la grande qualité de l'enquête que j'ai lue avec grand intérêt réalisée par la Cour des comptes. Je remercie les magistrats de la Cour pour leur travail.

Monsieur Jean ARTHUIS, président de la commission des finances - La parole est au président de la 7 ème chambre.

Monsieur Christian DESCHEEMAEKER, président de la 7 ème chambre de la Cour des comptes - Tout d'abord, quelques données sur le marché du bois.

La forêt française est aux trois-quarts constituée par une forêt privée et au quart par une forêt publique dont s'occupe l'ONF.

Les volumes de bois ont augmenté sensiblement sur trente ans et sont stables depuis dix ans.

Cela tient notamment à l'effet carbone qui signifie que, du fait de la présence de davantage de gaz carbonique dans l'atmosphère, le bois pousse plus vite.

Point important, le bois est une matière première et son cours évolue avec des hausses et des baisses sensibles -parfois même très sensibles : il peut y avoir - 30 % en un an.

Les assises de la forêt s'étaient préoccupées de la production que l'on pouvait attendre de la forêt française et avaient envisagé un objectif en très sensible hausse : la forêt française devrait pouvoir produire nettement plus de mètres cube qu'elle ne le fait actuellement et la forêt publique devrait apporter une contribution de 20 % sur les 20 millions de mètres cube qui devraient être atteints en 2020.

Au vu des chiffres actuels, cet objectif paraît optimiste puisque la récolte de 2020 est déjà en train de pousser.

Un mot sur la prise en compte de la biodiversité. On oppose parfois l'exploitation et la biodiversité. L'enquête fait ressortir que s'il y a eu des conflits, l'ONF est bien un établissement public placé sous deux tutelles, l'agriculture et l'environnement. Par conséquent, il ne faut pas considérer qu'il y a nécessairement conflit entre l'exploitation et la production. C'est à l'ONF de trouver le moyen de concilier des exigences qui ne sont pas immédiatement conciliables. Il s'agit de tracer un trait entre ce qui relève de l'exploitation ordinaire de l'Office, qui inclut la protection de l'environnement, et ce qui relève de l'extraordinaire et qui entraînerait logiquement une compensation financière.

J'en viens aux activités de l'Office. L'ONF représente 10.000 agents et un chiffre d'affaires de 584 millions d'euros. L'ONF, dans le langage LOLF, est un opérateur de l'Etat -un opérateur important de l'Etat- qui émarge au programme 149 pour l'essentiel.

Quatre activités sont distinguées au sein de l'Office ; je m'attacherai avant tout au cas des forêts des collectivités locales. La forêt domaniale est la seule activité bénéficiaire.

Le régime forestier veut que l'ONF gère les forêts des collectivités locales -en général les forêts communales. L'ONF dispose d'un monopole pour ce faire. Cela coûte évidement de l'argent. Il faut entretenir les forêts, faire des études sur leur devenir. Les recettes de l'ONF sont constituées par les frais de garderie payés par les 11.000 communes forestières françaises ainsi que par le versement compensateur de l'Etat. Les frais de garderie représentent environ 20 millions d'euros et le versement compensateur 120 millions d'euros de sorte que le régime forestier est avant tout financé par l'Etat pour une somme importante.

Pourtant, le versement compensateur n'est pas totalement compensateur dans la mesure où il est plafonné pour des raisons budgétaires. Le régime forestier laisse généralement un léger reliquat en face des dépenses quand on ajoute les frais de garderie et le versement compensateur.

L'expression de « versement compensateur » et donc trompeuse.

La question du régime forestier est soulevée depuis longtemps. Une commune paye des frais de garderie uniquement en fonction du chiffre d'affaires tiré de la forêt. Une commune qui n'exploite pas sa forêt, qui ne vend pas de bois, ne paiera pas de frais de garderie. Or, c'est elle qui en prend la décision. L'ONF aura des dépenses car toute forêt doit être entretenue mais il n'aura pas de recettes, les frais de garderie s'élevant à 12 % des ventes de bois de la commune.

On est inévitablement amené à se poser des questions en pensant à certaines communes qui décident de ne pas exploiter leur forêt ou ne peuvent le faire mais ont des moyens importants : certaines communes du littoral méditerranéen sont des communes forestières qui n'exploitent pas leur forêt. L'ONF va engager des dépenses pour ces communes et n'en tirera aucune ressource. La commune est donc gagnante dans cette opération, alors qu'elle est peut être riche. On peut aussi trouver le cas inverse d'une commune plus nécessiteuse.

Le système actuel est donc surprenant pour ne pas dire plus.

Monsieur Jean ARTHUIS, président de la commission des finances - C'est un système un peu déséquilibré !

Monsieur Christian DESCHEEMAEKER, président de la 7 ème chambre de la Cour des comptes - C'est un système assez étrange -même s'il a pour lui la loi et l'ancienneté- dans la mesure où il crée des inégalités assez marquées entre les communes.

Le constat de la Cour est que ce système devrait être un jour réformé pour qu'il y ait un lien plus fort entre les surfaces forestières en cause et la capacité contributive de la commune.

Les prestations concurrentielles, quant à elles, ne relèvent pas du régime forestier même s'il peut arriver qu'elles soient délivrées à une commune.

Les prestations concurrentielles de l'ONF appellent une critique : jamais elles ne sont équilibrées. On peut imaginer un jour un problème de droit de la concurrence : nous avons en effet là un établissement public subventionné qui est sur le marché concurrentiel et qui vend à perte.

Les missions d'intérêt général n'appellent aucune remarque de la Cour.

En ce qui concerne la gestion de l'ONF, sur dix ans, les effectifs de l'ONF sont passés de 12.000 à 10.000 agents. C'est une évolution marquée que l'on trouve rarement chez un opérateur de l'Etat. C'est un point à souligner qui nécessite évidemment beaucoup d'efforts de l'ONF : on ne réduit pas de 20 % les effectifs sans difficulté.

Le problème est que la masse salariale a augmenté : 17 % de réduction des effectifs, 15 % d'augmentation de la masse salariale. Certes, il y a l'inflation et les charges de retraite mais il n'empêche que le constat est surprenant, même sur une période de dix ans.

Ces réductions d'effectifs proviennent d'une réorganisation territoriale ; l'ONF a supprimé deux échelons hiérarchiques et a introduit une notion de spécialisation dans les entités locales. Néanmoins, la décentralisation est forte à l'ONF et, dans certains cas, on ne sait pas très bien ce qui se passe sur le terrain, dans un monde dont on sait qu'il est très syndiqué et très attaché à des traditions d'autonomie individuelle.

Les contrats d'objectifs passés par l'Etat avec l'ONF sont un moyen de gestion tout à fait normal dont on ne peut que souligner l'importance. On trouve dans la période récente, un contrat 2001-2006 et un contrat 2007-2011.

Le problème vient du fait que beaucoup d'événements se sont situés hors contrat et ont une importance telle que le contrat perd de sa valeur.

Je n'évoque pas les tempêtes de 1999, ni l'ouragan Klaus, qui ne peuvent pas être prévus mais je citerai des éléments exogènes au contrat qui sont plus accessibles à chacun et, tout d'abord, la charge de plus en plus lourde des pensions de retraite. C'est un phénomène général pour tous les opérateurs de l'Etat : le pseudo régime de retraite des fonctionnaires cherche l'équilibre et le poids des cotisations de retraite augmente considérablement puisqu'on passe en quelques années de 20 % à 70 %. Cela ne concerne pas que l'ONF mais il est sûr que l'on peut parler, pour un établissement public qui emploie des fonctionnaires, d'un véritable choc des retraites puisqu'il va falloir payer des sommes beaucoup plus importantes qu'auparavant.

Monsieur Jean ARTHUIS, président de la commission des finances - L'établissement prend-il lui-même en charge ses retraites ?

Monsieur Christian DESCHEEMAEKER, président de la 7 ème chambre de la Cour des comptes - Non, il verse à l'Etat l'équivalent d'une cotisation de retraite qui alimente le compte d'affectation spéciale. Ce n'est pas un vrai régime de retraite mais tout se passe comme s'il y avait une caisse de retraite des fonctionnaires. C'est ainsi que l'on arrive à 70 % de la masse salariale, dans laquelle les indemnités ne sont toutefois pas soumises à cotisation. Seul le traitement principal des fonctionnaires est soumis à cotisation.

Monsieur Jean ARTHUIS, président de la commission des finances - La rémunération est donc composite.

Monsieur Christian DESCHEEMAEKER, président de la 7 ème chambre de la Cour des comptes - Je répète que ceci n'a rien de spécifique à l'ONF : tous les établissements publics sont confrontés à ces demandes de l'Etat. Il semblerait que l'on atteigne un point d'équilibre d'ici deux à trois ans.

Autre élément exogène : la reprise du bâti domanial, problème très spécifique à l'ONF. L'Etat demande à l'ONF, pour qu'il puisse disposer des maisons forestières incluses dans le patrimoine forestier, une somme de 50 millions d'euros en échange d'une mise à disposition par un bail emphytéotique. Cela n'était pas prévu dans le contrat.

Le transfert du siège à Compiègne a été décidé tout récemment. Je ne puis donc être très précis sur ce sujet. Le coût de l'opération décidée en 2008 devrait s'élever à 26,3 millions sur 3 ans et serait couvert par la vente du siège parisien et un emprunt de 14 millions environ. Il y aura sans doute quelques charges d'accompagnement. Le transfert du siège à Compiègne est pour l'ONF une préoccupation que nous n'avons pas pu étudier puisqu'on n'en est qu'au stade des décisions.

S'agissant de l'IFN, il constitue un établissement public qui comprend un peu plus de 200 personnes et qui est chargé de réaliser des statistiques sur la forêt.

Il avait été décidé que l'IFN, situé dans le Domaine des Barres, dans le Loiret, déménagerait pour s'installer au sud d'Orléans. La RGPP a décidé par ailleurs que l'IFN serait intégré à l'ONF. Sur le plan immobilier, le transfert de l'ONF à Compiègne et le déplacement de l'IFN dans le sud d'Orléans se télescopent. Il s'agit là encore d'un projet mais c'est pour l'ONF un autre problème, sur lequel je ne puis apporter beaucoup de lumière.

Restent les perspectives de l'ONF. Inévitablement, on se pose la question de son avenir. L'ONF a une mission première : gérer la forêt domaniale. Il dispose pour ce faire d'un monopole que la Commission de Bruxelles n'a pas jusqu'à présent remis en cause. En 2000, une note a été rédigée par la Commission, qui a reconnu que l'ONF remplissait une mission d'intérêt économique général.

L'ONF exerce également cette activité monopolistique sur les forêts communales. J'ai évoqué les critiques qu'appelle le système actuel, organisé par ailleurs par le code forestier. L'ONF sera-t-il toujours demain l'exploitant monopolistique des forêts communales ? Toute l'histoire administrative française nous conduit à cette solution mais on peut de temps en temps prendre du recul par rapport à l'administration des eaux et forêts, qui remonte au douzième siècle.

Les missions de l'ONF ne vont pas de soi. Sa mission première dégage des bénéfices ; l'activité sur les forêts communales pourrait être remise en cause ; les activités concurrentielles perdent de l'argent. Pourra-t-on continuer longtemps, même sans contentieux à propos de la libre concurrence ?

Ce ne sont pas là des questions auxquelles il est aisé de répondre mais tout contrôleur externe qui se penche sur les comptes et l'activité de l'ONF est amené à se les poser. Aujourd'hui, on vit avec l'ouragan, les difficultés financières momentanées, les déménagements, mais que sera l'ONF demain ? Il est facile de poser la question mais plus difficile d'y répondre. Je pense que les plus hautes autorités de l'Etat doivent s'interroger. Dix mille emplois sont en cause et il existe également dans cette affaire un enjeu environnemental.

Monsieur Jean ARTHUIS, président de la commission des finances - La parole est à la Présidente du conseil d'administration de l'ONF.

Madame Annie LHÉRITIER , présidente du conseil d'administration de l'ONF - Je ne suis présidente que depuis deux ans et demi. Je n'ai pas participé à la négociation, ni à la signature du contrat Etat-ONF 2007- 201. Je n'ai pas été auditionnée par le rapporteur de la Cour des comptes dont l'étude portait sur dix ans. Tout cela est très logique puisqu'à l'ONF, c'est le directeur général qui, aux termes même de l'article 122-10 du code forestier, dirige l'Office, gère les personnels, prépare les réunions du conseil d'administration. Ma présidence n'est donc pas exécutive et c'est le directeur général qui répondra point par point aux sujets évoqués.

J'aimerais cependant apporter un témoignage très bref sur mes deux années de présidence du conseil d'administration. Elles ont été marquées par deux périodes très contrastées.

2007 a été la première année d'exécution du contrat. Tous les indicateurs de performances ont été dépassés. L'année a été excédentaire pour l'ONF, dans un contexte économique porteur. L'ONF a récolté le fruit de ses efforts de redressement et de restructuration engagés avec vigueur par le management. Il faut en effet se souvenir que, début 2000, l'ONF était en faillite. La forêt -et singulièrement l'ONF- ont été mis en valeur dans le cadre du Grenelle de l'environnement et des Assises de la forêt, au sein desquelles l'ONF et son directeur général ont été des forces de propositions.

A partir du second semestre 2008, la période est devenue très difficile. La crise économique a frappé l'ONF de plein fouet ; on est de plus tombé dans une période de vives tensions sociales dans l'établissement et d'inquiétudes de la part des communes forestières quant à l'avenir de l'ONF. J'ai été assaillie par de nombreuses délibérations des communes marquant leur inquiétude.

J'ai en effet dû soumettre au conseil d'administration de l'établissement les décisions prises dans le cadre de la RGPP, lourdes de conséquences pour l'établissement, concernant les retraites et la reprise à titre onéreux du bâti domanial, auxquels s'ajoutait la délocalisation du siège.

La présidence de ce conseil d'administration, par ailleurs pléthorique et assez peu opérationnel, a donc été très difficile depuis septembre 2008.

Monsieur Jean ARTHUIS, président de la commission des finances - La parole est au directeur général de l'ONF.

Monsieur Pierre-Olivier DRÈGE, directeur général de l'ONF - Tout d'abord, un mot sur les missions de l'établissement, en particulier concernant la gestion durable de la forêt domaniale et des forêts des collectivités.

Le régime forestier englobe l'ensemble de ces opérations. Les forêts publiques sont prises dans leur ensemble, souvent parce qu'elles constituaient des massifs uniques qui ont ensuite été disjoints par des décisions qui, au XIX ème siècle, dans le cantonnement du droit d'usage des populations rurales, ont consisté à distinguer la forêt domaniale de la forêt des collectivités.

Il existe donc une gestion unique et durable de massifs qui sont des entités homogènes ; au moment où le Président de République, le 19 mai dernier, demandait à la forêt française de se mobiliser pour produire plus tout en préservant mieux, cette unicité d'approche -dans le respect bien sûr de la responsabilité des communes qui décident ce qu'elles font de leurs forêts et sur proposition de l'ONF- c'est un atout important par rapport à l'extrême éclatement des 75 % de forêts privées largement sous-gérées et sous-exploitées et qui font l'objet de décisions autonomes et éparses de la part de plusieurs millions de propriétaires forestiers.

Les deux autres missions portent sur les missions d'intérêt général qui sont, au-delà de la mission du code forestier, confiées à l'ONF par convention spéciale. La prévention de l'incendie est sans doute la plus importante en volume d'activités et en volume financier.

Il existe en outre depuis quelques années une activité dans le secteur concurrentiel qui représente environ le tiers du chiffre d'affaires de l'ONF et sur laquelle je reviendrai ultérieurement.

L'activité de l'ONF est définie par le code forestier mais également par des contrats pluriannuels signés avec l'Etat. Deux font l'objet de la période sous revue de la Cour. Le premier contrat, pour la période 2001-2006 est celui que je qualifierais de contrat de redressement, après une situation financière extrêmement dégradée, indirectement liée aux tempêtes de 1999-2000 ; le second est le contrat 2007-2011 que je considère comme un contrat de développement puisqu'il contenait déjà les ambitions confirmées et amplifiées par les orientations issues du Grenelle de l'environnement, des Assises de la forêt et par les décisions annoncées par le Président de la République le 19 mai dernier à Urmatt, dans le Bas-Rhin.

Le suivi de ces contrats fait l'objet d'un certain nombre d'indicateurs de performances. Il en existe 34, qui couvrent l'ensemble des 13 domaines. Ces indicateurs font l'objet d'une présentation au conseil d'administration chaque année -et pour la dernière fois le 1er juillet dernier au titre de l'exercice 2008.

S'agissant de l'équilibre général financier de l'ONF, il a fallu redresser l'établissement qui avait connu de très fortes pertes -jusqu'à 90 millions d'euros- en 2002 au titre du premier contrat Etat-ONF. Ceci a été rendu possible pas une action très énergique consistant en une réorganisation profonde de l'établissement qui a été rappelée : suppression de deux échelons hiérarchiques, concentration des structures de terrain et baisse d'effectifs très significative -de l'ordre de 2.000 agents et personnels sur un total de 12.000.

Cette action a été accompagnée par la mise en place d'un management par objectif qui exprime aujourd'hui le contrat passé avec l'Etat jusque dans les structures de terrain les plus décentralisées de l'établissement, ainsi que de tableaux de bord pour suivre les résultats et d'une partie nouvelle dotée d'un certain nombre de mission professionnalisées afin d'augmenter la performance et la productivité de ces structures. L'une des plus importantes concerne les agences de travaux, au nombre de neuf, qui regroupent l'ensemble des 3.000 ouvriers forestiers sur 10.000 personnels de l'établissement.

Il a également été mis en oeuvre dans ce cadre une réforme profonde du régime indemnitaire afin que celui-ci soit lié aux résultats et aux performances individuelles et collectives au sein de l'établissement.

Monsieur Jean ARTHUIS, président de la commission des finances - La Cour indique que vous avez réduit vos effectifs de 17 % mais que la masse salariale a augmenté de 15 %. Comment l'expliquez-vous ?

Monsieur Pierre-Olivier DRÈGE, directeur général de l'ONF - La masse salariale, de 1999 à 2008, a connu une assez grande stabilité du fait de la compensation intégrale par les baisses d'effectifs des différentes hausses, dont celle de l'indice de la fonction publique.

Un certain nombre de mesures catégorielles ont été décidées par l'Etat dans le cadre du programme de réorganisation précité. C'est à partir de 2007 essentiellement que la masse salariale a repris une hausse importante, en liaison directe avec l'augmentation considérable des charges pour pensions civiles dans le cadre de décisions portant sur 7.000 fonctionnaires sur 10.000.

La masse salariale comprend les salaires directs, ainsi que les charges sociales et le régime indemnitaire. Les charges sociales vont encore augmenter dans les années à venir, la contribution patronale pour pensions civiles des fonctionnaires, qui représente les deux-tiers des personnels, devant passer de 33 % à 70 %, voire 71,3 % en 2011.

C'est plus qu'un doublement et une augmentation de l'ordre de 20 % d'augmentation de la charge pour un fonctionnaire donné, indépendamment de toute autre considération.

Monsieur Jean ARTHUIS, président de la commission des finances - Avez-vous l'évolution de la masse salariale proprement dite hors pension pour la période 1999-2008.

Monsieur Pierre-Olivier DRÈGE, directeur général de l'ONF - Oui. En 2001, on a 286 millions d'euros de masse salariale ; en 2002, 291 millions d'euros ; en 2004, 291 millions d'euros ; en 2005, 294 millions d'euros ; en 2006, 299 millions d'euros ; en 2007, 314 millions d'euros et en 208, 332 millions d'euros.

Monsieur Philippe MARINI, rapporteur général de la commission des finances - Les charges de retraite sont-elles comprises ou non ?

Monsieur Pierre-Olivier DRÈGE, directeur général de l'ONF - Oui.

Monsieur Philippe MARINI, rapporteur général de la commission des finances - Serait-il possible de séparer cet élément et de disposer de la masse salariale hors charges pour pensions ?

Monsieur Pierre-Olivier DRÈGE, directeur général de l'ONF - Je tiens ces chiffres à votre disposition. Globalement, la pension civile représentait jusqu'en 2006 47 ou 48 millions par an. En 2007, on est passé de 49 à 58 puis à 74 en 2008.

Monsieur Philippe MARINI, rapporteur général de la commission des finances - La charge salariale hors pension a donc représenté 308 millions en 2008.

Il faudrait donc soustraire du terme 2001 le volume des charges pour pensions et voir à quel taux d'augmentation on aboutit, en le comparant aux 17 % de baisse de l'effectif.

Monsieur Christian DESCHEEMAEKER, président de la 7 ème chambre de la Cour des comptes - Durant les premières années, il n'y a pas d'augmentation des cotisations de retraite mais des mesures statutaires favorables aux personnels.

Monsieur Philippe MARINI, rapporteur général de la commission des finances - Les cotisations pour pensions sont-elles calculées par rapport à la structure spécifique du personnel de l'ONF ou s'agit-il d'une répartition à partir d'un sous-ensemble plus vaste, d'un agrégat plus important ?

Monsieur Pierre-Olivier DRÈGE, directeur général de l'ONF - Il s'agit d'un taux uniformément appliqué à tous les fonctionnaires de la fonction publique, avec une augmentation destinée à s'assurer de l'équilibre général du régime des fonctionnaires, objectif que l'on ne saurait contester.

Dans les administrations centrales ou territoriales de l'Etat, on a fait passer l'équivalent du budget général des charges communes vers les budgets des différents ministères. Cette affaire s'est gérée à somme nulle.

Par contre, pour un EPIC, par construction autonome sur le plan budgétaire, sauf compensation spécifique, on constate une augmentation mécanique de cette opération.

Cette augmentation a été compensée par l'Etat et le ministère de l'agriculture jusqu'en 2007 de façon intégrale ; malheureusement, nous avons été informés que, désormais, cette compensation n'aurait plus cours -ou de façon très incomplète. Cela conduit à une augmentation du coût salarial par fonctionnaire de l'ordre de 20 %. Ce choix va nous conduire, pour l'exploitation de la forêt domaniale, à des recherches de productivité qui pour, équilibrer le système, devront augmenter de 7 % par an au cours des trois prochaines années.

Pour ce qui est de la partie relative aux services aux communes, en comptabilité analytique, les recettes ne changent pas. Il faut donc accepter soit que ce régime devienne fortement déficitaire -ce qui n'est pas acceptable-, soit que l'on diminue de 20 % les effectifs qui sont auprès des élus et des maires, ce qui bien sûr les inquiète profondément. Selon eux, cela remet en cause l'accord qui les avait conduits à parapher le contrat Etat-ONF 2007-2011.

Pour ce qui est de la partie concurrentielle, s'agissant de services sur le marché, une augmentation de 20 % du coût salarial va nous placer dans une situation de compétitivité délicate.

Il y a donc bien un choc des retraites lié à une décision exogène par rapport à l'établissement. Il remet en cause les équilibres prévus dans le contrat Etat-ONF 2007-2011 qui ont conduit les établissements à être bénéficiaires en 2007, dans un contexte économique normal.

Il existe donc une difficulté pour l'établissement. Nous l'avons évoquée avec les ministères de tutelle, qui sont sensibles à cette question, sans avoir de réponse structurelle, compte tenu du caractère très horizontal de la décision sur les taux de retraite des fonctionnaires.

Monsieur Jean ARTHUIS, président de la commission des finances - A quelle somme cette réduction se chiffre-t-elle ?

Monsieur Pierre-Olivier DRÈGE, directeur général de l'ONF - Nous avons estimé à 60 millions d'euros supplémentaires, en valeur 2011, dernière année du plan et de l'augmentation du taux des cotisations de pensions, la charge toutes choses égales par ailleurs.

Monsieur Jean ARTHUIS, président de la commission des finances - Comment le ministère voit-il cette situation ?

Monsieur Pascal VINÉ, directeur du cabinet du ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche - Je vous prie tout d'abord d'excuser l'absence du ministre, retenu ce matin en conseil des ministres.

Je voudrais renouveler ici tout l'intérêt et toute l'attention que portent le ministère de l'agriculture et celui chargé de l'écologie à l'ONF.

Suite à la RGPP, nous disposons d'une grande direction générale des politiques agricoles agroalimentaires et des territoires et bien évidemment une sous-direction spécifiquement attachée aux questions forestières.

S'agissant du personnel et de la masse salariale, il est vrai que, lorsqu'on entre dans le détail, on a eu un certain nombre de mesures indemnitaires mais l'ONF a réalisé au cours de ces dernières années des restructurations extrêmement importantes, tant en termes d'évolution de personnels qu'en termes territorial, dont un retour légitime a pu être attribué aux personnels en accord avec les tutelles et le ministère du budget.

En masse salariale, hors pensions civiles, on note un montant de 337 millions d'euros en 1999 et de 374 millions d'euros en 2008, soit une augmentation de 10 % sur la période 1999-2008.

Lorsqu'on remet en regard les évolutions du « GVT » (glissement, vieillesse, technicité) ou du point de la fonction publique, on peut constater que l'effort réalisé par l'ONF est réel. Des efforts ont donc été conduits sur la masse salariale.

S'agissant des pensions, les recettes que peut espérer l'ONF sont moindres que celles qui avaient été évaluées. La situation de l'établissement est donc compliquée. Pour 2009, nous avons pris un certain nombre de mesures financières pour aider l'établissement lors du conseil d'administration du 1er juillet. Le ministère de l'agriculture a injecté en particulier 19 millions d'euros dans le budget de l'ONF. Nous étions convenus, avec le conseil d'administration et le budget, d'attendre les ventes de bois d'automne pour avoir une idée de la situation économique globale de l'ONF, sachant que ces ventes sont à moins 27 % par rapport à 2008.

Monsieur Pierre-Olivier DRÈGE, directeur général de l'ONF - La référence 2007 était de 252 millions d'euros de chiffre d'affaires bois ; nous allons sortir cette année entre 150 et 155 millions d'euros.

Monsieur Pascal VINÉ, directeur du cabinet du ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche - Les tutelles et le Gouvernement vont, en fin d'année, étudier de manière très attentive la situation de l'établissement. A stade, on a limité la baisse des indicateurs principaux sur l'efficacité économique de l'établissement mais les prévisions à court terme sont peu favorables. C'est un point que nous allons travailler avec la direction générale de l'ONF dans les semaines à venir pour voir comment trouver une solution à cette situation que nous espérons temporaire.

Monsieur Jean ARTHUIS, président de la commission des finances - Quelle est la prévision pour fin 2009, en tenant compte de ces moins-values sur ventes et de la moindre compensation du ministère ?

Monsieur Pierre-Olivier DRÈGE, directeur général de l'ONF - L'année 2009 est singulière. Il y a une mévente très profonde de bois liée à l'effondrement du marché de l'immobilier et à la construction neuve, principal utilisateur de bois neuf.

En 2008, malgré cette situation qui prévalait déjà pendant tout le second semestre et compte tenu d'un premier semestre plus porteur, nous avons réussi à équilibrer les comptes.

Pour 2009, sur 700 millions d'euros de chiffre d'affaires global, nous aurons une perte estimée à 100 millions d'euros à mi-année, qui sera couverte par un effort supporté pour plus des deux-tiers par l'établissement, un tiers par des réductions de charges très vigoureuses s'ajoutant à la réorganisation structurelle et un tiers par les prélèvements sur les résultats positifs 2007. Le troisième tiers est une contribution exceptionnelle de l'Etat.

S'agissant des mises en perspective, j'estime que le modèle économique général de l'ONF, tel qu'il est prévu dans le contrat 2007-2011 est toujours valide et que l'année 2007, qui était bénéficiaire, est l'année courante de référence possible, au problème près des pensions civiles, estimées à 60 millions d'euros en période courante à partir de 2011.

On a les prémisses d'une reprise sur le marché des résineux mais l'Etat a, en fait, « préempté » les profits futurs de l'établissement et même au-delà, au travers de la mesure sur les pensions, ce qui constitue vraiment une difficulté sérieuse.

Monsieur Jean ARTHUIS, président de la commission des finances - On voit les limites de la RGPP. Il faut gratter tellement fort qu'au bout d'un moment, on ne sait plus où prendre l'argent !

Vous dites qu'un tiers va pouvoir être pris sur vos réserves. Quelles sont-elles ?

Monsieur Pierre-Olivier DRÈGE, directeur général de l'ONF - Il s'agit des résultats de 2007.

Monsieur Jean ARTHUIS, président de la commission des finances - Qu'avez-vous en situation nette ?

Monsieur Pierre-Olivier DRÈGE, directeur général de l'ONF - 120 millions d'euros.

Monsieur Philippe MARINI, rapporteur général de la commission des finances - En liquidité ?

Monsieur Jean ARTHUIS, président de la commission des finances - Vous avez de l'argent à la banque ?

Monsieur Pierre-Olivier DRÈGE, directeur général de l'ONF - Nous avons actuellement une trésorerie négative, dans la mesure où nous avons choisi de fonctionner uniquement sur les emprunts à court terme fondés sur l'EONIA (Euro OverNight Index Average), qui sont fort avantageux puisqu'on est en-dessous de 1 %.

Monsieur Jean ARTHUIS, président de la commission des finances - Quel est le montant de vos dettes ?

Monsieur Pierre-Olivier DRÈGE, directeur général de l'ONF - Les encours de trésorerie sont à - 525 millions d'euros ce matin. L'ensemble de l'établissement est financé sous cette forme très avantageuse, à 0,5-0,6 % de taux d'intérêt.

Monsieur Jean ARTHUIS, président de la commission des finances - Cela n'a jamais été aussi favorable mais il faut prier pour que cela dure !

Monsieur Philippe MARINI, rapporteur général de la commission des finances - Y a-t-il des avoirs placés par ailleurs ?

Monsieur Pierre-Olivier DRÈGE, directeur général de l'ONF - Non.

Monsieur Jean ARTHUIS, président de la commission des finances - Avez-vous chiffré la valeur patrimoniale de cette forêt ?

Monsieur Pierre-Olivier DRÈGE, directeur général de l'ONF - Bien sûr. Elle est inscrite depuis 2006 au bilan de l'ONF en application de la LOLF. Nous avons été précurseurs en la matière. Le chiffre exact est de 10 milliards d'euros pour la forêt domaniale.

Monsieur Roland du LUART, vice-président du Sénat, sénateur de la Sarthe - C'est une valeur qui n'est pas mobilisable immédiatement. Il ne faut surtout pas mettre trop de volume pour compenser la chute du marché.

Monsieur Jean ARTHUIS, président de la commission des finances - La relation entre l'ONF et les communes peut-elle durer ? Elle pose un problème au regard du droit de la concurrence et peut-être y a-t-il aussi une difficulté dans les modalités de rémunération ?

Monsieur Pascal VINÉ, directeur du cabinet du ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche - C'est une question bien compliquée. Nous partageons la vision de la Cour des comptes sur le fait que l'assiette sur laquelle sont assis les frais de garderie, fondée uniquement sur les ventes de bois, ne prend pas en compte la totalité du service rendu par l'ONF.

Cet état de fait dépend de la situation des différentes communes. Elle est peut-être discutable pour certaines, plus légitime pour d'autres. C'est là toute la difficulté que l'on a pour trouver, compte tenu de la diversité des communes forestières, une assiette différente. A ce stade, le sujet n'a pas été ouvert. Le versement compensateur, qui est à 144 millions d'euros TTC, a été stabilisé entre 2007 et 2011. La fédération nationale des communes forestière est cosignataire du contrat d'objectifs entre l'Etat et l'ONF. Il n'y a eu aucune mise en réserve sur cette ligne budgétaire par le ministère de l'agriculture pour 2009-2010. L'effort de l'Etat auprès des communes forestières reste donc constant.

Monsieur Jean ARTHUIS, président de la commission des finances - Peut-être y aura-t-il une revoyure avant la fin de l'année...

Monsieur Pascal VINÉ, directeur du cabinet du ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche - Ce sont des questions qui se posent régulièrement. Pour l'instant, la question n'a pas été explicitement posée mais on travaille avec l'ONF sur une économie quant aux services rendus pour mieux répondre à la demande.

Monsieur Joël BOURDIN, rapporteur spécial de la commission des finances - A la lecture du rapport de la Cour des comptes, j'observe que le ministère de l'agriculture n'a pas toujours été à la hauteur de ce qui avait été prévu. Il y aurait eu des manques sur les paiements dus à l'ONF.

Je ne suis pas sûr non plus que l'ONF s'y retrouve dans le paiement par le ministère des missions d'intérêt général qui ont un caractère spécifique.

Monsieur Pascal VINÉ, directeur du cabinet du ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche - Vous avez raison ! Il est vrai que nous avons gelé un certain nombre de lignes avant 2008. Quand la situation le permettait, des adaptations globales ont eu lieu.

Dans la situation de crise que nous rencontrons aujourd'hui, le Gouvernement et le ministre chargé de la forêt sont particulièrement sensibilisés à ces questions. Nous travaillons pour essayer d'apporter des réponses à l'ONF aussi vite que possible. Nous verrons comment les choses évoluent dans les prochains mois. C'est l'enjeu posé par le Président de la République lors de son discours d'Urmatt. Le Président de la République a souhaité que l'ONF puisse intervenir dans un certain nombre de secteurs où la forêt est sous-exploitée ou inexploitée, de façon à encourager la valorisation de notre patrimoine forestier.

Monsieur Jean ARTHUIS, président de la commission des finances - La parole est aux commissaires.

Monsieur Roland du LUART, vice-président du Sénat, sénateur de la Sarthe - Je voudrais rendre hommage à l'effort de gestion réalisé par l'ONF ces dernières années pour essayer de redresser une situation extrêmement difficile.

La durée du plan de gestion me paraît toutefois beaucoup trop courte par rapport à des aléas qu'on ne domine pas -tempêtes, effondrement du marché. La forêt domaniale a été, de tout temps, merveilleusement gérée, notamment dans le domaine du feuillu, qui remonte à Colbert. Certes, grâce aux techniques modernes, on arrive à des révolutions qui permettent de passer de 240 à 120 ans mais on ne peut faire pousser un chêne en 20 ans !

Je me demande si l'ONF ne devrait pas s'inspirer du plan de gestion sur vingt ans que l'Etat et le ministère de l'agriculture et la forêt imposent au privé. Vouloir le faire sur une durée très courte est extrêmement dangereux !

En lisant le rapport, on voit que, du fait des tempêtes, on ne retrouve approximativement en euros constants les valeurs de 1999 qu'en 2007.

La baisse des cours a été très forte - de l'ordre de 30 %, aussi bien dans le public que dans le privé. Un très grand danger menace la forêt publique française si l'ONF est obligé d'assurer un dividende à l'Etat ou d'équilibrer son budget en mettant plus de bois sur le marché et en sacrifiant l'avenir.

Certaines visées écologistes ont déjà plombé les comptes de l'ONF de 5 millions d'euros par an pour sauver l'habitat de l'Osmoderma eremita ou autres coléoptères. Les pensions civiles également. Il faut donc faire très attention à ne pas déséquilibrer complètement l'exercice de l'ONF.

Madame Fabienne KELLER, sénateur du Bas-Rhin - Roland du Luart l'a dit mieux que moi : à gérer trop court, on risque les fausses manoeuvres sur la gestion de la forêt domaniale en particulier, mais communale également dans un contexte où on aime à répéter toute la force de la forêt, qui constitue le principal puits de carbone, le moins cher et le moins compliqué à mettre en oeuvre !

Il me semble qu'il manque un tableau sur les baisses d'effectifs par rapport au « GVT », qui doit être d'environ - 25 % sur 9 ans. Lorsque la masse salariale n'augmente que de dix, cela signifie que la réduction d'effectifs a fait économiser 15.

Il existe en outre des mesures que je ne connais pas pour certains publics particuliers qui ont dû aggraver le « GVT », qui doit être entre 1,7 et 2 par an pour les publics moyens.

Une ligne sur les retraites pourrait en outre apporter une précision sur le coût complet des agents. Cela clarifierait le débat et permettrait de savoir si l'ONF a fait assez d'efforts. Une réduction de personnel de 20 % est chose assez impressionnante.

En second lieu, si l'ambiance est quelque peu morose ce matin, c'est aussi parce qu'on n'a vraiment pas de chance ! Il existait un plan 2007-2011. Depuis un an, la situation est difficile. La charge des retraites imposée à l'ONF augmente, le prix du bois s'effondre et le versement compensateur a été suspendu en 2007, au moment où cela allait un peu mieux !

L'ONF est donc très déstabilisé par ces trois facteurs qui vont tous dans le mauvais sens ; je trouve que ce n'est pas là un très bon pilotage. Il faut aussi que l'on soit constant dans la durée si l'on veut que les établissements publics puissent avoir une visibilité à moyen terme. Il convient donc de quantifier l'impact de chacun de ces facteurs sur les comptes.

Il faut, par exemple, pour les retraites, établir un comparatif avec des populations équivalentes -DDE ou agriculteurs. Comparaison n'est certes pas raison mais cela permettra de se rapprocher d'autres secteurs.

Monsieur Pascal VINÉ, directeur du cabinet du ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche - L'avenir de la forêt française est intimement lié à la façon dont nous gérons et dont nous orientons l'ONF. Son poids est majeur dans le dispositif. Il existe bien entendu de nombreux acteurs privés mais l'ONF est extrêmement présent.

L'Etat est tenu d'avoir une lecture à moyen et à long terme de la forêt française et du rôle de l'ONF mais, compte tenu des efforts que nous développons en faveur de la filière forestière, nous devons aussi avoir une lecture à court et moyen terme de l'ONF et de son rôle. C'est pourquoi nous lui avons demandé, en dépit de sa situation financière difficile, de prendre part au fonds stratégique « bois » de manière à aider la restructuration de l'aval, en compagnie d'autres partenaires comme la Caisse des Dépôts.

La mobilisation à court terme que nous essayons d'inscrire au contrat d'objectifs est un enjeu majeur pour la forêt française face à la sous-valorisation de celle-ci. C'est toute l'importance pour les ministères de l'agriculture et de l'écologie de ce contrat d'objectifs sur une période certes courte mais extrêmement importante dans le cadre de la dynamisation de la forêt française.

Monsieur Jean ARTHUIS, président de la commission des finances - On voit bien que le produit peut subir des fluctuations considérables. Laissons cela à part. La gestion, la politique salariale, la recherche de compétitivité sont également de vrais sujets.

Monsieur Pierre-Olivier DRÈGE, directeur général de l'ONF - Le modèle économique qui figure dans le contrat 2007-2011 est viable. L'année 2007, qui reprend les cours comparables à ceux de 1999 n'est pas une année exceptionnelle ; elle pourra servir, dans l'avenir, de référence.

S'agissant du long terme, ce contrat prévoyait que nous devions réaliser des bénéfices. Ceci a été prouvé en 2007 alors que certains en doutaient. Ces bénéfices étant réalisés, il convenait de décider de leur allocation. Il s'agissait d'abord de réinvestir pour la gestion durable de la forêt de demain.

En second lieu, nous avions obtenu de la part du ministère des finances, comme pour les prospecteurs pétroliers, de pouvoir nous constituer des provisions pour des aléas climatiques ou conjoncturels afin d'éviter de nous retrouver dans la situation de 1999-2000, où les grandes tempêtes, faute de provisions, avaient coûté 200 millions d'euros à l'Etat.

Monsieur Jean ARTHUIS, président de la commission des finances - Cela me fait penser au fonds de réserves des retraites. Toute la question est de savoir si on en a les moyens ou non !

Monsieur Pierre-Olivier DRÈGE, directeur général de l'ONF - Nous avons commencé en 2007 à constituer des provisions en ce sens qui ont servi lors du cyclone Dean et du dépérissement de la forêt de Vierzon. Il y a donc là quelque chose de judicieux.

S'agissant des dividendes, la question mérite d'être posée.

Monsieur Jean ARTHUIS, président de la commission des finances - Il faudra que l'on voie le bilan de la situation patrimoniale de l'ONF.

Monsieur Pierre-Olivier DRÈGE, directeur général de l'ONF - Outre la crise actuelle, dont nous espérons qu'elle constituera une parenthèse, la difficulté est venue de la préemption par avance de l'ensemble de ces profits qui met l'établissement en situation d'infra équilibre quand les choses vont bien et de difficultés sérieuses quand les choses vont mal.

Il y a eu là un certain nombre de dispositions ou de décisions déjà imprudentes en période favorable qui ont mis l'établissement en péril, ayant été prises à contre-cycle, au moment où survenait la crise économique que nous connaissons actuellement, qui se traduit par 30 % de diminution de nos ventes de bois par rapport à l'an passé.

Monsieur Jean ARTHUIS, président de la commission des finances - Il est toujours très éprouvant d'avoir un actionnaire nécessiteux !

Monsieur Philippe MARINI, rapporteur général de la commission des finances - Je voudrais insister sur la vision de l'entreprise. Selon moi, l'ONF est une entreprise particulière, sur des marchés particuliers, avec des horizons particuliers mais une entreprise ! Or, de quoi une entreprise a-t-elle besoin ? Elle nécessite un bilan et je regrette que les commentaires de la Cour ne nous donnent pas beaucoup d'éléments de repère pour apprécier l'adéquation de ce bilan, un bilan avec un vrai actif, donc de vraies valeurs.

Certes, si des valeurs ont été retenues pour comptabiliser le patrimoine dont l'ONF a la charge, peut-être faudrait-il en affiner l'approche. Il existe en effet un patrimoine qui relève de l'exploitation mais aussi une fonction qui est en rapport avec l'écologie, l'accueil du public et la mise en valeur des régions. Ceci doit se traduire dans l'évaluation des hectares correspondants car il existe des hectares qui peuvent être mis sur le mal et d'autres qui ne le peuvent pas.

La même approche doit d'ailleurs s'appliquer aux éléments bâtis annexes, c'est-à-dire à tout le patrimoine des maisons forestières. Il faut ici que l'Etat soit clair : ce patrimoine est-il destiné à être vendu ou non ? Si c'est le cas, on prendra des valeurs vénales en fonction du montant que le marché paiera pour acquérir ces éléments et en fonction de leur état physique. On ne peut mettre sur le marché pour une valeur théorique un bien dont le toit est percé, l'escalier effondré et qui n'est pas susceptible de prendre place sur le marché comme un bien dans un état d'entretien normal !

Que l'Etat demande à l'ONF d'acquérir ce patrimoine bâti annexe à l'exploitation forestière, pourquoi pas mais l'Etat doit dire s'il autorise l'ONF à aliéner ou non ces biens. Sont-ils nécessaires à l'exploitation de l'ONF ? L'ONF a-t-il toujours autant de gardes ? Il faudrait pouvoir répondre à ces questions ! Les prix d'entrée au bilan devront être fixés en fonction des réponses qui y seront apportées.

J'ai l'impression que l'ONF est encore dans une situation transitoire. Ce n'est pas encore une vraie entreprise. On a pris quelques exemples à partir du bilan. On pourrait également traiter du passif et je pense que nous pourrions faire des remarques analogues. On a progressé mais on n'est pas encore dans l'économie d'entreprise !

S'agissant du compte de résultats, là encore, il faudrait que l'on s'entende bien sur les notions : masse salariale, statut des personnels, contraintes liées à la fonction publique. Quelles seraient les charges qu'aurait à payer une entreprise de droit commun ? Elle aurait à provisionner des charges de retraite selon sa population, selon sa structure de qualification. C'est probablement ce qui devrait déterminer la compétitivité de ses prix. Or, j'ai le sentiment que l'on est encore dans une situation assez confuse, qu'on ne sait pas très bien quel prix l'on veut déterminer, pour quel marché, pour quelle concurrence.

Pour que cet établissement ait un devenir, il faut qu'il développe son patrimoine technique. Je pense personnellement -car je suis très attaché à ces métiers- qu'il existe un vrai patrimoine technique mais il suppose des efforts de recherche, de se projeter en avant, non de gérer chaque tempête mais de gérer sur le long terme.

L'exploitation forestière et la vente de bois sont des activités qui sont, comme les autres, soumises au coup de boutoir de la mondialisation et sur lesquelles il faut préserver et gagner des parts de marché grâce à une politique de valeur ajoutée.

Il me semble que, pour entrer vraiment dans l'économie d'entreprise, les efforts en ce domaine doivent être mis en perspective si l'on veut conserver l'ONF.

Enfin, s'agissant de l'aspect concurrentiel au sens des directives communautaires, je crois que, par ce biais, nous retrouvons les services rendus aux propriétaires forestiers privés, aux propriétaires communaux. Le dispositif actuel va-t-il pouvoir tenir longtemps ? N'aurez-vous pas un jour en face de vous des communes qui vont se structurer davantage et qui souhaiteront faire des appels d'offres avec différents prestataires ? Quelle va être votre réponse si cela se produit ?

Un dernier mot sur les fonctions de siège et l'IFN. A nouvelle politique, siège nouveau, quelle que soit la localisation du siège ! Peut-être s'agit-il d'un moyen d'ajustement des fonctions centrales et de meilleure adéquation par rapport aux besoins. Un changement de siège, de ce point de vue, est toujours une bonne chose pour la dynamique d'une entreprise.

Enfin, s'agissant de l'IFN, n'y aurait-il pas une cohérence à rechercher une complémentarité des implantations ?

Monsieur Joël BOURDIN, rapporteur spécial de la commission des finances - Je voudrais quant à moi m'adresser au ministère pour avoir des éclaircissements sur l'opération décrite dans le rapport de la Cour des Comptes concernant le bail emphytéotique et le rachat des éléments patrimoniaux accompagné du versement initial de 50 millions d'euros.

Je n'ai pas très bien compris cette opération complexe ; j'aimerais donc que vous nous donniez des explications.

En second lieu, le rapport de la Cour des Comptes enregistre un défaut de pilotage majeur en ce qui concerne la politique commerciale de l'ONF. Le directeur général a évoqué la conjoncture mais il s'agit là d'une remarque structurelle. Des progrès ont-ils été accomplis ? Il avait été prévu que l'ONF se dote d'un logiciel de contrôle dénommé « Séquoia ». A-t-il été mis en place ? Des progrès peuvent-ils en être attendus pour améliorer la performance commerciale ?

Par ailleurs, on prévoit que l'IFN soit rattaché à l'ONF. Il est actuellement localisé dans une commune du Loiret et l'on prévoit son déménagement à Orléans. Cela fait un peu brouillon ! Qu'en est-il de ce projet ? L'IFN a autorité dans le domaine de la prévision et du contrôle de l'évolution des forêts publiques et privées. Loger une instance objective à l'ONF peut poser un problème d'ordre concurrentiel !

Monsieur Yann GAILLARD, vice-président de la commission des finances, sénateur de l'Aube - J'ai été partenaire de l'ONF durant des années en tant que Président des communes forestières. J'avais beaucoup insisté pour obtenir ce fameux contrat de plan, allant même jusqu'à demander à le signer ! Je l'ai fait bien entendu en tant que témoin et non cocontractant. Je me sens donc dans une situation délicate.

Sans vouloir critiquer le travail de la Cour des comptes, l'ONF n'a pas eu de chance et je ne pense pas que le moment ait été opportun pour réaliser cette étude. On tombe en pleine crise, à un moment où l'ONF, avec l'aide du ministre de l'agriculture, a dû peiner pour s'en sortir !

Par ailleurs, je ne suis pas tout à fait d'accord avec le rapporteur général : l'ONF n'est pas une entreprise mais un organisme mixte, à la fois entreprise et administration.

L'ONF a à la fois la responsabilité non seulement des forêts domaniales mais aussi des forêts communales, même si les communes sont propriétaires de leurs forêts. L'ONF ne correspond donc pas du tout aux normes en vigueur. Le maintien de la forêt transcende selon moi l'économie politique. Je me sens donc mal à l'aise vis-à-vis de cette étude et du moment où elle a été présentée.

Monsieur Philippe LEROY, sénateur de la Moselle - J'interviens en tant que Président du groupe d'études « Forêt et filière bois » et en tant que représentant de la commission des affaires économiques.

Joël Bourdin a raison de rappeler que l'IFN, quel que soit l'endroit où on le place, doit rester un organisme neutre, probablement géré par les statistiques du ministère de l'agriculture ou tout autre organisme de même nature. On ne peut confier l'outil de mesure de la forêt, de son état de production et de son état écologique à l'un des acteurs du secteur ! Ce serait contraire à la déontologie. Le Sénat s'est prononcé sur ce point à l'unanimité au mois de juillet et je voudrais rassurer Joël Bourdin.

Le situer géographiquement est une autre affaire. C'est un aspect technique qui regarde essentiellement l'Etat.

L'étude qui est faite aujourd'hui par Joël Bourdin est intéressante. Il est toujours intéressant d'analyser un établissement lorsqu'il est en difficulté. C'est à ce moment-là que l'on voit mieux les problèmes. Quand cela marche bien, la réalité est en fait souvent bien masquée.

Il faudrait rappeler qu'en France, l'ONF détient l'essentiel de la technicité forestière. La forêt privée représente les deux-tiers de la forêt mais a beaucoup de difficultés pour maintenir la qualification nécessaire à la domanialité, au patrimoine forestier sur le territoire. L'ONF est un réservoir extraordinaire de ce point de vue, il ne faut pas l'oublier.

L'ONF est aussi un objet administratif ou entrepreneurial bizarre : il doit assumer des fonctions quasi-régaliennes tout en étant un établissement public à caractère concurrentiel. Je crois que les études à venir devront chercher à sortir de cette dualité, qu'il faudra probablement clarifier.

Je rappelle que l'ONF contient l'essentiel de la technicité et de nos capacités d'ingénierie forestière. La forêt privée n'a pas encore réussi à se hisser à ce niveau de technique et les réformes à venir devront, si elles ont lieu, veiller à ce que la forêt privée puisse se trouver encouragée à progresser davantage. L'ONF aura peut-être un rôle à jouer en tant que prestataire de services.

Monsieur Jean ARTHUIS, président de la commission des finances - C'est peut-être là qu'il faudra réaffirmer le rôle de la tutelle. On voudrait que l'ONF soit une entreprise, avec sa logique de stratégie et de gestion mais il existe des missions définies par l'Etat qui justifient une rémunération spécifique pour l'établissement public qu'est l'ONF.

Monsieur Pierre-Olivier DRÈGE, directeur général de l'ONF - La Cour des comptes a indiqué que l'activité concurrentielle était déficitaire. Cette appréciation globale masque une réalité qui comprend deux parties très différentes. La partie majoritaire, qui fait plus de 100 millions sur un total de 148, concerne des travaux dans le secteur concurrentiel. Cette activité est désormais organisée en agences travaux, dans des centres de profit autonomes ; elle est équilibrée. Elle est même bénéficiaire pour les deux dernières années. C'est la quintessence de l'activité concurrentielle de l'établissement. Ceci est en rupture par rapport à des errements anciens, grâce à un certain nombre de décisions prises en ce sens.

L'autre partie fortement déficitaire relève, en comptabilité analytique, du secteur concurrentiel mais on pourrait en débattre. Il s'agit plutôt de l'assistance à maîtrise d'ouvrages à de très petites communes éloignées de zone rurale, où l'activité se situe dans le domaine concurrentiel mais où il n'existe aucune concurrence. Si nous n'intervenions pas, personne ne le ferait !

La question qui se pose est de savoir s'il faut être à l'équilibre partout dans le secteur concurrentiel même lorsqu'il n'y a pas de concurrence et laisser la commune s'arranger seule ou lui facturer des sommes raisonnables, quitte à se résigner - ce qui n'est pas satisfaisant, j'en conviens - quant au fait que cette activité ne soit pas totalement équilibrée. C'est une question délicate que nous nous posons.

Monsieur Jean ARTHUIS, président de la commission des finances - Objectivement, la situation actuelle ne pourra durer. L'Etat n'en a pas les moyens.

Monsieur Pierre-Olivier DRÈGE, directeur général de l'ONF - Nous essayons de la faire évoluer. En tout état de cause, nous avons fait profondément évoluer avec succès l'activité de travaux, qui était la principale activité commerciale réelle dans le secteur concurrentiel. Cette activité est désormais bénéficiaire.

S'agissant de la question patrimoniale, nous nous sommes efforcés, dans un cadre de mission de service public, d'avoir une pratique et une gestion d'entreprise publique. Y sommes-nous parvenus ? C'est à la Cour et à vous-mêmes de l'apprécier. Un chemin important a été fait et je répète que le modèle économique que nous avons mis en place est viable en situation de croisière normale, si l'Etat ne préempte pas par avance les profits que nous faisons.

Concernant le bilan, nous avons réalisé un travail gigantesque pour évaluer les forêts métropolitaines -9,4 milliards- ce qui a complètement changé la nature de notre bilan.

Pour ce qui est du reste des fonds propres, nous avons prévu ce dispositif permettant de constituer des provisions afin de faire face à des difficultés comme celles que nous rencontrons actuellement. C'est d'ailleurs ce qui nous permet de passer la crise en demandant relativement peu à l'Etat.

Il nous est demandé d'intervenir dans d'autres domaines, notamment au travers du fonds d'investissement stratégique, à l'image de l'automobile, constitué pour un montant total de 100 millions d'euros et dont un quart devrait être assumé pas l'ONF, à côté de la Caisse des Dépôts, du Crédit agricole et d'autres opérateurs privés.

Monsieur Jean ARTHUIS, président de la commission des finances - De quel fonds stratégique s'agit-il ?

Monsieur Pierre-Olivier DRÈGE, directeur général de l'ONF - Il s'agit du fonds stratégique de la filière.

L'ONF vient de contribuer à sa quote-part pour 25 % de la première tranche à hauteur de 5 millions d'euros. Si l'on souhaite que nous répondions à l'enjeu qui consiste à mobiliser davantage de bois - matériaux et énergie renouvelables - tout en préservant mieux la biodiversité, nous devons en avoir les moyens.

Sur le plan du bilan, j'ai proposé au Gouvernement que le grand emprunt puisse contribuer à une augmentation de capital de l'établissement pour que l'on ait des fonds propres à hauteur de l'activité actuelle, ce qui n'a jamais été le cas, l'établissement n'ayant jamais été doté au départ.

En ce qui concerne la question patrimoniale et les baux emphytéotiques, la loi actuelle prévoit que les maisons forestières sont mises gracieusement à notre disposition pour l'activité d'entretien desdites forêts. Une nouvelle approche a été prise et pour éviter de dissocier, à l'intérieur d'un massif forestier, une enclave préjudiciable à la valeur même de la forêt, il a été décidé de nous les céder en bail emphytéotique, dispositif élégant -même s'il est coûteux par rapport à la situation actuelle- puisqu'il maintient l'intégrité de la forêt et de l'enclave constituée par l'assise de la maison forestière.

Cependant, le coût de la reprise demandée à l'ONF est estimé à 250 millions d'euros, ce qui constitue une ponction relativement forte, dont 50 millions de soulte initiale et un loyer dont je vous ai donné la valeur approximative, l'estimation par les Domaines étant en cours.

Pour ce qui est du siège, il s'agit d'une décision du Premier ministre qui nous a demandé, dans le cadre de la réorganisation des unités de la défense nationale, de nous implanter à Compiègne. Nous venons d'arrêter de façon définitive les conditions d'accession du terrain, ce qui devrait être une étape dans ce projet.

Monsieur Pascal VINÉ, directeur du cabinet du ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche - Je ne reviendrai pas sur la question du siège, qui constitue une décision du Premier ministre.

Pour ce qui est de l'IFN, nous disposons depuis le 29 septembre d'un avis de l'Autorité de la concurrence qui indique qu'il y a incompatibilité entre les missions d'inventaire forestier exercées par l'IFN et les missions exercées par l'ONF. Nous sommes en train de regarder en interministériel quelles conséquences tirer de cet avis. Les décisions n'ont pas été prises mais cela pose des difficultés quant à la conduite à bonne fin du projet.

Pour ce qui concerne le droit de la concurrence et notamment le droit européen, nous avons une réponse de la Commission européenne qui remonte à 2000. L'Etat français avait saisi la Commission à propos de la question des aides d'Etat à l'ONF ; la Commission avait répondu que le régime forestier était compatible avec les règles européennes. Nous n'avons pas de raisons d'être inquiets sur ce sujet.

Concernant la question des maisons forestières, il peut y avoir cession par l'ONF d'une partie de ces maisons ; dans le cas de cession de bâtiments dont l'ONF n'aurait plus usage, l'Office peut bénéficier d'un intéressement au produit de la cession.

Monsieur Jean ARTHUIS, président de la commission des finances - Comment se déroulent ces cessions ? Existe-t-il des actes de cession ? Est-ce coûteux ?

Monsieur Pascal VINÉ, directeur du cabinet du ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche - Je ne sais pas. Y en a-t-il déjà eu ?

Monsieur Pierre-Olivier DRÈGE, directeur général de l'ONF - Les maisons forestières ont deux statuts. Certaines appartiennent en propre à l'ONF ; elles sont généralement en dehors des forêts. Dans les forêts, elles ont été maintenues sous la propriété du domaine privé de l'Etat pour éviter de les dissocier du reste de la forêt. Dans le premier cas, l'ONF les vend librement au prix du marché. A l'intérieur des forêts, il existe une question d'opportunité. S'il est en lisière et qu'il n'a plus d'usage pour l'ONF, le bien peut être disjoint sans difficulté et vendu au prix du marché. S'il est totalement enclavé dans le massif, la question de l'opportunité se pose alors.

L'Etat a choisi, plutôt qu'une cession à l'ONF, le système du bail emphytéotique pour éviter de disjoindre l'enclave de la propriété de la forêt, qui resterait la propriété de l'Etat. Ceci aurait en effet une incidence assez forte sur la valeur même du massif forestier. Dans le secteur privé, un massif forestier avec une maison a beaucoup plus de valeur, bien au-delà de la valeur de la maison elle-même et il serait préjudiciable à la gestion patrimoniale de l'Etat d'avoir une telle enclave avec des servitudes considérables.

Monsieur Jean ARTHUIS, président de la commission des finances - Ce chiffre de 50 millions est-il issu d'une évaluation objective ?

Monsieur Pierre-Olivier DRÈGE, directeur général de l'ONF - Il ne s'agit pas de 50 millions mais de 250 millions, dont une soulte de 50 millions et un loyer qui sera payé par l'ONF pour la totalité du parc. En bail emphytéotique, on acquiert le droit réel sur les constructions. Nous sommes en train de réfléchir à la possibilité de différencier les catégories de maisons entre celles directement utilisées pour le service, celles qui sont libres pour le service et parmi celles-ci, celles qui peuvent être gardées en les louant pour d'autres activités et celles qui doivent être vendues, notamment à la périphérie des massifs.

Tout un travail de gestion patrimoniale prévisionnelle est en cours.

Monsieur Jean ARTHUIS, président de la commission des finances - Ne serait-il pas plus simple que l'Etat apporte ses biens en capital ?

Monsieur Pierre-Olivier DRÈGE, directeur général de l'ONF - C'est une solution que nous avions suggérée mais qui n'a pas été retenue par le ministre des finances.

Monsieur Jean ARTHUIS, président de la commission des finances - C'est l'ONF qui va s'endetter plutôt que l'Etat. Cela n'a pas de sens pour les finances publiques !

Quand l'Etat s'endette, il a des conditions de marché selon moi beaucoup plus intéressantes que l'ONF -même si vous arrivez à souscrire à des taux intéressants. Je trouve que l'arbitrage du ministère des finances devrait être revu !

Monsieur Philippe LEROY, sénateur de la Moselle - Je suis d'accord : c'est impensable !

Monsieur Jean ARTHUIS, président de la commission des finances - Il suffit d'apporter la valeur aux fonds propres de l'établissement. Il doit y avoir un spread de 10 ou 20 points par rapport à France Trésor. Ce point devra donc être revu !

Monsieur Pascal VINÉ, directeur du cabinet du ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche - S'agissant de la tutelle des deux ministères sur l'ONF, celle-ci s'exerce au jour le jour, essentiellement dans la construction du contrat d'objectifs. Nous sommes actuellement dans le contrat d'objectifs 2007-2011. Nous allons sans doute très prochainement, courant 2010, engager le prochain. Le rôle de la tutelle est dans ce cas majeur.

Assurer la tutelle d'un établissement aussi important que l'ONF n'est pas toujours simple mais nos équipes sont compétentes et connaissent les sujets ; l'équilibre est donc assuré, nous y veillons.

Par ailleurs, concernant les questions de missions d'intérêt général, aujourd'hui, les financements apportés par le ministre de l'agriculture et le ministère de l'écologie sont de l'ordre de 20 millions d'euros.

Monsieur Jean ARTHUIS, président de la commission des finances - Merci.

Madame la Présidente, souhaitez-vous vous exprimer ?

Madame Annie LHÉRITIER, présidente du conseil d'administration de l'ONF - Je voudrais simplement dire que ma courte expérience dans cette maison m'a montré que celle-ci a su se réformer et se restructurer. Elle a encore un chemin à parcourir dans ce domaine mais elle s'est mise en position de le faire. L'ONF me semble rester, pour les pouvoirs publics, un outil vraiment performant entre leurs mains qui, pour peu qu'on ne l'étouffe pas, peut mener une politique ambitieuse de la filière « forêt et bois ». Personnellement, j'y crois beaucoup.

Monsieur Jean ARTHUIS, président de la commission des finances - Merci.

Vous avez pu mesurer que la forêt française et l'ONF avaient de bons avocats au Parlement mais vous avez également compris dans quelle philosophie et dans quelle démarche s'inscrit cette enquête. Elle n'a pas d'autre objet que de vous aider dans votre mission et peut-être aussi à faire avancer quelques débats qui sont restés dans des cercles où les conflits d'intérêt pouvaient peser sur la décision.

Nous souhaitons prospérité à la forêt française et la réussite de l'ONF.

La commission des finances autorise-t-elle la publication d'un rapport reprenant le contenu de cet échange ? Il en est donc ainsi décidé.

(La séance est levée à 12 heures 40)

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