B. DES MARGES DE MANoeUVRE RÉDUITES PAR DES DÉCISIONS EXTÉRIEURES AUX CONTRATS

L'usage des indicateurs de performance financière validés par l'Etat dans la continuité du contrat Etat-ONF suppose le respect de certaines hypothèses qui sont d'ores et déjà mises à mal, compte tenu de décisions émanant de l'Etat ayant une incidence significative sur la performance financière de l'établissement.

Le contrat Etat-ONF lui-même apporte un cadrage financier nouveau à travers d'une part la fixation pour 2007-2011 du montant du versement compensateur (144 M€ chaque année), en euros courants et indépendamment des frais réellement engagés par l'office pour la mise en oeuvre du régime forestier, d'autre part l'autofinancement des missions d'intérêt général assurées pour le compte du ministère chargé de l'agriculture (à hauteur de 10 M€ en 2011).

Des contraintes financières « hors contrat » bien plus significatives, intervenues courant 2008, s'ajoutent à ce cadrage. On notera que peu de ces mesures relèvent de la RGPP 51 ( * ) .

a) Le « choc » des retraites

Depuis deux ans, pour permettre d'équilibrer le compte d'affectation spéciale créé par la LOLF pour le paiement de l'ensemble des retraites de la fonction publique d'Etat (CAS pension), les employeurs d'agents fonctionnaires (ministères et opérateurs de l'Etat) voient leur contribution augmenter très rapidement.

Le taux de cotisation patronale imposé aux établissements publics, jusqu'alors stabilisé à 33 % des traitements versés, a ainsi fortement augmenté : il est passé à 39,5 % du traitement brut en 2007, puis à 50 % en 2008 et est annoncé à 71,3 % en 2011.

Cette contrainte de la prise en compte au coût réel des pensions servies actuellement aux fonctionnaires retraités à travers une hausse du taux de contribution conduit, compte tenu de l'évolution de la compensation par le ministère chargé de l'agriculture, à une charge nette de 60,7 M€ en 2011 (hors variation d'effectifs).

Pour les années 2007 et 2008, la hausse a en effet été intégralement compensée pour l'office par une subvention du ministère chargé de l'agriculture ; mais cette compensation diminuera progressivement pour n'atteindre que 5,4 M€ en 2011. L'augmentation des charges pour les pensions civiles des fonctionnaires ne sera donc plus que très partiellement compensée et l'écart résiduel à la charge de l'établissement augmentera fortement les coûts salariaux nets.

Le tableau suivant récapitule les données chiffrées relatives à ce « choc » des retraites.

Le « choc des retraites » pour l'office en 2007-2011

b) La reprise du bâti domanial par l'ONF

A la création de l'ONF, l'ancien patrimoine immobilier de l'administration des Eaux et Forêts a été attribué au nouvel établissement public. Cette partie du parc immobilier lui a été remise en toute propriété mais une autre partie - les maisons forestières construites sur sol forestier domanial - a fait l'objet de remises en dotation. Cette disposition particulière s'expliquait par un souci de ne pas séparer les forêts domaniales des bâtiments qui leur étaient liés, ceux-ci étant enclavés ou construits en bordure de forêts.

L'ONF gère donc actuellement environ 4 600 biens immobiliers, dont 40 % lui appartiennent en toute propriété, 55 % sont des immeubles domaniaux et 5 % sont des locations ou des mises à disposition. Ces biens immobiliers consistent principalement en des maisons forestières occupées dans le cadre de leurs fonctions par des agents de terrain de l'ONF. L'unification du parc des immeubles que l'établissement gère actuellement pourrait permettre de simplifier, de rationaliser la gestion de ce patrimoine et d'en assurer la pérennité.

L'ONF avait, en son temps, exprimé son intérêt pour la cession de l'immobilier domanial par l'Etat moyennant un prix symbolique et avait proposé en contrepartie d'en vendre une partie en partageant la plus-value correspondante entre l'Etat d'une part et l'entretien de son patrimoine immobilier global d'autre part. Mais des raisons juridiques et d'opportunité, notamment développées dans un rapport conjoint de l'IGF et du CGAAER 52 ( * ) , se sont opposées à la mise en oeuvre de cette proposition.

Sous réserve d'un accord entre l'ONF et l'Etat (France Domaine et MAP en particulier) sur les modalités de l'opération, l'Etat proposerait un bail emphytéotique de cinquante ans à l'office pour qu'il dispose de droits réels sur les 2 310 bâtiments domaniaux déjà remis en dotation et inclurait aussi environ 540 immeubles construits par l'ONF sur terrains domaniaux. Le conseil d'administration de l'ONF a adopté le 1 er juillet 2009 une résolution portant sur le projet de bail emphytéotique entre l'Etat et l'ONF.

Son coût initial pourrait atteindre 50 M€ (le bouquet) à payer au ministère de l'agriculture et comporterait ensuite un loyer annuel de 3 % de la valeur estimée du parc immobilier, soit de 6 à 8 M€ assorti d'un taux d'actualisation. Selon le rapport précité, le prix minimum de 50 M€ correspondrait aux fonds nécessaires au ministère chargé de l'agriculture pour compléter le financement de ses propres projets d'implantation immobilière et de déménagement dans le 12 ème arrondissement de Paris (projet Picpus).

Concrètement, les conséquences financières de ce montage pour l'office seront les suivantes :

- endettement de l'office à hauteur de 50 M€ dans un contexte de trésorerie négative compte tenu de la modification des règles de versement des pensions civiles de l'Etat ;

- poids du loyer annuel de 6 à 8 M€ sur le résultat d'exploitation de l'office.

Dans ces conditions, l'office a demandé à son conseil d'administration du 12 mars 2009 un doublement de son seuil d'endettement, faisant passer le ratio endettement financier / capitaux propres à plus de 100 %. Il convient d'ajouter que ce système ne comporte pas de retour sur investissement ni de plus-value potentielle susceptibles de financer le remboursement de l'emprunt contracté. En effet, l'ONF n'a ni les moyens ni le savoir-faire pour rénover les maisons afin de dégager un produit couvrant les annuités de remboursement de l'emprunt, les frais financiers afférents et le loyer annuel.

c) Le paiement de la taxe foncière sur les propriétés non bâties

Par la loi de finances rectificative n°2008-1443 du 30 décembre 2008, l'office a été rendu redevable de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, taxe dont il s'acquittait à tort depuis sa création puisqu'il n'est nullement propriétaire des forêts domaniales.

La recherche, par l'office, d'une marge de manoeuvre financière (14 M€ annuels) s'est donc soldée par un échec, au gain près de deux années de non-paiement de la taxe (2007 et 2008).

d) Le transfert du siège à Compiègne

Par lettre du 18 septembre 2008, le Premier Ministre a demandé à la présidente du conseil d'administration et au directeur général de l'ONF de proposer au conseil une délibération prévoyant le transfert du siège de l'établissement à Compiègne. Le conseil d'administration a été informé de cette demande le 25 septembre 2008 et en a pris acte dans une délibération. Une délibération portant approbation de ce transfert et demandant au directeur général de lui proposer un plan de financement du projet lui a été ensuite soumise lors de sa séance du 17 novembre 2008 et adoptée.

Outre sa justification au titre des mesures d'accompagnement de la restructuration militaire, le choix de la ville de Compiègne pour installer le siège de l'ONF a été considéré comme faisant sens pour l'établissement. Le site privilégié à ce stade se trouve au sein de l'ancien champ de manoeuvre du camp des Sablons. Le projet de transfert pourrait se déployer en plusieurs tranches. Le plan de financement présenté au conseil d'administration du 12 mars 2009 ne concernait que la première tranche du projet de transfert.

L'estimation du coût de construction du bâtiment, sur la base de 7 500 m² SHON et 700 m² de surfaces annexes, comprendrait :

- le coût des travaux proprement dits : 1 800 € HT / m² SHON, en valeur novembre 2008 ;

- les honoraires et études : 24 % du coût estimatif des travaux ;

- l'assurance dommage d'ouvrage, l'estimation prévisionnelle des révisions, les coûts d'aménagement intérieur et de mobilier estimés à 1 500 € par poste de travail.

Compte tenu de ces hypothèses, l'enveloppe financière prévisionnelle du projet ressortirait à 26,3 M€ HT, soit 31,5 M€ TTC. Mais le coût des mesures d'accompagnement pour les personnels transférant leur lieu de travail de Paris à Compiègne n'était pas pris en compte, pas plus que le coût du déménagement ni divers autres surcoûts 53 ( * ) .

Le financement du projet devrait être assuré en premier lieu par la revente du siège actuel de l'établissement situé au 2 et 32 avenue de Saint-Mandé, dans le 12 ème arrondissement de Paris, pour lequel une estimation a été réalisée par France Domaine respectivement à 10,5 M€ et 1,6 M€ au 3 décembre 2008. Il est à préciser que le siège de l'ONF constitue une enclave dans le terrain retenu par le ministère de l'agriculture pour son implantation sur le site de Picpus.

(1) Couverture du besoin de financement pour le déménagement
à Compiègne du siège

2009

2010

2011

Total 3 ans

Emplois

Etudes et construction du nouveau siège

1

12

13,3

26,3

Ressources

Vente du siège parisien

0

0

12,1

12,1

Financement bancaire

1

12

1,2

14,2

Total ressources

1

12

13,3

26,3

Source : ONF, conseil d'administration du 12 mars 2009

Le coût envisagé du transfert du nouveau siège dépassant le double du prix escompté de la revente du siège actuel, l'ONF va devoir emprunter pour financer cette opération génératrice de tensions au sein du personnel et dont l'impact social n'est pas encore chiffré. En outre, la rationalité économique du projet envisagé devrait intégrer aussi la dimension de son efficacité opérationnelle, ce qui n'est pas le cas puisque la possibilité de louer des salles de réunion à Paris intra muros est envisagée dés à présent.

e) L'intégration de l'Inventaire forestier national à l'ONF

Le 3 ème conseil de modernisation des politiques publiques (CMPP) du 11 juin 2008 a pris la décision d'intégrer l'Inventaire forestier national (IFN), établissement public, à l'ONF. L'IFN compte 219 agents fonctionnaires ou contractuels et a reçu en 2008 une subvention de l'État de 12,527 M€. Le conseil d'administration, dans sa résolution n° 2008-17 du 17 novembre 2008, a pris acte des éléments communiqués concernant la mission permanente d'inventaire forestier national, en cours de dévolution à l'ONF, et a donné un avis favorable aux modalités de mise en oeuvre de cette intégration prévue au plus tard au 1 er janvier 2010.

Le siège actuel de l'IFN se trouve à Nogent-sur-Vernisson (Loiret), dans l'enceinte du Domaine des Barres (comprenant un arboretum géré par l'ONF), dans un manoir du XIXème siècle rénové à grands frais par l'Etat en 1994 pour l'installation de l'IFN. Deux localisations ont été depuis lors envisagées, l'une à Nancy où l'IFN aurait complété un observatoire européen des forêts ; l'autre dans la banlieue sud d'Orléans, près d'une implantation de l'INRA. La deuxième a prévalu.

Le 7 novembre 2007, le conseil d'administration de l'IFN a donné mandat à son directeur pour étudier ce projet de déménagement, qui serait toujours en cours d'examen, aurait le soutien du ministère de l'agriculture, et dont le coût direct serait estimé à 4 M€. Le conseil général du Loiret, la ville d'Orléans et la région Centre auraient aussi donné un avis favorable pour une participation à hauteur de 2,3 M€ tandis qu'une aide du FEDER pourrait être obtenue à hauteur de 1 M€.

L'IFN et le ministère de l'agriculture interprètent la décision du CMPP 54 ( * ) comme la confirmation d'un accord intervenu préalablement, qui aurait acté le déménagement à Orléans.

Si l'intégration de l'IFN à l'ONF peut conduire à favoriser une nouvelle synergie entre les deux établissements, principalement s'agissant de l'élaboration des aménagements forestiers (cf. supra), en revanche le déménagement de l'IFN de Nogent-sur-Vernisson à Orléans ne semble pas obéir à une logique technique, économique ou sociale parfaitement claire.

________

Les différents rôles de l'Etat à l'égard de l'office (l'Etat tutelle de l'opérateur ONF, l'Etat propriétaire des forêts et du bâti domaniaux, l'Etat prescripteur de missions d'intérêt général, l'Etat responsable d'un programme LOLF auquel émargent à la fois ses services et l'office) ainsi qu'une conjoncture très porteuse pour l'office en 2007 et début 2008 sont à l'origine de cette conjonction de décisions financières. Ces dernières répondent chacune à une logique propre, mais elles ont pour point commun de constituer des charges essentiellement nouvelles à prendre en compte par l'office, d'un ordre de grandeur total bien supérieur au résultat qu'est parvenu à dégager l'office en 2007 (et a fortiori en 2008), après son redressement. Elles modifient à l'évidence les conditions d'obtention de l'équilibre financier de l'établissement sur la durée du contrat Etat-ONF et au-delà.

Compte tenu du poids de la masse salariale dans les charges de l'office, le « choc des retraites » constitue en particulier un paramètre majeur pour l'établissement, car il pèsera sur l'ensemble de ses activités, en renchérissant le coût de la gestion des forêts domaniales et des collectivités et en mettant en péril la viabilité des activités concurrentielles déjà déficitaires.

De façon plus générale, ces mesures reviennent de fait à préempter des résultats économiques qui, au moins à court terme, ne seront finalement pas au rendez-vous, compte tenu de la nouvelle crise du marché du bois. En cela, elles ne répondent pas à la logique du versement d'un dividende à l'Etat, légitimement défendue par les tutelles. L'octroi en 2009 d'une subvention exceptionnelle de l'État accompagnée du remboursement de la taxe foncière acquittée par l'office en 2007 traduit un certain réalisme de la part de la tutelle face à l'ampleur de la crise.

* 51 C'est le cas de l'intégration de l'IFN à l'ONF et, de façon indirecte, du déménagement du siège de l'office à Compiègne.

* 52 Rapport sur la cession à l'ONF des maisons domaniales forestières de mai 2008.

* 53 Contrairement à l'hypothèse retenue par l'ONF dans le plan de financement présenté au conseil d'administration en mars 2009, le terrain ne pourra pas être cédé à l'euro symbolique mais à la valeur estimée par le service des Domaines. Comme le prévoit l'art. 67 de la loi de finances pour 2009, une exception aurait pu être autorisée par le législateur si la commune de Compiègne avait figuré dans le périmètre d'un contrat de redynamisation des sites défense (CRDS).

* 54 Le Conseil de modernisation des politiques publiques du 11 juin 2008 a prévu que l'IFN serait intégré à l'ONF « sans que son implantation en soit modifiée ».

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