C. L'ÉGALITÉ DES CHANCES ET LE CUMUL EMPLOI-RETRAITE

Deux aspects spécifiques du cumul emploi-retraite qui concernent, d'une part, les titulaires d'une pension de réversion et, d'autre part, les handicapés, ont particulièrement attiré l'attention de la rapporteure.

Lors de son audition par la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale puis par la commission des affaires sociales du Sénat, Mme Danièle Karniewicz, présidente de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) a invité à réfléchir sur le cumul emploi-retraite. « Il est aujourd'hui possible de cumuler sa pension de retraite avec des revenus du travail, mais seulement lorsqu'on dispose de droits propres à la retraite, et non quand on bénéficie de droits dérivés. Une veuve qui a renoncé à travailler pour élever ses enfants touche une pension de réversion sous conditions de ressources. Si elle travaille, elle va perdre tout ou partie de sa pension de réversion. Le cumul emploi-retraite est donc impossible pour ceux qui sont le plus dans le besoin, notamment les femmes . Je rappelle que le montant des pensions de réversion versées par la CNAV ne dépasse pas 800 euros et qu'il y a aujourd'hui une volonté d'étendre la condition de ressources, qui aujourd'hui n'existe pas pour les retraites complémentaires. Sans être favorable au système des pensions de réversion en tant que tel, je considère que c'est aujourd'hui une nécessité et que nous devons absolument le préserver. » 9 ( * )

Dans le même sens, le rapport d'information n° 314 (2006-2007) de MM. Claude Domeizel et Dominique Leclerc, fait au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale et de la commission des affaires sociales, recommande de favoriser l'activité professionnelle des seniors en rendant possible le cumul intégral d'un emploi et d'une pension de réversion.

Ce rapport rappelle que le décret n° 2004-1451 du 23 décembre 2004 modifiant a eu notamment pour effet positif d'introduire une mesure encourageant l'activité professionnelle des assurés du régime général afin d'atténuer la portée, particulièrement sévère, du nouveau plafond de ressources institué à la suite de la réforme de 2003 : les revenus d'activité du conjoint survivant font désormais l'objet d'un abattement de 30 % à condition toutefois que le bénéficiaire soit âgé de cinquante-cinq ans ou plus.

Il estime cependant que cette mesure est insuffisante au regard de la nécessité de favoriser l'emploi des plus de cinquante ans au cours des prochaines années. « La situation des seniors sur le marché de l'emploi demeure en effet très difficile en France. Ainsi, retrouver un travail pour une veuve de cinquante ans qui a cessé de longue date toute activité professionnelle constitue une sorte d'exploit qui suppose d'accomplir un véritable parcours du combattant. Il convient donc d'éliminer tous les obstacles susceptibles d'empêcher les conjoints survivants qui le souhaitent, et surtout qui le peuvent, de reprendre un emploi. »

La délégation constate que le plafond de ressources fixé par la réglementation à « 2 080 fois le montant horaire du salaire minimum de croissance » , ce qui correspond, en 2010, à 18 428 euros constitue un frein au retour à l'emploi des veuves et des veufs qui en ont le plus besoin. Elle recommande d' autoriser le cumul intégral entre la pension de réversion du régime général de base et un revenu d'activité.

Par ailleurs, le problème de l' exclusion des personnes handicapées du dispositif de cumul emploi-retraite mérite d'être reposé.

Il a fait l'objet d'un certain nombre de questions adressées au Gouvernement. Celui-ci, dans une réponse ministérielle 10 ( * ) rappelle que l'article 88-(I) de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2009 a introduit la possibilité à compter du 1 er janvier 2009 de cumuler intégralement sous certaines conditions les revenus d'une activité professionnelle avec une pension de retraite dans le régime général d'assurance vieillesse, les régimes alignés et ceux des professions libérales, des agriculteurs et des fonctionnaires (art. L.161-22, al. 1, du code de la sécurité sociale). Ainsi, le service de la pension de vieillesse substituée à une pension d'invalidité ou liquidée au titre de l'inaptitude au travail n'est plus soumis à une condition de ressources lorsque l'intéressé reprend une activité . En conséquence, les intéressés peuvent prétendre au cumul intégral entre retraites et revenus d'activité s'ils remplissent les conditions d'âge et de durée d'assurance, de cessation d'activité et de liquidation de l'ensemble de leurs pensions de retraite. À défaut, le cumul est autorisé dans les limites issues de la réforme de 2003. Cette réponse ministérielle conclut que «la situation des personnes handicapées au regard des règles de cumul d'une activité professionnelle avec une pension de retraite est donc désormais strictement identique à celle de tous les autres assurés. »

Par ailleurs, l'article 67 de la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 de financement de la sécurité sociale pour 2010 permet de poursuivre le versement de la pension d'invalidité au-delà de soixante ans pour les personnes en activité , mettant ainsi un terme à « une restriction archaïque au travail des personnes bénéficiant d'une pension d'invalidité, restriction devenue d'autant plus pénalisante que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a libéralisé les possibilités de cumul emploi-retraite » 11 ( * ) .

Toutefois, votre rapporteure se demande si ce nouveau dispositif a fait l'objet d'une information suffisante auprès des intéressés. Elle constate, en outre, sur le terrain, que les personnes handicapés souhaitent, au-delà de cet assouplissement, se constituer des droits à la retraite en reprenant une activité professionnelle et pouvoir bénéficier du fruit de cette activité sous forme de pension. Elle souligne la légitimité de cette demande et sa cohérence avec le principe général qui consiste à favoriser le resserrement du lien entre l'emploi et la retraite.


* 9 Réunion du 11 mai 2010 à l'Assemblée nationale

* 10 Réponse du Ministère du Travail, des Relations sociales, de la Famille, de la Solidarité et de la Ville, à la question écrite n° 08280 de M. François Autain, publiée au JO Sénat du 31 décembre 2009, page 3078

* 11 Rapport n 1994 (AN), Tome III, de M. Denis Jacquat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010

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