AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Instituée en 1975 1 ( * ) , l'allocation aux adultes handicapés (AAH) est destinée aux personnes handicapées âgées de plus de vingt ans et ne pouvant prétendre à un avantage vieillesse, une pension d'invalidité ou une rente d'accident du travail d'un montant au moins égal à l'AAH. Elle est attribuée en fonction de critères médicaux et sociaux par les commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH).

L'esprit initial de ce dispositif était de procurer un revenu de remplacement aux personnes exclues du marché du travail en raison de leur handicap . Elle est, à ce titre, versée sous conditions de ressources. Cette vocation originelle a été confirmée par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées qui a créé la prestation de compensation du handicap (PCH), versée, elle, sans conditions de ressources.

Ainsi, lorsqu'une personne handicapée ne peut vivre de son activité, l'AAH lui assure un revenu de subsistance. Il s'agit d'un minimum social , le deuxième en nombre d'allocataires (environ 870 000 à la fin de 2010) après le RSA. Elle est financée par la solidarité nationale et représente une dépense globale qui devrait atteindre près de 7 milliards d'euros en 2011 .

La dépense afférente représente une part prépondérante des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » : la maîtrise de son évolution constitue donc un enjeu important, en particulier dans un contexte budgétaire contraint.

A cet égard, vos rapporteurs expriment, chaque année, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances initiale, un certain scepticisme à l'égard de la prévision de dépense d'AAH . Ils ont en effet constaté une sous-évaluation quasi-systématique des crédits au regard des besoins réels , confirmée par les lois de règlement successives adoptées a posteriori .

Le présent rapport, commun à la commission des finances et la commission des affaires sociales, s'attache par conséquent à analyser les déterminants de l'évolution de la dépense d'AAH afin d'établir les conditions d'une meilleure sincérité de la prévision budgétaire .

Vos rapporteurs sont également préoccupés par la réforme en cours de l'allocation. Elle devrait permettre de mieux maîtriser la charge financière, notamment en orientant les personnes handicapées vers l'emploi. Pour autant, force est de constater, qu'elle demeure, à ce jour, au milieu du gué et qu'elle n'a pas produit les effets escomptés .

I. UNE DÉPENSE DE PRÈS DE 7 MILLIARDS D'EUROS, DONT LA DYNAMIQUE POURRAIT ÊTRE MIEUX MAÎTRISÉE

A. UNE DÉPENSE INFLATIONNISTE SYSTÉMATIQUEMENT SOUS-ÉVALUÉE

1. Une croissance soutenue de la dépense

Dans le projet de loi de finances pour 2011, la dépense au titre de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) est estimée à plus de 6,9 milliards d'euros . Elle s'élevait, en 1998, à 3,7 milliards et à près de 4,4 milliards en 2002. La croissance de cette charge est donc soutenue ( cf. graphique ci-dessous), en progression d'environ 39 % entre 2002 et 2009 .

Source : direction du Budget et direction générale de la cohésion sociale.

Le dynamisme de la prestation résulte à la fois de la progression régulière du nombre de bénéficiaires et de l'augmentation du montant moyen qui leur est servi .

a) Une augmentation continue du nombre de bénéficiaires

Entre 1998 et 2011, le nombre de bénéficiaires a crû de plus de 30 %. Il est passé de 688 800 en 1998 à 743 850 en 2002 et est estimé à plus de 900 000 en 2011 , comme le montre le graphique ci-dessous.

Source : direction générale de la cohésion sociale.

Depuis 2006, la progression est, en moyenne, toujours supérieure à 2 % par an . A ce rythme, le million d'allocataires devrait être dépassé avant 2020.

b) Une hausse des montants moyens versés, notamment du fait de la revalorisation de 25 % de l'AAH d'ici à 2012

L'AAH est une allocation différentielle , c'est-à-dire qu'elle compense la différence entre les éventuelles ressources de la personne handicapée et le montant maximal de l'allocation, défini par décret . Elle s'apparente ainsi à un revenu minimum garanti.

Chaque allocataire ne perçoit donc pas la même somme . Pour cette raison, il importe de connaître le « montant mensuel moyen » qui leur est servi.

Or, la progression de la dépense globale d'AAH résulte aussi de la hausse de ce montant mensuel moyen. Celui-ci s'élevait à environ 458 euros en 1998 et devrait dépasser 635 euros en 2011, soit 38 % d'augmentation .

Source : direction générale de la cohésion sociale.

Toutefois, une partie de l'accroissement du montant mensuel moyen versé ne procède pas d'une dynamique endogène à la prestation . En effet, compte tenu de son caractère différentiel, plus le montant maximal croît - et avec lui le plafond de ressources - et plus le montant mensuel moyen augmente.

Or, lors de la Conférence nationale du handicap, en juin 2008, le Président de la République a annoncé une revalorisation de l'AAH de 25 % sur la période du quinquennat , selon l'échéancier rappelé ci-dessous.

De fait, le montant mensuel moyen a connu une nette inflexion à partir de 2008 qui devrait se poursuivre jusqu'en 2012. A ce titre, on peut d'ailleurs douter de la prévision de 635 euros inscrite dans le projet de loi de finances pour 2011 alors qu'il atteint déjà 625 euros en 2010.

Échéancier de revalorisation de l'AAH

Échéances

Taux de revalorisation

Montant maximal d'AAH

Progression cumulée depuis 2007

en euros

en euros

au 31 décembre 2007

621,27

1 er janvier 2008

1,10 %

628,10

1,10 %

6,83

1 er septembre 2008

3,90 %

652,60

5,00 %

31,33

1 er avril 2009

2,20 %

666,96

7,40 %

45,69

1 er septembre 2009

2,20 %

681,63

9,70 %

60,36

1 er avril 2010

2,20 %

696,63

12,10 %

75,36

1 er septembre 2010

2,20 %

711,95

14,60 %

90,68

1 er avril 2011

2,20 %

727,61

17,10 %

106,34

1 er septembre 2011

2,20 %

743,62

19,70 %

122,35

1 er avril 2012

2,20 %

759,98

22,30 %

138,71

1 er septembre 2012

2,20 %

776,59

25,00 %

155,32

Source : réponse aux questionnaires budgétaires.


* 1 Article 37 de la loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées.

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