2. Une prévision initiale quasi-systématiquement contredite en exécution
a) Des écarts entre prévision et exécution qui s'accroissent depuis 2006

Depuis plusieurs années, les crédits inscrits en loi de finances initiale ont presque toujours été insuffisants pour couvrir les besoins réels au titre de l'AAH . La prévision - qui certes demeure un art difficile - s'est révélée défaillante comme le montre le graphique ci-dessous.

Source : direction du Budget.

Entre 2000 et 2004, plusieurs exercices ont été marqués par des écarts substantiels entre prévision et exécution, notamment les années 2000, 2002 et 2004. Toutefois, un retour à la normale a pu être constaté pour les exercices 2005 et 2006. Ainsi, lors de l'exercice 2006, l'écart est resté contenu dans une fourchette acceptable puisqu'il s'élevait à environ 42 millions d'euros, soit 0,8 % de la prévision initiale.

En revanche, depuis cette date, la divergence entre les données de la loi de finances initiale et celles de la loi de règlement tend, de nouveau, à se creuser . Exprimée en pourcentage de la prévision initiale, elle représentait :

- 1,30 % en 2007 , soit environ 69 millions d'euros ;

- 4,36 % en 2008 , soit près de 236 millions d'euros ;

- 5,80 % en 2009 , soit un peu moins de 337 millions d'euros ;

- 6,48 % en 2010 , d'après les chiffres prévisionnels du projet annuel de performances pour 2011, soit plus de 404 millions d'euros .

b) Une sincérité budgétaire mise en doute à chaque exercice

L'article 32 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) établit le principe de sincérité selon lequel « les lois de finances présentent de façon sincère l'ensemble des ressources et des charges de l'Etat. Leur sincérité s'apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler ».

Or, si un dérapage ponctuel peut être toléré dès lors qu'il était imprévisible, il est patent que les conséquences du dynamisme de l'AAH n'ont pas été tirées en termes budgétaires . La programmation budgétaire initiale n'a pas tenu compte de la tendance observée, conduisant inévitablement à une sous-budgétisation récurrente de cette dépense.

Dès lors, depuis le projet de loi de finances pour 2007, vos rapporteurs ont exprimé, dans chaque rapport budgétaire, leur plus grand scepticisme au regard de la prévision de dépense . Leurs interrogations sur « la réalité des dépenses liées à l'AAH » ou « la crédibilité des hypothèses retenues » sont demeurées sans réponse.

Le Gouvernement a manifestement ignoré la tendance qui s'est dessinée et amplifiée depuis 2006. De surcroît, les mesures d'économies, mises en avant dans chaque projet annuel de performances, n'ont jamais été confirmées. Quand bien même elles auraient été réalisées, leur montant n'aurait jamais suffi à compenser la progression constatée de la dépense.

Néanmoins, le projet de loi de finances pour 2011 pourrait constituer un infléchissement de cette « politique de l'autruche » . Comme le montre le graphique précédent, les crédits inscrits dans le projet annuel de performances pour 2011 présentent une sensible revalorisation qui devrait permettre de mieux couvrir les besoins réels. Pour autant, vos rapporteurs estiment que cette progression restera probablement insuffisante 2 ( * ) .

c) Une sous-budgétisation qui pèse directement sur les comptes de la branche famille de la sécurité sociale

L'AAH est versée aux bénéficiaires par les Caisses d'allocations familiales (CAF), c'est-à-dire la branche famille de la sécurité sociale. Il existe donc un transfert financier entre le budget de l'Etat et les CAF.

Par le passé, la sous-budgétisation de la dépense d'AAH a eu pour conséquence de conduire à la formation de dettes de l'Etat à l'égard de la CNAF . Elles ont été totalement apurées en octobre 2007 par un versement exceptionnel de l'Etat d'un peu moins de 100 millions d'euros .

Depuis, un abondement systématique en loi de finances rectificative de fin d'année sur le programme « Handicap et dépendance » ainsi que des mesures de fongibilité ont permis d'éviter la formation de nouvelles dettes.

Si l'Etat a légitimement mis un terme à une situation inacceptable, la sous-estimation de la dépense d'AAH constitue encore une charge de trésorerie pour la CNAF . En effet, une régularisation définitive ne peut intervenir qu'en fin d'année, une fois votée la loi de finances rectificative. Entre temps, la branche famille est contrainte d'inscrire la somme manquante dans son découvert de trésorerie. Or, à fin 2010, le découvert de trésorerie global des régimes de sécurité sociale devrait atteindre plus de 50 milliards d'euros.

La dépense d'AAH ne représente certes qu'une partie infime de ce montant (environ 0,8 % pour l'année 2010). Néanmoins, sur le principe, il est très regrettable que l'Etat participe à l'aggravation de la situation financière des régimes de sécurité sociale alors même qu'une programmation prudente de la dépense permettrait de l'éviter.


* 2 cf. infra I. B. 2.

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