C. LES OBJECTIFS DE LA RÉFORME

1. Pourquoi encore une PAC en 2014 ? La modernité du défi alimentaire
a) La sécurité alimentaire : un enjeu stratégique mondial

Comment nourrir durablement neuf milliards de personnes d'ici à 2050, contre six aujourd'hui, dont les régimes alimentaires tendront vraisemblablement à se rapprocher de notre modèle ? Ce défi se pose dans un contexte d'incertitudes liées aux effets du changement climatique, à la volatilité des cours ou à la concurrence des productions agro-énergétiques.

Enjeu dramatique et constant pour les pays en développement, la sécurité alimentaire est aussi au coeur des préoccupations de pays riches comme le Japon ou de puissances émergentes comme la Chine ou l'Inde. Elle (re)devient un outil de puissance pour des pays comme la Russie ou le Brésil.

Illustration de cette tendance de fond, l'acquisition de terres arables par des investisseurs étrangers dans les pays en développement (PED) est en plein essor. Bien que les estimations soient délicates, entre 2006 et 2009, 15 à 20 millions d'hectares auraient été ainsi acquis, soit l'équivalent des deux-tiers de la surface agricole utile de la France (25 ( * )) . Selon l'association des agriculteurs européens - COPA -, l'Union européenne importerait aujourd'hui une production agricole équivalente à celle de 35 millions d'hectares.

Certes, des simulations montrent qu'il est possible de nourrir 9 milliards de personne de manière durable à l'horizon 2050. Mais cela suppose de presque doubler la superficie de terres cultivables effectivement cultivées dans le monde. Aujourd'hui, seuls 40 % des terres cultivables le seraient. De même, les modèles de production à faibles rendements qui ont la faveur d'une fraction de la société ne sont pas transposables partout quand l'alimentation physique est en jeu. Selon l'INRA, trois régions devraient continuer à importer des calories alimentaires quel que soit le scenario : l'Afrique du nord-Moyen Orient, l'Afrique sub-saharienne et l'Asie.

Dans ce jeu mondial, quelle peut être la place de l'Europe ? Tout d'abord, l'économiste réagira en considérant que ce besoin constitue un marché potentiel de première envergure. L'Europe doit rester un grand exportateur pour participer à un nouvel équilibre alimentaire mondial. A cet égard, l'image d'une Europe détruisant l'agriculture des pays pauvres en subventionnant ses exportations est dépassée. Selon M. Christophe Gouel, économiste à l'INRA, la fin des restitutions à l'exportation, la baisse des aides aux agriculteurs et leur découplage nous mettent à l'abri des reproches de l'OMC.

L'Union européenne a au contraire une carte à jouer y compris sur les productions de base ou peu transformées. La désaffection des Chinois pour le lait fabriqué en Chine à la suite de contaminations répétées est une occasion pour pénétrer ce marché en pleine expansion. Pourquoi ne pas imaginer une plate forme d'exportation européenne réunissant les grands producteurs de céréales ou de lait par exemple ? L'Europe a également une responsabilité à assumer. C'est notamment le cas dans le cadre de l'Union pour la Méditerranée, où elle a une responsabilité particulière pour répondre aux besoins d'une région qui souffrira d'un déficit agricole croissant.


* (25) Source : Note de veille n° 182 de juin 2010 du Centre d'analyse stratégique.

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