2. Une PAC plus équitable
a) L'équité entre agriculteurs
L'inégalité de la répartition des aides agricoles est souvent dénoncée, non sans raison. Cette inégalité recouvre trois situations distinctes.
Il y a d'abord une inégalité bien connue entre secteurs, entre exploitations. La répartition est très liée à la taille de l'exploitation. En France, 10 % des exploitations reçoivent 40 % des aides directes, tandis que près de la moitié des exploitations ne perçoit que 10 % des aides. Les secteurs sont très inégalement soutenus. Le secteur des fruits et légumes ne reçoit que 3 % du budget de la PAC. Le secteur vitivinicole échappe encore au système des DPU et n'est soutenu qu'à titre exceptionnel par des mesures de distillation sans commune mesure avec le régime des aides directes. Il est même tout à fait frappant de constater que les montants des aides sont totalement indépendants de l'utilité sociale et sanitaire des productions.
Ensuite, cette répartition est également figée par certains choix discutables. Lors de la mise en place du découplage, le choix avait été laissé de calculer les aides sur une base identique pour tous les agriculteurs, éventuellement sur une base régionale, ou sur une base historique. La France a choisi cette voie et actuellement, les DPU sont calculés sur la base des aides versées aux exploitations entre 2000 et 2002. Il existe donc des différences importantes entre agriculteurs voisins, tout simplement parce que ceux-ci ne bénéficiaient pas des mêmes niveaux d'aide couplée il y a dix ans ! L'inégalité d'hier se reproduit aujourd'hui. La redistribution des aides entre secteurs s'avère très difficile à faire accepter et à conduire. Elle prend la voie de « l'article 68 » du règlement des aides directes, qui autorise un prélèvement des aides du premier pilier pour créer des aides fléchées sur des systèmes spécifiques ou des régions vulnérables. La première application de cette faculté, en 2009 (pour basculer une partie des aides du secteur des céréales vers l'élevage) s'est avérée délicate, mais elle a sauvé l'élevage ovin en France.
Enfin, l'application de la PAC peut aussi conduire à quelques excès qui lui font un tort considérable. Le chef de cabinet du commissaire Dacian Ciolos reconnaissait ainsi que « la critique sur la répartition et les grandes inégalités entre bénéficiaires des aides fait mal, mais est souvent justifiée. Il paraît important de valoriser l'agriculteur actif, et non le propriétaire terrien qui possède de grandes surfaces ni le pseudo exploitant qui s'amuse avec une pseudo activité agricole. Les profiteurs du système entraînent un dégât d'image destructeur pour la PAC » . L'idée d'un plafonnement ou d'un écrêtement des aides fait aussi son chemin.