PREMIÈRE PARTIE : LES CONSTATATIONS DE VOTRE RAPPORTEURE SPÉCIALE

De ses investigations, votre rapporteure spéciale retient, en synthèse, trois séries de constatations :

alors que la candidature à l'acquisition de l'hippodrome du Putois avait été formulée de longue date (dès 2000) par la Société des courses de Compiègne, la vente finalement conclue a été réalisée par l'administration, entre juin 2009 et mars 2010, avec une célérité manifeste ;

la procédure suivie pour cette cession a largement constitué une sorte de « bricolage » du ministère du budget, certaines options initiales étant modifiées in extremis . Or cette situation paraît consécutive au caractère douteux de la qualification juridique retenue pour le terrain cédé ;

le prix auquel la vente a été conclue, en dernière analyse, ne semble excessif ni dans un sens ni dans l'autre ; son montant reflète sans doute la valeur réelle de l'hippodrome, pour le peu d'éléments de comparaison dont on dispose sur le marché. Néanmoins, ce prix a été déterminé par une évaluation de France Domaine dont la méthode s'avère, pour le moins, discutable et qui, de fait, le rend sujet à débat malgré tout.

Chacun de ces points est successivement développé ci-après.

I. UNE INTENTION D'ACHAT FORMULÉE DE LONGUE DATE POUR UNE VENTE FINALEMENT RÉALISÉE AVEC CÉLÉRITÉ

La cession par l'Etat de l'hippodrome du Putois en faveur de la Société des courses de Compiègne est intervenue, en mars 2010, relativement tard, par rapport aux actes répétés de candidature à l'achat que l'association avait effectués dès l'année 2000. En revanche, à compter de la nouvelle demande d'acquisition formulée en mai 2009, les opérations se révèlent très rapides, malgré un dialogue interministériel difficile.

Il faut ici exposer les faits en suivant leur chronologie , telle que votre rapporteure spéciale l'a reconstituée.

A. UNE CESSION RELATIVEMENT TARDIVE PAR RAPPORT AUX PREMIÈRES DEMANDES D'ACQUISITION DE LA SOCIÉTÉ DES COURSES DE COMPIÈGNE

Depuis la fin du XIX e siècle , la Société des courses de Compiègne exploite l'hippodrome du Putois, ancien champ de manoeuvre jouxtant le parc du château. L'association, dans un premier temps, est un sous-locataire de la ville de Compiègne, elle-même locataire direct de l'Etat ; à compter des années 1910 , elle devient directement locataire de l'Etat, sur le fondement de conventions conclues avec l'Etat, et avec l'ONF à partir de la création de cet établissement en 1966.

Ces conventions portent autorisation d'occupation à titre onéreux, moyennant une redevance, et précaire, donc révocable. Elles sont régulièrement renouvelées. De la sorte, juridiquement, la Société des courses de Compiègne est titulaire d'une autorisation d'occupation du domaine de l'Etat.

1. Un premier échec en 2003

Dès 2000 et 2001 , l'association manifeste son souhait d'acquérir le terrain de l'hippodrome. Elle entend ainsi bénéficier d'une plus grande souplesse de gestion, alors qu'elle effectue d'importants investissements pour développer l'activité hippique du site notamment l'amélioration des pistes et la mise aux normes de sécurité, ainsi que la rénovation et l'entretien lourd des bâtiments.

À cette époque, l'autorisation d'occupation dont bénéficie la Société des courses est une convention de 1987, signée avec l'ONF, dont l'échéance est prévue au 31 mars 2001. L'association ne sollicite le renouvellement de cette convention qu'à défaut, préférant un achat.

L'affaire paraît traîner : l'association reformule son offre auprès du ministre chargé de l'agriculture en mai 2003 , alors que la convention d'occupation, arrivée à échéance depuis plus de deux ans, n'a toujours pas été renouvelée.

Cette offre d'acquisition est refusée par l'Etat en août 2003 . Ce refus est signifié à la Société des courses de Compiègne par une lettre du ministre chargé de l'agriculture , Hervé Gaymard, et motivé par « la législation concernant les forêts domaniales ». Toutefois, dans sa lettre, le ministre précise qu'« en revanche, un échange serait envisageable si la Société des courses offrait un terrain forestier de la même importance et d'une valeur suffisante » 7 ( * ) .

Or un tel échange n'est pas possible, en l'état du patrimoine foncier dont dispose alors la Société des courses. Aussi, la convention d'occupation est renouvelée, en novembre 2003 , avec effet rétroactif au 1 er avril 2001 et échéance au 31 mars 2010 .

On notera que la redevance demandée à l'association est fixée à 37 000 euros par an à compter du 1 er avril 2003, révisable à la hausse exclusivement, le 1 er avril 2004 pour la première fois puis tous les trois ans, en fonction de l'évolution de l'indice INSEE du coût de la construction. Par ailleurs, la sous-location pratiquée par la Société des courses à la Société du golf est expressément autorisée.

2. Un second échec en 2006

En janvier 2006 , la Société des courses de Compiègne forme une nouvelle proposition d'acquisition de l'hippodrome du Putois, cette fois par la voie d'un échange . À cet effet, l'association envisage l'acquisition d'un terrain forestier parmi une douzaine, qu'elle a identifiés dans différentes régions françaises dont la Picardie, mais aussi le Centre et les Ardennes.

Plusieurs réunions sur le sujet sont ensuite tenues entre la Société des courses et l'ONF.

Ainsi, en mars 2006 , il est indiqué à l'association, par l'ONF, que l'échange pourrait se faire sur la base d'un rapport de superficies de 1 à 5 soit environ 250 hectares de forêt en échange des près de 49 hectares de la parcelle cadastrale principale qu'occupe le site de l'hippodrome. L'acquisition aurait représenté une dépense de l'association à hauteur de 1,25 million d'euros environ.

Mais ce projet avorte. En effet, en août 2006 , une réunion entre les représentants de la Société des courses et le directeur général de l'ONF retient une autre solution, concrétisée en novembre 2006 : un avenant à la convention de 2003 proroge alors l'autorisation d'occupation jusqu'au 31 décembre 2021 .

En outre, le régime de la redevance fixé en 2003 est expressément inchangé , malgré les travaux d'extension du bâti qui seront réalisés dans le cadre d'un permis de construire accordé à la Société des courses au mois de septembre précédent. Le niveau de cette redevance s'établira ainsi, en 2009 , à 43 343 euros pour l'année, hors impôts fonciers lesquels représentent environ le quart de la redevance.

D'après les indications convergentes recueillies par votre rapporteure spéciale, c'est la perspective des échéances électorales de 2007 présidentielles et législatives qui a conduit l'administration à « geler » de la sorte le processus d'échange. Votre rapporteure spéciale relève cette prudence des services, voire leur « frilosité », en cette occurrence ; des considérations de nature politiques ont ainsi empêché l'opération d'aboutir sous la forme d'abord envisagée.

Source : France Domaine


* 7 Sur le régime juridique de l'échange de terrains forestiers, cf . infra , II.

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