II. LES AVANCÉES DE L'AVANT-PROJET CONSOLIDÉ ET LES MARGES DE PROGRESSION POSSIBLES

L'avant-projet consolidé apporte trois avancées par rapport à l'avant-projet initial :

- le schéma intègre désormais les coûts liés à la régénération à la modernisation des réseaux existants ;

- il explicite la clef de financement entre l'État, les collectivités territoriales et les autres acteurs pour chaque mode de transport ;

- il traite les projets routiers qui ont déjà reçu une déclaration d'utilité publique.

Toutefois, sur chacun de ces points, votre groupe de suivi proposera des modifications pour renforcer la portée du schéma.

A. LA PRISE EN COMPTE DES COÛTS DE RÉGÉNÉRATION ET DE MODERNISATION DES RÉSEAUX EXISTANTS

1. Le contenu de l'avant-projet consolidé

L'avant-projet initial du SNIT ne concernait que les projets nouveaux et prévoyait à cet effet une enveloppe globale de 170 milliards d'euros sur 20 à 30 ans. Suite aux observations des membres du CNDDGE et des sénateurs du groupe de suivi, le ministère a revu sa copie et intégré la question des coûts de modernisation et de régénération , ainsi que les nouvelles charges d'entretien et d'exploitation pour les vingt-cinq prochaines années.

Ainsi, hors projet du Grand Paris Express, les projets nouveaux, portant sur le développement du réseau, représentent 166 milliards d'euros. Les investissements en matière de régénération, c'est-à-dire de remise à niveau des réseaux, s'élèvent quant à eux à 30,5 milliards d'euros, et les investissements en matière de modernisation se montent à 59,5 milliards d'euros. Dès lors, l'enveloppe globale du SNIT passe de 170 milliards d'euros à 260,5 milliards d'euros .

RÉPARTITION DES DÉPENSES PAR MODE

Source : avant-projet consolidé du SNIT, page 59.

2. Les propositions du groupe de suivi

Au préalable, votre groupe de suivi souhaite que l'on renforce l'étude des besoins en mobilité. L'évaluation des futurs besoins globaux de mobilité est insuffisamment prise en compte par le ministère, alors qu'elle est déterminante pour le choix des projets d'infrastructures de transport. En particulier, le nouveau Livre Blanc sur la mobilité, rendu public par la Commission européenne le 28 mars dernier, n'a pas pu être pris en compte dans l'avant-projet consolidé car il est paru postérieurement 6 ( * ) . Ce document fixe, entre autres, dix objectifs pour que le système de transport européen soit compétitif et économe en ressources et atteigne ainsi l'objectif de réduction de 60 % des émissions de gaz à effet de serre. En outre, le rapport d'évaluation globale se réfère à des anciennes études de l'INSEE alors que l'institut statistique a élaboré en décembre 2010 de nouvelles données qui modifient sensiblement les évolutions démographiques attendues dans nos régions.

Votre groupe de suivi insiste sur la nécessité absolue qui doit être accordée à l'entretien et à la modernisation des réseaux de transport actuels. Compte tenu des tensions fortes sur les finances publiques, l'État doit choisir entre concentrer son effort financier sur le réseau existant ou bien développer le réseau de LGV. Poursuivre les deux objectifs simultanément ne paraît pas réaliste, d'autant que l'État n'a pas les moyens de verser à RFF les subventions prévues au contrat de performance. Pour les usagers de la route ou du transport ferroviaire, il est bien évident que leurs préoccupations se tournent vers l'amélioration au quotidien des infrastructures, et non vers la réalisation de projets de développement dont l'horizon peut aller jusqu'à 25 ans. Le développement des LGV n'apparaîtra peut-être pas prioritaire dans les années à venir. Les ordres de grandeur transmis par RFF indiquent que la construction d'un kilomètre de ligne à grande vitesse peut coûter 15 à 20 fois plus cher que la régénération ou l'électrification d'un kilomètre d'une ligne classique. N'oublions pas que le TGV transporte aujourd'hui 100 millions de voyageurs par an, contre 400 millions pour le seul Transilien. En outre, d'un point de vue écologique, il est presque systématiquement préférable d'aménager une infrastructure existante que d'en créer une nouvelle, comme l'a reconnu Mme Michèle Pappalardo, responsable du Commissariat général au développement durable, lors de son audition devant votre commission.

Votre groupe de suivi souhaite que le ministère accorde une attention forte à l'entretien du réseau routier pour que les routes ne connaissent pas le même sort que le réseau ferroviaire. La fiche ROU 2 de l'avant-projet consolidé du SNIT indique qu'en 2008, 16 % des chaussées et 12 % des ouvrages d'art du réseau routier non concédé avaient un mauvais indice de qualité 7 ( * ) . Dans le domaine routier, les PDMI et les crédits affectés à l'entretien des routes nationales connaissent une évolution inquiétante alors que les besoins sont croissants. Toute baisse dans les crédits d'entretien d'un réseau d'infrastructure de transport est non seulement inutile, puisque les travaux devront tôt ou tard être réalisés, mais contre-productive, car leur coût est alors plus élevé. Du point de vue des utilisateurs, la peine est même triple : avant l'engagement des travaux, la qualité du réseau se détériore ; les travaux engagés sont plus chers et sont financés sur des fonds publics ; enfin, les travaux durent plus longtemps, pénalisant là aussi les utilisateurs.

Il est d'ailleurs à craindre que la généralisation progressive de la circulation des poids lourds de 44 tonnes aggrave fortement le mauvais état de certaines routes . En effet, par un décret du 17 janvier 2011, le passage à 44 tonnes de la limite du poids total autorisé en charge des poids lourds est entré en vigueur immédiatement pour le transport des produits agricoles et agroalimentaires, et reporté à la date de mise en application de l'écoredevance poids lourds (également appelée éco-taxe poids lourds) pour tous les autres produits. Quant à l'obligation d'un sixième essieu pour les transports au-delà de 40 tonnes, elle entrera en vigueur à compter de 2014 pour les véhicules neufs, et pour tous les véhicules à compter de 2019. Les défenseurs de cette mesure soulignent que de nombreux poids lourds dépassent d'ores-et-déjà la limite de 40 tonnes, et que la généralisation de la circulation des 44 tonnes est conditionnée à l'entrée en vigueur de la taxe poids lourds, qui est constamment reportée (voire infra ). D'autres observateurs font remarquer que l'on ne dispose pas de données complètes sur le réseau routier, et que l' « agressivité » des poids lourds sur les chaussées pourrait augmenter de 10 % à 20 % pour les chaussées hydrocarbonées (chaussée bitumeuse épaisse GB) et entre 40 et 70 % pour les chaussées à liant hydraulique (chaussée en grave ciment GC, ou renforcement en grave laitier GL). En définitive, l'augmentation des coûts d'entretien due à la généralisation des 44 tonnes pourrait atteindre 2 % pour les chaussées à fort trafic, et environ 4 % pour les chaussées à faible trafic, avec sans doute des disparités importantes suivant les types de trafic et la nature des chaussées.

LA MODERNISATION DES ROUTES EN FRANCE

Il convient de distinguer les routes qui sont gérées par les départements , et dont l'entretien est permis grâce à des dotations de l'État depuis l'acte II de la décentralisation de 2005, et les routes appartenant au réseau routier national (autoroutes non concédées et routes nationales).

L'entretien et l'exploitation du réseau routier national sont assurés par des dotations budgétaires . Les crédits affectés à l'action n° 12 « Entretien et exploitation du réseau routier national » du programme n° 203 « Infrastructures et services de transports », qui relève de la mission budgétaire « Écologie », connaissent une baisse drastique dans le projet de loi de finances pour 2011 (moins 27 % en autorisation d'engagement), pour s'établir à 302,2 millions d'euros , soit une diminution de 112 millions d'euros. Au total, les crédits de paiement globalisés de cette action, prévus dans le projet de loi de finances pour 2011, baissent de 126 millions d'euros : les crédits budgétaires de paiement baissent de 19,7 %, et de 17,2 % pour les fonds de concours et les attributions de produits.

Quant à la modernisation du réseau routier national, elle est assurée par les plans de modernisation des itinéraires routiers ( PDMI ). Ces programmes de développement et de modernisation des itinéraires ont pris la suite du volet « routier » des contrats de plan État-région, rebaptisés depuis contrats de projets État-région. Désormais, ces contrats comprennent un volet transport pour les modes ferroviaire et fluvial, tandis que les PDMI sont négociés en parallèle mais ne concernent que la modernisation des routes, et non leur entretien. Les établissements publics de coopération intercommunale, comme les communautés d'agglomération, participent parfois à leur financement. Les PDMI conclus pour la période 2009-2014 représentent 6 milliards d'euros , dont 60 % est supporté par l'État, à travers l'AFITF , et 40 % par les collectivités territoriales. Le ratio est donc l'inverse de celui observé dans l'ancien volet « routier » des contrats de plan. Toutefois, de grandes disparités existent entre régions. Ainsi, la part de l'État atteint quasiment 100 % en Auvergne ou en Poitou-Charente, tandis que la région Île-de-France s'est engagée à financer les 2/3 du PDMI (787 millions d'euros contre 460 pour l'État). Dans les faits, les négociations entre l'État et les régions sont constantes et difficiles et elles donnent lieu à des ajustements des deux parts.

Par conséquent, votre groupe de suivi demande au Gouvernement un audit des besoins de rénovation des réseaux existants, comportant un diagnostic précis et un échéancier des coûts, et réalisé par un organisme indépendant et extérieur. En matière fluviale, le Parlement a déjà demandé au Gouvernement un audit sur la régénération du réseau fluvial à vocation de transport de marchandises, et son coût financier, mais ce rapport, comme de nombreux autres malheureusement, n'est toujours pas déposé 8 ( * ) . Dans le domaine ferroviaire, suite au fameux rapport de l'École polytechnique de Lausanne en 2005 (rapport Rivier), d'importants travaux de régénération du réseau ont été entrepris pour pallier des années de manque d'entretien, mais leurs effets tardent à se faire sentir auprès des passagers et des clients du fret ferroviaire. Quant au secteur routier, qui concentre plus de 80 % du transport de marchandises, il doit faire l'objet de la même attention que les autres réseaux. L'Union routière de France (URF) défend une idée comparable 9 ( * ) .

Votre rapporteur exprime sa préférence pour le choix d'un organisme scientifique relevant d'un État européen autre que la France afin d'élaborer un audit dont l'objectivité ne pourrait être contestée, à l'instar du rapport Rivier pour le réseau ferroviaire en 2005.


* 6 Cf. le Livre Blanc, « Feuille de route pour un espace européen unique des transports - Vers un système de transport compétitif et économe en ressources », COM(2011) 144 final, 28 mars 2011.

* 7 Cf . l'avant-projet consolidé de SNIT, op. cit , p. 97.

* 8 Le dernier alinéa du V de l'article 11 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement indique que « Le Gouvernement remet au Parlement, dans les six mois suivant l'adoption de la présente loi, un rapport sur la nécessité de rénovation des barrages manuels du réseau fluvial magistral, sur le coût global de ces interventions et les modalités de financement, ainsi que sur la régénération du réseau fluvial à vocation de transport de marchandises, et l'effort financier pluriannuel consenti à ce titre par l'État ».

* 9 Parmi les 7 propositions de l'URF sur le SNIT, il convient de rappeler la proposition n° 3 « diagnostiquer la situation actuelle, intermédiaire et prospective en identifiant notamment les points de congestion chronique et en présentant les solutions apportées par les différents modes », ainsi que la proposition n° 7 « gagner en réalisme et faire du SNIT un document de programmation assorti d'un échéancier financier global pour l'investissement, l'exploitation, la modernisation et l'entretien du réseau existant ».

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page