2. La responsabilité des différentiels de demande interne est également en cause

Comme on l'a observé, l'atonie prolongée de la demande intérieure allemande a créé un décalage avec la demande de ses partenaires.

Le graphique ci-dessous illustre cette divergence, pour la France et l'Allemagne. Elle a été encore plus nette avec nombre d'autres pays européens.

L'Allemagne n'est pas la seule responsable d'un différentiel de demande dont les effets sur les déséquilibres courants passent également par une inadéquation des rythmes de demande des pays déficitaires avec leurs capacités de production.

Mais, ce dernier déséquilibre voit ses effets aggravés par les pertes d'opportunité d'exportation que la langueur de la demande intérieure en Allemagne fait subir à ses partenaires.

C'est d'ailleurs sur ce point qu'insistent la Commission européenne et le FMI dans leurs rapports les plus récents qui appellent à une résorption des déséquilibres courants en Europe et dans le monde où les pays excédentaires joueraient leur rôle.

La baisse du poids relatif de la demande intérieure de l'Allemagne dans la zone euro entre 2000 et 2008 est frappante. Elle représentait 30,1 % de la demande intérieure en zone euro en 2001. En 2008, elle avait reculé de 4,2 points pour ne s'élever qu'à 25,9 % de ce total.

3. Les déséquilibres commerciaux créent des problèmes différents mais croissants avec leur niveau

L'accroissement des excédents de l'Allemagne repose sur la combinaison de gains de parts du marché pour les exportations et d'une faible demande intérieure. Ses effets varient selon les États. Il est particulièrement élevé pour les pays qui ne participent pas au « mécano industriel » allemand et sont en concurrence directe avec les exportateurs du pays.

a) Un effet sur la croissance des partenaires

La mesure des externalités entre pays est compliquée par le fait que les variations des parts de marché doivent être imputées à chaque partenaire ce qui est une opération nécessairement approximative. De même, le lien entre les constats portant sur le rythme de la demande interne de chacun et ses importations ne débouche sur des conclusions quant à ses effets sur les exportations des partenaires que moyennant des hypothèses sur l'élasticité existant entre ces deux variables. Or, les élasticités peuvent évoluer dans un contexte de modifications des spécialisations des économies.

C'est sous ces réserves qu'il faut considérer les résultats des estimations de l'effet des excédents allemands sur chaque pays.

Une estimation proposée par l'OFCE a estimé le « coût d'Outre-Rhin » pour la France à environ 0,3 point de PIB entre 2004 et 2007.

Pour l'OFCE, ce ralentissement de la croissance française proviendrait à la fois des pertes de parts de marché associées à l'amélioration de la compétitivité-coût de l'Allemagne et des incidences de l'atonie de la demande intérieure dans ce pays 64 ( * ) .

Si les externalités bilatérales sont sujettes à caution, il est peu contestable que la constitution d'excédents croissants par l'Allemagne exerce des effets dépressifs sur la croissance globale de ses partenaires. Si le processus est, au mieux, à somme nulle en Allemagne, il est également, au mieux, à somme nulle en Europe.

Pour les pays dont la croissance est freinée par les excédents du partenaire, se pose un problème de soutenabilité de leur croissance (v. infra) qui peut se doubler d'un problème plus structurel.

Si leur déséquilibre les éloigne de leur croissance potentielle un cercle vicieux peut intervenir où l'écart négatif de croissance abaisse le taux de croissance potentielle.

Enfin, l'accumulation continue d'excédents traduit une indifférence à des objectifs justifiés de réglage macroéconomique en Europe. Dans une union économique regroupant des économies susceptibles de subir des chocs asymétriques et diversement résilients à ces chocs, il serait justifié qu'une économie relativement plus développée et disposant, même si c'est du fait de sa compétitivité, d'excédents courants joue un rôle coopératif. Celui-ci implique qu'un tel pays suive une trajectoire flexible et contracyclique qui suppose de relativiser la priorité accordée à la constitution d'excédents courants.

b) Un effet sur la soutenabilité de l'endettement des partenaires

Le creusement d'un déficit commercial extérieur s'accompagne de la montée de l'endettement des pays dans lesquels il se produit.

La charge de la dette peut à terme créer un problème de soutenabilité de l'endettement extérieur :

- dans une telle trajectoire, la hausse des charges d'intérêt suppose d'y consacrer une partie croissante des capacités d'épargne au détriment d'autres emplois plus porteurs de croissance ;

- si le remboursement de la dette apparaît compromis, une crise de solvabilité risque de se déclencher.


* 64 L'OFCE considère, en effet, que la moitié environ des pertes de parts de marché des exportations françaises entre 2002 et 2006 a été causée par la divergence des coûts salariaux allemands.

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