C. APPROFONDIR LA COOPÉRATION EN MATIÈRE DE POLITIQUE ÉTRANGÈRE ET DE DÉFENSE

Si l'Union européenne veut jouer un rôle accru sur la scène internationale et parvenir à faire entendre sa voix dans la mondialisation, face aux États-Unis ou à des puissances émergentes comme la Chine ou l'Inde, il est indispensable de renforcer les liens avec la Russie en matière de politique étrangère et de sécurité.

En sa qualité de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, la Russie représente, en effet, un partenaire privilégié de l'Union européenne en matière de politique étrangère. Ainsi, sur le dossier du nucléaire iranien, la concertation étroite menée par la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni et la Russie a permis de faire des propositions constructives à l'égard de Téhéran.

Qu'il s'agisse du processus de paix au Proche Orient ou des évènements récents au Sud de la Méditerranée, comme l'intervention de l'OTAN en Libye ou encore la répression en Syrie, il est indispensable d'entretenir un dialogue régulier avec la Russie.

Or, malgré la volonté de l'Union européenne d'assurer à la Russie sa place dans l'architecture européenne de sécurité, il faut reconnaître que la coopération dans ce domaine est restée limitée.

Ainsi, l'Union européenne, comme l'OTAN, n'a pas donné suite à la proposition du Président Dimitri Medvedev d'un nouveau traité sur la sécurité en Europe, présentée le 29 novembre 2009.

Certes, la Russie est le seul pays tiers avec lequel l'Union européenne a institutionnalisé des consultations régulières au niveau du Comité politique et de sécurité ou au niveau de l'État-major de l'Union européenne.

Mais ne pourrait-on pas envisager d'aller plus loin et réunir périodiquement une sorte de Conseil Union européenne-Russie en matière de politique étrangère sur le modèle du Conseil OTAN-Russie, comme je l'avais proposé dans mon précédent rapport de 2007 ?

Dans cette optique, l'Union européenne devrait soutenir l'initiative germano-russe dite de Meseberg, visant à créer un comité de politique et de sécurité Union européenne-Russie, qui réunirait périodiquement le Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et le ministre russe des affaires étrangères.

L'initiative de Meseberg

Le 5 juin 2010, à Meseberg, la chancelière allemande Angela Merkel et le président de la Russie Dimitri Medvedev ont proposé de créer un « comité de politique et sécurité Union européenne-Russie au niveau ministériel » entre la Haute représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et le ministre russe des Affaires étrangères.

La création d'un tel comité correspond à une forte attente de la partie russe, que le ministre russe des affaires étrangères, M. Lavrov, a réitérée dans un projet de mémorandum d'entente adressé à la Haute représentante, Mme Catherine Ashton, en mars 2011.

Si la France soutient cette initiative, plusieurs Etats membres ont manifesté des réticences vis-à-vis de la proposition russo-allemande et ont souhaité que l'Union européenne demande, comme préalable, des gestes concrets de la Russie sur le dossier de la Transnistrie.

La création d'un tel comité, qui pourrait d'ailleurs se faire à partir d'une réforme du Conseil de partenariat sur les Affaires étrangères, permettrait à l'Union européenne et à la Russie de renforcer leur dialogue sur les grandes questions internationales et de sécurité.

Une autre priorité importante tient au renforcement des relations entre l'Union européenne et la Russie en matière de sécurité et de gestion de crises .

La Russie a apporté une contribution importante à l'opération de l'Union européenne au Tchad et en République centre-africaine (EUFOR-Tchad), de décembre 2008 à mars 2009, en mettant à la disposition de l'Union européenne quatre de ses hélicoptères avec leur équipage. La Russie coopère également avec l'Union européenne en ce qui concerne l'opération ATALANTA de lutte contre la piraterie maritime au large des côtes somaliennes.

Toutefois, la pratique a montré les limites des accords ad hoc , comme cela avait été le cas pour la participation russe à l'opération EUFOR-Tchad, notamment compte tenu des délais de ratification.

La Russie et l'Union européenne envisagent donc de négocier un accord-cadre sur la participation russe aux opérations extérieures de l'Union européenne.

La Russie a transmis à l'Union européenne, lors du Sommet Union européenne-Russie de Rostov-sur-le-Don, des 31 mai et 1 er juin 2010, un projet d'accord qui reprend pour l'essentiel le contenu de l'accord EUFOR-Tchad, et qui, d'après les interlocuteurs rencontrés à Bruxelles, constitue une base de travail acceptable pour l'Union européenne.

La Russie exprime toutefois deux fortes exigences concernant le futur accord. D'une part, la Russie voudrait être associée de manière étroite aux décisions de l'Union européenne en ce qui concerne ses soldats impliqués dans les opérations. D'autre part, la Russie veut être reconnue comme un partenaire égal de l'Union européenne, et, en conséquence, souhaiterait que l'accord soit conclu sur une base réciproque.

Ces deux exigences soulèvent des difficultés pour plusieurs Etats membres, qui souhaitent préserver l'autonomie de décision de l'Union européenne et qui n'envisagent pas de placer des soldats européens sous commandement russe.

Pour autant, la conclusion d'un accord-cadre sur la participation russe aux opérations extérieures de l'Union européenne permettrait de donner un nouvel élan aux relations en matière de sécurité.

L'Union européenne et la Russie pourraient notamment, sur la base de cet accord, lancer des opérations communes, par exemple en Transnistrie.

De même, la coopération entre l'Union européenne et la Russie en matière d'armement, notamment avec l'agence européenne de la défense, pourrait être fortement développée. On pense notamment aux avions de transport très gros porteurs ou au futur avion de combat de nouvelle génération. A cet égard, l'achat de bâtiments de projection et de commandement (BPC) de type Mistral à la France par la Russie constitue un signal positif. Afin de renforcer la coopération dans ce domaine, on peut d'ailleurs se demander s'il ne serait pas opportun de revoir les règles posées par l'arrangement de Wassenaar, en matière de contrôle des exportations d'armes conventionnelles et de biens et technologies à double usage, qui date de 1994 et qui semble un peu dépassé depuis la fin de la guerre froide.

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