C. DES FACTEURS STRUCTURELS DE FAIBLESSE DE LA FILIÈRE BOVINE FRANÇAISE
1. Des prix tirés à la baisse par une concurrence exacerbée
a) La concurrence interne : l'importance des vaches laitières de réforme
Les viandes produites à partir du troupeau de vaches allaitantes représentent aujourd'hui 58 % du total des viandes produites en France . Ce chiffre s'élevait à 52 % au milieu des années 1990.
Le reste de la production est assurée par l'abattage des vaches laitières de réforme . Avec la fin des quotas laitiers en 1984, combinée à l'augmentation de la productivité des vaches laitières 14 ( * ) , le cheptel laitier a diminué, passant de plus de 7 millions au début des années 1980 à 3,67 millions de têtes en 2009. Le rythme de réduction du cheptel laitier 15 ( * ) est à peu près le même que celui de la hausse de productivité, permettant le maintien de la production laitière sur moyenne période.
Cette tendance est commune à l'ensemble de l'Europe. La fin des quotas laitiers au 1 er avril 2015 ouvre une ère d'incertitudes, même s'il est probable que le dimensionnement des troupeaux ne sera pas bouleversé à court terme.
L'importance des apports sur le marché des vaches de réforme pèse sur le marché de la viande bovine issue de races à viande. Ainsi, lorsque le prix du lait a été élevé, les éleveurs laitiers ont eu tendance à davantage maintenir les bêtes dans les élevages, pour maximiser leur production, dans la limite de leur quota.
A l'inverse, en 2008-2009, lorsque le prix du lait était faible, les éleveurs se sont séparés de manière anticipée des vaches les plus âgées, les moins productives, et ceci a pesé à la baisse sur les prix de la viande bovine issue du cheptel allaitant.
Le marché de la viande bovine est donc marqué par un paradoxe : la vache de réforme, coproduit de la production de lait, a tendance à fixer le prix directeur des vaches à viande .
b) La concurrence externe : la pression des pays exportateurs
Si la balance commerciale de la France en matière de viande bovine est excédentaire lorsque l'on intègre les échanges concernant les animaux vifs, elle devient déficitaire de l'ordre de 7 à 8 % lorsqu'on limite l'analyse à la viande seule.
La concurrence intra-européenne s'exerce modérément sur le marché national, car la consommation des ménages en France reste orientée vers la viande d'origine française.
L'Europe est légèrement déficitaire en viande bovine, puisqu'elle produit 7,9 millions de tonnes équivalent carcasse pour une consommation de l'ordre de 8,2 millions de tonnes. Les importations, pour 375 000 tonnes en 2010, sont 30 % plus faibles qu'en 2007, du fait d'une pression moins forte des concurrents sud-américains. Le renchérissement des importations est renforcé par les phénomènes monétaires.
Cependant, les exportateurs d'Amérique du Sud, principalement le Brésil, l'Argentine et l'Uruguay, sont un fournisseur important du marché européen de la viande bovine. Ils assurent 70 % des importations européennes en la matière, essentiellement sous forme de pièces désossées.
L'ouverture du marché européen à une concurrence extérieure plus forte est une cause majeure d'inquiétude . D'après la Commission européenne, le taux de protection douanière de la viande bovine est actuellement de 70 % de la valeur des produits. Or, cette protection pourrait baisser sous l'effet :
- d'un accord conclu dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), à l'issue du cycle de Doha lancé en 2001. Le taux de protection pourrait tomber à 25-30 % ;
- d'un accord bilatéral entre l'Union européenne et les pays du MERCOSUR, qui aboutirait à l'ouverture d'un contingent tarifaire supplémentaire d'importation de viande bovine en franchise de droits. Les services de la Commission européenne estiment qu'un tel accord aurait un impact global négatif sur le revenu agricole dans l'Union européenne de 0,5 à 3,2 % 16 ( * ) .
On ne peut totalement exclure un scénario dans lequel les producteurs européens de viande bovine auraient à faire face à la fois à une concurrence accrue des pays du MERCOSUR en vertu d'accords bilatéraux ouvrant leurs contingents et des même pays en vertu d'accords multilatéraux passés sous l'égide de l'OMC, qui prévoiraient également des baisses de droits de douane.
* 14 Les gains de productivité des vaches laitières sont estimés à + 1,6 % de lait par vache et par an environ entre 2003 et 2009.
* 15 La réduction du cheptel de vaches laitières s'élève à 1,5 % par an, soit 30 000 vaches en moins chaque année.
* 16 Source : Agra Presse, n° 3300, 9 mai 2011.